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Décisions

CA Versailles, 16e ch., 20 février 2014, n° 13/02298

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Avel

Conseillers :

Mme Massuet, Mme Lelievre

CA Versailles n° 13/02298

20 février 2014

FAITS ET PROCEDURE,

Par jugement rendu le 30 mai 2008, assorti de l'exécution provisoire, le Conseil des prud'hommes de CERGY-PONTOISE a condamné solidairement Hamid A. et Jamila S. épouse A. à payer à Diana P. la somme de 108.440,63 €.

Diana P. a fait diligenter le 27 janvier 2009, une saisie attribution entre les mains de Sarah A., portant sur les loyers dont celle-ci se trouve être débitrice envers sa mère Jamila A., au titre d'un contrat de bail relatif à un bien immobilier situé [...], dont le loyer mensuel s'élève à 650 €, ce afin d'obtenir paiement de la somme de 116.282,60 € .

Par ordonnance du 3 avril 2012, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance PONTOISE a autorisé Diana P. à faire procéder à l'inscription d'une hypothèque judiciaire provisoire sur les droits et parts indivises de l'immeuble situé [...] dont Sarah A. est propriétaire ;

Sarah A. n'ayant jamais versé les loyers saisis, par acte d'huissier du 1er juin 2012, Diana P. l'a faite assigner devant le juge de l'exécution de PONTOISE aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 108.440 € et la consolidation en inscription définitive de l'inscription d'hypothèque judiciaire prise le 9 mai 2012, et sa condamnation à lui payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

Vu l'appel interjeté le 22 mars 2013 par Sarah A. du jugement rendu le 25 février 2013 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de PONTOISE qui a :

- déclaré régulière l'assignation délivrée par Diana P.,

- reçu Diana P. en sa demande de titre exécutoire,

- rejeté la demande de cantonnement de la saisie,

- l'a condamnée à payer à Diana P. la somme de 108.440 €,

- rejeté sa demande de délais de paiement,

- ordonné la consolidation en inscription définitive de l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire prise le 9 mai 2012 sur les parts et portions indivises dont elle est propriétaire sur un immeuble situé [...] cadastré sections 000 OK 75 et 000 OK 77,

- l'a condamnée à payer à Diana P. la somme de 800 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure, ainsi qu'aux dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 22 mai 2013 par lesquelles Sarah A. poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, demande à la cour de :

- à titre principal, déclarer nulle et de nul effet l'assignation délivrée le 1er juin 2012,

- subsidiairement débouter Diana P. de sa demande de condamnation,

- à titre infiniment subsidiaire, dire qu'elle n'est redevable envers Diana P. que d'une somme de 4.550 €,

- lui accorder un délai de 6 mois pour s'en acquitter,

- lui accorder, suivant le montant des condamnations qui seront prononcées, un délai de grâce de 60 mois ou de 24 mois pour s'en acquitter,

- en tout état de cause, ordonner la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire inscrite le 9 mai 2012 sur ses parts et droits indivis dans l'immeuble situé à AGDE,

- ramener les sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 15 juillet 2013 par lesquelles Diana P. conclut à la confirmation du jugement déféré et demande à la cour de débouter Sarah A. de l'ensemble de ses demandes, et, y ajoutant, condamner celle-ci à lui payer la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture du 19 novembre 2013 ;

SUR QUOI, LA COUR

Sur la demande en annulation de l'assignation

Considérant que Sarah A. invoque sur le fondement de l'article 56 du code de procédure civile , la nullité de l'acte introductif d'instance en faisant valoir que l'assignation délivrée le 1er juin 2012 n'est pas fondée en droit, faute de viser des dispositions en vigueur à la date de sa délivrance ; qu'elle observe à cet égard que les dispositions issues de la loi du 9 juillet 1991 et du décret du 31 juillet 1992 ont été abrogées par l'ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 et le décret n° 2012-783 du 30 mai 2012 instituant le code des procédures civiles d'exécution entré en vigueur le 1 er juin 2012 ;

Considérant que selon l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation contient à peine de nullité l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ;

Qu'en l'espèce, l'assignation critiquée est motivée en fait et en droit ; que le fait qu'elle vise les anciens textes, en vigueur à la date à laquelle a été pratiquée la saisie-attribution litigieuse, lesquels ont été codifiés à droit constant par l'ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 et le décret n° 2012-783 du 30 mai 2012 'sous la seule réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés', n'a causé aucun grief à Sarah A. ; qu'en outre Diana P. a, dans ses écritures postérieures, visé les textes dans leur nouvelle appellation, de sorte que Sarah A. n'est pas fondée à se plaindre d'une absence de motivation de l'acte introductif d'instance ; que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité de l'assignation ;

Sur l'autorité de la chose jugée

Considérant que Sarah A. maintient devant la cour la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée ; qu'elle se prévaut pour ce faire du jugement aujourd'hui définitif rendu le 30 mai 2008 par le Conseil de prud'hommes de CERGY PONTOISE, devant lequel elle avait été attraite par Diana P. en même temps que son frère et ses parents afin de les voir condamner à payer diverses sommes à titre de rappels de salaires et accessoires de celui-ci et rappelle que Diana P. a été déboutée des demandes dirigées contre elle ; que de même elle fait valoir que par jugement rendu le 27 juillet 2006, le tribunal correctionnel de PONTOISE (6ème chambre) l'a relaxée des fins de la poursuite pour travail dissimulé, aide à l'entrée et au séjour irrégulier et rétribution inexistante ou insuffisante du travail ;

Mais considérant que le premier juge a exactement rappelé qu'en application de l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et suppose notamment que la demande soit fondée sur la même cause ;

Que l'objet du présent litige porte sur l'exécution du titre constitué par les décisions susvisées à l'encontre de Hamid A. et de Jamila A. ; que Sarah A. est attraite à cette instance en qualité de tiers saisi, détentrice de sommes qu'elle doit à Jamila A., débitrice de Diana P. ; qu'en l'absence totale d'identité de cause entre le présent litige et les décisions auxquelles Sarah A. fait référence, la fin de non recevoir invoquée totalement inopérante, doit être rejetée ;

Sur l'effet et les conséquences de la saisie-attribution litigieuse

Considérant qu'il résulte de l'article R. 211-6 du code des procédures civiles d'exécution que le tiers saisi procède au paiement sur la présentation d'un certificat délivré par le greffe ou établi par l'huissier qui a procédé à la saisie attestant qu'aucune contestation n'a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie ;

Que selon l’article R 211-9 du même code, en cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu'il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant le juge de l'exécution qui peut délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi ;

Que dans le cas des saisies-attribution à exécution successive comme en l'espèce, selon l' article R. 211-15, en l'absence de contestation, les sommes échues après la saisie sont versées sur présentation du certificat prévu à l' article R 211-6 , le tiers saisi se libérant au fur et à mesure des échéances, entre les mains du créancier saisissant ;

Considérant que pour s'opposer au paiement des loyers échus depuis l'acte de saisie-attribution qu'elle n'a pas contesté, Sarah A. prétend qu'elle ne peut être jugée débitrice que des loyers dus par elle entre le 1er juin 2009 et le 31 décembre 2009, soit 4.550 €, au motif que depuis cette date, elle ne serait plus locataire des lieux ; qu'elle fait valoir au soutien de son affirmation, qu'elle a créé le 4 juin 2009 un fonds de commerce de vins et liqueurs sis [...] et que les trajets étant devenus trop longs elle s'est 'rapprochée de son lieu de travail pour résider à la même adresse'; qu'en raison des liens d'affection l'unissant à sa mère, elle n'a effectué aucune dénonciation de congé avant son départ ;

Mais considérant qu'il incombe à Sarah A. de rapporter la preuve de la fin du contrat de bail générant les loyers sur lesquels porte la saisie ; qu'à ce jour elle ne s'est pas conformée aux dispositions de l'article R. 211-17 alinea 2 du code des procédures civiles d'exécution qui lui font obligation lorsque le tiers saisi cesse d'être tenu envers le débiteur, d'en informer le créancier par lettre recommandée avec avis de réception ;

Que non seulement Sarah A. ne justifie pas de la résiliation du bail mais qu'il résulte de son inscription au registre du commerce et des sociétés dont l'extrait produit est en date du 1er novembre 2010, qu'elle s'est domiciliée au [...] correspondant à l'adresse du bail ; que c'est d'ailleurs cette adresse qui est mentionnée sur ses dernières conclusions signifiées le 22 mai 2013 ; que l'attestation de la mère de Sarah A. est dépourvue de toute force probante compte tenu de sa qualité de débitrice et de bailleresse ;

Que Sarah A. ne rapporte pas la preuve de la cessation du bail ;

Qu'un certificat de non contestation de la saisie-attribution a été dressé par l'huissier le 23 mars 2009, signifié à Sarah A. le 31 mars 2009 ; que celle-ci a écrit à l'huissier le 6 avril 2009 qu'elle se reconnaissait débitrice des loyers qu'elle ne manquerait pas de lui adresser, sans jamais avoir tenu cet engagement ;

Qu'il en résulte qu'en application des textes susvisés, Sarah A. doit être condamnée à hauteur de l'étendue de son obligation au titre du bail, soit à ce jour au paiement de la somme de 38.350 € (650 € x 59 mois) correspondant aux loyers dus entre le 1er avril 2009 et le 28 février 2014; que le jugement doit être réformé sur le quantum de la condamnation prononcée à l'encontre de Sarah A., qui reste cependant débitrice envers Diana P. des loyers à échoir à compter du 1er mars 2014 ;

Considérant qu'eu égard à l'ancienneté de la dette qui remonte à 2008 et à l'effet attributif immédiat par nature d'une saisie-attribution, Sarah A. doit être déboutée de sa demande de délai de paiement, d'autant que la mesure de saisie date de 2009 ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Considérant que le présent arrêt permettra de convertir en inscription définitive l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire prise le 9 mai 2012 sur les parts et portions indivises dont Sarah A. est propriétaire sur un immeuble situé [...] cadastré sections 000 OK 75 et 000 OK 77 .

Considérant que le tribunal a exactement statué sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, le jugement sera confirmé de ces chefs ;

Considérant que Sarah A. qui succombe en son recours sera condamnée aux dépens d'appel ;

Que l'équité commande d'allouer à Diana P. la somme de 2.000 € au titre des frais non compris dans les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de Sarah A. ,

Statuant à nouveau du chef réformé et ajoutant au jugement entrepris,

Condamne Sarah A. à payer à Diana P. la somme de 38.350 €,

Condamne Sarah A. à payer à Diana P. la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne Sarah A. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.