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Décisions

CA Aix-en-Provence, 15e ch. A, 25 mars 2011, n° 2011/174

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Braizat

Conseillers :

M. Couchet, M. Brue

TGI Nice, du 11 mai 2009, n° 08/3165

11 mai 2009

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte du 2 juin 2008, Madame Zoulika K. épouse B. a fait citer Monsieur Pierre-Marie M., huissier de justice, devant le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Nice, aux fins d'obtenir l'annulation de la saisie vente pratiquée le 2 février 2005, à la demande de la Caisse Organic Alpes Côte d'Azur Corse, ainsi que sa condamnation à lui payer la somme de 1 000 €, à titre de dommages et intérêts et celle de 500 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle a renoncé, par conclusions ultérieures, à sa demande d'annulation du procès verbal de saisie vente, mais réclamé le constat de l'engagement de la responsabilité professionnelle de Maître Pierre-Marie M. et porté sa demande en dommages et intérêts à la somme de 1 800 €.

Monsieur Pierre-Marie M. a conclu à l'irrecevabilité des demandes et subsidiairement à leur rejet et réclamé la condamnation de Madame Zoulika K. à lui payer la somme de 1 500 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 11 mai 2009, le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Nice a déclaré les demandes recevables et condamné Monsieur Pierre-Marie M. à payer à Madame Zoulika K., la somme de 1 800 €, à titre de dommages et intérêts et celle de 500 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La décision a été notifiée aux parties par courriers recommandés avec avis de réception distribués le 5 juin 2010.

Par déclaration au greffe de la Cour en date du 8 juin 2009, Monsieur Pierre-Marie M. a relevé appel de cette décision.

Par écritures déposées le 13 novembre 2009, Monsieur Pierre-Marie M. conclut à la réformation du jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice et soulève l'irrecevabilité de l'action en justice, en application de l'article 130 du décret du 31 juillet 1992 et l'incompétence du juge de l'exécution, en vertu de l'ancien article de L311-12 du code de l'organisation judiciaire, sollicite que le témoignage de Monsieur Alain M. soit déclaré irrecevable, au regard de l'article 202 du Code de procédure civile, ainsi que le débouté des demandes de Madame Zoulika K.. Il réclame sa condamnation à lui payer la somme de 1 500 €, à titre de dommages et intérêts et celle de 1 500 €,en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Il fait valoir que les contestations doivent être formées dans le mois suivant la signification de l'acte de saisie et qu'en l'espèce, un délai de plus de trois ans et demi s'est écoulé. Il ajoute qu'aucune vente des biens n'est intervenue et que la saisine du juge n'a pu ainsi se prolonger jusqu'à cette opération.

Monsieur Pierre-Marie M. affirme que le juge de l'exécution ne peut faire le compte entre les parties après la date de la saisie, sauf à modifier le titre initial, ni statuer sur la répétition de l'indu.

Selon lui, le juge de l'exécution ne peut connaître que des difficultés liées à une voie d'exécution en cours, alors qu'il est question d'une saisie vente pratiquée le 2 février 2005, pour laquelle les sommes dues au créancier ont été depuis lors intégralement réglées.

Il considère avoir utilisé les procédures de recouvrement rendues nécessaires par l'absence de règlement d'une créance due et réclamée depuis 2003, après l'échec d'une saisie attribution sur le compte bancaire de la débitrice le 22 juin 2004 et précise que le paiement n'étant intervenu qu'après la saisie de son véhicule le 2 février 2005, Madame Zoulika K. ne peut invoquer des frais et tracasseries générés par sa propre carence.

Par conclusions déposées le 26 février 2010, Madame Zoulika K. sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a constaté l'engagement de la responsabilité professionnelle de Maître Pierre-Marie M., et réclame sa condamnation à lui payer la somme de 2 500 €, à titre de dommages et intérêts et celle de 1 500 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient qu'au regard du montant de la créance, limitée à 457,35 €, l'huissier de justice aurait dû, en application des articles 51, de la loi du 9 juillet 1991et 82 du décret du 31 juillet 1992, solliciter l'autorisation préalable du juge de l'exécution, avant de procéder à la saisie vente dans son domicile et qu'il doit réparer les conséquences de sa faute, l'article 19 de ce texte rappelant qu'il a la responsabilité de la conduite des opérations d'exécution.

Madame Zoulika K. expose que la loi a instauré un principe de subsidiarité, avant l'exercice d'une saisie vente, observe que la saisie attribution du 22 juin 2004 ne lui a jamais été notifiée et ajoute qu'en l'absence de réponse à l'injonction de communiquer des informations dans le commandement aux fins de saisie vente délivré le 19 janvier 2005, il appartenait à l'huissier de justice chargé du recouvrement, de procéder aux recherches nécessaires de ses comptes et de son employeur.

Elle estime que la saisie de son véhicule par immobilisation et enlèvement est disproportionnée et injustifiée, compte tenu du montant modique restant dû, alors qu'une déclaration à la préfecture aurait été suffisante.

Madame Zoulika K. rappelle que le juge de l'exécution connaît des demandes en réparation fondées sur l'exécution dommageable des mesures d'exécution forcée, alors même que celles-ci ne sont plus en cours et invoque un préjudice matériel et moral, ayant dû procéder à de nombreuses démarches administratives.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 septembre 2010.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que l'assignation à comparaître devant le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Nice, délivrée le 2 juin 2008, à la demande de Madame Zoulika K., vise, d'une part une action en nullité du procès-verbal de saisie vente dressé le 2 février 2005, et, d'autre part, une action en responsabilité à l'encontre de l'huissier de justice instrumentaire ;

Attendu que dans ses conclusions ultérieures, Madame Zoulika K. n'a pas réitéré sa demande d'annulation du procès-verbal de saisie vente ;

Que le respect du délai d'un mois prévu l'article 130 du décret du 31 juillet 1992, relatif à la contestation sur la saisissabilité des biens compris dans la saisie, ne peut donc remettre en cause, en l'espèce, la recevabilité des demandes résiduelles qui ne portent pas sur ce point ;

Attendu que l'alinéa 3 de l'article L. 213-6, anciennement L. 311-12-1 du code de l'organisation judiciaire, prévoit que le juge de l'exécution connaît, sous réserve qu'elles échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, des demandes en réparation fondées sur l'exécution, ou l'inexécution dommageable, des mesures d'exécution forcées ou des mesures conservatoires ;

Attendu que ce texte ne comporte, par sa généralité, aucune distinction relative à la personne contre laquelle la demande en réparation est formée, qu'il s'agisse du créancier, ou de l'officier ministériel chargé du recouvrement et qu'il n'exclut donc pas l'action dirigée contre l'huissier de justice instrumentaire mandaté par le créancier ;

Attendu que si la compétence du juge de l'exécution est limitée aux difficultés relatives aux titres exécutoires, ainsi qu'aux contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, il n'est pas exigé que l'action en responsabilité soit concomitante à la mise en oeuvre de la mesure d'exécution, dans le cadre d'une même procédure ;

Qu'il s'agit d'une compétence générale, exclusive et d'ordre public ;

Attendu que le juge de l'exécution est compétent pour statuer sur l'action en responsabilité fondée sur des fautes commises par l'huissier de justice, dans le cadre de la saisie vente pratiquée le 2 février 2005, à l'encontre de Madame Zoulika K. ;

Attendu qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 9 juillet 1991, l'huissier de justice, chargé de l'exécution a la responsabilité de la conduite des opérations d'exécution et qu'il est habilité, lorsque la loi l'exige à demander au juge de l'exécution ou au ministère public de donner les autorisations ou de prescrire les mesures nécessaires ;

Attendu qu'il résulte des dispositions des articles 51 de la loi du 9 juillet 1991 et 82 du décret du 31 juillet 1992, qu'il ne peut être procédé à une saisie vente dans un local servant à l'habitation du débiteur, lorsqu'elle tend au recouvrement d'une créance autre qu'alimentaire, dont le montant n'excède pas la somme de 535 € en principal, que sur autorisation du juge de l'exécution, donnée sur requête et que celui-ci n'est pas possible par voie de saisie d'un compte de dépôt ou des rémunérations du travail ;

Attendu que la créance principale réclamée par la Caisse Organic Alpes Côte d'Azur Corse était d'un montant de 457,35 €;

Attendu que le silence du débiteur, sur la demande d'informations contenues dans le commandement de payer aux fins de saisie vente ne rend pas celle-ci possible que de ce seul fait ; qu'il incombe à l'huissier de justice de s'adresser, sans autre formalité, au procureur de la République, en vue d'obtenir l'identification de l'employeur des comptes de dépôt du débiteur ;

Attendu que si Monsieur Pierre-Marie M. produit aux débats un procès-verbal de saisie attribution dressé le 22 juin 2004, mentionnant que le compte bancaire de Madame Zoulika K. avait été clôturé, il lui appartenait de rechercher l'existence d'autres comptes ;

Qu'il ne justifie pas avoir procédé à des recherches sur les rémunérations de la débitrice ;

Qu'il ne démontre pas avoir sollicité l'autorisation de procéder à une saisie vente, ni l'avoir obtenue et qu'ainsi la saisie vente du 2 février 2005 a été réalisée illégalement ;

Attendu que les mesures exercées par l'huissier de justice ne peuvent excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation et que les actes inutiles peuvent, en application de l'article 650 du code de procédure civile, donner lieu à des dommages et intérêts ;

Attendu qu'après avoir délivré un commandement aux fins de saisie vente le 19 janvier 2005 et dressé un procès-verbal de saisie vente, en l'absence de l'occupant, le 2 février 2005, mentionnant un certain nombre de meubles, matériels informatiques et appareils électroménagers, ainsi que des objets décoratifs au domicile de la débitrice, l'huissier de justice a pratiqué le même jour la saisie enlèvement du véhicule de Madame Zoulika K. ;

Attendu que cette seconde mesure se révèle inutile et excessive, au regard du montant principal de 457,35 € à recouvrer et des objets déjà saisis ;

Attendu que ces faits constituent des fautes professionnelles ;

Attendu que les dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité et qu'il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement si l'attestation non conforme à celui-ci présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction ;

Attendu que l'attestation établie le 20 décembre 2007, sans les mentions prévues par l'article 202 du Code de procédure civile par Monsieur Alain M., voisin de Madame B. indique avoir dû aider le 2 février 2005, Mademoiselle Amélie B., fille de cette dernière, à ouvrir la porte d'un appartement qui avait été forcé et qu'elle était prise de tremblements, croyant que des cambrioleurs avaient pénétré dans leur domicile ;

Qu'il a réitéré les termes de son témoignage, dans une attestation manuscrite, régulière en la forme datée du 22 juillet 2010 ;

Attendu que le procès-verbal de saisie vente du 2 février 2005, mentionne que la porte de l'appartement a été ouverte par un serrurier et que plusieurs personnes ont ainsi illégalement pénétré au domicile de Madame Zoulika K., constituant ainsi une atteinte au respect de sa vie privée ;

Attendu que la saisie du véhicule a entraîné des frais pour la somme de 255,21€, justifiés par la facture établie le 4 février 2005 par le garage Grossi et rendu nécessaires pour plusieurs démarches, dont un dépôt de plainte pour vol ;

Que ces éléments justifient l'existence d'un préjudice certain et direct et qu'il y a lieu de condamner Monsieur Pierre-Marie M. à payer à Madame Zoulika K. la somme de 1 800 €, à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que le jugement est confirmé ;

Attendu qu'il est équitable d'allouer à Madame Zoulika K. la somme de 1 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit l'appel comme régulier en la forme,

Confirme le jugement déféré,

Condamne Monsieur Pierre-Marie M. à payer à Madame Zoulika K. épouse B. la somme de 1 000 €, en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne Monsieur Pierre-Marie M. aux dépens, ceux d'appel étant distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.