CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 26 novembre 2020, n° 20/00551
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
DL Consulting (Sasu)
Défendeur :
Vendome Expertise Comptable (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Picard
Conseillers :
Mme Rohart Messager, Mme Coricon
Avocats :
Me Brosemer, Me Ohana, Me Diaz
Le 3 juin 2012, M. X Y signait une lettre d'intention pour l'acquisition de l'ensemble des actions et droits de vote de la société Éditions Sociales Économiques et Régionales (ESER), spécialisée dans l'édition de documents et la régie publicitaire des publications des collectivités locales, pour le prix de 600 000 euros. Cette lettre était acceptée par la holding SEO FINANCE, détentrice du capital de la société ESER, le 4 juin 2012.
Plusieurs conditions étaient posées à cette cession, et notamment la réalisation d'un audit comptable, juridique, fiscal et social de la société ESER. Par lettre de mission du 2 juillet 2012, M. Y confiait à la société Vendôme Expertise Comptable (VEC) la réalisation de cette mission d'audit pour la somme de 9 000 euros HT. La partie juridique était sous traitée au cabinet d'avocats Amselem, Azram et Associés.
Le 1er août 2012, DL Consulting, créée spécifiquement par M. Y à cet effet, signait l'acte d'acquisition des titres d'ESER moyennant un prix de 565 000 euros, dont 400 000 euros payables immédiatement et 165 000 euros selon un échéancier annuel défini du 30 juin 2013 au 30 juin 2016. L'acte comportait une garantie de passif à hauteur de 150 000 euros.
Celle ci était mise en œuvre par le tribunal de commerce de Lyon qui, sur assignation de la société DL Consulting, condamnait les cédants à payer à cette dernière la somme de 150 000 euros. Ce jugement, du 4 juin 2014, était confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 19 novembre 2015.
Après une tentative de conciliation par le président de l'ordre des experts comptables, qui n'aboutissait pas, la société DL Consulting assignait, le 22 septembre 2016, la société VEC en responsabilité professionnelle devant le tribunal de commerce de Bobigny, qui se déclarait incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris. Par un jugement du 27 septembre 2019, celui ci déclarait irrecevables les demandes de DL Consulting et la condamnait à payer à la société VEC la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.
La société DL Consulting interjetait appel de ce jugement par déclaration du 20 décembre 2019.
* * *
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 mars 2020, la société DL Consulting demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris et statuant à nouveau :
Débouter la société VEC de ses fins de non recevoir,
Recevoir la société DL CONSULTING en son appel et la déclarer bien fondée,
- Y faisant droit,
Condamner la société VEC à lui payer la somme minimale de 795 000 euros en réparation du préjudice subi à laquelle sera appliqué le taux d'intérêt légal à compter du 21 janvier 2016,
Condamner la société VEC à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la société VEC aux entiers dépens.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 juin 2020, la société Vendôme Expertise Comptable demande à la cour de :
- À titre principal :
Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de PARIS (RG : 2017064023) du 27 septembre 2019 en ce qu'il a déclaré irrecevable la Société DL CONSULTING en son action,
Confirmer, pour le surplus, en toutes ses dispositions, ladite décision,
- Y ajoutant, en cause d'appel :
Condamner la société DL CONSULTING à lui verser la somme suivante de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- À titre subsidiaire :
Déclarer irrecevable l'action de la société DL CONSULTING,
- À défaut :
Constater que les demandes formées par la société DL CONSULTING par exploit d'huissier du 22 septembre 2016 ont été tranchées au titre de la garantie de passif,
Constater qu'elle n'a pas manqué à son obligation de conseil, information, mise en garde et prudence à l'encontre de la société DL CONSULTING,
- En conséquence :
Dire et juger que l'action de la société DL CONSULTING est mal fondée,
Débouter la société DL CONSULTING de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- À défaut :
Dire et juger que le montant des condamnations réclamées par la société DL CONSULTING n'est pas justifié,
Débouter la société DL CONSULTING de ses demandes,
- Y ajoutant en cause d'appel :
Condamner la société DL CONSULTING à lui verser la somme suivante de 15 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,
Condamner la société DL CONSULTING à lui verser la somme suivante de 15 000 euros titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE
Sur la recevabilité de l'action de la société DL Consulting
Sur la forclusion de l'action engagée par la société DL Consulting
La société VEC fait valoir que la lettre de mission du 2 juillet 2012 contient une clause intitulée « Responsabilité » qui stipule que « Toute demande de dommages intérêts ne pourra être produite que pendant la période de prescription légale. Elle devra être introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre », ce qui correspond à un délai de forclusion conventionnel, ce que la jurisprudence de la Cour de cassation admet.
Elle précise que même si la société DL Consulting n'est pas signataire de cette lettre, elle s'est toujours comportée comme partie à cette lettre de mission, en reconnaissant dans diverses écritures postérieures être partie à l'acte, en payant la facture de 9 000 euros relative à cet audit, en respectant l'obligation de conciliation préalable auprès de l'ordre des Experts comptables et alors que l'article 26 des statuts de la société DL Consulting donne mandat à M. Y de prendre des engagements relatifs à la lettre d'intention du 3 juin 2012 visant à l'acquisition des titres d'ESER. Elle estime que la société DL Consulting a donc ratifié cette lettre de mission, y compris ses délais pour agir.
La société DL Consulting fait valoir que la lettre de mission du 2 juillet 2012 a été signée par M. Y, et non pas par elle puisque ses statuts n'ont été déposés que le 19 juillet 2012. Or, aux termes de l'article 1166 du code civil, les conventions n'ayant d'effet qu'entre les parties, elle estime que la clause de forclusion prévoyant un délai conventionnel de 3 mois stipulée dans la lettre de mission ne lui est pas opposable.
Elle rappelle que, d'une part, il n'est pas stipulé dans l'acte que M. Y agissait pour le compte d'une société en formation, la mention qu'il pouvait s'en substituer une n'ayant pas le même effet et, d'autre part, que la ratification d'une décision ultérieure prise par l'un des associés doit se faire de manière expresse. Enfin, elle fait valoir que le mandat conféré à M. Y par l'article 26 de ses statuts ne vise que la lettre d'intention adressée par M. Y aux cédants, et pas la lettre de mission signée entre M. Y et VEC et que cet article est, en tout état de cause, inefficace car la technique du mandat ne peut concerner que des actes conclus postérieurement à la signature des statuts.
Elle juge inopérante la circonstance qu'elle ait réglé elle même la facture relative à cette mission, la ratification implicite n'étant pas admise par la jurisprudence.
Elle précise que le fait qu'elle poursuive, avec M. Y, la responsabilité professionnelle de VEC, sur le fondement de la responsabilité délictuelle la concernant, révèle simplement une intention commune d'engager la responsabilité civile de VEC.
La lettre de mission du 2 juillet 2012 a été conclue entre la société VEC et M. Denis Lippe agissant en son nom, et non pas au nom ou pour le compte de la société DL Consulting alors en formation. La simple mention de la création d'une holding dans cette lettre, pour laquelle il n'est même pas évoqué une faculté de substitution, ne peut être considérée comme une mention équivalente.
Ainsi, et alors même que la société DL Consulting aurait exécuté les engagements, notamment financiers, pris dans cet acte par M. Y, celle ci ne peut être regardée comme ayant repris, au sens et en application des dispositions de l'article 1843 du code civil et de l'article L. 210-6 du code de commerce, cette lettre de mission à son compte.
De même, l'article 26 des statuts de la société DL Consulting, qui prévoit simplement la reprise par celle ci des engagements pris par M. Y résultant de la « lettre d'intention en date du 3 juin 2012 visant à l'acquisition de 100% du capital de la société ESER et son avenant du 28 juin 2012 » ne permet pas de considérer que la société a entendu reprendre les engagements pris par M. Y dans le cadre de la lettre de mission du 2 juillet 2012.
En outre, si la demande de conciliation adressée à l'ordre des experts comptables en mars 2016 par M. Y et la société DL Consulting fait mention de ce que la mission a été conclue par eux deux avec la société VEC, il ne ressort d'aucune pièce produite à la présente instance que cette société s'est substituée à M. Y dans l'exécution des obligations résultant de cette lettre de mission. Dès lors, la volonté des parties de substituer la société DL Consulting à M. Y dans l'exécution de l'acte conclu le 2 juillet 2012 ne peut être considérée comme suffisamment établie.
La société DL Consulting n'étant pas partie à l'acte du 2 juillet 2012, le délai de forclusion conventionnel ne peut lui être opposé. Il y a lieu de juger son action recevable au regard du délai dans lequel elle l'a intentée et d'infirmer le jugement sur ce point.
Sur l'intérêt à agir de la société DL Consulting
La société VEC fait valoir, à titre subsidiaire, que la société DL Consulting n'a pas d'intérêt à agir. D'une part, elle soutient qu'un acte passé par le fondateur d'une société en formation est nul, ce qui était le cas lors de la signature du protocole de cession du 1er août 2012 qui mentionne que la société DL Consulting est en cours de constitution et, d'autre part, qu'il n'y a pas eu de reprise par cette société de l'engagement pris par son fondateur (aucune annexe dans les statuts, aucun mandat ou aucune décision d'AG).
La société DL Consulting estime qu'en tant qu'acheteuse des titres d'ESER le 1er août 2012, soit le lendemain de son immatriculation au RCS de Paris, elle était bien dotée de la personnalité morale à cette date, même si le protocole de cession indique que M. Y agissait pour le nom de la société DL Consulting « en cours de formation » ; qu'elle a donc bien un intérêt à agir.
La société DL Consulting a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 30 juillet 2012, soit la veille de l'acte emportant acquisition des titres d'ESER. La circonstance que cet acte mentionne la société DL Consutling comme étant « en cours d'immatriculation au RCS de Paris » est sans incidence sur la capacité juridique de celle ci à avoir conclu l'acte.
Par suite, le grief tiré de la nullité de l'acte de cession emportant défaut d'intérêt à agir de la société DL Consulting doit être rejeté.
Par ailleurs, si la société DL Consulting n'est pas partie à l'acte du 2 juillet 2012, elle garde néanmoins un intérêt à agir, comme tous les tiers à cet acte, sur le terrain de la responsabilité délictuelle.
Le défaut d'intérêt à agir de la société DL Consulting sera donc écarté.
Sur la qualité à agir de la société DL Consulting
La société VEC fait valoir que l'action des associés tendant à l'indemnisation de la perte des sommes investies dans le capital de la société placée en liquidation judiciaire ne saurait constituer un préjudice personnel, individuel et distinct de celui de la collectivité des créanciers, et que seul le liquidateur a qualité pour introduire les actions qui relèvent de la collectivité des créanciers ; qu'en l'espèce, DL Consulting, actionnaire unique de la société ESER, sollicite, dans le cadre d'une action en responsabilité, le remboursement de l'intégralité des sommes investies dans le cadre du rachat de la société ESER, désormais placée en liquidation judiciaire en raison de ses prétendues fautes, ce qui ne constitue pas un dommage personnel distinct de celui subi par les créanciers
La société DL Consulting conteste l'argumentaire de VEC et précise que son action ne tend pas à reconstituer le patrimoine de la société ESER, placée en liquidation judiciaire.
En vertu des articles 1382 du code civil et 31 du code de procédure civile, la recevabilité de l'action en responsabilité engagée par un associé à l'encontre d'un cocontractant de la société est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle même.
Il ressort des écritures de la société DL Consulting que celle ci demande la réparation du préjudice résultant de la perte d'une chance de renoncer à l'acquisition des titres de la société ESER, ou de leur achat à un prix moindre ou assorti d'une garantie de passif supérieure à 150 000 euros. Ce préjudice ne se confond pas avec la reconstitution du patrimoine social ou la perte de valeur des titres de la société ESER, qui ne résultent en outre pas de l'audit réalisé par la société VEC.
Sur la responsabilité de la société VEC
La société DL Consulting fait valoir que la responsabilité de l'expert comptable est engagée envers son client (responsabilité contractuelle) si celui ci a subi un préjudice résultant directement de la faute de l'expert comptable ; envers des tiers, si celui ci a subi un préjudice du fait de la faute contractuelle commise par l'expert comptable (responsabilité délictuelle), ce qui est son cas.
Selon elle, elle a subi un préjudice résultant d'un manquement de la société VEC à son obligation d'information, à son obligation de prudence et à son devoir de mise en garde dans le cadre de l'audit d'acquisition en litige. Les conclusions encourageantes et positives de cet audit ont, selon elle, poussé M. Y à prendre la décision d'acquérir les titres de la société ESER, acquisition réalisée à travers la société DL Consulting. Mais, explique t elle, dès les premières semaines suivant cette acquisition, elle se trouvait confrontée à une situation de trésorerie négative et découvrait de nombreuses irrégularités dans les comptes, telles des postes d'actifs inexistants, et une absence de comptabilisation de certains postes au passif. Elle fait valoir qu'elle a rapidement du injecter 230 000 euros dans la caisse d'ESER et que cela n'a pas empêché l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire le 23 novembre 2015.
Elle ajoute que la société VEC a manqué à son devoir d'information sur les mauvais résultats financiers de l'exercice 2011, et aurait du lui déconseiller d'acheter ses titres pour un prix de 565 000 euros et lui conseiller d'exiger une garantie de passif égale au prix d'achat. Elle rappelle que l'expert comptable est tenu d'informer personnellement son client sur les différentes options qui sont à sa disposition en matière fiscale et de l'éclairer sur leurs avantages et inconvénients respectifs en fonction notamment des évolutions prévisibles du chiffre d'affaires, nonobstant la remise par l'administration d'un document à portée générale (Civ. 1ère, 10 septembre 2014 n°. 13-23926).
Elle demande donc, a mimima, que la société VEC l'indemnise des sommes investies dans la société ESER, soit le prix d'achat (565 000 euros) et le versement complémentaire (230 000 euros), soit 795 000 euros. Elle estime que la mise en œuvre de la garantie de passif n'a pas réparé son préjudice, puisque la cour d'appel a, à cette occasion, jugé que le plafond fixé dans l'acte à
150 000 euros était insuffisant, même si étaient en litige les mêmes irrégularités comptables.
Enfin, elle indique que le fait d'avoir disposé des documents comptables de la société ESER n'exonère pas le cabinet d'expert comptable chargé d'un audit de son obligation de conseil et qu'il n'appartenait pas à M. Y de procéder lui même à leur analyse.
La société VEC soutient d'une part que les demandes de DL Consulting ont déjà été tranchées au titre de la garantie de passif puisque les postes de réclamation sont identiques et que la garantie a été actionnée ; d'autre part, que la fixation d'un plafond à 150 000 euros n'est pas de son fait, et qu'il était en tout état de cause suffisant, la cour d'appel ayant émis des réserves sur plusieurs postes de réclamation dans son arrêt du 19 novembre 2015.
Concernant son obligation de conseil, d'information, de prudence et de mise en garde, elle rappelle que les experts comptables ne sont tenus que d'une obligation de moyens et ne sont pas tenus d'alerter leur client sur une trésorerie déficitaire dès lors que la situation est connue du cessionnaire par la communication des éléments comptables ou n'engagent pas leur responsabilité s'ils identifient l'existence d'une dette sans être en mesure d'en préciser l'origine.
Elle estime que la société DL Consulting ne rapporte pas la preuve d'un manquement, qu'elle avait parfaitement connaissance de la situation de la société ESER lorsqu'elle a signé le protocole d'achat des titres, qu'elle a parfaitement effectué sa mission et analysé les comptes, en précisant que certaines informations ne reposaient que sur les dires d'ESER. Elle souligne que le rapport d'expertise conclut à une remise en cause sérieuse de l'offre quant au prix proposé, en raison de l'existence d'une créance importante des commerciaux, et préconise la mise en place de conditions suspensives liées à la négociation d'un plan de redressement avec les commerciaux, à une modification des conditions de cession permettant d'inclure tout ou partie des charges constatées d'avances et une prise en compte de la somme de petites erreurs liées au manque de rigueur dans l'organisation d'ESER.
Elle fait également valoir les difficultés qu'elle a rencontrées dans l'obtention des documents comptables, et dont M. Y était tenu informé, et qu'elle s'est grandement appuyée pour son audit sur les comptes de l'exercice 2011 certifiés par un commissaire aux comptes, qui n'a pas vu d'irrégularités de nature à déclencher une procédure d'alerte.
Elle ajoute que la société DL Consulting a été informée, avant la signature de l'acte de cession, des irrégularités relevées, comme le montrent les nombreux échanges de mails versés au dossier et que M. Y était déterminé à acquérir, et rapidement, les titres d'ESER malgré toutes ces anomalies, sans renégocier le prix.
A titre subsidiaire, sur le quantum des condamnations sollicitées, la société VEC sollicite une réduction des sommes demandées, estimant que le préjudice correspond à une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses et non pas à la restitution de l'intégralité du prix de cession augmenté d'un apport en compte courant. Elle estime que la société DL Consulting a attendu 4 ans pour agir afin de voir si les contrats de régie publicitaire conclus par ESER pour une durée de 3 ou 4 ans seraient renouvelés.
Dans l'exercice de ses fonctions, l'expert comptable est tenu d'une obligation de moyens, qui s'apprécie au regard des limites de la mission que lui a confiée son client.
Aux termes de la lettre de mission du 2 juillet 2012, la société VEC s'est engagée à réaliser un audit comptable, juridique et social, recouvrant l'audit de la société ESER, la réalisation d'un rapport et une aide stratégique, définie ainsi : « définition montants et conditions GAP, earn out... ».
Les échanges de courriels entre les membres de la société ESER et la société VEC, que M. Y lisait en copie et qui sont antérieurs à la lettre de mission, démontrent la difficulté pour la société VEC d'obtenir les documents nécessaires à la réalisation de sa mission d'audit et les nombreuses interrogations ou questions soulevées par elle.
Son rapport, remis le 6 juillet 2012, souligne « un manque de clarté et de rigueur » ainsi que « des petites irrégularités ou des dysfonctionnements sans conséquences financières majeures ».
S'agissant de la garantie de passif, la société VEC y souligne que les comptes clients n'étaient pas entièrement apurés et que les soldes ne reposent que sur les dires de la société ESER ; elle ajoute qu'il « faudra veiller à ce que ces dires soient confortés par la garantie d'actif et de passif et que cette GAP repose sur une situation intermédiaire du jour de la cession avec ajustement du prix le cas échéant ».
S'agissant d'une erreur de calcul dans la provision des congés payés, la société VEC y recommande un ajustement du prix de cession pour tenir compte d'un défaut de provision de 13 000 euros.
De même, s'agissant d'un défaut de provision sur des créances anciennes à hauteur de
12 000 euros, la société VEC recommande d'en tenir compte dans le prix de cession.
S'agissant de la rémunération des commerciaux, la société VEC alerte le cessionnaire de la nécessité d'imposer au vendeur de redresser la situation en signant des accords avant la date de cession ; elle ajoute dans la conclusion de son rapport que « la créance sur les commerciaux remet sérieusement en cause l'offre tant sur le prix proposé que sur les conditions de reprise ».
Enfin, le rapport se conclut par une rubrique « Nos recommandations », de laquelle il ressort que la société VEC préconise :
Une condition suspensive liée à une négociation préalable du vendeur d'un plan de redressement avec les commerciaux, ainsi qu'une rencontre de l'acheteur avec l'ensemble des intervenants
Une modification des conditions de cessions permettant d'inclure tout ou partie du montant des charges constatées d'avance
Une prise en compte, pour la mise en œuvre de la GAP, de la somme des petites erreurs liées au manque de rigueur dans l'organisation.
Il apparaît que la société VEC a bien rempli son obligation d'information, de prudence et de mise en garde au regard des éléments définis dans la lettre de mission. Si le rapport ne reprend pas l'ensemble des irrégularités alléguées par la société DL Consulting, il n'en demeure pas moins qu'il encourageait M. Y à revoir le prix d'achat à la baisse et à ajuster le montant de la garantie de passif, ce qu'il n'a manifestement pas fait en tant que dirigeant de la société DL Consulting.
Il convient par ailleurs de souligner que les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2011, qui ont constitué l'un des principaux éléments d'analyse dans le cadre de la mission d'audit réalisée par la société VEC, ont été certifiés sans réserve par le commissaire aux comptes de la société ESER.
Par conséquent, puisqu'aucune faute n'est établie à l'encontre de la société VEC dans le cadre de la réalisation de son audit de la société ESER, il n'y a pas lieu d'engager sa responsabilité délictuelle au bénéfice de la société DL Consulting. Celle ci sera déboutée de ses demandes à ce titre.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il y a lieu de mettre à la charge de la société DL Consulting la somme de 5 000 euros à payer à la société VEC. La société DL Consulting supportera en outre les dépens de l'instance d'appel.
Les demandes présentées par la société DL Consulting à ce titre seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement du 27 septembre 2019 du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a jugé la société DL Consulting irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société Vendôme Expertise Comptable,
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,
Déclare la société DL Consulting recevable en ses demandes,
La déboute de l'ensemble de ses demandes,
La condamne à verser la somme de 5 000 euros à la société Vendôme Expertise Comptable sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens d'appel.