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Décisions

CA Bordeaux, ch. civ. 4, 10 mars 2020, n° 19/01859

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gastro Tourny (SAS), SCP Silvestri Baujet

Défendeur :

Les Enfants de la Cuisine (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mme Fabry, Mme Brisset

Avocats :

Me Taillard, Me Tricoire, Me Fonrouge, Me Gouache

T. com. Bordeaux, du 11 mars 2019, n° 20…

11 mars 2019

EXPOSE DU LITIGE :

La société Les Enfants de la Cuisine exploite un réseau de franchise de restauration rapide dont l'activité est la vente de sandwiches haut de gamme, sous l'enseigne et la marque Pegast.

Elle a signé le 12 juillet 2016 avec la société Gastro Tourny un contrat de franchise.

La société Gastro Tourny a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 14 mars 2018. La SCP Silvestri Baujet a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

A la demande de la société Gastro Tourny, le juge commissaire a prononcé la résiliation du contrat de franchise par une ordonnance du 06 juin 2018 à l'encontre de laquelle la société Les Enfants de la Cuisine a introduit un recours le 20 juin 2018.

La société Les Enfants de la Cuisine a adressé le 25 juin 2018 à la société Gastro Tourny une lettre de résiliation du contrat aux torts du franchisé datée du 15 mai 2018 avant de l'assigner en référé par acte du 23 juillet 2018 devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir constater la résiliation du contrat. Le juge des référés s'est dessaisi le 13 septembre 2018 au profit du tribunal de commerce de Bordeaux.

La société Les Enfants de la Cuisine a engagé le 17 octobre 2018 une nouvelle procédure au fond devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir constater les manquements post contractuels du franchisé et d'obtenir le paiement des redevances postérieures au jugement d'ouverture.

Par exploit d'huissier du 20 juin 2018, la société Les Enfants de la Cuisine a assigné la société Gastro Tourny et la SCP Silvestri Baujet ès qualités devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de voir à titre principal prononcer la nullité de l'ordonnance du 06 juin 2018 ; à titre subsidiaire, infirmer l'ordonnance et dire n'y avoir lieu de résilier le contrat de franchise.

Par jugement contradictoire en date du 11 mars 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- prononcé la nullité de l'ordonnance du 06 juin 2018,

- condamné la société Gastro Tourny à payer la somme de 1 500 euros à la société Les Enfants de la Cuisine au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Gastro Tourny aux dépens.

La société Gastro Tourny a relevé appel du jugement par déclaration en date du 03 avril 2019.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 02 décembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments, la société Gastro Tourny et la SCP Silvestri Baujet demandent à la cour de :

- vu les articles 460 et 542 du code de procédure civile,

- vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile, et le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui,

- vu l'article R.622-13 dernier alinéa du code de commerce,

- vu l'article 14 du code de procédure civile,

- vu les articles R.622-21 al. 2 et R.621-21 al.3 et 4 du code de commerce,

- vu les articles L.622-13 IV, R.622-13 alinéa 3 et R.627-1 du code de commerce,

- vu les articles 566 et 32-1 du code de procédure civile,

- vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

- vu la jurisprudence,

- vu les pièces versées aux débats,

- les recevoir en leur appel, et les déclarer bien fondées ;

- réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'ordonnance du 06 juin 2018, a condamné la société Gastro Tourny à payer la somme de 1 500 euros à la société Les Enfants de la Cuisine au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Gastro Tourny aux dépens, rejeté ses demandes ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Les Enfants de la Cuisine de sa demande de nullité de l'ordonnance du juge commissaire, compte tenu de la motivation suffisante de l'ordonnance ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Les Enfants de la Cuisine tenant à la recevabilité à agir de la société Gastro Tourny, celle ci ayant manifestement qualité à agir en résiliation du contrat auquel elle est partie ;

- et statuant à nouveau et y ajoutant

- à titre principal,

- déclarer irrecevables les demandes formées à titre principal en nullité de l'ordonnance de la société Les Enfants de la Cuisine portées devant le tribunal de commerce de Bordeaux ;

- en conséquence,

- infirmer la décision prononçant la nullité de l'ordonnance du juge commissaire du 06 juin 2018, en ce qu'il a commis un excès de pouvoir ;

- à titre subsidiaire,

- déclarer irrecevable le recours formé par la société Les Enfants de la Cuisine en vertu du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui;

- en conséquence,

- infirmer la décision du tribunal prononçant la nullité de l'ordonnance du juge commissaire du 06 juin 2018, en ce qu'il a commis un excès de pouvoir ;

- à titre encore plus subsidiaire,

- déclarer bien fondée l'ordonnance rendue par le juge commissaire du 06 juin 2018 prononçant la résiliation du contrat de franchise, en vertu d'une bonne administration de la justice, en l'absence de violation du contradictoire et du droit de la défense, compte tenu de l'abus et de la mauvaise foi de la société Les Enfants de la Cuisine, de l'absence de grief potentiel immédiat, et de la volonté manifeste des parties de mettre un terme aux relations ;

- déclarer bien fondée l'ordonnance rendue par le juge commissaire du 06 juin 2018 prononçant la résiliation du contrat de franchise, celle ci étant suffisamment motivée;

- en conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'ordonnance du juge commissaire du 06 juin 2018 au motif d'une violation du principe du contradictoire ;

- confirmer la décision du tribunal en ce qu'il a débouté la société Les Enfants de la Cuisine de ses autres demandes, fins et prétentions ;

- en tout état de cause, déclarer recevable la société Gastro Tourny en sa requête en résiliation du contrat de franchise auquel elle est partie, auprès du juge commissaire nommé à sa sauvegarde ;

- confirmer en conséquence l'ordonnance du juge commissaire du 06 juin 2018, en ce qu'elle a prononcé la résiliation du contrat de franchise du 12 juillet 2016, par application de l'article L.622-13 IV du code de commerce, ladite résiliation étant manifestement nécessaire à la sauvegarde de l'entreprise et ne portant pas une atteinte excessive aux intérêts de la société Les Enfants de la

Cuisine qui la sollicite également ;

condamner la société Les Enfants de la Cuisine à payer à la société Gastro Tourny la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive ;

- condamner la société Les Enfants de la Cuisine à payer à la société Gastro Tourny et à la SCP Silvestri Baujet la somme de 8 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Les Enfants de la Cuisine aux entiers dépens.

La société Gastro Tourny et la SCP Silvestri Baujet font valoir notamment, sur la nullité, que les demandes de la société LEC sont irrecevables et dépourvues de fondement ; que le tribunal en statuant a commis un excès de pouvoir ; que la nullité relevait d'un appel nullité (articles 460 et 542 du code de procédure civile) ; qu'en outre, en corollaire du principe de la loyauté dans le débat, nul ne peut se contredire au détriment d'autrui (articles 32 et 122 du cpc) ; que la société les Enfants de la Cuisine a soutenu des positions successives contraires en plaidant alternativement la non résiliation du contrat et sa résiliation par application de la volonté des parties ; qu'il n'y a pas eu violation du principe du contradictoire ; que si la société les Enfants de la Cuisine a été convoquée à une adresse erronée, ce n'est pas de son fait puisque l'adresse figurant sur sa requête est exacte ; que l'article 14 n'a pas à s'appliquer en l'absence de grief potentiel immédiat ou lorsque la partie qui l'invoque est manifestement de mauvaise foi ; qu'en outre l'erreur d'adresse n'a eu aucune incidence sur le contradictoire puisque d'une part elle avait été informée du dépôt de la requête par courriel du 09 mai 2018 ; qu'elle n'avait aucun intérêt à la poursuite du contrat ; d'autre part elle avait tout loisir de déclarer sa créance, ce dont elle s'est abstenue ; qu'enfin le principe du contradictoire a été rétabli par l'établissement d'un recours après notification le 11 juin 2018 à la bonne adresse ; qu'elle avait un mois pour déclarer au passif d'éventuels dommages et intérêts résultant de la résiliation (article R.622-21 alinéa 2 ccom) ; qu'elle n'en a rien fait, préférant mettre en oeuvre une stratégie procédurale déloyale à son encontre en assignant en résiliation. Sur le défaut de motivation, que le tribunal a le droit de se référer aux conclusions d'une partie ; que la référence explicite aux pièces et à l'article L.622-13 IV revient à considérer que les conditions en sont réunies ; que l'intimée ne fait pas la démonstration contraire. Que l'intimée conteste sa qualité à agir au prétexte qu'elle n'est pas partie au contrat tout en demandant sa condamnation au paiement des redevances, en déclarant sa créance, et en l'assignant ; que le contrat de franchise précise à l'article 22 que les époux X agissent au nom et pour le compte de la société en cours de formation mais qu'à compter de la date d'immatriculation de la société au RCS, le contrat sera réputé avoir été conclu par la société ; qu'elle est donc recevable à demander la résiliation. Sur le fond, que l'ordonnance mérite confirmation (cf article L.622-13 IV) ; que selon l'article 561 du code de procédure civile, il incombe à la cour de se placer au moment où elle statue pour apprécier les faits ; que la résiliation du contrat est nécessaire à sa sauvegarde ; qu'elle a depuis déposé l'enseigne ; que le plan de sauvegarde a été adopté sans reprise d'enseigne avec un chiffre d'affaires sensiblement augmenté ; que cette résiliation ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts de la société les Enfants de la Cuisine qui s'en prévaut elle même tout en soutenant l'atteinte excessive au motif que cela l'empêche de solliciter l'indemnité contractuelle, difficulté qu'elle pouvait résoudre en faisant une déclaration de créance.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 13 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la société Les Enfants de la Cuisine demande à la cour de :

- vu les articles 14, 16 et 122 du code de procédure civile ;

- vu les articles L.622-13, R.622-13, et R.627-1 du code de commerce ;

- vu la jurisprudence ;

- vu les pièces produites,

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'ordonnance du juge commissaire du 06 juin 2018, condamné la société Gastro Tourny à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Gastro Tourny aux dépens, rejeté les demandes de la société Gastro Tourny ;

- en conséquence, constater la nullité de l'ordonnance du 06 juin 2018 du fait de la violation du principe du contradictoire qu'elle invoque de bonne foi ;

- déclarer que le tribunal de commerce de Bordeaux n'a commis aucun excès de pouvoir en prononçant la nullité de l'ordonnance du 06 juin 2018 ;

- déclarer que le tribunal de commerce de Bordeaux n'a commis aucun excès de pouvoir en ne déclarant pas irrecevable le recours formé par elle sur le fondement du principe « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui », ce qui ne lui était d'ailleurs pas demandé ;

- déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de la société Gastro Tourny fondée sur l'adage « fraus omnia corrumpit »;

- en tout état de cause, la juger mal fondée ;

- à titre subsidiaire,

- prononcer la nullité de l'ordonnance du 06 juin 2018 pour absence de motivation ;

- à titre encore plus subsidiaire,

- infirmer l'ordonnance ;

- en toute hypothèse,

- rejeter la demande de la société Gastro Tourny et de la SCP Silvestri Baujet tendant à sa condamnation pour procédure abusive ;

- condamner solidairement la société Gastro Tourny et la SCP Silvestri Baujet à lui payer la somme de 12 960 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Les Enfants de la Cuisine fait notamment valoir que le tribunal de commerce a pu sans excès de pouvoir annuler l'ordonnance ; que l'appelante confond le droit avant le 26 juillet 2005 (l'appel contre un jugement ayant statué sur un recours contre une ordonnance du juge commissaire était irrecevable) et après, tel qu'il est applicable ici (article R.662-1 du code de commerce : le jugement statuant sur le recours formé contre une ordonnance du juge commissaire est susceptible de recours dans les termes du droit commun ; il n'est plus nécessaire d'invoquer l'excès de pouvoir ni l'appel nullité) ; qu'en tout état de cause, le tribunal n'a pas commis d'excès de pouvoir ; que ni la prétendue incompétence du tribunal pour statuer sur le recours et la validité de l'ordonnance ni le grief tiré de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui ne sont constitutifs d'un excès de pouvoir; qu'en outre les contradictions alléguées n'ont pas été exprimées dans le cadre de la même instance ; que le principe de l'estoppel ne s'applique pas en cas de contradiction entre deux instances distinctes ni même de contradiction entre les moyens de première instance et d'appel ; qu'en tout état de cause elle ne s'est pas contredite ; qu'elle n'a jamais conclu à la poursuite du contrat alors qu'il avait cessé ses effets, du fait de sa propre résiliation et non de celle prononcée par le juge commissaire ; que la violation du principe du contradictoire par son absence de convocation à l'audience (articles R.622-13 du code de commerce et 14 et 16 du code de procédure civile) commande la nullité de l'ordonnance, les courriels de l'appelante ne pouvant se substituer à une convocation à l'audience ; subsidiairement, que l'ordonnance est nulle du fait de l'absence de motivation (article 455 cpc) ; que l'ordonnance doit en tout état de cause être infirmée en l'absence de qualité à agir de la société GT qui n'était pas partie au contrat de franchise, conclu avec les époux X, qui a simplement été constituée pour exécuter le contrat ; que la signature des statuts par les associés emporte reprise automatique des actes une fois la société immatriculée si, et seulement si, un état indiquant l'engagement qui résulte de chacun des actes accomplis pour la société est présenté aux associés avant la signature des statuts et annexé ; qu'une simple clause est insuffisante ; enfin, qu'aucune pièce n'est produite pour justifier de la nécessité de la résiliation ; que l'annulation de l'ordonnance du juge commissaire laisse la résiliation survenue par lettre du franchiseur du 25 juin 2018 produire son plein effet ; que la cour ne peut résilier un contrat déjà éteint ; qu'il y a lieu de rejeter la demande de dommages et intérêts.

Le Ministère Public a conclu à la confirmation du jugement par mention au dossier du 07 octobre 2019. Cet avis a été transmis aux parties par les soins du greffe.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2020.

MOTIFS DE LA DECISION :

sur la demande principale :

Le débat porte :

- en premier lieu, sur la validité de l'ordonnance du juge commissaire qui a prononcé la résiliation du contrat de franchise en application de l'article L.622-13 IV du code de commerce

- en second lieu, sur le bien fondé de l'ordonnance.

sur la validité de l'ordonnance :

L'intimée fait valoir que l'ordonnance est nulle car :

- elle a été rendue en violation du principe du contradictoire ;

- elle souffre d'un défaut de motivation.

L'appelante oppose d'abordque la demande de nullité est à la fois irrecevable et mal fondée.

Sur l'irrecevabilité, elle allègue quele tribunal a commis excès de pouvoir statuant alors d'une part qu'il n'était pas compétent pour le faire, nullité relevant d'un appel nullité application des 460 et 542 du code de procédure civile ; d'autre part, que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui (articles 32 et 122 du même code).

C'est cependant à bon droit que l'intimée oppose qu'en application des articles R.621-21 alinéa 4 et R.662-1 1° du code de commerce applicables à l'espèce, le tribunal avait compétence pour statuer sur le recours et la validité de l'ordonnance du juge commissaire, statuant dans une matière qui ne figure pas parmi les exceptions qui relèvent de la compétence de la seule cour d'appel (admission des créances, réalisation des actifs).

La société Les Enfants de la Cuisine est par ailleurs fondée à faire valoir qu'en tout état de cause, ni l'incompétence alléguée du tribunal ni le grief tiré de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui (dont les composantes ne sont au demeurant pas caractérisées, les conclusions de l'intéressée faisant plutôt apparaître que si elle tient la résiliation pour acquise, elle conteste la régularité de la résiliation par décision du juge commissaire au profit de celle prononcée à son initiative par l'effet de la clause résolutoire) ne constituent des excès de pouvoir sanctionnés par la nullité de la décision, mais qu'ils sont de simples moyens de réformation.

Le tribunal ayant compétence pour se prononcer sur la nullité alléguée de l'ordonnance du juge commissaire, il appartient à la cour, régulièrement saisie, de se prononcer à son tour sur cette question.

Le tribunal a prononcé la nullité de l'ordonnance sur la base de la violation du principe du contradictoire.

Il est en effet établi que l'ordonnance du 06 juin 2018 a été rendue alors que la société Les Enfants de la Cuisine été convoquée le 23 mai 2018 (convocation revenue avec la mention « destinataire inconnu à cette adresse ») à une adresse erronée (...) qui était celle de son siège social avant d'être déplacée ... par décision du président en date du 1er décembre 2016 publiée au BODACC le 09 juin 2017, cette dernière adresse étant d'ailleurs visée dans la requête de la société Gastro Tourny qui soutient à juste titre que l'erreur n'est pas de son fait.

Les appelantes qu'il n'y a de violation du principe du contradictoire et que l'article 14 du code de procédure civile n'a pas à s'appliquer en l'absence de grief potentiel immédiat ou lorsque la partie qui l'invoque est manifestement de mauvaise foi, ce qu'elles prétendent justifier par le fait

- que l'intimée avait été informée du dépôt de la requête par courriel du 09 mai 2018, requête à laquelle elle s'est opposée par courriel du 11 mai confirmée par mail 30 mai 2018 (leurs pièces 18 à 22) ;

- que l'erreur d'adresse n'a eu aucune incidence sur le contradictoire, le principe en ayant été rétabli par la notification de l'ordonnance le 11 juin 2018 à la bonne adresse, ce qui a permis un recours à la société Les Enfants de la Cuisine qui avait tout loisir de déclarer sa créance, ce dont elle s'est abstenue.

Aux termes des dispositions des articles 14 et 16 du code de procédure civile, « nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée », et « le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui même le principe de la contradiction ».

L'article R.622-13 alinéa 3 du code de commerce dispose quant à lui que « la demande de résiliation présentée en application du IV de l'article L.622-13 IV du code de commerce est formée par requête ou déposée au greffe. Le greffier convoque le débiteur et le cocontractant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ... »

L'intimée est ainsi fondée à faire valoir que son défaut de convocation régulière par le greffier caractérise une violation des articles 14 et 16 énoncés plus haut et du principe du contradictoire qui est d'ordre public, les échanges de courriels avec l'appelante ne pouvant remplacer une convocation à l'audience dont la date n'a d'ailleurs pas été communiquée à la société Les Enfants de la Cuisine, ce qui l'a privée de la possibilité de comparaître et de faire valoir ses arguments (et notamment de se prévaloir du défaut de qualité à agir de la société Gastro Tourny, dont elle soutient qu'il rendait la résiliation impossible dans le cadre de la sauvegarde).

A cet égard, le fait que la décision lui ait été notifiée à la bonne adresse est indifférent.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement qui a prononcé la nullité de l'ordonnance du 06 juin 2018 sans qu'il soit besoin de statuer sur moyen surabondant tiré du défaut de motivation, sur la qualité à agir dsociété Gastro Tourny ni sur le bien fondé de l'ordonnance au regard des dispositions de l'article L.622-13 IV du code de commerce.

sur la demande de dommages et intérêts de la société Gastro Tourny

Les appelantes, qui succombent en leurs demandes, ne pourront qu'être déboutées de leur demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Les Enfants de la Cuisine au titre de la procédure abusive.

sur les demandes accessoires :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Les Enfants de la Cuisine les sommes, non comprises dans les dépens, exposées par elle dans le cadre de l'appel. La société Gastro Tourny et la SCP Silvestri Baujet ès qualités condamnées à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelantes seront condamnées aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 11 mars 2019

Y ajoutant,

Déboute la société Gastro Tourny et la SCP Silvestri Baujet ès qualités de leur demande de dommages et intérêts

Condamne la société Gastro Tourny et la SCP Silvestri Baujet ès qualités àpayer à la société Les Enfants de la Cuisine somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la société Gastro Tourny et la SCP Silvestri Baujet ès qualités aux dépens d'appel.