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Décisions

CA Versailles, 14e ch., 6 janvier 2010, n° 09/00340

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

UMANIS FRANCE (S.A.S.), UMANIS INSTITUT (S.A.R.L.)

Défendeur :

DEMOS (S.A.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. FEDOU

Conseillers :

Mme ANDRICH, M. BOIFFIN

Avocats :

SCP FIEVET-LAFON, Me FLORAND, Me RICARD, Me MAY

Nanterre, du 13 janv. 2009

13 janvier 2009

La société DEMOS est l'un des leaders français de la formation professionnelle ; son activité principale porte sur son offre de formations sous forme de stages thématiques proposés aux entreprises.

La société UMANIS FRANCE est une société de conseil en systèmes d'information, spécialiste de la 'business intelligence', de la gestion de relations clients et du e-business.

Le 2 janvier 2006, les sociétés DEMOS et UMANIS FRANCE ont conclu un accord de partenariat de distribution de formations, destiné à promouvoir leurs offres respectives et à cibler ainsi une clientèle plus large ; aux termes de cet accord, chacune des parties acquérait le droit de distribuer les formations de l'autre, sous réserve de préciser lors de la vente l'origine de ces formations.

Par lettre recommandée du 28 juin 2007, la société DEMOS a mis la société UMANIS FRANCE en demeure de respecter les engagements pris aux termes du contrat de partenariat et lors de la réunion organisée le 17 janvier 2007 ; dans cet écrit, elle a informé cette dernière de sa décision de ne pas renouveler le contrat pour l'année 2008.

Par lettre recommandée du 13 juillet 2007, la société UMANIS FRANCE a pris acte du non renouvellement du contrat et a indiqué qu'elle retirait l'offre DEMOS de son catalogue.

Au motif qu'elle avait constaté au mois de septembre 2008 que le site internet [...] continuait à proposer à la vente 611 formations reproduisant à l'identique ou presque ses formations originales, la société DEMOS, invoquant ses droits d'auteur et de producteur de base de données, a sollicité l'autorisation, notamment, de faire procéder à une saisie-contrefaçon au siège des sociétés UMANIS FRANCE et UMANIS INSTITUT, situé à Levallois-Perret (92).

Par ordonnance du 27 novembre 2008, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a fait partiellement droit à cette requête.

Autorisées par ordonnance du 18 décembre 2008, les sociétés UMANIS INSTITUT et UMANIS FRANCE ont, par acte du 19 décembre 2008, assigné en référé la société DEMOS aux fins de rétractation de l'ordonnance susvisée et de mainlevée de la saisie-contrefaçon diligentée le 4 décembre 2008.

Par ordonnance du 13 janvier 2009, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a rejeté les demandes des sociétés UMANIS FRANCE et UMANIS INSTITUT et condamné ces dernières au paiement de la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Les sociétés UMANIS FRANCE et UMANIS INSTITUT ont interjeté appel de cette ordonnance.

Aux termes de leurs écritures récapitulatives du 24 septembre 2009, elles font valoir que, conformément aux dispositions de l'article L 721-3 du code de commerce, s'agissant de deux sociétés commerciales, seul le tribunal de commerce était compétent pour apprécier les demandes présentées par la partie adverse.

Elles soulèvent l'absence de qualité à agir de la société DEMOS au titre du droit d'auteur, faute de détermination de l'oeuvre invoquée par l'intimée, en l'absence de justification d'une quelconque originalité des formations et/ou des descriptifs de formation comme du catalogue, et à défaut de justification de la qualité d'auteur de chacune des 611 formations et/ou descriptifs de formation et/ou fiches de formation.

Elles en déduisent que la présomption simple, aux termes de laquelle est réputée titulaire des droits d'auteur la personne morale responsable de la première divulgation sur le marché des oeuvres litigieuses, à les supposer protégées par les droits de propriété intellectuelle, n'est pas applicable en l'espèce.

Elles invoquent l'absence de qualité à agir de la société DEMOS au titre du droit de producteur de base de données, en l'absence de justification par cette dernière d'un investissement substantiel réalisé par elle pour la constitution, la vérification ou la présentation du contenu même du catalogue au sens de l'article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle et de la jurisprudence rendue au visa de cet article.

Elles concluent que, ni au jour de la présentation de la requête, ni à l'occasion de la procédure de rétractation, la société DEMOS n'a justifié de sa qualité à agir sur le fondement du droit du producteur de base de données.

Elles ajoutent que les dispositions légales applicables ont été méconnues par l'ordonnance du 27 novembre 2008, compte tenu de l'inutilité d'une saisie-contrefaçon, copie de l'offre de formations 'UMANIS' étant disponible depuis le site Internet de la société UMANIS INSTITUT.

Elles demandent donc à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise, et, statuant à nouveau, de prononcer la rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 27 novembre 2008, de dire n'y avoir lieu à saisie-contrefaçon, d'ordonner la mainlevée de la saisie-contrefaçon réalisée le 4 décembre 2008 par la SCP VENEZIA-LAVAL-LODIEU, huissiers de justice, et d'ordonner à la société DEMOS de leur restituer immédiatement, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, l'ensembles des pièces et éléments obtenus à l'occasion, ou par suite, des opérations de saisie réalisées le 4 décembre 2008.

En tout état de cause, elles sollicitent qu'il soit fait interdiction à la société DEMOS, sous astreinte de 15 000 € par infraction constatée, d'utiliser les pièces et éléments ainsi obtenus, et elles concluent à la condamnation de l'intimée au paiement à chacune d'elles de la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Selon écritures récapitulatives du 15 septembre 2009, la société DEMOS conclut au débouté des sociétés UMANIS FRANCE et UMANIS INSTITUT de l'intégralité de leurs demandes, à la confirmation de l'ordonnance de référé du 13 février 2009 qui a reconnu la validité de l'ordonnance sur requête rendue le 27 novembre 2008, et à la condamnation des appelantes au paiement des sommes de 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle réplique que les articles L 332-1 et L 332-4 du code de la propriété intellectuelle, qui ont été visés dans l'ordonnance sur requête, précisent que l'autorisation de saisie-contrefaçon en matière de droit d'auteur et de bases de données ne peut être donnée que par le 'président du tribunal de grande instance', peu important que le décret désignant les tribunaux de grande instance appelés à connaître de ces actions n'ait toujours pas été publié.

Elle conteste qu'il y ait eu indétermination des oeuvres invoquées à l'appui de la saisie, alors que le droit d'auteur et le droit sui generis de producteur de base de données, ainsi que les articles du code de la propriété intellectuelle y afférents, ont été systématiquement et explicitement mentionnés dans ses divers actes de procédure.

Elle relève qu'au stade de la saisie-contrefaçon, le juge des requêtes n'a pas à se prononcer sur les critères de validité du droit invoqué par le requérant, ni sur l'existence d'une contrefaçon.

Elle fait valoir que tant son catalogue que le descriptif de ses formations constituent des oeuvres originales au sens des articles L112-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

Elle précise que les formations et le catalogue DEMOS peuvent assurément être qualifiés d'oeuvres collectives, suffisantes à caractériser sa titularité sur ces oeuvres, dans la mesure où ils sont créés grâce à la contribution personnelle de plusieurs auteurs, à l'initiative de l'intimée, et sont divulgués et exploités sous son nom, et sans que les appelantes soient parvenues à renverser cette présomption de titularité.

Elle souligne que, relativement au droit sui generis du producteur de base de données, un catalogue de l'ampleur de celui communiqué par elle lors de la requête en saisie-contrefaçon nécessite le recours à de nombreux salariés et à des investissements financiers substantiels.

Elle ajoute qu'elle a simplement obtenu de manière légale et légitime la saisie d'une série de documents destinés à prouver l'existence d'une atteinte à ses droits et à lui permettre de chiffrer son préjudice, et que les mesures ordonnées étaient proportionnées au but poursuivi, la requête ayant fait l'objet d'un contrôle sérieux et réfléchi de la part du juge des requêtes, et le secret des affaires ayant été préservé.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

I. Sur les demandes de rétractation et de mainlevée de la saisie-contrefaçon du chef d'incompétence de la juridiction saisie :

Considérant qu'il est constant que la société DEMOS a, le 26 novembre 2008, présenté au président du tribunal de grande instance de Nanterre une requête aux fins 'de suspension, de saisie-contrefaçon et de constat', fondée sur les dispositions des articles L 332-1, L 332-4 et L 343-1 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 145 du code de procédure civile ;

Considérant qu'aux termes de cette requête, la société DEMOS a invoqué son droit d'auteur sur les formations dispensées par elle ainsi que son droit sur la base de données protégeable au sens de l'article L 112-3 du code de propriété intellectuelle que constitue le recueil ordonné de ces formations ;

Considérant que le président du tribunal de grande instance a, suivant ordonnance du 27 novembre 2008, partiellement fait droit à cette requête en écartant toutefois la demande formulée par la requérante en application de l'article 145 susvisé ;

Considérant que les sociétés UMANIS INSTITUT et UMANIS FRANCE font valoir que, conformément aux dispositions de l'article L 721-3 du code de commerce, s'agissant de deux sociétés commerciales, seul le tribunal de commerce était compétent pour apprécier les demandes formulées ;

Mais considérant que l'article L 331-1 du code de la propriété intellectuelle a été modifié par l'article 135 de la loi du 4 août 2008, et est désormais rédigé comme suit :

'Toutes les contestations relatives à l'application des dispositions de la première partie du présent code qui relèvent des juridictions de l'ordre judiciaire sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance, sans préjudice du droit pour la partie lésée de se pourvoir devant la juridiction répressive dans les termes du droit commun.

... Les tribunaux de grande instance appelés à connaître des actions et des demandes en matière de propriété littéraire et artistique, y compris lorsque ces actions et demandes portent sur une question de propriété littéraire et artistique et sur une question connexe de concurrence déloyale, sont déterminés par voie réglementaire';

Considérant que, dès lors, il est désormais reconnu aux tribunaux de grande instance une compétence exclusive pour statuer sur les litiges relevant de la propriété littéraire et artistique et des demandes connexes ;

Considérant que la mise en oeuvre de cette disposition spécifique ne nécessite pas une mesure d'application de nature à voir reporter son entrée en vigueur ainsi que le prévoit l'article 1er du code civil, puisqu'en attribuant en cette matière une compétence exclusive au tribunal de grande instance, l'article L 331-1 dans sa nouvelle rédaction peut dès maintenant recevoir application, sans qu'il y ait lieu d'attendre la publication d'un acte réglementaire ultérieur ;

Considérant qu'en tout état de cause, la compétence du président du tribunal de grande instance pour autoriser une saisie-contrefaçon sur le fondement du droit d'auteur est expressément reconnue par les dispositions des articles L 332-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ;

Et considérant que, pour les raisons précédemment exposées, la 'juridiction civile compétente' visée par l'article L 343-1 du code de la propriété intellectuelle en ce qui concerne l'atteinte aux droits du producteur de bases de données ne peut être que le tribunal de grande instance ;

Considérant que, de surcroît, ainsi que le relève le premier juge, alors même que les mesures sollicitées devaient être exécutées dans le ressort du tribunal de grande instance de Nanterre, le président de cette juridiction était territorialement compétent pour en connaître par voie de requête ;

Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer de ce chef l'ordonnance entreprise et de débouter les sociétés UMANIS INSTITUT et UMANIS FRANCE de leurs demandes de rétractation de l'ordonnance du 27 novembre 2008 et de mainlevée de la saisie-contrefaçon pour cause d'incompétence du président du tribunal de grande instance de Nanterre.

II. Sur la recevabilité des demandes de la société DEMOS :

Considérant qu'il résulte de l'article L 332-1 2° du code de la propriété intellectuelle que le président du tribunal de grande instance peut, à la demande de tout auteur d'une oeuvre protégée par le livre Ier, ordonner notamment la saisie des exemplaires constituant une reproduction illicite de l'oeuvre, déjà fabriqués ou en cours de fabrication, ainsi que des exemplaires illicitement utilisés ;

Considérant qu'en vertu de cette disposition issue de la loi de transposition du 29 octobre 2007, le président du tribunal de grande instance peut également 'ordonner la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer illicitement les oeuvres, ainsi que de tout document s'y rapportant';

Considérant qu'en application de l'article L 343-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi du 29 octobre 2007, ce magistrat peut encore autoriser 'toute personne ayant qualité pour agir en vertu du présent titre' à 'faire procéder par tous huissiers..., soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, des supports ou produits portant prétendument atteinte aux droits du producteur de bases de données, soit à la saisie réelle de ces supports ou produits ainsi que de tout document s'y rapportant';

Considérant que, pour ce faire, le requérant doit être en mesure de justifier qu'il est l'auteur d'une oeuvre protégée par le livre Ier du code de la propriété intellectuelle, et qu'il est producteur d'une base de données, défini par l'article 341-1 du code de la propriété intellectuelle comme 'la personne qui prend l'initiative et le risque des investissements correspondants' et 'bénéficie d'une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel';

1) Sur la qualité pour agir au titre du droit d'auteur :

Considérant que les sociétés UMANIS INSTITUT et UMANIS FRANCE font valoir que, pour statuer sur les demandes formulées par la société DEMOS sur le fondement du droit d'auteur, il appartenait à la juridiction saisie de :

- déterminer quelle était l'oeuvre au titre de laquelle une protection était briguée ;

- s'assurer ensuite que la société DEMOS justifiait du caractère original de cette oeuvre ;

- s'assurer encore que la société DEMOS justifiait en être l'auteur ;

Mais considérant que, d'une part, la société DEMOS a, aux termes de sa requête aux fins de saisie-contrefaçon, clairement revendiqué son droit d'auteur sur les 'fiches de formation' insérées dans son 'catalogue de formations' de l'année 2008, régulièrement communiqué au juge ayant statué par voie de requête, et qualifié par elle de 'base de données protégeable au sens de l'article L 112-3 du code de la propriété intellectuelle';

Considérant qu'à cet égard, ainsi que le relève la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 2 septembre 2009, saisie d'un recours formé à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 13 février 2009 par le président du tribunal de grande instance de Paris, la société intimée a, de façon constante, dès l'origine du litige et au cours des procédures successives, invoqué les droits d'auteur et le droit sui generis du producteur de base de données, ainsi que la contrefaçon de son catalogue et des fiches de formation ;

Considérant que, d'autre part, aux termes de sa requête, la société DEMOS a précisé en quoi tant son catalogue que le descriptif de ses formations constituaient, selon elle, des oeuvres originales au sens des articles L 112-1 du code de la propriété intellectuelle :

'les stages y sont présentés par domaines et sous-domaines de formation ;

les titres des formations sont sélectionnés avec soin ;

chaque stage est présenté par une fiche de présentation, structurée selon une charte graphique aux couleurs de DEMOS, de la façon suivante :

des parties classifient et mettent en lumière les caractéristiques du stage...,

des rubriques de suggestions de formations facilitent la sélection des stages par les clients...,

un système de mots-clés sur le catalogue accessible en ligne facilite la navigation et la recherche de stages pertinents ;

chaque stage dispose d'un support de cours' ;

Considérant que c'est à la juridiction le cas échéant saisie au fond qu'il appartiendra de dire si les différents éléments qui caractérisent le catalogue et les fiches de formation sont ou non originaux en tant qu'ils reflètent la personnalité de leur auteur ;

Considérant que, toutefois, au stade de la saisie-contrefaçon, ces éléments, en tant qu'ils étaient de nature à rendre vraisemblable l'atteinte alléguée par la société DEMOS aux droits dont elle se prévaut, légitimaient la mesure ordonnée par le juge ayant statué sur requête ;

Considérant que, par ailleurs, la société DEMOS justifie qu'un nombre substantiel des 611 formations prétendument copiées par les sociétés UMANIS avait été divulgué par elle à partir des années 2000 et suivantes ;

Considérant qu'il apparaît que, sous réserve d'une quarantaine de documents qui correspondraient, selon les sociétés appelantes, à des formations conçues par ces dernières ou par des formateurs indépendants, l'essentiel des formations insérées dans son catalogue de l'année 2008 a été créé grâce à la contribution personnelle de plusieurs auteurs, à l'initiative de la société intimée, et a été divulgué et exploité sous son nom ;

Considérant qu'il est admis qu'en l'absence de revendication de la part du ou des auteurs, l'exploitation de l'oeuvre par une personne morale sous son nom fait présumer, à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne morale est titulaire sur l'oeuvre du droit de propriété intellectuelle de l'auteur ;

Considérant que c'est donc à bon droit que le premier juge, constatant que les droits d'auteur et de producteur de base de données n'étaient pas revendiqués par des tiers, en a déduit l'existence d'une présomption suffisante de la titularité des droits revendiqués par la société DEMOS, laquelle justifiait, au stade de la requête en saisie-contrefaçon, la mesure ordonnée par le président du tribunal de grande instance de Nanterre ;

2. Sur la qualité pour agir au titre du droit de producteur de base de données :

Considérant qu'il est constant que, suivant quatre arrêts rendus le 9 novembre 2004, la Cour de justice des communautés européennes a défini la notion d'investissement substantiel lié à l'obtention, à la vérification ou à la présentation du contenu d'une base de données 'comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base', cette notion ne comprenant pas 'les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données';

Considérant qu'aux termes de l'article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle :

'Le producteur d'une base de données, entendu comme la personne qui prend l'initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d'une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel';

Considérant qu'en l'occurrence, il n'est pas contesté que la société DEMOS doit être entendue 'comme la personne qui prend l'initiative et le risque des investissements correspondants';

Considérant qu'il doit être observé que, dès le stade de sa requête aux fins de saisie-contrefaçon, la société DEMOS a fait valoir que son catalogue constituait une base de données protégeable au sens de l'article L 112-3 du code de la propriété intellectuelle, et que l'investissement substantiel réalisé par elle dans la constitution, la vérification ou la présentation de cette base de données justifiait qu'elle bénéficie de la protection accordée par l'article L 341-1 du même code ;

Considérant que la société intimée expose, sans pouvoir être sérieusement contredite sur ce point, qu'un catalogue de l'ampleur de celui communiqué par elle lors de la requête aux fins de saisie-contrefaçon a nécessité le recours à de nombreux salariés et à des investissements financiers substantiels ;

Considérant qu'au demeurant, l'investissement humain est confirmé par l''avis sur le catalogue de DEMOS' établi le 7 mai 2009 par la société SORGEM, suivant lequel :

'Chaque année, la réalisation du catalogue procède d'un travail de collecte et de rassemblement de données et de mise à jour du catalogue de l'année précédente qui exige la mobilisation des équipes de DEMOS du mois de janvier au mois de septembre...';

Considérant que l'investissement matériel et financier se trouve également conforté par l'analyse à laquelle cet organisme a procédé et qui l'a conduit à chiffrer à environ 1 800 000 € le total des coûts annuels engagés par la société intimée pour son catalogue ;

Considérant qu'il s'ensuit que le catalogue communiqué au juge dès le stade de la présentation de la requête était de nature à faire présumer que la société DEMOS disposait d'un droit sui generis sur sa base de données ;

Considérant que, par voie de conséquence, la contestation soulevée par les sociétés UMANIS, tirée du défaut de qualité à agir de la société intimée au titre tant du droit d'auteur que du droit de producteur de base de données, doit être rejetée.

III. Sur la prétendue violation des dispositions légales applicables :

Considérant que les sociétés UMANIS FRANCE et UMANIS INSTITUT exposent que la société DEMOS a usé de la procédure de saisie-contrefaçon à des fins illégitimes, dans la mesure où le catalogue de la société UMANIS INSTITUT est accessible uniquement en ligne depuis son site internet, de telle sorte qu'il suffisait de prendre une copie informatique de l'offre de formation 'UMANIS' telle que publiée sur son site Internet [...], sans qu'une saisie-contrefaçon soit nécessaire ;

Qu'elles soutiennent que la partie adverse a saisi le juge des requêtes, non afin de rapporter la preuve de la matérialité d'une quelconque contrefaçon, ni même de déterminer l'étendue du dommage qu'elle aurait subi, mais seulement en vue d'obtenir des informations confidentielles de nature à lui permettre de parasiter l'activité de la société UMANIS INSTITUT ;

Mais considérant qu'aux termes de l'ordonnance sur requête en date du 27 novembre 2008, la société DEMOS a été autorisée en particulier à : 'se faire remettre tout document se rapportant aux formations 'UMANIS' telles que publiées sur le site Internet [...], et notamment les informations relatives :

- aux ventes de formations et plus généralement à la comptabilité des formations dispensées ;

- à la liste des clients et des prospects ayant reçu une offre de formation ;

- à la liste des formateurs sollicités pour animer lesdites formations';

Or, considérant que les factures relatives aux formations, l'étude du fichier-clients et des prospects ayant reçu une offre de formation, et l'analyse des supports de formation constituaient, au sens des articles L 332-1 et L 343-1 du code de la propriété intellectuelle, des 'documents se rapportant' à l'atteinte alléguée aux droits de la société DEMOS et de nature à permettre d'établir le chiffre d'affaires réalisé à partir des formations prétendument copiées par les sociétés UMANIS ;

Considérant qu'au demeurant, l'huissier de justice chargé de la saisie-contrefaçon a accédé à la demande des sociétés appelantes de placer sous séquestre en son Etude les documents (fichier-client, liste des formateurs, supports de formation) susceptibles de revêtir pour elles un caractère confidentiel ;

Considérant qu'au surplus, aux termes de ses écritures devant la cour, la société intimée précise n'avoir aucune intention d'accéder aux documents soit-disant confidentiels qui ont été saisis ;

Considérant qu'il s'ensuit que les mesures qui ont été ordonnées par le président du tribunal de grande instance de Nanterre, et que ce dernier a pris soin de cantonner aux seules constatations et saisies réelles de documents nécessaires à l'administration de la preuve recherchée, ne sont nullement disproportionnées au but légitimement poursuivi par la société intimée et ayant consisté à déterminer l'existence d'une prétendue atteinte à ses droits et à chiffrer le préjudice qui en était résulté ;

Considérant que, dès lors que l'ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon et l'exécution de cette saisie sont intervenues dans le respect des dispositions légales applicables, l'ordonnance de référé du 13 janvier 2009 doit être confirmée en toutes ses dispositions, et les sociétés UMANIS INSTITUT et UMANIS FRANCE doivent être déboutées de leurs demandes de rétractation de l'ordonnance du 27 novembre 2008, de mainlevée de ladite saisie-contrefaçon réalisée le 4 décembre 2008 ainsi que de leurs demandes subséquentes de restitution et d'interdiction sous astreinte.

IV. Sur les demandes accessoires :

Considérant que, dans la mesure où tant la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête en date du 27 novembre 2008 que le recours formé à l'encontre de la décision entreprise ne caractérisent pas l'exercice abusif par les sociétés appelantes des voies de droit qui leur étaient légalement ouvertes, la société DEMOS doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que le premier juge a à bon droit condamné les sociétés UMANIS FRANCE et UMANIS INSTITUT à verser à la société DEMOS la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens de première instance ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société DEMOS la somme complémentaire de 4 000 € en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés par elle en cause d'appel ;

Considérant qu'il n'est cependant pas inéquitable que les sociétés appelantes conservent la charge des frais non compris dans les dépens qu'elles ont engagés dans le cadre de la présente instance ;

Considérant que les sociétés UMANIS FRANCE et UMANIS INSTITUT doivent être condamnées aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 13 janvier 2009 par le président du tribunal de grande instance de Nanterre ;

Y ajoutant :

Condamne in solidum les sociétés UMANIS FRANCE et UMANIS INSTITUT à payer à la société DEMOS la somme complémentaire de 4 000 € (quatre mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres et plus amples demandes ;

Condamne in solidum les sociétés UMANIS FRANCE et UMANIS INSTITUT aux dépens d'appel, et autorise Maître RICARD, avoué, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-François FEDOU, président et par Madame LOMELLINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.