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Décisions

CA Metz, 6e ch., 8 juin 2023, n° 21/01887

METZ

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Flores

Conseillers :

Mme Devignot, Mme Dussaud

Avocats :

Me Bai-Mathis, Me Bettenfeld

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP Met…

3 juin 2021

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seings privés du 8 mars 2018, la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (ci-après la banque) a consenti à la société en formation Arteo, prise en la personne de son fondateur Mme [M] [F] épouse [V], un prêt « Socama FEI » n° 05899769 d'un montant de 55 000 euros, remboursable en 84 mensualités au taux d'intérêt fixe de 1,60 % afin de financer la création d'un fonds de commerce de salon de coiffure et d'esthétique à [Localité 7].

Mme [V] et son époux, M. [B] [V], se sont chacun portés cautions personnelles et solidaires de cet engagement dans la limite de la somme de 13 750 euros.

La société en formation Arteo n'a jamais été immatriculée au registre du commerce et des sociétés.

Le 25 avril 2018, une nouvelle société, la SAS LMP Coiffure onglerie, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés, Mme [V] en étant la fondatrice.

La banque a consenti un découvert en compte courant à cette société ainsi qu'escompté un billet à ordre d'un montant de 10 000 euros le 22 mars 2018 avec échéance au 9 septembre 2018.

Par acte sous signature privé du 10 août 2018, M. et Mme [V] se sont portés cautions personnelles et solidaires « tous engagements » en vue de garantir ces nouveaux engagements, dans la limite de la somme de 6 500 euros chacun.

Par jugement du 28 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Metz a placé la SAS LMP Coiffure onglerie en liquidation judiciaire.

Par actes d'huissiers du 4 février 2020 remis à personne présente, la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, agissant par son représentant légal, a assigné M. et Mme [V] devant le tribunal judiciaire de Metz aux fins de le voir :

- dire et juger sa demande recevable et bien fondée,

Vu l'article 2288 du code civil,

- condamner M. et Mme [V] à lui payer chacun la somme de 20 250 euros à titre principal, majorée des intérêts au taux légal à compter de la demande,

Subsidiairement, vu l'article 1843 du code civil et l'article L. 210-6 du code de commerce,

- condamner Mme [V] à lui payer la somme de 57 787,61 euros en remboursement du solde du prêt n° 05899769,

- condamner en outre les défendeurs solidairement à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement,

- condamner les défendeurs en tous les frais et dépens.

Par conclusions du 3 décembre 2020, la banque a confirmé ses demandes.

Par conclusions du 21 janvier 2021, M. et Mme [V] ont demandé au tribunal de :

- déclarer la demanderesse irrecevable et mal fondée en ses demandes,

- l'en débouter,

A titre subsidiaire,

- dire et juger n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- la condamner à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers frais et dépens.

Par jugement du 3 juin 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :

- déclaré recevables les demandes formées par la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne à l'encontre de Mme et M. [V],

- condamné Mme [V] en qualité de caution à payer à la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne prise en la personne de son représentant légal la somme de 20 250 euros représentant la garantie donnée au titre du cautionnement personnel et solidaire pour le prêt « Socama FEI » n° 05899769 ainsi que du cautionnement « tous engagements » et ce, outre intérêts au taux légal à compter du 4 février 2020,

- condamné M. [V] à payer en qualité de caution à la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne prise en la personne de son représentant légal la somme de 20 250 euros représentant la garantie donnée au titre du cautionnement personnel et solidaire pour le prêt « Socama FEI » n° 05899769 ainsi que du cautionnement « tous engagements » et ce, outre intérêts au taux légal à compter du 4 février 2020,

- condamné Mme et M. [V] in solidum aux dépens ainsi qu'à régler en outre chacun à la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme et M. [V] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire, qui est compatible avec la nature de l'affaire et qu'il n'y a pas lieu d'écarter, est de droit.

Pour se déterminer ainsi, le tribunal a considéré que les moyens invoqués par M. et Mme [V] tendant à voir déclarer la banque irrecevable en ses demandes constituaient non pas des moyens d'irrecevabilité, mais des défenses au fond, de sorte que les demandes de la banque étaient recevables.

Sur le fond, le tribunal a considéré qu'il ressortait expressément des statuts de la SAS LMP Coiffure onglerie, ainsi que de son utilisation exclusive des fonds débloqués, que cette dernière avait bien repris le contrat de prêt « Socama FEI » souscrit en son nom pendant sa période de formation conformément aux articles L. 210-6 du code de commerce et 1843 du code civil. Il en a conclu que ni le prêt litigieux, ni le cautionnement de Mme [V], contrat accessoire, n'étaient nuls.

Le tribunal a également considéré qu'il ressortait de l'acte de cautionnement du 8 mars 2018, et particulièrement des mentions manuscrites de M. [V], que ce dernier s'était valablement engagé en tant que caution du prêt « Socama FEI » accordé à la SAS LMP Coiffure onglerie.

Après avoir relevé qu'aucune contestation n'avait été formée concernant l'acte de cautionnement du 10 août 2018, le tribunal a considéré qu'il ressortait de cet acte que les différents cautionnements conclus par M. et Mme [V] avaient vocation à se cumuler.

Il a enfin noté que les décomptes de la banque n'avaient fait l'objet d'aucune contestation, de sorte qu'il y avait lieu de condamner les cautions à rembourser à la banque les sommes dues par la débitrice principale dans la limite de leur engagement.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 19 juillet 2021, M. et Mme [V] ont interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation du jugement rendu le 3 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Metz dans toutes ses dispositions.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 novembre 2022.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 14 novembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. et Mme [V] demandent à la cour de :

- dire et juger leur appel à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de Metz du 3 juin 2021 recevable en la forme et bien fondé,

En conséquence, y faire droit,

- infirmer le jugement en ce qu'il les a :

- condamnés au paiement chacun de la somme de 20 250 euros en leur qualité de caution avec les intérêts au taux légal à compter du 4 février 2020,

- condamnés in solidum aux dépens ainsi qu'au paiement chacun d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

- déclarer la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne irrecevable en sa demande en paiement de la somme 13 750 euros au titre des engagements de caution qu'ils ont souscrits le 8 mars 2018 pour le compte de la société Arteo,

- débouter la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne de sa demande en paiement de la somme de 13 750 euros,

- prononcer la nullité de l'engagement de caution de M. [V] du 10 août 2018,

- débouter la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne de sa demande à l'encontre de M. [V] en paiement de la somme de 6 500 euros,

- prononcer l'inopposabilité des engagements de caution souscrits par M. et Mme [V] les 8 mars et 10 août 2018,

- débouter la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne de ses demandes en paiement,

Subsidiairement,

- prononcer leur condamnation solidaire au titre des engagements de caution des 8 mars et 10 août 2018,

- prononcer la déchéance du droit à intérêt,

- dire et juger l'appel incident de la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne recevable en la forme mais non fondé,

- en conséquence, le rejeter,

- débouter la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne de ses demandes,

- débouter la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne à leur payer une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne aux frais et dépens des procédures d'appel et de première instance.

Au soutien de leurs prétentions, sur l'irrecevabilité de la demande de paiement à leur encontre, M. et Mme [V] exposent à titre principal que la banque ne peut pas se prévaloir de leurs cautionnements au titre du recouvrement des dettes de la SAS LMP Coiffure onglerie.

Ils expliquent en effet ne s'être expressément engagés qu'à garantir le remboursement du prêt de la société Arteo, finalement inexistante, et non celui de la SAS LMP Coiffure onglerie. Ils affirment à ce titre que la création de cette dernière société était connue de la banque depuis février 2018, et qu'il ne s'agit pas d'un simple changement de dénomination sociale.

Ils soulignent en outre que la banque aurait dû réaliser un avenant de leurs contrats à l'occasion de la reprise du prêt de la société Arteo par la SAS LMP Coiffure onglerie afin qu'ils s'engagent à garantir l'engagement de cette dernière.

Ils considèrent que la SAS LMP Coiffure onglerie est l'unique débitrice de la banque.

Les cautions soutiennent à titre subsidiaire que le prêt conclu par la société Arteo est caduc au motif qu'un de ses éléments constitutifs, à savoir l'existence d'une dette principale valable, n'est pas établi, ladite caducité entraînant en cascade la caducité de leurs cautionnements.

Ils rappellent en effet que le contrat de prêt est un contrat réel nécessitant le versement des fonds à titre de validité. Ils font valoir que seule la SAS LMP Coiffure onglerie a bénéficié des fonds litigieux, de sorte qu'elle seule dispose d'une dette principale valable.

Ils soulignent en outre que la SAS LMP Coiffure onglerie est une personne morale distincte de la société Arteo, la demande d'immatriculation et l'ouverture de compte de la première ayant eu lieu antérieurement à l'octroi du prêt à la seconde, de sorte que son contrat de prêt est caduc faute pour elle d'avoir perçu personnellement lesdits fonds.

Par ailleurs, M. et Mme [V] affirment ne pas avoir agi frauduleusement, ni détourné le formalisme de protection afférent au contrat de cautionnement, les deux sociétés litigieuses ayant toujours été distinctes l'une de l'autre.

M. et Mme [V] rappellent à titre infiniment subsidiaire que leurs cautionnements ne se cumulent pas, car ils se sont engagés à titre solidaire, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a condamnés au paiement d'une somme de 13 750 euros chacun au lieu de les condamner solidairement au paiement de cette même somme.

Sur la validité du cautionnement du 10 août 2018, ils soutiennent à titre principal que le cautionnement conclu par M. [V] le 10 août 2018 encourt la nullité, faisant valoir qu'il n'a pas consenti à son engagement de manière éclairée, et que les stipulations de son contrat ne lui permettaient pas de comprendre qu'il s'engageait en tant que caution solidaire au même titre de son épouse.

Ils demandent à titre subsidiaire leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 6 500 euros au titre du cautionnement litigieux en rappelant comme susvisé le caractère solidaire de leurs engagements.

Par ailleurs, M. et Mme [V] affirment avoir apuré le découvert litigieux et contestent en conséquence le décompte et les encaissements actuels de la banque. Ils lui demandent donc la production d'un décompte actualisé de sa créance aux fins de calcul des intérêts dus.

M. et Mme [V] invoquent une disproportion des cautionnements, et ne pas bénéficier de ressources suffisantes pour faire face à leurs engagements, de sorte que selon eux la banque ne peut pas se prévaloir de ceux-ci.

Ils affirment que la banque n'a pas exécuté son obligation d'information annuelle des cautions conformément aux dispositions de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, et qu'elle doit être déchue de son droit aux intérêts.

Sur l'appel incident de la banque, ils reprennent leurs précédents développements pour conclure au rejet de la demande de paiement de la banque à l'encontre de Mme [V] au titre du prêt n° 05899769.

Ils ajoutent que Mme [V] n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité délictuelle envers la banque.

Ils reprochent enfin à la banque d'avoir manqué de diligence en omettant de s'assurer de l'efficacité de leurs cautionnements.

Par conclusions déposées le 26 septembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, prise en la personne de son représentant légal, demande à la cour de :

Vu le principe fraus omnia currumpit,

- rejeter l'appel de Mme et M. [V],

- accueillir son seul appel incident formé à titre subsidiaire,

- à titre principal, confirmer le jugement du 3 juin 2021 en toutes ses dispositions, au besoin par adjonction ou substitution de motifs, sauf à préciser que la condamnation solidaire de Mme et M. [V], s'agissant des engagements de caution signés « tous engagements » sera prononcée à hauteur de la somme de 4 020,02 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 février 2020, chacun,

- y ajoutant, ordonner la capitalisation des intérêts qui auront couru pour une année entière en application des articles 1154 ancien et 1343-2 nouveau du code civil,

- subsidiairement, et si la cour devait infirmer le jugement et retenir le moyen d'irrecevabilité soulevé par Mme et M. [V], s'agissant des engagements de caution signés le 8 mars 2018,

- condamner Mme [V] à lui payer une somme de 57 787,61 euros en sa qualité de signataire du prêt n° 05899769,

Très subsidiairement,

- condamner Mme [V] à lui payer la somme de 27 500 euros à titre de dommages et intérêts, majorés des intérêts au taux à compter du 21 janvier 2019,

En tout état de cause,

- ordonner la capitalisation des intérêts qui auront couru pour une année entière en application des articles 1154 ancien et 1343-2 nouveau du code civil,

- débouter Mme et M. [V] de l'intégralité de leurs demandes, fins, conclusions et prétentions,

- confirmer le jugement s'agissant des frais irrépétibles et des dépens de première instance,

- condamner Mme et M. [V] solidairement aux dépens d'appel,

- condamner Mme et M. [V] à lui payer la somme de 3 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, sur la recevabilité de sa demande à l'encontre des cautions, la banque reproche à titre principal aux cautions, en vertu du principe fraus omnia corrumpit, d'avoir agi de mauvaise foi en contournant sciemment le formalisme de protection de leurs cautionnements. Elle expose en effet que Mme [V] s'est présentée auprès d'elle pour solliciter un prêt pour sa société en formation Arteo coiffure onglerie, mais qu'elle a changé la dénomination sociale de sa société après avoir signé l'offre de prêt et son cautionnement afin d'échapper à son engagement.

Elle affirme en conséquence que les sociétés Arteo et LMP Coiffure onglerie sont une seule et même société, un changement de dénomination sociale n'ayant aucune conséquence sur la personnalité morale d'une société.

Elle considère ainsi que le débiteur de son prêt demeure la société constituée par Mme [V], peu important sa dénomination sociale, d'autant plus que la SAS LMP Coiffure onglerie a repris les engagements de la société en formation Arteo après son immatriculation, puis reçu le montant débloqué par le prêt et entrepris le remboursement des échéances en conséquence.

Elle insiste par ailleurs sur le fait qu'elle ne pouvait pas anticiper le changement de dénomination sociale de la société litigieuse au regard des documents qui lui avaient été préalablement fournis, de sorte qu'elle n'a commis aucune faute.

Elle souligne en tout état de cause qu'elle n'a pas pu obtenir un second cautionnement de la part de M. et Mme [V], le contrat principal ayant déjà été conclu.

L'engagement de la société de Mme [V] étant valable, la banque conclut à la validité des cautionnements et à la recevabilité de sa demande en paiement à l'encontre des cautions.

A titre subsidiaire, la banque soutient que M. et Mme [V] se sont portés chacun caution personnelle et solidaire de l'engagement souscrit par leur société dans la limite de 13 750 euros chacun, de sorte qu'il y a lieu de confirmer leur condamnation au paiement de cette somme chacun.

Très subsidiairement, si la cour déclarait sa demande en paiement irrecevable, la banque demande la condamnation de Mme [V] au paiement de la somme de 57 787,61 euros au titre du prêt n° 0589979 souscrit durant la période de formation de sa société, car elle a personnellement signé ce contrat et en est donc la seule débitrice selon l'article L. 210-6 du code de commerce.

Encore plus subsidiairement, elle demande la condamnation de Mme [V] à lui payer la somme de 27 500 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 janvier 2019 sur le fondement de la responsabilité contractuelle, subsidiairement extra-contractuelle.

Elle expose en ce sens que Mme [V] a commis une faute lui ayant causé un préjudice, à savoir le changement de dénomination sociale de sa société postérieurement à l'établissement du prêt et du cautionnement litigieux ayant entraîné l'inefficacité de ses garanties. Elle évalue son préjudice à la somme correspondant aux deux paiements de 13 750 euros qu'elle aurait pu obtenir au titre des cautionnements du 8 mars 2018.

Sur le cautionnement du 10 août 2018, la banque soutient que M. [V] n'est pas fondé à contester la validité de son engagement pour erreur. Elle affirme à ce titre que les stipulations contractuelles de son cautionnement, notamment la reproduction manuscrite de la mention visée dans le code de la consommation sous la clause intitulée « Intervention du conjoint se portant caution solidaire », lui permettaient tout à fait de comprendre la portée de son engagement en tant que caution personnelle et solidaire.

La banque affirme subsidiairement que M. [V] s'est déjà porté caution de précédents engagements, de sorte que l'erreur affectant la validité de son cautionnement aurait été en tout état de cause inexcusable.

Par ailleurs, la banque demande à la cour de réduire sa créance de 6 500 euros au titre du cautionnement du 10 août 2018 à la somme de 4 020,02 euros par caution, outre intérêts au taux légal à compter du 4 février 2020, afin de prendre en compte les versements déjà effectués par M. et Mme [V]. Elle précise en ce sens que le cautionnement n'a pas vocation à couvrir le seul solde débiteur du compte courant de la débitrice principale, mais l'intégralité des engagements souscrits. Dès lors, elle estime que les mesures d'exécution forcée ordonnées sous le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement entrepris étaient régulières.

En parallèle, elle affirme que les cautionnements de M. et Mme [V] n'apparaissaient pas, au moment de leur conclusion, disproportionnés face à leurs facultés contributives. Elle ajoute que ces derniers ont déclaré dans leur fiche de renseignement disposer d'un patrimoine leur permettant de faire face à leurs engagements. Elle soutient également que les cautions ne peuvent pas se prévaloir de leur prêt auprès du Crédit agricole en l'espèce, car elle n'a pas été informée de celui-ci.

La banque soutient en tout état de cause que M. et Mme [V] disposaient d'un patrimoine leur permettant de faire face à leurs engagements à la date où ils ont été appelés en paiement, c'est-à-dire le 4 février 2020, date de son assignation en justice, de sorte qu'elle peut se prévaloir de ceux-ci.

Enfin, la banque rappelle avoir déjà été déchue du son droit aux intérêts contractuels, de sorte que le moyen tendant à cette même sanction sur le fondement d'un éventuel manquement à l'obligation annuelle d'information de la caution n'est pas fondé. Elle ajoute néanmoins que la SAS LMP Coiffure onglerie a fait l'objet d'une liquidation judiciaire avant le 31 mars 2019, de sorte que sa dette était intégralement exigible sans nécessité d'une information préalable des cautions.

La banque demande également l'application de l'anatocisme conformément à l'article 1343-2 du code civil.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la demande de la banque :

Les causes d'irrecevabilité sont régies par les articles 122 à 126 du code de procédure civile.

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Conformément à l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En l'espèce, la banque a un intérêt légitime à agir contre M. et Mme [V] en se prévalant de leurs engagements de caution à son profit aux fins de recouvrir sa créance au titre du prêt de 55 000 euros qui a été débloqué sur le compte de la société LMP coiffure et onglerie, d'un découvert autorisé, et de l'escompte d'un billet à ordre, ayant permis de financer la création et le début d'activité de la société LMP coiffure et onglerie que Mme [M] [V] a créée.

Par ailleurs l'action intentée n'est pas une action attitrée par la loi à des personnes déterminées au sens de l'article 31 du code de procédure civile.

Enfin la question de savoir si la banque est fondée à se prévaloir des engagements de caution rédigés pour des dettes de la société Arteo qui n'a pas été immatriculée, alors que Mme [V] a immatriculé sa société au nom de LMP Coiffure Onglerie, est une question qui nécessite un examen au fond.

Le jugement est confirmé en ce qu'il déclare les demandes de la BPALC recevables.

Au fond :

Sur l'étendue des engagements de caution en date du 8 mars 2018 :

Selon l'article 2294 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

Il ressort du dossier prévisionnel établi le 12 février 2018 par M. [T] de l'agence Fiducial (pièce 1 de la banque), que Mme [M] [V] a eu le projet de créer la SASU Arteo Coiffure Onglerie à compter du mois de mars 2018, dont le siège social devait être situé [Adresse 1] à [Localité 7]

La Banque populaire se prévaut d'engagements de caution signés le 8 mars 2018 par Mme [V] et M. [V]. Les engagements des deux époux sont inclus en pages 4 et 5 d'un unique document de 5 pages intitulé « Acte de cautionnement solidaire », ayant pour objet la garantie d'un prêt de 55 000 euros consenti à la société Arteo dont le siège social est situé à [Adresse 1] à [Localité 7].

Il est constant que la société Arteo dont le siège social est situé à [Adresse 1] à [Localité 7] n'a jamais été immatriculée, et que les fonds prêtés ont été débloqués sur le compte courant de la société LMP Coiffure et onglerie, [Adresse 6] à [Localité 7], dont les statuts ont été signés le 28 février 2018, qui a été immatriculée au RCS au mois d'avril 2018. En outre la SASU LMP Coiffure et onglerie a repris à son compte les obligations découlant du contrat de prêt dans un état annexé aux statuts.

M. et Mme [V] ont consenti à cautionner non pas une société Arteo en cours de formation, mais une société Arteo représentée par Mme [V], ainsi que l'indique la première page de l'« Acte de cautionnement solidaire » du 8 mars 2018 précité. Il est établi qu'une telle société n'a jamais existé.

Les engagements de caution destinés à garantir des dettes de la société Arteo ne peuvent pas être étendus comme étant des cautionnements des dettes de la SASU LMP Coiffure onglerie.

Ainsi la Banque Populaire est mal fondée à se prévaloir de l'acte d'engagement de caution du 8 mars 2018 pour recouvrir la dette de la SASU LMP Coiffure onglerie. Les demandes en paiement des sommes de 13 750 euros à M. [V] d'une part et à Mme [V] d'autre part doivent être rejetées, et le jugement doit être infirmé en ce qu'il y a fait droit, et en ce qu'il condamne en conséquence globalement chaque défendeur à la somme de 20250 euros en principal, outre intérêts.

Sur la demande subsidiaire en paiement d'une somme de 57 781,61 euros :

La cour a admis le moyen soulevé par M. et Mme [V] selon lequel la SA BPALC ne peut pas se prévaloir des engagements de caution du 8 mars 2018 consentis pour garantir la dette d'une société Arteo qui n'a jamais existé aux fins d'obtenir le recouvrement de sa créance envers une société tierce, la SASU LMP Coiffure onglerie.

Si la cour considère que ce moyen ne constitue pas une cause d'irrecevabilité de la demande de la BPALC, pour autant elle retient au fond que ce moyen est justifié. Dès lors il y a lieu de statuer sur la demande subsidiaire de la BPALC tendant à ce que Mme [V] soit condamnée à lui régler la somme de 57 787,61 euros au titre du prêt qu'elle a souscrit en sa qualité de signataire du prêt n° 05899769.

Selon l'article L. 210-6 du code de commerce les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. La transformation régulière d'une société n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation.

Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société.

En l'espèce si le crédit a été sollicité pour le compte de la société Arteo, il est constant que les fonds ont été débloqués sur le compte courant de la SASU LMP coiffure onglerie en formation.

En outre la banque a édité le tableau d'amortissement au nom de LMP coiffure et onglerie.

De plus Mme [V] a entretenu une confusion auprès des intervenants de la banque en indiquant de sa main le 8 mars 2018 en dernière page du contrat de crédit : « pas de cachet commercial pour la société Arteo/LMP ».

En revanche aucune société Arteo n'a été instituée avec signature de statuts et immatriculation au RCS sous ce nom, de sorte qu'il n'y a pas eu de changement de dénomination sociale de la société débitrice.

De plus il résulte de l'article 37 des statuts de la SASU LMP Coiffure onglerie d'une part, et de l'état des actes accomplis pour la société SASU LMP coiffure onglerie en voie de formation d'autre part, que cette société a repris l'engagement découlant de la signature d'un emprunt bancaire auprès de la BPALC de 55 000 euros, d'une durée de 7 ans, au taux de 1 ,60 % à compter de son immatriculation au RCS. Les indications relatives à ce prêt correspondent au crédit litigieux. Le fait que l'état annexé aux statuts indique en en-tête qu'il liste les actes conclus avant la signature de ceux-ci est sans incidence, le prêt de 55 000 euros ayant été expressément repris par la SASU LMP Coiffure Onglerie à compter de son immatriculation.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la SASU LMP Coiffure Onglerie est la débitrice principale du crédit consenti le 8 mars 2018.

Dès lors la demande formée contre Mme [V] est mal fondée, et doit être rejetée.

Sur la demande encore plus subsidiaire en dommages-intérêts formée contre Mme [V]:

Selon l'article 1240 du Code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Mme [V] a sollicité un crédit de 55 000 euros auprès de la BPALC pour créer une société et accepté en contrepartie de garantir le remboursement ce prêt par un engagement de caution personnel et d'obtenir l'engagement de caution de M. [V] envers la banque. Mme [V] a commis des fautes pour avoir transmis à la BPALC un dossier prévisionnel indiquant le projet de création d'une société SASU Arteo Coiffure onglerie et sollicité puis conclu un crédit de 55 000 euros au nom de la société Arteo, et paraphé le 8 mars 2018 un acte de cautionnement solidaire à l'égard de « la société Arteo » (cf page 1/5) et rédigé de sa main un engagement de caution à l'égard de « Arteo » (cf p 4/5), et laissé signer le même engagement par son conjoint, le tout sans attirer l'attention de la banque sur l'inexistence d'une société dénommée Arteo ou à l'enseigne Arteo, alors qu'elle savait qu'une telle société n'a jamais été immatriculée au RCS, et alors qu'elle a signé le 28 février 2018 les statuts de la SASU LMP Coiffure onglerie qu'elle entendait immatriculer au RCS.

En outre Mme [V] a entretenu une confusion auprès des intervenants de la banque, d'une part en faisant ouvrir le 27 février 2018 un compte courant professionnel pour la SASU LMP coiffure onglerie tout en acceptant qu'il soit mentionné dans l'acte que le titulaire du compte est Arteo (cf sa pièce 1), et en indiquant de sa main le 8 mars 2018 en dernière page du contrat de crédit : « pas de cachet commercial pour la société Arteo/LMP » (pièce 2 de la banque), et ce alors que la SASU LMP coiffure onglerie qu'elle a fondée et fait immatriculer a une dénomination distincte et n'a pas d'enseigne au nom d'Arteo.

Les fautes commises par Mme [V] ont causé un préjudice à la banque, qui ne peut pas se prévaloir de l'engagement de caution du 8 mars 2018.

De son côté la banque a commis une négligence fautive pour n'avoir pas vérifié les informations transmises par Mme [V] en sollicitant les statuts de la société emprunteuse et/ou un extrait du RCS. Cette faute a concouru à son propre dommage à hauteur de 10 %, de sorte qu'elle ne peut obtenir réparation que de 90 % de son préjudice.

Le préjudice subi par la banque correspond au montant de l'engagement de caution qui aurait dû garantir les dettes de la société emprunteuse, soit un unique engagement solidaire des deux conjoints d'un montant total de 13 750 euros. En effet les engagements des deux époux sont inclus en pages 4 et 5 d'un unique document de 5 pages intitulé « Acte de cautionnement solidaire », dans lequel ils apparaissent en première page, ensemble, comme étant « la caution », et qui indique dans le corps de l'acte en page 2 que le montant global du cautionnement représente 13 750 euros, montant repris dans la mention manuscrite rédigée par chacun. En outre le contrat de crédit du 8 mars 2018 indique une unique « caution personnelle et solidaire de Mme [M] [V] ( ') et M. [B] [V] (') à hauteur de 13 750 euros ».

En conséquence Mme [V] devra indemniser la banque à hauteur 90 % du préjudice subi par la banque, soit la somme de 13 750 x 90 % = 12 375 euros.

Dès lors Mme [V] est condamnée à verser à la BPALC la somme de 12 375 euros de dommages-intérêts, et ce avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, conformément à l'article 1231-7 du code civil.

En outre selon l'article 1343-2 du code civil les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal échus au moins pour une année entière, ainsi que la BPALC le sollicite.

Sur l'engagement de caution du 10 août 2018 :

- sur la validité de l'engagement de caution souscrit par M. [V] :

M. [V] ne rapporte la preuve d'aucun vice du consentement de nature à altérer son engagement pris le 10 août 2018, au sens des articles 1128 et 1130 et suivants du code civil.

Il est observé au contraire qu'en première page de l'acte de cautionnement personnel et solidaire « tous engagements » qu'il a paraphé et signé le 10 août 2018, M. [B] [V] est non seulement désigné comme « conjoint de la caution », mais il est également indiqué comme intervenant à l'acte « en tant que caution solidaire » puisque la case « caution solidaire » a été cochée, et non pas la case « consentant ». En outre et surtout il a rempli et signé de sa main un engagement de caution dans lequel il s'est engagé personnellement à rembourser au prêteur, sur ses revenus et ses biens, les sommes dues par la SAS LMP Coiffure onglerie dans la limite de la somme de 6 500 euros si cette société n'y satisfaisait pas elle-même. M. [V] qui a rédigé les mentions destinées à attirer son attention concernant son engagement de caution ne caractérise aucune erreur à cet égard. Enfin il a laissé vides en page 5 les parties de l'acte concernant l'hypothèse où le conjoint ne se porte pas lui-même caution solidaire, mais il en a pris connaissance puisqu'il a paraphé la page 5 comme le reste de l'acte. Toutes ces mentions manuscrites et dactylographiées ont permis à M. [V] de comprendre la nature de son engagement.

La demande tendant à l'annulation de l'engagement de caution de M. [V] est rejetée.

- sur les limites de l'engagement de caution du 10 août 2018 :

L'engagement de caution du 10 août 2018 est un unique document de 5 pages intitulé « Acte de cautionnement solidaire tous engagements ». Mme [M] [V] et M. [B] [V] y sont désignés l'un et l'autre en première page, à la rubrique « Caution(s) » qui se termine par « ci-après dénommée(s) « La caution ». La durée et le « montant global du cautionnement » sont précisés en page 2, soit un montant global de 6 500 euros incluant le principal, les intérêts, frais et accessoires. Dans les mentions manuscrites rédigées en page 4/5 il est précisé que Mme [M] [V] et M. [B] [V] s'engagent avec la SASU LMP coiffure onglerie à payer la somme de 6 500 euros si la société n'y satisfait pas elle-même. Rien dans les clauses de l'acte, ni dans les indications chiffrées de la page 2 et des mentions manuscrites ne permet de conclure que l'engagement de l'un s'ajoute à celui de l'autre au profit de la banque.

Il résulte de l'ensemble des clauses de l'acte, et de l'unicité de celui-ci, que Mme [M] [V] et M. [B] [V] se sont engagés solidairement ensemble dans la limite de l'unique somme de 6 500 euros.

- sur le caractère disproportionné allégué des engagements de caution :

En application de l'article L. 332-1 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion du cautionnement litigieux, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution de rapporter la preuve de l'existence de la disproportion manifeste de son engagement au moment de la conclusion de celui-ci.

La disproportion à la date de l'engagement s'apprécie au regard de l'ensemble des engagements souscrits par la caution d'une part, de tous les éléments de son patrimoine ainsi que de ses revenus d'autre part.

L'engagement de caution de 13 750 euros signé le 8 mars 2018 garantissant les dettes d'une société Arteo inexistante n'a engendré aucun engagement effectif dans le patrimoine de M. et Mme [V] de sorte qu'il n'y a pas lieu d'en tenir compte pour apprécier la proportionnalité de l'engagement du 10 août 2018.

Par ailleurs la dette en dommages-intérêts de Mme [V] est judiciairement fixée ce jour, et n'existait pas dans le patrimoine de celle-ci à la date du 10 août 2018.

M. et Mme [V] ont signé le 10 août 2018 une fiche de renseignements indiquant qu'ils étaient propriétaires de leur maison d'habitation valant 250 000 euros, qu'ils remboursaient un crédit immobilier aux échéances de 1075 euros par mois, ainsi qu'un crédit personnel aux échéances de 380 euros par mois, qu'ils avaient deux enfants à charge, et que l'épouse percevait un salaire net mensuel de 950 euros, et le mari un salaire net mensuel de 2 475 euros, ainsi que 130 euros d'allocations familiales par mois. Ainsi le revenu disponible du foyer de quatre personnes représentait 2100 euros par mois après déduction des échéances des deux crédits.

Au vu des trois tableaux d'amortissement édités par le crédit agricole, produits par les appelants (dont les échéances cumulées totalisent 1097,99 euros par mois), le capital restant dû au titre des crédits immobiliers totalisait 242 700,07 euros au 5 août 2018, soit un actif net de 250 000 ' 242700,07 = 7 299,93 euros à la date de l'engagement de caution.

En outre les parts de la SASU LMP coiffure onglerie de Mme [V] entraient dans le patrimoine de celle-ci.

L'engagement de caution totalisant 6 500 euros pour les deux époux n'était pas manifestement disproportionné à leurs biens et revenus à la date de sa souscription le 5 août 2018.

Dès lors, M. et Mme [V] peuvent pas être déchargés de leur engagement en application du texte précité.

- sur la déchéance du droit aux intérêts et le montant dû par M. et Mme [V] :

Selon l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige :

« Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

La réalisation de cette obligation légale ne peut en aucun cas être facturée à la personne qui bénéficie de l'information.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette. »

La banque ne justifie pas avoir procédé à l'information annuelle des cautions. Elle est dès lors, dans ses rapports avec les deux cautions solidaires, déchue des intérêts échus sur le principal de la dette de la SASU LMP coiffure onglerie, et ce à compter de la date de la première information due, soit le 31 mars 2019.

Toutefois au vu des pièces produites par la banque, à la date du 31 mars 2019 le principal de la dette de la SASU LMP Coiffure onglerie à l'égard de la BPALC totalisait 10 000 + 4 949,01 = 14 949,01 euros au titre du billet à ordre escompté et du solde débiteur du compte courant, auquel s'ajoute le capital restant dû sur le crédit, ce qui dépassait largement en principal l'engagement de caution « tous engagement » d'un montant de 6 500 euros. Si l'on déduit les 4 chèques payés par les cautions en septembre et octobre 2019, totalisant 4 959,76 euros, le principal de la dette de la SASU LMP coiffure onglerie représente encore près de 10 000 euros sans même tenir compte de la dette en crédit, et sans tenir compte des agios et intérêts échus sur le principal de la dette de la SASU LMP coiffure onglerie depuis le 31 mars 2019. En outre aucun paiement effectué par la débitrice principale, la SASU LMP coiffure onglerie, n'est démontré. Dès lors la déchéance du droit aux intérêts sur le principal de la dette de la SASU LMP coiffure onglerie n'a aucune incidence sur le montant total dû par M. et Mme [V] qui représente 6 500 euros en principal au titre du cautionnement « tous engagements ».

Il est constant que M. et Mme [V] ont déjà payé la somme de 4 959,76 euros en quatre chèques. Dès lors ils restent redevables solidairement de la somme totale de 6 500 - 4 959,76 = 1 540,24 euros en principal.

Selon l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

Quand bien même la déchéance du droit aux intérêts affectant le principal de la dette du débiteur principal SASU LMP coiffure onglerie est prononcée dans les rapports avec les cautions, celles-ci restent tenues aux intérêts au taux légal sur leur propre dette de 1 540,24 euros en principal envers la BPALC en application de l'article 1231-6 du code civil précité, à compter de la mise en demeure qui leur a été adressée. M. et Mme [V] ont l'un et l'autre été mis en demeure de payer par lettres recommandées distinctes qu'ils ont reçues le 26 janvier 2019 puis le 11 septembre 2019. Dès lors il y a lieu de faire droit à la demande tendant à fixer le point de départ des intérêts au 4 février 2020.

En outre selon l'article 1343-2 du code civil les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal échus au moins pour une année entière, ainsi que la BPALC le sollicite.

Sur les dépens et l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement statuant sur les dépens et indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance sont infirmées.

Chaque partie succombe partiellement en ses prétentions. Il y a lieu de condamner la BPALC d'une part, et M. et Mme [V] in solidum d'autre part, à supporter la moitié des dépens, et de rejeter les demandes réciproques formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure de première instance comme en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré les demandes de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne recevables ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées :

Rejette la demande de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne fondée sur les engagements de caution du 8 mars 2018 ;

Condamne solidairement Mme [M] [F] épouse [V] et M. [B] [V] à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 1 540,24 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2020 ;

Condamne la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à supporter la moitié des dépens de la procédure de première instance, et Mme [M] [F] épouse [V] et M. [B] [V], in solidum, à supporter l'autre moitié des dépens de première instance ;

Rejette toutes les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant

Rejette la demande subsidiaire en condamnation de Mme [M] [F] épouse [V] à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne une somme de 57 787,61 euros en sa qualité de signataire du prêt n° 5899769 ;

Condamne Mme [M] [F] épouse [V] à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 12 375 euros de dommages-intérêts, et ce avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

Rejette la demande d'annulation de l'engagement de caution signé par M. [V] le 10 août 2018 ;

Prononce la déchéance du droit aux intérêts de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne calculés sur la dette de la SASU LMP coiffure onglerie, et ce dans ses rapports avec les cautions, M. et Mme [V], à compter du 31 mars 2019 ;

Dit que conformément à l'article 1343-2 du code civil, que les intérêts échus, dus par M. et Mme [V] au moins pour une année entière, produisent intérêts ;

Condamne la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à supporter la moitié des dépens de la procédure de première instance, et Mme [M] [F] épouse [V] et M. [B] [V], in solidum, à supporter l'autre moitié des dépens de première instance ;

Condamne la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à supporter la moitié des dépens de la procédure d'appel, et Mme [M] [F] épouse [V] et M. [B] [V], in solidum, à supporter l'autre moitié des dépens de la procédure d'appel ;

Rejette toutes les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.