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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 7 juillet 2023, n° 21/17819

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Derichebourg Energie (SARL)

Défendeur :

Wildam France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme Primevert, Mme L'Eleu de La Simone

Avocats :

Me Chuquet, Me Marty, Me Caillaboux-Rouquet, Me Rogé, Me Clément-Grandcourt

T. com. Créteil, du 21 sept. 2021, n° 20…

21 septembre 2021

La société Wildam est une société de climatisation. La société Derichebourg Energie est une société de services aux entreprises. Fin juin 2019, la société Derichebourg Energie a fait appel à la société Wildam pour une intervention en urgence en qualité de sous-traitant sur un des sites de la société Sanofi en raison d'une panne du système de climatisation. Deux devis ont été émis fin juin et juillet 2019 par la société Wildam et acceptés par la société Derichebourg Energie. Un acompte a été versé le 28 juin 2019 à hauteur de 39.530,55 euros, correspondant à 50 % du montant total. Le 12 juillet 2019, la société Wildam a adressé sa facture de solde, sur laquelle la société Derichebourg a sollicité un rabais, accordé par la société Wildam qui a annulé sa première facture et l'a remplacée par une facture de 36.598,23 euros.

La société Derichebourg Energie a alors réclamé le remboursement de la facture d'acompte de 39.530,55 euros, estimant l'avoir acquittée par erreur, ce que la société Wildam a refusé. La société Derichebourg a donc rompu les relations commerciales.

Suivant exploit du 12 novembre 2020, la société Derichebourg Energie a fait assigner la société Wildam France en paiement devant le tribunal de commerce de Créteil.

Par jugement du 21 septembre 2021, le tribunal de commerce de Créteil a :

Condamné la société Wildam France à payer à la société Derichebourg Energie la somme de 2.572,29 euros, avec intérêt au taux légal à partir du 11 août 2020, et débouté la société Derichebourg Energie du surplus de sa demande formée de ce chef,

Condamné la société Derichebourg Energie à payer à la société Wildam France la somme de 13.850,66 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2020,

Condamné la société Derichebourg Energie à payer à la société Wildam France la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et débouté cette dernière pour le surplus,

Ordonné la compensation à due concurrence des condamnations à l'encontre des sociétés Wildam France et Derichebourg Energie,

Débouté la société Wildam France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Débouté la société Wildam France de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive des relations commerciales,

Condamné la société Derichebourg Energie à payer à la société Wildam France la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté la société Wildam France du surplus de sa demande et débouté la société Derichebourg de sa demande formée de ce chef,

Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamné la partie demanderesse aux dépens,

Rappelé que l'exécution est de droit.

La société Derichebourg Energie a formé appel du jugement par déclaration du 11 octobre 2021 enregistrée le 12 octobre 2021.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 15 mars 2023, la société Derichebourg Energie demande à la cour, au visa des articles, 696, 700 du code de procédure civile, des articles 1104 et 1231-1, 1169,1302 du code civil :

D’infirmer le jugement entrepris,

De recevoir la Société Derichebourg Energie en ses demandes, les dire bien fondées ;

A titre principal :

D’ordonner la nullité du bon de commande n° 1907087737 ;

De condamner la SARL Wildam France à verser à la société Derichebourg Energie la somme de 39 530,55 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la lettre de mise en demeure soit au 7 août 2020 et jusqu'au complet paiement ;

A titre subsidiaire :

Si le tribunal estime que la société Derichebourg Energie reste devoir la somme de 13.850,66 euros à la société Wildam :

D'ordonner le paiement de la somme de 13.850,66 euros par compensation avec la somme de 39.530,55 euros

De condamner la SARL Wildam France à verser à la société Derichebourg Energie la somme de 25.679,89 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la lettre de mise en demeure soit au 7 août 2020 et jusqu'au complet paiement ;

En tout état de cause :

De condamner la SARL Wildam France au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

De condamner la SARL Wildam France aux dépens ;

De débouter la SARL Wildam France de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 29 mars 2023, la société Wildam France demande à la cour, au visa des articles 1104 et 1231-1 et suivants du code civil, des articles L. 442-1 II et suivants du code de commerce :

De déclarer irrecevable et mal fondée la société Derichebourg Energie en son appel.

De déclarer recevable et bien fondée la société Wildam France en son appel incident.

Y faisant droit,

- de confirmer le jugement rendu le 21 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il a :

* condamné la société Derichebourg Energie à payer à la société Wildam France la somme de 13.850,66 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2020.

* condamné la société Derichebourg Energie à payer à la société Wildam France la somme de 3.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

* condamné la société Derichebourg Energie à payer à la société Wildam France la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

* condamné la partie demanderesse aux dépens.

- de réformer le jugement rendu le 21 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il a :

* condamné la société Wildam France à payer à la société Derichebourg Energie la somme de 2.572,29 euros,

* débouté la société Wildam France de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

* débouté la société Wildam France de sa demande de dommages-intérêts pour rupture des relations commerciales.

Statuant à nouveau :

De débouter la société Derichebourg Energie de l'ensemble de ses demandes.

De condamner la société Derichebourg Energie à payer à la société Wildam France la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

De condamner la société Derichebourg Energie à payer à la société Wildam France la somme de 120.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive des relations commerciales.

De condamner la société Derichebourg Energie à payer à la société Wildam France la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles engagés en appel.

De condamner la société Derichebourg Energie aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Isabelle Caillaboux Avocat aux offres de droit.

* La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 6 avril 2023.

SUR CE, LA COUR,

Sur la nullité du bon de commande n° 1907087737

La société Derichebourg Energie soutient que la décision de première instance a totalement omis de prendre en considération l'accord des parties sur l'annulation de la facture de 39.530,55 euros. Elle fait valoir que deux bons de commande pour la même prestation location de 2 GF carrier en juillet 2019 - de la société Wildam chez le client Sanofi ont été émis, dont l'un a été annulé, et que la société Wildam a émis trois factures et un avoir pour la même prestation. Elle en déduit qu'il y a aucune cause au paiement de la seconde facture d'un montant de 39.530,55 euros qui doit être remboursée. La société Derichebourg Energie soutient en outre n'avoir pas validé de devis d'un montant de 79.061,10 euros, le courriel de M. [B], salarié de la société Derichebourg Energie, ne valant pas acceptation. Enfin elle fait valoir que le prix fixé par la société Wildam étant le double du prix habituellement pratiqué pour une telle prestation, elle n'aurait pas pu l'accepter, qu'elle a informé la société Wildam de l'erreur de commande et de facturation et qu'aucun procès-verbal de réception n'est versé aux débats.

La société Wildam France souligne à titre liminaire que pendant la relation commerciale, la société Derichebourg a régulièrement abusé de sa position de plus importante cliente de la société Wildam pour lui imposer a posteriori une fois les travaux réalisés une réduction des factures émises. Elle explique avoir facturé sa prestation conformément au devis du 26 juin 2019 accepté par courriel du même jour de la société Derichebourg. Elle indique verser aux débats toutes les preuves de la réalisation de la prestation commandée par la société Derichebourg Energie sur le site Sanofi du 27 juin au 12 juillet 2019.

Aux termes de l'article 1104 du code civil :

« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d'ordre public. »

En vertu de l'article 1231-1 du même code :

« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. »

La société appelante se prévaut également des dispositions de l'article 1169 du code civil :

« Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire. »

Elle se fonde également sur l'article 1302 du même code :

« Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

La restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées. »

La société Wildam en la personne de M. [E] [O] adresse par courriel du 26 juin 2019 à 18h12 un devis n° 00123361 d'un montant total de 79.061,10 euros HT portant sur « Sanofi Location GF Carrier » à M. [R] [B] (responsable technique) et M. [S] [G] (responsable d'affaires) de la société Derichebourg en ces termes « [R], Comme convenu par téléphone, tu trouveras en urgence le devis pour les transports, l'approvisionnement sur site et la location clés en main des groupes froids de marque CARRIER sur le site de SANOFI [Localité 4]. Merci de ton retour. »

Par courriel du même jour à 19h25, M. [R] [B] « Responsable technique ' SANOFI [Localité 4] » répond « [E], C'est ok pour nous. » en mettant en copie M. [J] [L] et M. [S] [G] de Derichebourg et M. [F] de Wildam.

Le 28 juin 2019 la société Wildam émet une facture n° 00343411 « Facture acompte 50 % » de 39.530,55 euros pour « SANOFI [Localité 3] LOCATION 2 GF CARRIER DEVIS 00123361 » indiquant un « Montant total HT : 79.061,10 euros HT ». L'acompte fait l'objet d'un virement de la société Derichebourg Energie du montant réclamé à la société Wildam le 28 juin 2019.

Une commande n° 1907087737 est formalisée le 3 juillet 2019 par la société Derichebourg pour un montant de 39.530,55 euros, sur la facture 00343411, à la suite de courriels échangés entre Derichebourg (MM. [J] [L], [S] [G], [X] [N] et [P] [V]) et Wildam (M. [E] [O]) les 3 et 4 juillet 2019.

La société Wildam émet ensuite une facture n° 00343429 le 12 juillet 2019 portant sur le solde du devis du 26 juin 2019, soit 39.530,55 euros, pour « SANOFI [Localité 3] LOCATION GF CARRIER ». Par courriel du 16 octobre 2019, M. [S] [G] de la société Derichebourg exige un rabais en ces termes auprès de M. [E] [O] :

« Comme entendu lors de notre CT tu trouveras ci-dessous les détails pour me refaire les deux factures concernant Sanofi :

Réparation GF (') Total 26.651,27 euros

Location GF 36.598,26 euros ».

La société Wildam France établit alors le 31 octobre 2019 une nouvelle facture n° 00343532 « FACTURE SOLDE SANOFI [Localité 3] LOCATION GF CARRIER » à hauteur de 36.598,23 euros. Dans la foulée, un avoir n° 00343533 est dressé le 31 octobre 2019 pour un montant de 39.530,55 euros, « Avoir sur facture commande 1907087737 Sanofi [Localité 3] Location 2 GF Carrier ». Une commande n° 2002098341 émane alors de la société Derichebourg le 21 février 2020 pour un montant de 36.598,26 euros. Cette commande rappelle la référence du chantier concerné M16142 citée dans les échanges de courriels des 3 et 4 juillet 2019 et désigne ainsi son objet : « Selon facture n° 00343532 Regule de commande M. [S] [G] ».

Il ressort de cette chronologie détaillée des faits que sollicitée pour intervenir en urgence sur le site de Sanofi, la société Wildam France a émis un devis immédiatement accepté par la société Derichebourg Energie. Les multiples destinataires « chez Derichebourg - des échanges relatifs à ce devis, aux travaux et à la facture établie ensuite ne laissent aucune place au doute quant à l'accord de la société appelante sur le montant "79.061,10 euros" et la nature des travaux commandés. La contestation tardive » après exécution des travaux - de la société Derichebourg quant à la qualité de M. [B] et ce alors que d'autres responsables étaient en copie du premier courriel et des échanges ultérieurs sans jamais émettre la moindre objection ne remet pas en cause l'accord ferme de volontés des parties sur la chose (mise à disposition de deux « groupes-froid » de la société Carrier) et le prix total (79.061,10 euros HT). L'appelante a exigé un rabais qui a été accordé par la société Wildam France ce qui explique l'émission d'une nouvelle facture et d'un avoir sans que l'établissement de ce dernier ne signifie comme le soutient la société Derichebourg que la première commande a été annulée.

La société Wildam France démontre en effet avoir réalisé les travaux commandés du 27 juin au 12 juillet 2019. À cet égard, elle verse aux débats :

Le rapport d'intervention de la société Carrier du 27 au 28 juin 2019 sur le site de Sanofi [Localité 3] signé par Wildam et Carrier,

La fiche d'intervention/bordereau de suivi de déchets dangereux signé le 28 juin 2019 par le technicien de la société Carrier,

Les échanges de courriels du 9 juillet 2019 entre Carrier et Wildam et entre Derichebourg ([R] [B]) et Wildam sur l'enlèvement des groupes froids de secours Carrier pour vendredi 12 juillet 2019 matin.

Elle fournit encore tous les justificatifs des matériaux qu'elle a payés et livrés sur le site Sanofi, à savoir le devis Carrier du 26 juin 2019 à hauteur de 41.333 euros HT pour les groupes froids et la facture correspondante émise par la société Carrier le 9 juillet 2019, les factures de la société IDK « distributeur en accessoires, climatisation, chauffage ENR » des 28 juin, 9 juillet, 11 juillet, 12 juillet, 15 juillet, 19 juillet 2019, et la facture de la société GFF Générale Frigorifique du 28 juin 2019 (livraison gaz réfrigérant avec en référence Sanofi).

En outre, un second chantier a été réalisé par la société Wildam France, consistant en la réparation des installations de climatisation de Sanofi. Un devis à cet effet a été établi le 1er juillet 2019 par la société Wildam à hauteur de 34.155,60 euros, une commande datée du 11 juillet 2019 a été émise par Derichebourg et une facture par Wildam le 12 juillet 2019. Le courriel du 16 octobre 2019 partiellement retranscrit supra comporte également une demande de réduction du prix concernant ce chantier, après exécution des travaux. La société Wildam France a accédé à cette demande et donc dressé une nouvelle facture d'un montant de 26.651,27 euros le 25 octobre 2019 et rédigé un avoir de ' 34.155,60 euros le 31 octobre 2019. La société Derichebourg a donc émis une nouvelle commande le 29 octobre 2019 de 26.651,27 euros. Si aucune confusion ne doit être opérée entre les deux chantiers dont les versements et pièces justificatives sont distincts, la chronologie des événements est similaire.

Il ressort de ce qui précède que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société Derichebourg Energie de sa demande de nullité du bon de commande litigieux et de remboursement de la somme de 39.530,55 euros.

Sur les demandes de la société Wildam France.

Sur la condamnation au paiement de la somme de 2.572,29 euros.

La société Wildam France soutient que c'est par une erreur d'interprétation du tribunal qu'elle a été condamnée à payer à la société Derichebourg Energie la somme de 2.572,29 euros.

La société Derichebourg Energie indique avoir réglé la facture d'un montant de 36.598,26 euros puis, par erreur selon elle, le 10 mars 2020, la somme de 39.530,55 euros.

Le récapitulatif des virements opérés par la société Derichebourg au profit de la société Wildam laisse apparaître qu'ont effectivement été réglées les sommes de 39.530,55 euros et de 36.598,26 euros, ce dernier montant après la réduction accordée par la société Wildam France à la demande de la société Derichebourg Energie. Il n'existe donc pas de trop-perçu « d'ailleurs improprement calculé par les premiers juges à hauteur de 2.572,29 euros après une inversion de chiffres, 36.958,26 euros au lieu de 36.598,26 euros » au détriment de la société Derichebourg.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Wildam France à payer la somme de 2.572,29 euros, outre les intérêts.

Sur la demande en paiement des factures à hauteur de 13.850,66 euros.

La société Wildam France sollicite également le règlement de factures impayées à hauteur de 13.850,66 euros au titre de sept autres chantiers sur d'autres sites.

La société Derichebourg Energie souhaite que les procès-verbaux de réception des travaux relatifs aux factures correspondant à la somme réclamée soient produits. Elle demande en tout état de cause à la cour d'opérer une compensation avec la somme de 39.530,55 euros.

La société Wildam France verse aux débats les pièces justificatives des sommes réclamées pour les sept chantiers en souffrance, à savoir les devis émis par elle, les commandes de la société Derichebourg, les factures correspondantes puis les sept mises en demeure adressées le 14 septembre 2020. Par lettre recommandée de son conseil du 21 octobre 2020 avec avis de réception signé le 23 octobre 2020, la société Wildam France a mis en demeure la société Derichebourg Energie de lui régler la somme totale de 13.850,66 euros au titre des sept factures.

La créance étant justifiée à hauteur de la somme totale réclamée, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Derichebourg à payer à la société Wildam la somme de 13.850,66 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2020. Compte-tenu de l'absence de condamnation de la société Wildam décidée supra, le jugement sera en revanche infirmé en ce qu'il a ordonné la compensation à due concurrence des condamnations à l'encontre des sociétés Wildam France et Derichebourg Energie.

Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie.

La société Wildam France expose avoir donné satisfaction et ce depuis le début des relations commerciales en 2017. Elle explique n'avoir pas compris pourquoi un autre service de la société Derichebourg Energie avait exigé en mai 2020 plusieurs mois après la fin du gros chantier Sanofi que la société Wildam consente in fine une nouvelle remise de plus de 50 % du total facturé. Elle soutient avoir ainsi subi un chantage de la part de la société Derichebourg Energie qui, voyant qu'elle ne cédait pas, a brutalement rompu toute relation commerciale. Elle soutient enfin que la société Derichebourg Energie est intervenue auprès des sociétés Sanofi et Carrier afin qu'elles ne contractent pas avec elle.

La société Derichebourg Energie soutient qu'aucun contrat écrit n'a été établi et que s'agissant de prestations ponctuelles, elle fait également appel à d'autres prestataires. Elle souligne que la société Wildam n'a jamais eu le monopole des prestations. Enfin elle fait valoir que la société Wildam a brutalement augmenté ses tarifs.

La cour relève à titre liminaire qu'alors qu'elle fondait sa demande pour rupture abusive des relations commerciales sur les articles 1104 et 1231-1 du code civil en première instance, elle invoque désormais l'article L. 442-1 II du code de commerce.

Aux termes de l'article L. 442-1 II du code de commerce dans sa version en vigueur lors de la rupture :

« II. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.

Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. »

Le champ d'application de ce texte est celui des relations commerciales établies, c'est-à-dire les cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l'interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaire avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis, lequel doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

La cour doit procéder à une appréciation in concreto des conditions de déroulement et de la spécificité de la relation.

Il ressort des pièces versées aux débats par la société Wildam France que la société Derichebourg Energie a commencé à faire appel à ses services à compter de l'année 2017. Même si le chiffre d'affaires réalisé par la société Wildam était très important en 2019 (plus de 50 % avec ce seul client) et que ses prestations donnaient manifestement satisfaction dans la mesure où le 20 février 2020, la société Derichebourg envisageait l' « établissement d'un potentiel accord cadre pour 2020 », ces éléments sont insuffisants à démontrer l'existence d'une relation commerciale pérenne et ayant vocation à se poursuivre. En effet, le recours à la sous-traitance était formalisé par des missions ponctuelles et sans exclusivité. La détérioration dès la fin de l'année 2019 des relations ainsi nouées entre les parties un an auparavant, matérialisée par un désaccord profond sur les conditions financières applicables, ne s'est pas résolue pendant le premier semestre 2020 et a conduit à la rupture des relations entre les parties. Compte-tenu de ces éléments, la relation ne peut être qualifiée d'établie au sens de ce texte. La société Wildam France ne démontre pas par ailleurs que l'absence de poursuite de ses relations avec des sociétés tierces "dont Carrier" serait due à des manœuvres de la société Derichebourg. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Wildam France de sa demande de dommages-intérêts au titre d'une rupture abusive demande portée à 120.000 euros en appel alors qu'elle était de 30.000 euros en première instance.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive.

Le jugement a été confirmé en ce qu'il a reconnu que la société Derichebourg Energie était débitrice de la somme totale de 13.850,66 euros. La société Derichebourg, bien que ne contestant pas devoir cette somme au titre des sept factures en souffrance pour d'autres chantiers que le chantier Sanofi entendait voir opérer une compensation et a donc retenu indûment ce montant.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Wildam France la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la procédure abusive.

La société Wildam France considère que c'est avec mauvaise foi que la société Derichebourg a engagé la présente procédure et réclame réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi.

Cependant, la société Derichebourg Energie a fait valoir les moyens qu'elle tenait pour pertinents afin d'asseoir sa position. Même si elle a été déboutée de ses demandes principales en première instance et en appel, il ne peut être considéré que son action a dégénéré en abus.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Wildam France à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

La société Derichebourg Energie succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d'appel, elle sera aussi condamnée aux dépens, dont distraction au profit de Maître Sautelet. Il apparaît en outre équitable de condamner la société Derichebourg Energie à payer à la société Wildam France la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Wildam France à payer à la société Derichebourg Energie la somme de 2.572,29 euros, outre les intérêts, et en ce qu'il a ordonné la compensation à concurrence des condamnations respectives des parties ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DEBOUTE la société Derichebourg Energie de toutes ses demandes ;

CONDAMNE la société Derichebourg Energie aux dépens, dont distraction au profit de Maître Sautelet ;

CONDAMNE la société Derichebourg Energie à payer à la société Wildam France la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.