Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 27 mai 2010, n° 09/03072

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

OFFICIEL CE (S.A.R.L.)

Défendeur :

FRANCE CE (S.A.R.L.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. SIMON

Conseillers :

M. FOHLEN, M. JACQUOT

Avoués :

SCP JOURDAN - WATTECAMPS, SCP PRIMOUT-FAIVRE

Avocats :

Me COURTIER, Me COLLADO

GRASSE, du 8 sept. 2008

8 septembre 2008

La société OFFICIEL CE, créée en juin 2005, a édité un 'CD ROM CE' contenant les coordonnées et diverses informations relatives à des comités d'entreprises et qu'elle commercialise au prix de 999,95 euros HT. Soutenant que la société FRANCE CE, exerçant une activité concurrente, avait utilisé les données du CD-ROM sans en acquérir la licence pour démarcher les comités d'entreprises, la société OFFICIEL CE l'a assignée devant le juge des référés qui a rejeté sa demande.

Elle a alors saisi le Tribunal de Commerce de GRASSE d'une action en contrefaçon.

Selon jugement contradictoire du 8 septembre 2008, cette juridiction a débouté la société OFFICIEL CE de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société FRANCE CE une indemnité de 2500 euros pour frais de procédure.

La société OFFICIEL CE est régulièrement appelante du jugement selon déclaration du 20 février 2009 et expose dans ses dernières conclusions du 22 février 2010 que:

- la société FRANCE CE a envoyé des mailings aux adresses pièges figurant au CD-ROM qu'elle a acquis au nom de Madame G., concubine de J. M., gérant de la société FRANCE CE;

- quelques jours après cette acquisition en date du 16 janvier 2007, la société FRANCE CE a engagé une campagne de mailings destinée aux différents comités d'entreprises qui ne peut être le fruit du hasard;

- les adresses-pièges sont attestées par Sabine F., Nicolas C. et Emeline C.;

- les parties ont une clientèle identique, à savoir les fournisseurs qui cherchent à entrer en relation avec les comités d'entreprises pour leur proposer leurs produits;

- nonobstant ces éléments probants, le Tribunal n'a pas tiré les conséquences utiles de ses constatations;

- le CD-ROM litigieux contient une base de données protégée et a été déposé en février 2007 auprès de l'Agence pour la protection des programmes;

- il constitue une oeuvre de l'esprit, compte tenu de l'interface originale développée par la société NKO SYSTEMS;

- la société OFFICIEL CE a consacré plus de 100.000 euros de 2005 à 2007 pour le réaliser et sa mise à jour est réalisée tout au long de l'année au moyen de deux versions annuelles;

- elle bénéficie ainsi des droits d'auteur prévues aux articles L.111-1 et des droits des producteurs de bases de données prévues aux articles L.341-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle;

- en tirant profit des investissements de la société OFFICIEL CE, la société intimée àégalement commis des actes de parasitisme distincts de la contrefaçon qui lui est reprochée;

- la société OFFICIEL CE subit un manque à gagner de 40.000 euros par année compte tenu des investissements annuels réalisés pour la mise à jour du CD ROM;

- en dévoilant les adresses pièges, les actes de contrefaçon à venir ne pourront plus être détectés.

La société OFFICIEL CE conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la Cour de condamner la société FRANCE CE au paiement des sommes de 40.000 euros à titre de dommages intérêts et de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir.

Dans ses conclusions responsives du 26 avril 2010 , la société FRANCE CE fait valoir en réplique que:

- le logiciel dont s'agit ne présentant aucune originalité, s'agissant d'une compilation de données, ne constitue pas une oeuvre de l'esprit et ne peut bénéficier de la protection attachée aux droits d'auteur;

- l'attestation de complaisance de la société NKO SYSTEMS ne démontre pas l'originalité revendiquée et ce d'autant que 22 logiciels de ce type sont disponibles sur le marché;

- la société OFFICIEL CE ne prouve pas l'existence d'une base de données au sens de l'article L.112-3 du Code de la Propriété Intellectuelle ni 'l'investissement financier, matériel ou humain substantiel pour sa constitution' prévu à l'article L. 341-1;

- un litige actuellement pendant devant le Tribunal de Grande Instance de Paris oppose la société OFFICIEL CE à la société EXPOSIUM qui lui reproche une contrefaçon de sa propre base de données ce qui interdit à la société appelante de revendiquer un investissement quelconque;

- elle n'établit pas l'existence des adresses-pièges, les attestations produites à cette fin émanant de personnes en lien direct avec elle;

- aucun fait distinct n'étant allégué, la demande en paiement de dommages intérêts pour concurrence déloyale n'est pas plus fondée et ce d'autant que la société FRANCE CE exerce une activité différente d'organisation de salons;

- il ressort du procès-verbal dressé le 8 avril 2010 à Maître P., huissier de justice à Chateauneuf (06), que la société FRANCE CE a utilisé pour sa campagne la base de données issue du logiciel PROACTIVE CE acquis auprès de la société MEDIA CONTACT LTD.

La société FRANCE CE conclut à la confirmation du jugement et au paiement par la société OFFICIEL CE d'une indemnité de 10.000 euros pour frais de procédure.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 avril 2010 .

DISCUSSION

Il est admis que le CD-ROM édité par la société appelante est une compilation de renseignements relatifs aux comités d'entreprises tels adresses, nom du responsable coordonnées téléphoniques etc... destinée à permettre aux fournisseurs de leur faire toutes offres utiles. Les bases de données figurent à l'article L.112-1 du Code de la Propriété Intellectuelle donnant une liste non exhaustive des oeuvres de l'esprit qui ne sont protégeables qu'autant qu'elles soient originales.

A l'évidence la société OFFICIEL CE qui a la charge de la preuve de l'originalité est défaillante à ce titre, la seule attestation de la société NKO SYSTEMS en date du 7 avril 2008 n'établissant pas en quoi l'interface qu'elle a réalisée pour la société OFFICIEL CE révélerait l'empreinte de son auteur se distinguant ainsi des 22 autres CD dédiés aux comités d'entreprises et disponibles en 2007 sur le marché.

La société appelante ne peut dès lors revendiquer la protection attachée aux droits d'auteur telle que prévue à l'article L.111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle.

Elle ne peut pas plus bénéficier des dispositions spécifiques relatives aux bases de données figurant aux articles L.341-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. En effet après trois années de procédure, la société OFFICIEL CE ne fournit aucun renseignement circonstancié sur le contenu de sa base de données et les extractions qu'en aurait opérées la société FRANCE CE. L'investissement 'substanciel' exigé par l'article précité est également des plus incertains puisque la société OFFICIEL CE produit tantôt des factures postérieures aux faits de contrefaçon qu'elle allègue et qui représentent 50.000 euros sur les 100.000 euros qu'elle invoque , tantôt des chiffres contradictoires en soutenant un investissement de 100.000 euros dans la présente procédure et de 70.000 euros dans celle l'opposant à la société EXPOSIUM devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.

Il n'est pas indifférent non plus de relever que cette société reproche dans cette procédure à son ancien salarié Ch. P., aujourd'hui associé de la société OFFICIEL CE, d'avoir détourné sa propre base de données au profit de la société appelante.

Les mises à jour annuelles revendiquées par cette dernières s'arrêtent également à mars 2008.

L'ensemble de ces éléments ne permet donc pas de considérer que la société FRANCE CE ait porté atteinte à des droits de propriété intellectuelle dont la société OFFICIEL CE serait titulaire.

* * *

L'action en concurrence déloyale sera aussi écartée puisqu'elle n'est fondée sur aucun fait distinct de la contrefaçon.

Le jugement sera ainsi confirmé en tous ses chefs de décisions.

* * *

L'équité conduit à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société FRANCE CE contrainte de comparaître une nouvelle fois en justice pour assurer sa défense.

La société OFFICIEL CE qui succombe supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit l'appel;

Confirme le jugement déféré rendu par le Tribunal de Commerce de GRASSE;

Y ajoutant :

Condamne la société OFFICIEL CE à payer à la société FRANCE CE la somme de 3.000 € (trois mille euros) en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

La condamne aux dépens et autorise la SCP PRIMOUT-FAIVRE, Avoués, à les recouvrer au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.