CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 22 mars 2023, n° 20/05363
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
CHARENTON (SCI)
Défendeur :
MARIONNAUD LAFAYETTE (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme RECOULES
Conseillers :
M. BERTHE, Mme GIROUSSE
Avocats :
Me ETEVENARD, CABINET NICOLAS &, Me CHEVILLER, SELEURL AGDC AVOCAT
Par acte sous seing privé du 30 décembre 1993, la société Axa Assurances IARD a donné à bail commercial à la société Melina des locaux d'une surface de 152,72 m2 situés au [Adresse 3] (94), pour une durée de douze ans et contre paiement d'un loyer annuel de 196 272 francs.
Les sociétés ING Lease France et Dolmea Real Estate, puis la SCI Charenton sont venues aux droits du bailleur. Le bail a été renouvelé pour une durée de neuf ans et contre paiement d'un loyer de 55 000 euros HT/HC, à compter du 1er avril 2006, par avenant conclu le 20 février 2008 par la SCI Charenton et la société Marionnaud Lafayette.
Par exploit d'huissier signifié le 19 décembre 2014, le preneur, devenu la société Marionnaud Lafayette, a sollicité le renouvellement du bail aux clauses et conditions du bail expiré, à l'exception du loyer réévalué à la somme annuelle de 50 000 euros.
Par acte extrajudiciaire signifié le 10 mars 2015, le bailleur a notifié son refus de renouveler le bail et a proposé le versement d'une indemnité d'éviction.
Par ordonnance du 24 septembre 2015, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Créteil a ordonné la désignation d'un expert judiciaire aux fins d'évaluation du montant des indemnités d'éviction et d'occupation. M. [O] [L] a été désigné en qualité d'expert judiciaire, et a déposé son rapport définitif le 07 février 2017, dans lequel il évalue le montant de l'indemnité d'éviction à 1 460 000 euros et le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 57 600 euros HT et HC à compter du 1er avril 2015.
Par exploit d'huissier délivré le 28 mars 2017, la société Marionnaud Lafayette a fait assigner la SCI Charenton aux fins de paiement d'une indemnité d'éviction.
Par jugement du 13 mars 2020, le tribunal judiciaire de Créteil a :
- rappelé que le bail commercial liant la société Marionnaud Lafayette et la SCI Charenton a pris fin le 30 mars 2015 ;
- condamné [sic] la SCI Charenton à payer à la société Marionnaud Lafayette la somme de 1 282 443,97 euros à titre d'indemnité d'éviction ;
- condamné la société Marionnaud Lafayette à payer à la SCI Charenton la somme de 61 380 euros par an à titre d'indemnité d'occupation, à compter du 1er avril 2015 ;
- précisé que cette indemnité d'occupation sera due jusqu'à son départ effectif des lieux laissés libres de tous occupants et de tous biens suivi de la restitution effective des clefs, qui devra s'effectuer dans le délai imparti par l'article L145-29 du Code de commerce ;
- rappelé que la SCI Charenton devra avoir quitter les lieux au plus tard à l'issue du 3ème mois qui suivra le paiement de l'indemnité d'éviction ;
- condamné la SCI Charenton à payer à la société Marionnaud Lafayette la somme équivalent à la différence entre le montant du loyer et de l'indemnité d'occupation mensuels à compter du 1er avril 2015, lesquels porteront intérêts au taux légal et anatocisme ;- condamné la SCI Charenton à payer à la société Marionnaud Lafayette les sommes dues au titre des frais de curage et de déménagement, après restitution des locaux et sur production de justificatifs ;
- débouté la SCI Charenton de ses demandes en résiliation du bail commercial, ainsi que des demandes accessoires en expulsion et séquestration ;
- débouté la SCI Charenton de sa demande subsidiaire tendant à la réouverture des débats et à la réalisation d'un complément d'expertise ;
- condamné la SCI Charenton au paiement de la somme de 5000,00 euros à la société Marionnaud Lafayette au titre des frais irrépétibles, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SCI Charenton au paiement des entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire, dont les sommes versées à titre de provision par la société Marionnaud Lafayette devront lui être remboursées ;
- dit que les parties procéderont au paiement des sommes susmentionnées sur un compte ouvert auprès d'une CARPA, désignée en qualité de séquestre et chargée de verser l'indemnité d'éviction diminuée de l'indemnité d'occupation contre la remise des clés du local vide ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration du 16 mars 2020, la SCI Charenton a interjeté appel total du jugement.
Par conclusions déposées le 03 septembre 2020, la société Marionnaud Lafayette a interjeté appel incident partiel du jugement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 09 novembre 2022 et Douglas BERTHE, conseiller désigné comme rapporteur.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Vu les dernières conclusions déposées le 03 décembre 2020, par lesquelles la SCI Charenton, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la Cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil le 13 mars 2020 en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau
A ' A titre principal :
- prononcer la résiliation judiciaire du renouvellement bail commercial du 20 février 2008 pour manquements graves en raison de la violation de la clause de destination du bail, la société Marionnaud Lafayette exploitant les locaux loués pour l'activité d'institut de beauté, activité non prévue par ledit renouvellement ;
En conséquence,
- juger que le bail commercial a pris fin au 31 mars 2015, la société Marionnaud Lafayette est occupante sans droit ni titre depuis le 1er avril 2015 ;
- ordonner l'expulsion du locataire et de tous occupants de son chef, des locaux situés [Adresse 3], avec si nécessaire l'intervention d'un huissier, de la force publique et d'un serrurier ;
- ordonner la séquestration des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux, soit dans l'immeuble, soit dans un garde-meuble, au choix de la demanderesse, au frais, risques et périls de la société preneuse ;
- condamner la société Marionnaud Lafayette à payer une indemnité d'occupation fixée à la somme de 85.400 euros par an HT et HC ;
B ' À titre subsidiaire :
Dans l'hypothèse où la société Marionnaud Charenton pourrait prétendre à une indemnité d'éviction, mais où le Tribunal ne s'estimerait pas suffisamment éclairé par le rapport de l'expert :
- constater que la société Marionnaud Lafayette exploite les locaux loués pour l'activité d'institut de beauté, activité non prévue par le renouvellement du bail commercial du 20 février 2008 ;
- ordonner une nouvelle expertise ou un complément d'expertise afin que l'expert judiciaire établisse de nouveaux calculs ne tenant pas compte de l'activité non prévue par la destination du bail, et qu'il puisse s'adjoindre tout sapiteur aux fins d'analyse comptable.
C ' À titre plus subsidiaire :
Dans l'hypothèse où la société Marionnaud Charenton pourrait prétendre à une indemnité d'éviction :
- fixer le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 50.325 € ;
- fixer l'indemnité d'occupation à la somme de 76.860 euros par an HT et HC ;
En cas de condamnation au paiement d'une indemnité d'éviction, ordonner la compensation entre l'indemnité d'occupation due et le montant de l'indemnité d'éviction ;
- désigner en qualité de séquestre en application de l'article L. 145-29 du code de commerce pour recevoir l'indemnité d'éviction le Séquestre juridique de l'Ordre des avocats de Paris.
D ' En toute hypothèse :
- débouter la société Marionnaud Lafayette de l'ensemble de ses fins, prétentions et demandes ;
- condamner la société Marionnaud Lafayette au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Denizot, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions déposées le 27 octobre 2022, par lesquelles la société Marionnaud Lafayette, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la Cour de :
- déclarer l'appel de la SCI Charenton mal fondé et confirmer la décision entreprise qui a rejeté la demande de résiliation du bail consenti à la société Marionnaud Lafayette, l'activité de soins étant connexe et ayant été connue et validée de façon non équivoque par le bailleur et ses auteurs.
- confirmer en conséquence la décision entreprise en ce qu'elle a reconnu au preneur droit à indemnité d'éviction portant tout à la fois sur l'activité de vente de parfums et produits et beauté et sur l'activité de soins.
- la confirmer sur la méthode de calcul du remploi, sur l'évaluation du trouble commercial, des frais de mailing, sur la désignation d'un séquestre et sur la fixation d'une indemnité d'occupation sur la base de superficie de 110 m² B.
- recevoir la concluante en son appel incident, l'y déclarer fondée,
- infirmer le jugement entrepris pour le surplus et juger que l'indemnité principale doit être calculée TVA incluse et porter sur le chiffre d'affaires moyen des trois derniers exercices à concurrence de 95 % de celui-ci ;
- juger que l'EBE doit être valorisé sur la base d'un coefficient 8 compte tenu de la bonne profitabilité du fonds et de son excellent emplacement, dès lors qu'une méthode « mixte » serait adoptée par la Cour pour chiffrer l'indemnité principale ;
- juger n'y avoir lieu à rejeter d'ores et déjà le principe du droit au remboursement des indemnités de licenciement ;
- juger que les frais de réinstallation devront représenter 75% de la dépense du preneur dont il a été justifié à concurrence de 188.258 €, soit la somme de 141.896 € ;
- juger que les frais de déménagement seront évalués à hauteur de 1.187 € ;
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation conformément aux préconisations de l'expert à la somme de 57.600 € et juger que les trop-versés seront productifs d'intérêt outre leur capitalisation en vertu de l'article 1342-3 du code civil.
- condamner en conséquence la SCI Charenton au paiement des indemnités suivantes et ci-dessous récapitulées :
- à titre principal, à la somme de 1.856.633 €,
- à titre subsidiaire, à la somme de 1.754.000 €,
- à titre plus subsidiaire, à la somme de 1.637.262 €,
- à titre plus subsidiaire, à la somme de 1.547.791 €,
- à titre plus subsidiaire, à la somme de 1.436.891 €
- à titre plus subsidiaire, à la somme de 1.359.442 €.
- confirmer la décision entreprise sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens et accorder à la société Marionnaud Lafayette une indemnité complémentaire au titre des frais irrépétibles de 5.000 € que le bailleur sera condamné à régler outre sa condamnation aux entiers dépens de la présente instance qui incluront les frais d'expertise.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, leur position sera synthétisée.
Sur la résiliation du bail :
La société SCI CHARENTON fait valoir que le juge peut prononcer la résiliation judiciaire d'un bail commercial alors même que celui-ci a pris fin par l'effet d'un congé du bailleur avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction, dès lors qu'il est justifié de manquements suffisamment graves et intervenus après la délivrance du congé, que le bailleur peut invoquer une infraction qui existait antérieurement au congé, mais dont il a eu connaissance postérieurement, qu'au terme de l'article 1728 du Code civil, le preneur est tenu « d'user de la chose louée suivant la destination qui lui a été donnée par le bail », que le preneur ne peut modifier unilatéralement la clause de destination sans l'accord du bailleur, que le changement de destination unilatéral par le locataire constitue un manquement grave ce qui justifie la résiliation, que la simple éventuelle connaissance d'un changement de destination ne peut valoir accord tacite du bailleur sur l'exploitation de la nouvelle activité et qu'une simple connaissance ne suffit pas à caractériser un accord tacite, que des actes clairs et non équivoque sont nécessaires, qu'en l'espèce le bail du 30 décembre 1993 stipule que la destination autorisée est la « vente au détail de prêt à porter féminin et masculin et accessoire s'y rapportant ainsi que le linge de maison, la maroquinerie, parfumerie, chaussures et hygiène », que le locataire exploite les locaux pour une activité d'institut de beauté, ce qui n'est pas prévu par la destination du bail, que l'activité d'institut de beauté n'est pas une vente de marchandises autorisée mais une activité de prestation de service, qu'il s'agit donc d'activités de nature différentes, ni connexes ni complémentaires, qu'il s'agit là d'un manquement grave aux clauses du bail et à l'article 1728 du Code civil, que la preuve de son accord non équivoque n'est pas rapportée.
La société MARIONNAUD LAFAYETTE fait valoir que la destination autorise 6 activités principales, dont l'activité principale de parfumerie, que l'activité reprochée est connexe, que les soins de beauté en institut ont un lien avec la parfumerie, dans la mesure où il s'agit d'activité du secteur de l'esthétique, que la gravité de l'infraction alléguée n'est pas suffisante pour en tirer la conséquence d'une résiliation, que l'activité a été validée sans équivoque par le bailleur, que le plan de géomètre comportant la mention des deux cabines de soins a été paraphé par le gérant de la SCI CHARENTON le 20 février 2008 et joint à l'avenant de renouvellement qui comportait autorisation de travaux, que le bailleur a obtenu en contrepartie un augmentation du loyer de 22 %.
Sur la demande de complément d'expertise :
La société SCI CHARENTON fait valoir que l'indemnité d'éviction ne doit être calculée que sur l'activité autorisée par le bail, qu'il convient de ventiler le chiffre d'affaire ou la rentabilité en fonction de l'activité, que l'expert expose qu'il lui est possible d'estimer la valorisation du fonds par le chiffre d'affaires de la seule branche parfumerie mais qu'il lui est impossible de valoriser le fonds hors activité d'institut de soins par le biais de la rentabilité, qu'en l'état de présentation des comptes, aucune comptabilité analytique n'est produite pour les locaux loués de la société MARIONNAUD LAFAYETTE, que les retraitements internes (opérations internes inter-magasins) ont fait « gonfler » le chiffre d'affaires.
La société MARIONNAUD LAFAYETTE fait valoir que l'expert judiciaire a toutefois évalué les soins à 6% du chiffre d'affaires.
Sur la valeur marchande du fonds :
La société MARIONNAUD LAFAYETTE fait valoir que le fonds est perdu et qu'une valeur de remplacement doit donc être recherchée, que le fonds présente une bonne profitabilité dans un emplacement de qualité dans l'hyper-centre de l'agglomération, que c'est un taux de 95% du CA moyen des trois exercices qui doit être pris en considération, que le multiple de l'EBE, doit être valorisé au coefficient 8.
La SCI CHARENTON fait valoir que l'indemnité d'éviction ne doit être calculée que sur l'activité autorisée par le bail, qu'il y a lieu en conséquence d'écarter cette activité des calculs de l'indemnité principale, que si l'activité d'institut de beauté représente 6,40 % du chiffre d'affaires du dernier exercice, cette activité de prestation de service permet une plus grande marge que l'activité de parfumerie, que deux abattements doivent alors être pratiqués : un premier de 20 % sur le chiffre d'affaires afin de ne tenir compte que de l'activité de parfumerie et un second de 15 % sur l'EBE pour la même raison, qu'au vu de l'emplacement des locaux loués qui n'est pas exceptionnel, le coefficient à retenir sur le chiffre d'affaires HT ne peut dépasser 50 %, que le coefficient de multiple de l'EBE à retenir ne peut pas être supérieur à 5 compte tenu de la qualité de l'emplacement à [Localité 6], du faible montant de l'EBE au regard du chiffre d'affaires et de la marge brute peu importante, qu'ainsi la valeur marchande du fonds est de 610.343,50 €, qu'au vu de ces nombreuses difficultés liées aux documents comptables de la société MARIONNAUD LAFAYETTE, il y a lieu de ne retenir que le calcul du droit au bail.
Sur la valeur du droit au bail :
La société SCI CHARENTON fait valoir que l'expert judiciaire a retenu un loyer plafonné à 63.833 euros par an HT et HC, que toutefois il y a lieu d'appliquer le déplafonnement en raison de la modification de la destination, que la valeur locative est de 700 €/m 2 p et que la surface pondérée est de 122 m 2 p, qu'il y a lieu d'appliquer un coefficient de situation de 5, que la valeur du droit au bail est donc de 45.750 € et qu'il y a lieu de retenir ce montant au titre de l'indemnité principale.
Sur les frais de remploi :
La société SCI CHARENTON fait valoir que le preneur n'a pas exposé de frais réels et ne doivent être payés sur présentation de factures.
La société MARIONNAUD LAFAYETTE fait valoir qu'il est difficile pour le preneur de justifier de frais qu'il n'a pas encore exposés, dès lors qu'ils est toujours dans les lieux, que le bailleur a la charge de la preuve, que la méthode du Tribunal est conforme aux pratiques expertales.
Sur le trouble commercial :
La société SCI CHARENTON fait valoir que qu'il ne peut correspondre à trois mois de résultat d'exploitation car il est impossible de le déterminer à défaut pour l'expert judiciaire d'avoir pu déterminer la rentabilité du fonds hors activité d'institut de beauté et qu'il convient donc d'écarter ce poste.
La société MARIONNAUD LAFAYETTE estime qu'il correspond à trois mois d'EBE, avec subsidiairement une minoration de 6%.
Sur les indemnités de licenciement :
La société SCI CHARENTON fait valoir que ces frais doivent être écartés car en ce que les salariés doivent être reclassés.
La société MARIONNAUD LAFAYETTE fait valoir que l'article L.1233-4 du Code du Travail ne permet pas d'imposer aux salariés le reclassement, de sorte qu'il n'y a pas lieu déroger au principe selon lequel les indemnités de licenciement seront remboursées au preneur en fonction des justificatifs produits après fermeture du fonds.
Sur les frais de réinstallation :
La société SCI CHARENTON fait valoir que les installations sont amorties, qu'il convient d'écarter ce poste d'indemnité en conséquence de la vétusté des installations de la société preneuse et qu'en toute hypothèse, la société preneuse peut toujours reprendre ses aménagements et dans ce cas, aucune somme n'est due à ce titre.
La société MARIONNAUD LAFAYETTE fait valoir que le bailleur a la charge de la preuve, que ces frais sont dus, que les aménagements soient ou non amortis le taux d'abattement ayant trait à la vétusté, que l'expert avait rappelé que les locaux étaient en bon état d'usage et suggéré un
taux de vétusté de 60%, que la vétusté doit être appréciée à la date du congé, soit au 1er avril 2015, que le preneur est par l'effet de l'éviction contraint à une totale inertie au plan de ses investissements,
Sur les frais de déménagement :
La société SCI CHARENTON fait valoir qu'il convient d'écarter ce poste en ce que la société MARIONNAUD LAFAYETTE ne communique ni devis, ni factures ou justificatifs.
La société MARIONNAUD LAFAYETTE fait valoir qu'il a produit un devis.
Sur la fixation de l'indemnité d'occupation :
La société SCI CHARENTON fait valoir qu'elle ne conteste pas le choix du Tribunal qui aurait retenu une surface réelle de 175 m² mais que la surface pondérée totale est de 122 m 2 p, que l'article R. 145-7 code de commerce précise qu'il convient de procéder par comparaison avec les éléments de référence voisins, que le prix unitaire pour fixer l'indemnité d'occupation doit correspondre à la valeur locative, en cohérence avec le marché, même sans motif de déplafonnement.
La société MARIONNAUD LAFAYETTE fait valoir que selon l'expert, la surface réelle est de 158 m² pondérée à 110 m²B, que la valeur unitaire en renouvellement est de 582 € soit 25 % de moins que le prix de marché et l'abattement de précarité de 10%, que sur la commune de CHARENTON, le prix reste égal ou inférieur à 500 €.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la demande de résiliation judiciaire du bail :
Selon les articles 1134, 1741 et 1728 du code civil dans leur rédaction applicable au présent contrat, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, le contrat de bail se résout par le défaut des parties de remplir leur engagement et le preneur est tenu d'user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail. L'article 1227 du Code civil indique que la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice sans qu'une mise en demeure préalable, sauf stipulation contraire, soit nécessaire. Le manquement contractuel doit présenter toutefois une gravité suffisante pour justifier de résiliation du bail. Par ailleurs, l'article L.145-14 du code de commerce dispose que si le bailleur refuse le renouvellement du bail, il doit payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cependant le bailleur peut être dispensé du paiement de l'indemnité d'éviction s'il démontre qu'après avoir délivré son congé, il a eu connaissance d'une infraction au bail qui existait antérieurement à la délivrance de son congé et suffisamment grave pour justifier la résiliation.
En l'espèce, il n'est pas établi que le bailleur ait donné de façon explicite et non équivoque son accord à une extension d'activité. Toutefois, s'il est exact que le bail du 30 décembre 1993 n'autorise que les activités de « vente au détail de prêt-à-porter féminin et masculin et accessoires s'y rapportant ainsi que le linge de maison, la maroquinerie, la parfumerie, chaussure et hygiène » sans référence à une activité de soin esthétique, il résulte de l'avenant au bail signé le 20 février 2008, qu'en contrepartie d'une augmentation de loyer, le bailleur a autorisé le preneur à effectuer d'importants travaux de réaménagement. En effet, l'avenant invite à se reporter à ses annexes, notamment pour déterminer les plans et descriptif des travaux du preneur, incluant la réalisation d'un institut de soins esthétiques de 40,31m², de deux cabines de soins esthétiques de 6,20 m² et 5,90 m² avec soufflage d'air et mobiliers idoines, les annexes contractuelles étant explicitement signées par les parties et dépourvues de toute ambiguïté. Dès lors, le bailleur ne peut nier ne pas avoir eu connaissance de l'activité de soins esthétiques exercée par le preneur avant la délivrance de son congé.
Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé par substitution de motifs.
Sur indemnité d'éviction :
Aux termes de l'article L 145-14 du code de commerce, en cas de congé avec refus de renouvellement, le bailleur doit payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement, l'indemnité d'éviction est destinée à permettre au locataire évincé de voir réparer l'entier préjudice résultant du défaut de renouvellement. Elle comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
Il est par ailleurs usuel de mesurer les conséquence de l'éviction sur l'activité exercée afin de déterminer si cette dernière peut être déplacée sans perte importante de clientèle auquel cas l'indemnité d'éviction prend le caractère d'une indemnité de transfert ou si l'éviction entraînera la perte du fonds, ce qui confère alors à l'indemnité d'éviction une valeur de remplacement.
Il est admis que l'indemnité d'éviction s'évalue à la date la plus proche de l'éviction et que la valeur du fonds de commerce est au moins égale à celle du droit au bail qui s'y trouve incluse.
Sur l'indemnité principale :
- Sur le caractère transférable ou non du fonds de commerce :
L'indemnité d'éviction a pour objet de compenser le préjudice qui résulte pour le locataire de la perte de son droit au bail. Si le fonds de commerce est transférable, l'indemnité principale est qualifiée d'indemnité de déplacement et correspond au minimum à la valeur du droit au bail, élément incorporel majeur du fonds de commerce.
Si le fonds n'est pas transférable, l'indemnité principale correspond à la valeur du fonds et est dite de remplacement et comprend donc la valeur marchande du fonds, déterminée selon les usages de la profession. Si la valeur du droit au bail est supérieure à la valeur marchande du fonds, le locataire doit alors se voir allouer une indemnité de transfert égale à la valeur du droit au bail.
En l'espèce, l'expert a estimé qu'en l'absence de toute possibilité de transfert, le fonds périra du fait de l'éviction. La question de la perte du fonds de commerce n'est pas en soi discutée par les parties. Il s'infère de cette perte que la SCI CHARENTON est tenue au paiement d'une indemnité de remplacement de fonds équivalente à la valeur la plus élevée entre le droit au bail et la valeur marchande du fonds de commerce.
- Sur la valeur du droit au bail :
La valeur du droit au bail se déduit par la différence entre la valeur locative de marché et la valeur du loyer si celui-ci avait été renouvelé, à laquelle il est d'usage d'appliquer un coefficient de situation en fonction de l'attractivité commerciale de la zone où sont situés les locaux.
L'expert relève que la surface prévue au bail est de 152,72m2. Il détermine la surface utile à 158,55 m² et détermine une surface pondérée à 110 m²P. Le bailleur fait valoir que le coefficient appliqué à la deuxième zone de vente entre 5 et 10 mètres de la vitrine n'est pas conforme à la charte de l'expertise. Or la charte de l'expertise en évaluation immobilière, reproduite également en page 27 du rapport de l'expert, justifie l'application du coefficient retenu de 0,80 à cette deuxième zone de vente. Le bailleur conteste en outre le métré des arrières-boutiques relevé par l'expert, sans toutefois apporter de preuve contraire. En revanche, le preneur produit le relevé du géomètre-expert de [R] qui corrobore l'ensemble des relevés de surface utile déterminées par l'expert, notamment sur le total des arrières-boutiques (41.55 m²U).
La surface pondérée de 110 m²P sera donc retenue.
L'expert judiciaire, pour calculer la valeur du droit au bail, écarte tout motif de déplafonnement.
L'article L. 145-34 alinéa 1 dispose en effet qu'à moins d'une modification notable notamment des caractéristiques du local considéré ou de la destination des lieux, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires. C'est précisément l'avenant de renouvellement du bail du 20 février 2008 qui a autorisé la réalisation de travaux en contrepartie d'une majoration du loyer. Aucun élément nouveau n'est ensuite intervenu au cours de la période du bail renouvelé et la destination des locaux n'a pas depuis été contractuellement modifiée par les parties. Il n'y a donc pas lieu à déplafonnement.
L'Expert judiciaire retient ainsi un loyer plafonné à 63 833 euros par an HT et HC, soit 580 €/m²P.
L'expert produit :
- 4 références de locations nouvelles au prix de 441 € à 857 €/m²P,
- 4 références de renouvellements amiables au prix de 413 à 508 € du m²P,
- 2 références de renouvellements judiciaires au prix de 400 et 500 €/m²P.
Il estime ensuite la valeur locative de marché à 775 € du m²P. La SCI CHARENTON ne justifie pas que les prix de marché sur la zone considérée se chiffrent à 850 €/m²P.
La valeur locative de marché s'évalue donc à 85 250 €/an HT HC (775 € x 110 m²P).
L'expert retient un coefficient de situation de 7,5. Le bailleur ne démontre pas en quoi un coefficient de 5, qui correspond à une situation moyenne, serait plus adapté alors qu'il n'est pas contesté que les locaux bénéficient d'une très bonne qualité d'emplacement en centre-ville et dans un environnement d'enseignes. Le coefficient de situation de 7,5 proposé par l'expert sera donc retenu. Il s'en infère donc une valeur du droit au bail de 160 627 € qui sera arrondie par commodité à 161 000 € (85 250 € - 63 833 € x 7,5) .
Sur la valeur marchande du fonds de commerce :
1° L'évaluation de la valeur du fonds de commerce selon l'excédent brut d'exploitation :
L'estimation par la rentabilité consiste à déterminer la capacité du fonds à dégager du profit puis à appliquer à ce résultat un coefficient multiplicateur. La capacité à dégager du profit est généralement calculée à partir de la moyenne de l'excédent brut d'exploitation comptable relevé sur les trois exercices les plus récents.
L'expert judiciaire retient un excédent brut d'exploitation moyen de 161 180 € qu'il valorise selon un coefficient de 7,5, soit 1 208 850 €. L'expert n'a pas été en mesure d'identifier la rentabilité résultant des seules activités autorisées par le bail. L'indemnité d'éviction ne devant être calculée qu'au regard des activités autorisées par le bail, la méthode d'évaluation du fonds de commerce par l'excédent brut d'exploitation ne sera donc pas retenue.
2° L'évaluation de la valeur du fonds de commerce à partir du chiffre d'affaires :
L'estimation par le chiffre d'affaires s'effectue en affectant un coefficient ou un taux à la moyenne des chiffres d'affaires des trois dernières années. Ce taux varie en fonction des caractéristiques propres du fonds et notamment de la ou des activités contractuellement admises qui y sont effectivement exercées.
L'expert judiciaire retient un chiffre d'affaire moyen de 1 339 180 € HT auquel il applique un pourcentage de 90%, soit 1 205 262 €. Il précise que le chiffre d'affaire hors « institut de soins » est en moyenne de 1 266 042 € HT, soit une valorisation du fonds de commerce à 1 140 000 € par application d'un taux de 90%. Le bailleur indique lui-même qu'un fonds de commerce de parfumerie s'évalue de 50 à 95% de son chiffre d'affaire. Même si la commune de [Localité 6] est une agglomération de taille moyenne, l'emplacement du commerce est favorable et son chiffre d'affaire présente une augmentation régulière, ce qui révèle une commercialité favorable justifiant le choix du taux de 85% retenu par le tribunal.
Dans la mesure où le chiffre d'affaire est la somme des ventes de biens et services réalisés par une entreprise, il y a lieu de relever que la collecte de la taxe sur la valeur ajoutée qui est destinée au trésor public n'a pas à être prise en compte au titre du calcul de l'indemnité d'éviction. En outre, le preneur disposant d'une comptabilité de groupe, la reconstitution du chiffre d'affaire du locataire n'est pas critiquable en ce qu'elle est nécessaire et bénéficie de la présomption de sincérité s'appliquant à la comptabilité. En outre, le bailleur échoue à démontrer des facturations internes qui aurait eu pour effet de majorer artificiellement le chiffre d'affaires de l'établissement considéré. La cour s'estime donc suffisamment informée aux vues des éléments recueillis et il n'y a pas lieu de faire droit à la demande subsidiaire d'expertise complémentaire de la SCI CHARENTON.
Dès lors, il convient de fixer la valorisation du fonds de commerce à la somme de 1 076 136 € (1 266 042 € x 0,85) concernée par les activités autorisées par le bail.
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La valeur du fonds de commerce étant supérieure à la valeur du droit au bail, l'indemnité principale d'éviction sera fixée à 1 076 136 € et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur les indemnités accessoires :
Frais de remploi ou d'agence :
Ces frais comprennent les frais et droits que doit supporter le locataire évincé pour racheter nouveau fond ou un nouveau droit au bail.
Il est d'usage que les frais de remploi soient fixés à 10% de l'indemnité principale d'éviction, méthode qui sera retenue. Les frais de remploi seront donc fixés à 107 613 €.
Trouble commercial :
Cette indemnité compense la perte de temps générée par l'éviction, soit le moindre investissement dans le commerce et le temps de la recherche d'un nouvel emplacement.
L'excédent brut d'exploitation rattachable exclusivement aux activités autorisées par le bail n'ayant pas été déterminé, il conviendra d'arrêter le trouble commercial à dix jours de chiffre d'affaire moyen sur les activités autorisées par le bail soit, 34 686 € (1 266 042 €/365*10).
Les frais de réinstallation :
Les frais de réinstallation sont ceux que supporte le locataire évincé pour mettre en place dans ses nouveaux locaux des aménagements semblables à ceux qu'il perd. Ils ne sont dus que s'il est démontré que le preneur doit faire face a des frais d'installations spécifiques ou qu'il a dû supporter des frais d'installation non amortis. Cette indemnité doit en outre concerner la partie du local accessible à la clientèle.
La société MARIONNAUD LAFAYETTE a l'ob1igation de respecter une identité visuelle spécifique à sa chaîne et devra donc engager ces frais. Elle produit un devis de la société ETECH d'un montant de 188 528 €. Ce devis exclut expressément les dépenses en sus, valorisées à 78 099 €, relatives au mobiliers, aux enseignes et décorations, aux luminaires, à la sécurité, au sol et à l'institut de beauté, de sorte qu'il ne saurait être fait grief au preneur de se voir indemniser au titre d'une activité non prévue par le bail. Toutefois la surface utile étant prise en considération pour les nouveaux locaux est de 158,10 m² tandis que la surface utile accessible au public retenu par l'expert est de 117m²U. L'indemnité doit ainsi correspondre à la seule superficie de 117 m²U accessible au public et les frais avancés par le preneur devront être proratisés en conséquence, soit à la somme de 139 517,87 € (188 528 €/158,10 m²U x 117m²U).
Comme le relève le premier juge, la durée d'exploitation des locaux par le preneur est importante et ses installations ont été fortement amorties. L'abattement pour vétusté de 70% sera donc confirmé. En considération de ces éléments, les frais de réinstallation seront fixés à la somme de 41 855,36, arrondi par commodité à 41 855 € (139 517,87 € x 0,30).
Les frais de licenciement du personnel :
L'expert judiciaire préconise que conformément aux usages, les frais de licenciement devront être payés sur présentation de justificatifs. Il ne saurait être soutenu qu'aucune indemnité n'est due à ce titre au motif que l'article L.1233-4 du code du travail fait peser sur l'employeur une obligation d'offre de reclassement qui ne s'impose toutefois pas aux salariés. Par ailleurs, une éviction entraînant la perte du fonds est un événement de nature économique susceptible de justifier un licenciement.
Les indemnités de licenciement du personnel seront remboursées sur présentation de justificatifs.
Sur les frais de déménagement :
L'indemnité pour frais de déménagement a pour objet d'indemniser le preneur des frais exposés pour libérer les locaux dont i1 est évincé.
Le preneur produit un devis Géodis de 1 887 € justifiant son préjudice. Les frais de déménagement seront donc fixés à la somme de 1 887 €.
Sur les frais juridiques et administratifs :
L'indemnité pour frais administratifs a pour objet d'indemniser 1e preneur des frais exposés pour les besoins de sa radiation et pour la résiliation de ses différents contrats.
L'expert estime ces frais à une somme de 3 000 euros qu'il conviendra de retenir.
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Il ressort de1'ensemble des éléments ci-dessus exposés que l'indemnité d'éviction totale due à la SASU MARIONNAUD LAFAYETTE s'élève à la somme de :
- indemnité principale : 1 076 136 €,
- frais de remploi : 107 613 €,
- frais de réinstallation : 41 855 €,
- trouble commercial : 34 686 €,
- frais de déménagement : 1 887 €,
- frais juridiques et administratifs : 3 000 €.
TOTAL : 1 265 177 €, outre les frais de licenciement qui seront payés sur justificatifs.
Sur l'indemnité d'occupation :
Il résulte de l'article L.145-28 et R 145-7 du code de commerce que le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, qui est égale à la valeur locative compte tenu de tous éléments d'appréciation, notamment les prix couramment pratiqués dans le voisinage concernant des locaux équivalents.
Par l'effet du congé, le bail commercial liant la société Marionnaud Lafayette et la SCI Charenton a pris fin le 30 mars 2015.
Pour fixer l'indemnité d'occupation, l'expert judiciaire s'est basé sur la surface pondérée de 110 m²P qu'il avait retenu, sur la base d'une valeur locative de 581 € du m²P en produisant des références de marché (hors renouvellements judiciaires) d'une valeur moyenne de 559 €. Le bailleur ne propose pas de références permettant de s'écarter des préconisations de l'expert.
L'indemnité d'occupation sera donc fixée à la somme de 64 000 € à laquelle il convient d'appliquer un abattement pour précarité de 10%, soit une indemnité d'occupation de 57 600 € HT HC à l'année et le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.
Sur la demande de compensation :
La SCI CHARENTON bénéficiant d'un droit de repentir, l'indemnité d'éviction n'est pas à ce jour pas certaine ni exigible et il n'y a donc pas lieu d'ordonner judiciairement la compensation.
Sur la désignation d'un séquestre :
Les parties sollicitent désormais la confirmation de la décision entreprise sur ce point qui avait fait l'objet d'un appel et la décision du premier juge sera donc confirmée.
Sur la demande des intérêts légaux et d'anatocisme sur les trop-perçus d'indemnité d'occupation :
Il n'est pas contesté que le preneur s'est acquitté du montant des loyers depuis le 1er avril 2015, lesquels excèdent celui de l'indemnité d'occupation fixée par le présent arrêt. Par conséquent, le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur les demandes de « juger » « constater » et « dire » :
Par application de l'article 954 du code de procédure civile , la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « constater », « dire » ou « juger » qui ne constituent pas des prétentions mais ne sont en réalité que le rappel de moyens invoqués.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens incluant les frais d'expertise et aux frais irrépétibles.
La SCI CHARENTON qui succombe devra supporter les dépens de l'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile. En outre, il apparaît équitable que la SCI CHARENTON indemnise la SASU MARIONNAUD LAFAYETTE de ses frais irrépétibles d'appel à hauteur d'un montant de 3 000 €.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
REJETTE la demande de complément d'expertise formée par la SCI CHARENTON,
INFIRME PARTIELLEMENT le jugement du 13 mars 2020 du tribunal judiciaire de Créteil en ce qu'il a :
- condamné la SCI Charenton à payer à la société Marionnaud Lafayette la somme de 1 282 443,97 euros à titre d'indemnité d'éviction ;
- condamné la société Marionnaud Lafayette à payer à la SCI Charenton la somme de 61 380 euros par an à titre d'indemnité d'occupation, à compter du 1er avril 2015 ;
- condamné la SCI Charenton à payer à la société Marionnaud Lafayette les sommes dues au titre des frais de déménagement après restitution des locaux et sur production de justificatifs ;
Le confirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau sur ces chefs,
FIXE à la somme globale de 1 265 177 € l'indemnité d'éviction dont est redevable la SCI CHARENTON à l'égard de la SASU MARIONNAUD LAFAYETTE qui se décompose ainsi :
- indemnité principale : 1 076 136 €,
- frais de remploi : 107 613 €,
- frais de réinstallation : 41 855 €,
- trouble commercial : 34 686 €,
- frais de déménagement : 1 887 €,
- frais juridiques et administratifs : 3 000 €,
DIT que les frais de licenciement seront payés sur justificatifs.
FIXE l'indemnité d'occupation due par la SASU MARIONNAUD LAFAYETTE à la SCI CHARENTON à la somme annuelle de 57 600 € hors taxes hors charges à compter du 1er avril 2015,
Y ajoutant,
REJETTE la demande de compensation entre les créances réciproques de la SASU MARIONNAUD LAFAYETTE et de la SCI CHARENTON,
Condamne la SCI CHARENTON à payer à la SASU MARIONNAUD LAFAYETTE la somme de 3 000 € en indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne la SCI CHARENTON aux dépens de l'appel,
Rejette les autres demandes.