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Décisions

CJUE, gr. ch., 22 octobre 2013, n° C-105/12

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Staat der Nederlanden

Défendeur :

Essent NV, Essent Nederland BV, Eneco Holding NV, Delta NV

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Skouris

Présidents de chambre :

Mme Silva de Lapuerta, M. Ilešič, M. Bay Larsen, M. Safjan

Vice-président :

M. Lenaerts

Juges :

M. Rosas, M. Malenovský, M. Lõhmus, M. Levits, M. Caoimh, M. Arabadjiev (rapporteur), M. Šváby, Mme Berger, Mme Prechal

Avocat général :

M. Jääskinen

Avocats :

Me Knibbeler, Me Pliego Selie, Me Kroes, Me Ottervanger, Me Glazener

CJUE n° C-105/12

22 octobre 2013

LA COUR (grande chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 63 TFUE et 345 TFUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre de litiges opposant le Staat der Nederlanden à Essent NV, Essent Nederland BV, Eneco Holding NV et Delta NV, sociétés actives, notamment, dans la production, la fourniture ainsi que le négoce de l’électricité et du gaz sur le territoire néerlandais (ci-après, ensemble, «Essent e.a.»), au sujet de la compatibilité avec le droit de l’Union d’une législation nationale qui interdit, premièrement, la vente d’actions détenues au sein des gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité et de gaz actifs sur le territoire néerlandais à des investisseurs privés (ci-après l’«interdiction de privatisation»), deuxièmement, des liens de propriété ou de contrôle entre, d’une part, des sociétés faisant partie d’un groupe auquel appartient un gestionnaire de tels réseaux de distribution et, d’autre part, des sociétés faisant partie d’un groupe auquel appartient une entreprise produisant, fournissant ou se livrant au négoce de l’électricité ou du gaz sur le territoire néerlandais (ci-après l’«interdiction de groupe») et, troisièmement, l’accomplissement par un tel gestionnaire et par le groupe dont celui-ci fait partie d’opérations ou d’activités qui pourraient desservir l’intérêt de la gestion du réseau concerné (ci-après l’«interdiction d’activités pouvant desservir la gestion du réseau»).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2003/54/CE

3 Aux termes des considérants 4 à 8, 10 et 23 de la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE (JO L 176, p. 37):

«(4) Les libertés que le traité [CE] garantit aux citoyens européens – libre circulation des marchandises, libre prestation de services et liberté d’établissement – ne peuvent être effectives que dans un marché entièrement ouvert qui permet à tous les consommateurs de choisir librement leur fournisseur et à tous les fournisseurs de délivrer librement leurs produits à leurs clients.

(5) Les principaux obstacles à l’achèvement d’un marché intérieur tout à fait opérationnel et compétitif sont liés, entre autres, à des questions d’accès au réseau, de tarification et de diversité des degrés d’ouverture des marchés entre les États membres.

(6) Pour le bon fonctionnement de la concurrence, l’accès au réseau doit être non discriminatoire, transparent et disponible au juste prix.

(7) Afin d’achever le marché intérieur de l’électricité, l’accès non discriminatoire au réseau du gestionnaire de réseau de transport ou de distribution revêt une importance primordiale. Un gestionnaire de réseau de transport ou de distribution peut comprendre une ou plusieurs entreprises.

(8) Afin d’assurer l’accès au réseau dans des conditions efficaces et non discriminatoires, il convient que les réseaux de transport et de distribution soient exploités par l’intermédiaire d’entités distinctes sur le plan juridique lorsque les entreprises sont verticalement intégrées. La Commission [européenne] devrait évaluer les mesures d’effet équivalent, élaborées par les États membres pour réaliser cet objectif, et, le cas échéant, soumettre des propositions pour modifier la présente directive. Il convient également que les gestionnaires de réseau de transport et de distribution disposent de droits effectifs de prise de décision en ce qui concerne les actifs nécessaires pour entretenir, exploiter et développer les réseaux lorsque les actifs en question sont la propriété d’entreprises verticalement intégrées et sont exploités par celles-ci.

Il est nécessaire que l’indépendance des gestionnaires de réseau de distribution (GRD) et des gestionnaires de réseau de transport (GRT) soit garantie, en particulier au regard des intérêts des producteurs et des fournisseurs. Dès lors, il convient de mettre en place des structures de gestion indépendantes entre les GRD et les GRT et toute entreprise de production/fourniture.

Il est important, toutefois, de faire la distinction entre cette séparation juridique et le découplage de la propriété. La séparation juridique n’implique pas de changement de la propriété des actifs et rien n’empêche que des conditions d’emploi similaires ou identiques s’appliquent dans la totalité de l’entreprise verticalement intégrée. Toutefois, il convient d’assurer un processus décisionnel non discriminatoire à travers des mesures d’organisation concernant l’indépendance des preneurs de décisions responsables.

[...]

(10) Bien que la présente directive ne traite pas des questions de propriété, il est rappelé que, dans le cas d’une entreprise assurant le transport ou la distribution et distincte, quant à sa forme juridique, des entreprises assurant la production et/ou la fourniture, l’entreprise propriétaire de l’infrastructure peut être désignée comme gestionnaire de réseau.

[...]

(23) Pour assurer la sécurité d’approvisionnement, il convient de surveiller l’équilibre entre l’offre et la demande dans les différents États membres et d’établir un rapport sur la situation au niveau communautaire, en tenant compte de la capacité d’interconnexion entre zones. [...] L’entretien et la construction des infrastructures de réseau nécessaires, y compris la capacité d’interconnexion et la production d’électricité décentralisée, sont des éléments importants pour assurer un approvisionnement stable en électricité.»

4 L’article 15 de cette directive, intitulé «Séparation juridique des gestionnaires de réseau de distribution», disposait notamment:

«1. Lorsque le gestionnaire de réseau de distribution fait partie d’une entreprise verticalement intégrée, il doit être indépendant, au moins sur le plan de la forme juridique, de l’organisation et de la prise de décision, des autres activités non liées à la distribution. Ces règles ne créent pas d’obligation de séparer la propriété des actifs du gestionnaire de réseau de distribution, d’une part, de l’entreprise verticalement intégrée, d’autre part.

2. En plus des exigences visées au paragraphe 1, lorsque le gestionnaire du réseau de distribution fait partie d’une entreprise verticalement intégrée, il doit être indépendant, sur le plan de l’organisation et de la prise de décision, des autres activités non liées à la distribution. Les critères minimaux à appliquer pour cela sont les suivants:

a) les personnes responsables de la gestion du gestionnaire de réseau de distribution ne peuvent pas faire partie des structures de l’entreprise d’électricité intégrée qui sont directement ou indirectement chargées de la gestion quotidienne des activités de production, de transport, de fourniture d’électricité;

b) des mesures appropriées doivent être prises pour que les intérêts professionnels des responsables de la gestion du gestionnaire de réseau de distribution soient pris en considération de manière à leur permettre d’agir en toute indépendance;

c) le gestionnaire de réseau de distribution doit disposer de pouvoirs de décision effectifs, indépendamment de l’entreprise d’électricité intégrée, en ce qui concerne les éléments d’actifs nécessaires pour exploiter, entretenir ou développer le réseau. Ceci ne devrait pas empêcher l’existence de mécanismes de coordination appropriés en vue d’assurer que les droits de supervision économique et de gestion de la société mère concernant le rendement des actifs d’une filiale réglementé indirectement en vertu de l’article 23, paragraphe 2, soient préservés. En particulier, la présente disposition permet à la société mère d’approuver le plan financier annuel du gestionnaire de réseau de transport, ou tout document équivalent, et de plafonner globalement le niveau d’endettement de sa filiale. En revanche, elle ne permet pas à la société mère de donner des instructions au sujet de la gestion quotidienne ni en ce qui concerne des décisions individuelles relatives à la construction ou à la modernisation de lignes de transport qui n’excèdent pas les limites du plan financier qu’elle a approuvé ou de tout document équivalent;

d) le gestionnaire de réseau de distribution établit un programme d’engagements qui contient les mesures prises pour garantir que toute pratique discriminatoire est exclue et que son application fait l’objet d’un suivi approprié. [...]

[...]»

 La directive 2003/55/CE

5 Les considérants 4, 6 et 7 de la directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30/CE (JO L 176, p. 57), étaient formulés en des termes correspondants à ceux des considérants 4, 5 et 6 de la directive 2003/54. La rédaction des considérants 8 et 23 de la directive 2003/55 correspondait, mutatis mutandis, à celle des considérants 7 et 23 de la directive 2003/54.

6 Les considérants 9 et 10 de la directive 2003/55 énonçaient:

«(9) Dans le cas d’une entreprise de gaz exécutant des activités de transport, de distribution, de stockage ou de gaz naturel liquide (GNL) et distincte, quant à sa forme juridique, des entreprises assurant la production et/ou la fourniture, l’entreprise propriétaire de l’infrastructure peut être désignée comme gestionnaire de réseau.

(10) Afin d’assurer l’accès au réseau dans des conditions efficaces et non discriminatoires, il convient que les réseaux de transport et de distribution soient exploités par des entités distinctes sur le plan juridique lorsque les entreprises sont intégrées verticalement. La Commission devrait évaluer les mesures d’effet équivalent, développées par les États membres pour réaliser cet objectif et, le cas échéant, soumettre des propositions pour modifier cette directive.

Il convient également que les gestionnaires de réseau de transport et de distribution disposent de droits effectifs de prise de décision en ce qui concerne les actifs nécessaires pour entretenir et exploiter et développer les réseaux lorsque les actifs en question sont la propriété d’entreprises intégrées verticalement et sont exploités par celles-ci.

Il est important toutefois de faire la distinction entre cette séparation juridique et le découplage de la propriété. La séparation juridique n’implique pas de changement de la propriété des actifs et rien n’empêche que des conditions d’emploi similaires ou identiques s’appliquent dans la totalité de l’entreprise intégrée verticalement. Toutefois, il convient d’assurer un processus décisionnel non discriminatoire à travers des mesures d’organisation concernant l’indépendance des preneurs de décision responsables.»

7 L’article 13 de cette directive, intitulé «Séparation juridique des gestionnaires de réseau de distribution», était, mutatis mutandis, identique à l’article 15 de la directive 2003/54.

 La directive 2009/72/CE

8 Les considérants 3, 4, 7, 9 à 12, 15, 16, 21, 25, 26 et 44 de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (JO L 211, p. 55), précisent ce qui suit:

«(3) Les libertés que le traité garantit aux citoyens de l’Union – entre autres, la libre circulation des marchandises, la liberté d’établissement et la libre prestation de services – ne peuvent être effectives que dans un marché entièrement ouvert qui permet à tous les consommateurs de choisir librement leurs fournisseurs et à tous les fournisseurs de fournir librement leurs produits à leurs clients.

(4) Cependant, à l’heure actuelle, il existe des obstacles à la vente de l’électricité dans des conditions identiques et sans subir de discrimination ni de désavantages dans [l’Union]. Il reste notamment à mettre en place un accès non discriminatoire aux réseaux et un niveau comparable de surveillance réglementaire dans chaque État membre.

[...]

(7) La communication de la Commission du 10 janvier 2007 intitulée ‘Une politique de l’énergie pour l’Europe’ a insisté sur l’importance que revêtent la réalisation du marché intérieur de l’électricité et la création de conditions de concurrence équitables pour toutes les entreprises d’électricité établies dans [l’Union]. Il ressort des communications de la Commission du 10 janvier 2007 intitulées ‘Perspectives du marché intérieur du gaz et de l’électricité’ et ‘Enquête menée en vertu de l’article 17 du règlement (CE) nº 1/2003 sur les secteurs européens du gaz et de l’électricité (rapport final)’ que les règles et les mesures en vigueur n’offrent pas un encadrement suffisant pour permettre la réalisation de l’objectif que représente le bon fonctionnement du marché intérieur.

[...]

(9) Sans une séparation effective des réseaux par rapport aux activités de production et de fourniture (‘découplage effectif’), il existe un risque de discrimination non seulement dans l’exploitation du réseau, mais aussi dans les éléments qui incitent les entreprises verticalement intégrées à investir suffisamment dans leurs réseaux.

(10) Toutefois, les règles en vigueur en matière de séparation juridique et fonctionnelle, prévues dans la directive 2003/54/CE, n’ont pas permis d’assurer un découplage effectif dans le secteur des gestionnaires de réseau de transport. Par conséquent, lors de sa réunion des 8 et 9 mars 2007, le Conseil européen a invité la Commission à élaborer des propositions législatives visant à assurer une ‘séparation effective des activités d’approvisionnement et de production, d’une part, et de la gestion des réseaux, d’autre part’.

(11) Seule la suppression des éléments qui incitent les entreprises verticalement intégrées à pratiquer des discriminations à l’encontre de leurs concurrents en matière d’accès au réseau et d’investissements est de nature à garantir un découplage effectif. La dissociation des structures de propriété, qui implique que le propriétaire du réseau soit désigné comme gestionnaire de réseau et qu’il soit indépendant des structures de fourniture et de production, est clairement un moyen efficace et stable de résoudre le conflit d’intérêts intrinsèque et d’assurer la sécurité de l’approvisionnement. C’est pourquoi, dans sa résolution du 10 juillet 2007 sur les perspectives du marché intérieur du gaz et de l’électricité [JO 2008, C 175 E, p. 206], le Parlement européen considère que la séparation entre la propriété et le transport est le moyen le plus efficace de promouvoir de façon non discriminatoire l’investissement dans les infrastructures, un accès équitable au réseau pour les nouveaux arrivants et la transparence du marché. Conformément au principe de la dissociation des structures de propriété, les États membres devraient par conséquent être tenus de faire en sorte que la ou les mêmes personnes ne puissent exercer un contrôle sur une entreprise de production ou de fourniture et, simultanément, un contrôle ou des pouvoirs sur un réseau de transport ou un gestionnaire de réseau de transport. Inversement, il ne devrait pas être possible d’exercer un contrôle ou des pouvoirs sur une entreprise de production ou de fourniture en même temps qu’un contrôle sur un réseau de transport ou un gestionnaire de réseau de transport. Dans le respect de ces limites, une entreprise de production ou de fourniture devrait pouvoir détenir une participation minoritaire dans un gestionnaire de réseau de transport ou dans un réseau de transport.

(12) Tout système de dissociation devrait être capable de supprimer tout conflit d’intérêt entre les producteurs, les fournisseurs et les gestionnaires de réseau de transport, afin de créer des incitations à la réalisation des investissements nécessaires et de garantir l’accès des nouveaux venus sur le marché dans le cadre d’un régime réglementaire transparent et efficace, et ne devrait pas créer un régime réglementaire trop onéreux pour les autorités de régulation nationales.

[...]

(15) Conformément au principe de la dissociation des structures de propriété, afin d’assurer l’indépendance totale de la gestion des réseaux par rapport aux structures de fourniture et de production, et d’empêcher les échanges d’informations confidentielles, une même personne ne devrait pas être à la fois membre des organes de direction d’un gestionnaire de réseau de transport ou d’un réseau de transport et membre des organes de direction d’une entreprise assurant une des fonctions suivantes: production ou fourniture. Pour la même raison, une même personne ne devrait pas être autorisée à désigner les membres des organes de direction d’un gestionnaire de réseau de transport ou d’un réseau de transport et à exercer un contrôle ou des pouvoirs sur une entreprise de production ou de fourniture.

(16) La mise en place d’un gestionnaire de réseau ou de transport indépendant des structures de fourniture et de production devrait permettre à une entreprise verticalement intégrée de conserver la propriété des actifs du réseau en garantissant par ailleurs une séparation effective des intérêts, pour autant que le gestionnaire de réseau ou de transport indépendant assume toutes les fonctions d’un gestionnaire de réseau et qu’il existe une réglementation précise et des mécanismes de contrôle réglementaire complets.

[...]

(21) Un État membre a le droit d’opter pour la dissociation intégrale des structures de propriété sur son territoire. Si un État membre a exercé ce droit, une entreprise n’a pas le droit de mettre en place un gestionnaire de réseau ou de transport indépendant. En outre, une entreprise assurant une des fonctions suivantes: production ou fourniture ne peut pas exercer de contrôle direct ou indirect sur un gestionnaire de réseau de transport d’un État membre qui a opté pour cette dissociation intégrale, ni exercer un quelconque pouvoir sur ce gestionnaire.

[...]

(25) La sécurité de l’approvisionnement énergétique est un élément essentiel de la sécurité publique, et est, de ce fait, intrinsèquement liée au fonctionnement efficace du marché intérieur de l’électricité et à l’intégration des marchés de l’électricité isolés des États membres. [...]

(26) L’accès non discriminatoire au réseau de distribution détermine l’accès à la clientèle en aval, au niveau de la vente de détail. Le risque de discrimination en ce qui concerne l’accès des tiers et les investissements est toutefois moins grand au niveau de la distribution qu’à celui du transport, pour lequel la congestion et l’influence des structures de production ou de fourniture sont généralement plus marquées qu’au niveau de la distribution. De plus, la séparation juridique et fonctionnelle des gestionnaires de réseau de distribution n’est obligatoire, en vertu de la directive 2003/54/CE, que depuis le 1er juillet 2007, et ses effets sur le marché intérieur de l’électricité doivent encore être évalués. Les règles de séparation juridique et fonctionnelle en vigueur sont de nature à conduire à un découplage effectif à condition qu’elles soient définies plus clairement, qu’elles soient correctement mises en œuvre et qu’elles fassent l’objet d’un suivi rigoureux. Pour créer des conditions de concurrence équitables au niveau de la vente de détail, un contrôle des activités des gestionnaires de réseau de distribution est donc nécessaire afin d’empêcher ces derniers de profiter de leur intégration verticale pour favoriser leur position concurrentielle sur le marché, notamment à l’égard des clients résidentiels et des petits clients non résidentiels.

[...]

(44) Pour assurer la sécurité d’approvisionnement, il convient de surveiller l’équilibre entre l’offre et la demande dans les différents États membres et d’établir ensuite un rapport sur la situation au niveau communautaire, en tenant compte de la capacité d’interconnexion entre zones. [...] La maintenance et la construction des infrastructures de réseau nécessaires, y compris la capacité d’interconnexion et la production d’électricité décentralisée, sont des éléments importants pour assurer un approvisionnement stable en électricité.»

9 L’article 9 de la directive 2009/72 traite de la «[d]issociation des réseaux de transport et des gestionnaires de réseau de transport» et son article 14 de la «[d]issociation des propriétaires de réseau de transport». Les articles 18 et 19 de cette directive visent, selon l’intitulé de ceux-ci, à assurer, respectivement, l’«[i]ndépendance du gestionnaire de réseau de transport» et l’«[i]ndépendance du personnel et des dirigeants du gestionnaire de réseau de transport».

10 Aux termes de l’article 26, paragraphes 1 à 3, de ladite directive, intitulé «Dissociation des gestionnaires de réseau de distribution»:

«1. Lorsque le gestionnaire de réseau de distribution fait partie d’une entreprise verticalement intégrée, il est indépendant, au moins sur le plan de la forme juridique, de l’organisation et de la prise de décision, des autres activités non liées à la distribution. Ces règles ne créent pas d’obligation de séparer la propriété des actifs du gestionnaire de réseau de distribution, d’une part, de l’entreprise verticalement intégrée, d’autre part.

2. En plus des exigences visées au paragraphe 1, lorsque le gestionnaire de réseau de distribution fait partie d’une entreprise verticalement intégrée, il est indépendant, sur le plan de l’organisation et de la prise de décision, des autres activités non liées à la distribution. À cet effet, les critères minimaux à appliquer sont les suivants:

a) les personnes responsables de la gestion du gestionnaire de réseau de distribution ne doivent pas faire partie des structures de l’entreprise intégrée d’électricité qui sont directement ou indirectement chargées de la gestion quotidienne des activités de production, de transport ou de fourniture d’électricité;

b) des mesures appropriées doivent être prises pour que les intérêts professionnels des responsables de la gestion du gestionnaire de réseau de distribution soient pris en considération de manière à leur permettre d’agir en toute indépendance;

c) le gestionnaire de réseau de distribution doit disposer de pouvoirs de décision effectifs, indépendamment de l’entreprise intégrée d’électricité, en ce qui concerne les éléments d’actifs nécessaires pour exploiter, entretenir ou développer le réseau. Pour exécuter ces tâches, le gestionnaire de réseau de distribution dispose des ressources nécessaires, tant humaines que techniques, matérielles et financières. Cela ne devrait pas empêcher l’existence de mécanismes de coordination appropriés en vue d’assurer que les droits de supervision économique et de gestion de la société mère concernant le rendement des actifs d’une filiale, régulé indirectement en vertu de l’article 37, paragraphe 6, soient préservés. En particulier, la présente disposition permet à la société mère d’approuver le plan financier annuel du gestionnaire de réseau de distribution, ou tout document équivalent, et de plafonner globalement le niveau d’endettement de sa filiale. En revanche, elle ne permet pas à la société mère de donner des instructions au sujet de la gestion quotidienne ni en ce qui concerne des décisions individuelles relatives à la construction ou à la modernisation de lignes de distribution qui n’excèdent pas les limites du plan financier qu’elle a approuvé ou de tout document équivalent; et

d) le gestionnaire de réseau de distribution doit établir un programme d’engagements, qui contient les mesures prises pour garantir que toute pratique discriminatoire est exclue, et veiller à ce que son application fasse l’objet d’un suivi approprié. [...]

3. Lorsque le gestionnaire de réseau de distribution fait partie d’une entreprise verticalement intégrée, les États membres veillent à ce que ses activités soient surveillées par les autorités de régulation ou d’autres organes compétents afin que le gestionnaire de réseau de distribution ne puisse pas tirer profit de son intégration verticale pour fausser la concurrence. En particulier, les gestionnaires de réseau de distribution appartenant à une entreprise verticalement intégrée s’abstiennent, dans leurs pratiques de communication et leur stratégie de marque, de toute confusion avec l’identité distincte de la branche ‘fourniture’ de l’entreprise verticalement intégrée.»

11 Conformément à l’article 49, paragraphe 1, premier alinéa, de la même directive, le délai de transposition de celle-ci expirait le 3 mars 2011.

 La directive 2009/73/CE

12 Les considérants 3, 5, 6, 8, 9, 12, 13 et 18 de la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (JO L 211, p. 94), sont rédigés dans des termes correspondants à ceux des considérants 3, 7, 9, 11, 12, 15, 16 et 21 de la directive 2009/72. Les considérants 4, 7, 22, 25 et 40 de la directive 2009/73 correspondent, mutatis mutandis, aux considérants 4, 10, 25, 26 et 44 de la directive 2003/72.

13 L’article 9 de la directive 2009/73 régit la «[d]issociation des réseaux de transport et des gestionnaires de réseau de transport» et l’article 15 de celle-ci la «[d]issociation des propriétaires de réseau de transport et des gestionnaires d’installations de stockage». Les articles 18 et 19 de cette directive visent à assurer, respectivement, selon l’intitulé de ces articles, l’«[i]ndépendance du gestionnaire de réseau de transport» et l’«[i]ndépendance du personnel et des dirigeants du gestionnaire de réseau de transport».

14 L’article 26, paragraphes 1 à 3, de ladite directive, intitulé «Dissociation des gestionnaires de réseau de distribution», est, mutatis mutandis, identique à l’article 26, paragraphes 1 à 3, de la directive 2009/72.

15 Conformément à l’article 54, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2009/73, le délai de transposition de celle-ci expirait le 3 mars 2011.

 Le droit néerlandais

 L’interdiction de privatisation

16 Il ressort des demandes de décision préjudicielle que, au moment des faits ayant donné lieu aux litiges au principal, l’interdiction de privatisation ressortait d’une lecture combinée, d’une part, de l’article 93 de la loi portant réglementation en matière de production, de fourniture et de transport d’électricité (loi de 1998 relative à l’électricité) [Wet houdende regels met betrekking tot de productie, het transport en de levering van elektriciteit (Elektriciteitswet 1998)], du 2 juillet 1998 (Staatsblad 1998, nº 427, ci-après la «loi relative à l’électricité»), et/ou de l’article 85 de la loi portant réglementation du transport et de la fourniture de gaz (loi relative au gaz) [Wet houdende regels omtrent het transport en de levering van gas (Gaswet)], du 22 juin 2000 (Staatsblad 2000, nº 305, ci-après la «loi relative au gaz»), avec, d’autre part, l’arrêté fixant les règles relatives à l'octroi de l’autorisation des modifications portant sur les droits afférents aux actions dans un gestionnaire de réseau comme visé dans la loi de 1998 sur l’électricité et dans la loi sur le gaz (arrêté relatif aux actions des gestionnaires de réseau) [Besluit houdende regels omtrent het verlenen van instemming met wijzigingen ten aanzien van rechten op aandelen in een netbeheerder als bedoeld in de Elektriciteitswet 1998 en in de Gaswet (Besluit aandelen netbeheerders)], du 9 février 2008 (Staatsblad 2008, nº 62, ci-après l’«arrêté de 2008»), qui a été adopté en application de l’article 93, paragraphe 4, de la loi relative à l’électricité et de l’article 85, paragraphe 4, de la loi relative au gaz.

17 Aux termes de l’article 93, paragraphe 2, de la loi relative à l’électricité et de l’article 85, paragraphe 2, de la loi relative au gaz, le transfert d’actions détenues au sein d’un gestionnaire de réseau était soumis au consentement du ministre des Affaires économiques. Conformément aux articles 1er et 3 de l’arrêté de 2008, ce consentement devait être refusé lorsqu’un tel transfert avait pour conséquence que les actions devenaient la propriété de personnes autres que l’État néerlandais, ses provinces ou ses communes (ci-après, ensemble, les «autorités»), ou encore certaines personnes morales, parmi lesquelles figuraient Essent e.a., dont l’ensemble des actions était détenu, directement ou indirectement, par lesdites autorités.

 L’interdiction de groupe

18 Comme l’interdiction de privatisation, l’interdiction de groupe a été introduite dans la législation néerlandaise par la loi portant modification de la loi relative à l’électricité et de la loi relative au gaz en ce qui concerne les modalités d’une gestion indépendante des réseaux (loi relative à la gestion indépendante des réseaux) [Wet tot wijziging van de Elektriciteitswet 1998 en van de Gaswet in verband met nadere regels omtrent een onafhankelijk netbeheer (Wet onafhankelijk netbeheer)], du 23 novembre 2006 (Staatsblad 2006, nº 614, ci-après la «loi relative à la gestion indépendante des réseaux»), à l’article 10b, paragraphe 1, de la loi relative à l’électricité et à l’article 2c, paragraphe 1, de la loi relative au gaz. La loi relative à la gestion indépendante des réseaux, notamment, a modifié les dispositions nationales ayant été adoptées afin de mettre en œuvre les directives 2003/54 et 2003/55 (ci-après, ensemble, les «directives de 2003»).

19 Conformément à l’article 10b, paragraphes 1 à 3, de la loi relative à l’électricité:

«1. Un gestionnaire de réseau ne fait pas partie d’un groupe au sens de l’article 24b du Livre 2 du code civil auquel appartient également une personne morale ou une société qui produit, fournit ou négocie de l’électricité aux Pays-Bas.

2. Les personnes morales et les sociétés qui font partie d’un groupe au sens de l’article 24b du Livre 2 du code civil auquel appartient également une personne morale ou une société qui produit, fournit ou négocie de l’électricité aux Pays-Bas ne détiennent aucune action dans un gestionnaire de réseau ou dans une personne morale qui appartient à un groupe dont fait également partie un gestionnaire de réseau et ne prennent aucune participation dans une société qui fait partie d’un groupe auquel appartient également un gestionnaire de réseau.

3. Un gestionnaire de réseau et les sociétés du groupe au sens de l’article 24b du Livre 2 du code civil liées au gestionnaire de réseau:

a. ne détiennent aucune action dans une personne morale qui produit, fournit ou négocie de l’électricité aux Pays-Bas ou dans une personne morale qui fait partie d’un groupe auquel appartient également une personne morale qui produit, fournit ou négocie de l’électricité aux Pays-Bas;

b. ne prennent aucune participation dans une société qui produit, fournit ou négocie de l’électricité aux Pays-Bas ou dans une société qui fait partie d’un groupe auquel appartient également une personne morale ou une société qui produit, fournit ou négocie de l’électricité aux Pays-Bas.»

 L’interdiction d’activités pouvant desservir la gestion du réseau

20 L’interdiction d’activités pouvant desservir la gestion du réseau, également introduite dans l’ordre juridique néerlandais par la loi relative à la gestion indépendante des réseaux, était prévue à l’article 17, paragraphes 2 et 3, de la loi relative à l’électricité et à l’article 10b, paragraphes 2 et 3, de la loi relative au gaz. Selon ces dispositions légales:

«2. Si un gestionnaire de réseau qui n’est pas le gestionnaire du réseau national à haute tension fait partie d’un groupe au sens de l’article 24b du Livre 2 du code civil, ce groupe n’est pas autorisé à se livrer à des opérations ou à des activités qui pourraient ne pas servir l’intérêt de la gestion du réseau en question.

3. Par opérations et activités au sens du paragraphe 2, on entend en tout état de cause:

a. les opérations et activités qui n’ont aucun rapport avec des équipements d’infrastructure ou des activités connexes,

b. la concession, par le gestionnaire de réseau, de garanties pour le financement d’activités de personnes morales ou de sociétés appartenant au groupe, et

c. le fait, pour le gestionnaire de réseau, de se porter garant pour des dettes de personnes morales ou de sociétés appartenant au groupe,

à moins que le gestionnaire de réseau ne concède de garanties ou ne se porte garant pour des dettes:

1°. pour les besoins d’opérations ou d’activités auxquelles le gestionnaire de réseau lui-même pourrait se livrer,

2°. pour d’autres motifs liés à la gestion du réseau, ou

3°. pour satisfaire aux conditions liées à l’application de dispositions légales.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

21 Lors de l’adoption de la loi relative à la gestion indépendante des réseaux, qui a introduit les interdictions de groupe et d’activités pouvant desservir la gestion du réseau dans la loi relative à l’électricité et dans la loi relative au gaz, Essent e.a. étaient des entreprises verticalement intégrées, actives tant dans la production, la fourniture et/ou le négoce d’électricité et/ou de gaz sur le territoire néerlandais que dans la gestion et l’exploitation de réseaux de distribution d’électricité ou de gaz sur ce même territoire.

22 Par suite de l’adoption de la loi relative à la gestion indépendante des réseaux portant notamment l’interdiction de groupe, Essent NV a été scindée, le 1er juillet 2009, en deux sociétés distinctes, à savoir, d’une part, Enexis Holding NV, dont l’objet social consiste en la gestion d’un réseau de distribution de gaz et d’électricité sur le territoire néerlandais et dont l’ensemble des actions est détenu par des autorités, et, d’autre part, Essent NV, dont l’objet social est de produire, de fournir et de négocier de l’électricité et du gaz. Cette dernière société a été rachetée par la filiale d’un groupe allemand spécialisé dans le secteur de l’énergie, RWE AG. Eneco Holding NV et Delta NV n’ont pas été scindées, mais ont désigné leurs filiales Stedin Netbeheer BV et Delta Netwerkbedrijf BV en qualité de gestionnaires respectifs de leurs réseaux de distribution sur ce même territoire.

23 Essent e.a. ont demandé, par trois actions séparées, au Rechtbank Den Haag de constater que les dispositions nationales qui contiennent les interdictions de groupe et d’activités pouvant desservir la gestion du réseau sont incompatibles, notamment, avec l’article 63 TFUE et qu’elles doivent, dès lors, rester inappliquées.

24 Le Staat der Nederlanden, partie défenderesse dans chacune de ces affaires, a opposé à ces actions, à titre principal, le principe, contenu dans la législation nationale, relatif à l’interdiction de privatisation et qui, selon cet État, constitue un régime de la propriété, au sens de l’article 345 TFUE. Cette interdiction aurait pour conséquence, d’une part, que les actions détenues au sein d’un gestionnaire de réseau actif sur le territoire néerlandais ne peuvent pas faire l’objet d’investissements privés et, d’autre part, que les règles du traité FUE relatives à la libre circulation des capitaux et à la liberté d’établissement ne trouvent pas à s’appliquer. À titre subsidiaire, cet État membre soutenait que les interdictions de groupe et d’activités pouvant desservir la gestion du réseau ne font pas obstacle à la libre circulation des capitaux ni à la liberté d’établissement, ou, à tout le moins, qu’une limitation à ces libertés est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général.

25 Par jugement du 11 mars 2009, le Rechtbank Den Haag a rejeté les demandes d’Essent e.a. En appel, le Gerechtshof Den Haag a annulé ce jugement par arrêt du 22 juin 2010 et a dit pour droit que lesdites dispositions nationales sont incompatibles avec l’article 63 TFUE et qu’elles doivent, dès lors, rester inappliquées. Le Staat der Nederlanden a formé un pourvoi en cassation devant la juridiction de renvoi.

26 Dans ces conditions, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, rédigées en des termes identiques dans chacune des affaires jointes:

«1) L’article 345 TFUE doit-il être interprété en ce sens que la notion de ‘régime de la propriété dans les États membres’ recouvre également le régime de l’interdiction absolue de privatisation en cause [au principal], tel qu’établi dans [l’arrêté de 2008], lu en combinaison avec l’article 93 de la [loi relative à l’électricité] et avec l’article 85 de la loi relative au gaz, qui implique que les actions détenues au sein d’un gestionnaire de réseau ne peuvent être transférées qu’aux seules autorités?

2) En cas de réponse affirmative à la [première question], cela a-t-il pour conséquence que les règles relatives à la libre circulation des capitaux ne sont pas applicables à l’interdiction de groupe et à l’interdiction des activités pouvant desservir la gestion du réseau, ou du moins que l’interdiction de groupe et l’interdiction des activités pouvant desservir la gestion du réseau ne devraient pas être appréciées au regard des règles relatives à la libre circulation des capitaux?

3) Les objectifs, qui sous-tendent également la [loi relative à la gestion indépendante des réseaux], visant, par la lutte contre les subventions croisées au sens large (y compris l’échange d’informations stratégiques), à assurer la transparence sur le marché de l’énergie et à prévenir les distorsions de concurrence, sont-ils des intérêts économiques purs, ou peuvent-ils être considérés également comme des intérêts de nature non économique, en ce sens que, selon les circonstances, ils peuvent constituer, en tant que raisons impérieuses d’intérêt général, une justification à une limitation à la libre circulation des capitaux?»

 La procédure devant la Cour

27 Par ordonnance du 26 mars 2012, le président de la Cour a décidé de joindre les affaires C 105/12 à C 107/12 aux fins de la procédure orale ainsi que de l’arrêt.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les premières et deuxième questions

28 Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 345 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il recouvre un régime d’interdiction de privatisation, tel que celui en cause au principal, qui implique que les actions détenues au sein d’un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz actif sur le territoire néerlandais doivent être détenues, directement ou indirectement, par des autorités publiques identifiées par la législation nationale. Dans l’affirmative, elle se demande si cette interprétation a pour conséquence de soustraire à l’application de l’article 63 TFUE des dispositions nationales, telles que celles en cause au principal, qui interdisent, d’une part, des liens de propriété ou de contrôle entre des sociétés faisant partie d’un groupe auquel appartient un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz actif sur ledit territoire et des sociétés faisant partie d’un groupe auquel appartient une entreprise qui produit, fournit ou se livre au négoce de l’électricité ou du gaz sur ce même territoire ainsi que, d’autre part, l’accomplissement par un tel gestionnaire et par le groupe dont celui-ci fait partie d’opérations ou d’activités «pouvant desservir l’intérêt de la gestion du réseau» concerné.

29 L’article 345 TFUE exprime le principe de neutralité des traités à l’égard du régime de propriété dans les États membres.

30 À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les traités ne s’opposent, en principe, ni à la nationalisation d’entreprises (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 1964, Costa, 6/64, Rec. p. 1141, 1163) ni à leur privatisation (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2012, Commission/Grèce, C 244/11, point 17).

31 Il s’ensuit que les États membres peuvent légitimement poursuivre l’objectif qui consiste à établir ou à maintenir un régime de la propriété publique pour certaines entreprises.

32 Dans les affaires au principal, il résulte de l’article 93, paragraphe 2, de la loi relative à l’électricité, de l’article 85, paragraphe 2, de la loi relative au gaz et de l’article 1er de l’arrêté de 2008, dont la portée a été résumée au point 17 du présent arrêt, que l’interdiction de privatisation, au sens de la législation nationale en cause au principal, n’autorise, en substance, le transfert des actions détenues au sein d’un gestionnaire de réseau de distribution qu’en faveur des autorités et des personnes morales détenues, directement ou indirectement, par lesdites autorités, tout transfert ayant pour conséquence que les actions deviennent la propriété de personnes différentes de celles-ci étant interdit.

33 Il s’ensuit que l’interdiction de privatisation s’oppose à la détention d’actions au sein d’un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz actif sur le territoire néerlandais par toute personne privée. Elle vise donc à maintenir un régime de la propriété publique en ce qui concerne lesdits gestionnaires.

34 Une telle interdiction relève de l’article 345 TFUE.

35 En l’occurrence, il appert en outre que ladite interdiction de privatisation recouvre l’interdiction contenue à l’article 10b, paragraphe 2, de la loi relative à l’électricité et à l’article 2c, paragraphe 2, de la loi relative au gaz, en vertu desquels les entreprises établies dans un autre État membre actives dans la production, la fourniture ou le négoce d’électricité ou de gaz sur le territoire néerlandais ainsi que les sociétés d’un autre État membre faisant partie d’un groupe auquel appartient une telle entreprise ne peuvent acquérir d’actions au sein d’un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz actif sur ledit territoire.

36 Toutefois, l’article 345 TFUE n’a pas pour effet de soustraire les régimes de propriété existant dans les États membres aux règles fondamentales du traité FUE, dont, notamment, celles de non-discrimination, de liberté d’établissement et de liberté des mouvements de capitaux (voir, en ce sens, arrêts du 6 novembre 1984, Fearon, 182/83, Rec. p. 3677, point 7; du 1er juin 1999, Konle, C 302/97, Rec. p. I 3099, point 38; du 23 septembre 2003, Ospelt et Schlössle Weissenberg, C 452/01, Rec. p. I 9743, point 24; du 8 juillet 2010, Commission/Portugal, C 171/08, Rec. p. I 6817, point 64; du 21 décembre 2011, Commission/Pologne, C 271/09, Rec. p. I 13613, point 44, ainsi que Commission/Grèce, précité, point 16).

37 Partant, la circonstance que le Royaume des Pays-Bas a prévu, dans le secteur des gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité ou de gaz actifs sur son territoire, un régime de propriété publique couvert par l’article 345 TFUE n’est pas de nature à affranchir cet État membre du respect, dans ledit secteur, des règles relatives à la libre circulation des capitaux (voir, par analogie, arrêt Commission/Pologne, précité, point 44 et jurisprudence citée).

38 Dès lors, l’interdiction de privatisation entre dans le champ d’application de l’article 63 TFUE et doit être examinée à la lumière de celui-ci, tout comme l’interdiction de groupe ou encore l’interdiction d’activités pouvant desservir l’intérêt de la gestion du réseau.

39 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 63, paragraphe 1, TFUE interdit de manière générale les entraves aux mouvements de capitaux entre les États membres (arrêts du 28 septembre 2006, Commission/Pays-Bas, C 282/04 et C 283/04, Rec. p. I 9141, point 18 et jurisprudence citée, ainsi que Commission/Portugal, précité, point 48).

40 En l’absence, dans le traité FUE, de définition de la notion de «mouvements de capitaux», au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE, la Cour a reconnu une valeur indicative à la nomenclature des mouvements de capitaux figurant à l’annexe I de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [CE] (JO L 178, p. 5). Ainsi, la Cour a jugé que constituent des mouvements de capitaux, au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE, notamment les investissements dits «directs», à savoir, les investissements sous forme de participation dans une entreprise par la détention d’actions qui confère la possibilité de participer effectivement à la gestion et au contrôle de cette entreprise, ainsi que les investissements dits «de portefeuille», à savoir les investissements sous forme d’acquisition de titres sur le marché des capitaux effectuée dans la seule intention de réaliser un placement financier sans intention d’influer sur la gestion et le contrôle de l’entreprise (voir arrêts précités Commission/Pays-Bas, point 19, et Commission/Portugal, point 49).

41 S’agissant de ces deux formes d’investissements, la Cour a précisé que doivent être qualifiées d’«entraves», au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE, des mesures nationales qui sont susceptibles d’empêcher ou de limiter l’acquisition d’actions dans les entreprises concernées ou qui sont susceptibles de dissuader les investisseurs des autres États membres d’investir dans le capital de celles-ci (voir arrêts du 4 juin 2002, Commission/Portugal, C 367/98, Rec. p. I 4731, points 45 et 46; Commission/France, C 483/99, Rec. p. I 4781, point 40; du 13 mai 2003, Commission/Espagne, C 463/00, Rec. p. I 4581, points 61 et 62; Commission/Royaume-Uni, C 98/01, Rec. p. I 4641, points 47 et 49; du 2 juin 2005, Commission/Italie, C 174/04, Rec. p. I 4933, points 30 et 31, ainsi que Commission/Pays-Bas, précité, point 20).

42 Il résulte également de la jurisprudence de la Cour qu’une disposition nationale imposant des limitations quantitatives ou qualitatives s’agissant des investissements effectués dans les autres États membres produit un effet restrictif à l’égard des sociétés établies dans d’autres États membres en ce qu’une telle disposition constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux, dans la mesure où l’acquisition, notamment, d’actions est limitée (voir, en ce sens, arrêt Commission/Pologne, précité, points 51 et 52 ainsi que jurisprudence citée).

43 Dans les affaires au principal, l’interdiction de privatisation signifie qu’aucun investisseur privé ne peut acquérir d’actions ou de participations dans le capital d’un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz actif sur le territoire néerlandais.

44 De plus, en ce qui concerne les interdictions de groupe et d’activités pouvant desservir la gestion du réseau, il convient de relever que celles-ci comportent plusieurs volets. Premièrement, il découle de l’interdiction de groupe qu’une société d’un autre État membre faisant partie d’un groupe auquel appartient une entreprise active dans la production, la fourniture ou le négoce d’électricité ou de gaz sur le territoire néerlandais ne peut pas acquérir des actions au sein d’une société faisant partie d’un groupe auquel appartient un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz actif sur ledit territoire.

45 Deuxièmement, ladite interdiction signifie également qu’une société faisant partie d’un groupe auquel appartient un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz actif sur le territoire néerlandais ne peut pas investir dans une entreprise établie dans un autre État membre qui est active dans le secteur de la production, de la fourniture ou du négoce de l’électricité ou du gaz sur ledit territoire, ou dans une société faisant partie d’un groupe auquel appartient une telle entreprise.

46 Troisièmement, l’interdiction d’activités pouvant desservir la gestion du réseau est également de nature à imposer des limitations qualitatives aux investissements dans d’autres États membres, dès lors qu’elle exclut, directement ou indirectement, que les sociétés d’un groupe auquel appartient un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz actif sur le territoire néerlandais investissent dans des entreprises actives dans des secteurs autres que la gestion de réseaux.

47 Partant, ces interdictions constituent des entraves à la libre circulation des capitaux, au sens de l’article 63 TFUE.

48 Par conséquent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 345 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il recouvre un régime d’interdiction de privatisation, tel que celui en cause au principal, qui implique que les actions détenues au sein d’un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz actif sur le territoire néerlandais doivent être détenues, directement ou indirectement, par des autorités publiques identifiées par la législation nationale. Cependant, cette interprétation n’a pas pour conséquence de soustraire à l’application de l’article 63 TFUE des dispositions nationales, telles que celles en cause au principal, interdisant la privatisation de gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité ou de gaz, ou encore interdisant, d’une part, des liens de propriété ou de contrôle entre des sociétés faisant partie d’un groupe auquel appartient un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz actif sur le territoire néerlandais et des sociétés faisant partie d’un groupe auquel appartient une entreprise qui produit, fournit ou se livre au négoce de l’électricité ou du gaz sur ce même territoire ainsi que, d’autre part, l’accomplissement par un tel gestionnaire et par le groupe dont celui-ci fait partie d’opérations ou d’activités qui pourraient desservir l’intérêt de la gestion du réseau concerné.

 Sur la troisième question

49 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si les objectifs consistant à lutter contre les subventions croisées au sens large, y compris l’échange d’informations stratégiques, à assurer la transparence sur les marchés de l’électricité et du gaz et à prévenir les distorsions de concurrence constituent des intérêts économiques purs ou, au contraire, des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier des entraves à la libre circulation des capitaux.

50 La Cour a itérativement jugé que la libre circulation des capitaux ne peut être limitée par une réglementation nationale que si elle est justifiée par l’une des raisons mentionnées à l’article 65 TFUE ou par des raisons impérieuses d’intérêt général au sens de la jurisprudence de la Cour (voir arrêts du 14 février 2008, Commission/Espagne, C 274/06, point 35, et Commission/Pologne, précité, point 55).

51 En outre, il ressort d’une jurisprudence constante que des motifs de nature purement économique ne peuvent constituer des raisons impérieuses d’intérêt général de nature à justifier une entrave à une liberté fondamentale garantie par les traités (arrêts du 16 janvier 2003, Commission/Italie, C 388/01, Rec. p. I 721, point 22, et du 17 mars 2005, Kranemann, C 109/04, Rec. p. I 2421, point 34).

52 Cependant, la Cour a admis qu’une réglementation nationale peut constituer une entrave justifiée à une liberté fondamentale lorsqu’elle est dictée par des motifs d’ordre économique poursuivant un objectif d’intérêt général (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2008, Commission/Allemagne, C 141/07, Rec. p. I 6935, point 60 et jurisprudence citée).

53 Ainsi, en ce qui concerne l’interdiction de privatisation, qui relève de l’article 345 TFUE, il a certes été jugé que cette disposition ne peut justifier une entrave aux règles relatives à la libre circulation des capitaux (voir arrêts précités du 8 juillet 2010, Commission/Portugal, point 64 et jurisprudence citée, ainsi que Commission/Pologne, point 44). Cela ne signifie pas pour autant que l’intérêt qui sous-tend le choix du législateur par rapport au régime de propriété publique ou privée du gestionnaire du réseau de distribution d’électricité ou de gaz ne puisse être pris en considération en tant que raison impérieuse d’intérêt général.

54 À cet égard, il convient de relever que les situations dans, d’une part, les affaires au principal et, d’autre part, les affaires ayant donné lieu à ces arrêts ne sont pas comparables. En effet, dans les affaires au principal, il s’agit d’une interdiction absolue de privatisation, alors que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Portugal, précité, concernait des entraves résultant de privilèges dont les États membres assortissaient leur position d’actionnaire dans une entreprise privatisée et que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Pologne, précité, portait sur des restrictions aux investissements à l’étranger de fonds de pension ouverts qui, cependant, n’affectaient en rien le régime de propriété de ces fonds.

55 Dès lors, les raisons qui sous-tendent le choix du système de propriété retenu par la législation nationale relevant de l’article 345 TFUE constituent des facteurs qui peuvent être pris en considération en tant qu’éléments pouvant justifier des restrictions à la libre circulation des capitaux. Partant, dans les affaires au principal, il incombe à la juridiction de renvoi de procéder à un tel examen.

56 En ce qui concerne les autres interdictions, force est de constater, d’une part, que les objectifs de lutter contre les subventions croisées au sens large, y compris l’échange d’informations stratégiques, d’assurer la transparence sur les marchés de l’électricité et du gaz et de prévenir les distorsions de concurrence visent à assurer une concurrence non faussée sur les marchés de la production, de la fourniture et du négoce de l’électricité et du gaz sur le territoire néerlandais et, d’autre part, que l’objectif de lutter contre les subventions croisées cherche, en outre, à garantir un investissement suffisant dans les réseaux de distribution d’électricité et de gaz.

57 Dès lors, il convient de vérifier si les mesures nationales en cause au principal poursuivent, par l’intermédiaire de ces objectifs, en définitive, des objectifs impérieux d’intérêt général.

58 Or, l’objectif d’une concurrence non faussée sur lesdits marchés est également poursuivi par le traité FUE, dont le préambule souligne la nécessité d’une action concertée en vue de garantir, notamment, la loyauté de la concurrence, et ce, aux fins de protéger, en définitive, les consommateurs. Selon une jurisprudence constante de la Cour, la protection des consommateurs constitue une raison impérieuse d’intérêt général (arrêts du 13 septembre 2007, Commission/Italie, C 260/04, Rec. p. I 7083, point 27; du 29 novembre 2007, Commission/Autriche, C 393/05, Rec. p. I 10195, point 52, et du 18 novembre 2010, Commission/Portugal, C 458/08, Rec. p. I 11599, point 89).

59 Ensuite, il convient de relever que l’objectif de garantir un investissement suffisant dans les réseaux de distribution d’électricité et de gaz tend à assurer notamment la sécurité des approvisionnements en énergie, objectif que la Cour a également reconnu comme étant une raison impérieuse d’intérêt général (arrêts du 10 juillet 1984, Campus Oil e.a., 72/83, Rec. p. 2727, points 34 et 35; du 4 juin 2002, Commission/Belgique, C 503/99, Rec. p. I 4809, point 46, ainsi que du 2 juin 2005, Commission/Italie, précité, point 40).

60 Enfin, ainsi qu’il a été relevé aux points 18 et 20 du présent arrêt, les interdictions de groupe et d’activités pouvant desservir la gestion du réseau ont été introduites par la loi relative à la gestion indépendante des réseaux qui a elle-même, notamment, modifié les dispositions nationales ayant été adoptées afin de transposer les directives de 2003 dans l’ordre juridique néerlandais. En particulier, lesdites interdictions ont modifié les dispositions ayant été introduites afin de transposer l’article 15 de la directive 2003/54 et l’article 13 de la directive 2003/55.

61 Or, il résulte des considérants 4 à 8 et 10 de la directive 2003/54 ainsi que 4 et 6 à 10 de la directive 2003/55 que ces directives visent notamment à assurer un marché ouvert et transparent, un accès au réseau du gestionnaire de réseau de distribution non discriminatoire et transparent ainsi qu’une concurrence équitable.

62 En particulier, il ressort du considérant 8 de la directive 2003/54 et du considérant 10 de la directive 2003/55, d’une part, que les États membres élaborent des mesures pour réaliser ces objectifs. D’autre part, ces considérants soulignent la volonté du législateur de l’Union de voir les gestionnaires de réseau de distribution disposer de droits effectifs de prise de décision en ce qui concerne les actifs nécessaires pour entretenir, exploiter et développer les réseaux.

63 Par ailleurs, le considérant 23 de la directive 2003/54 et le considérant 23 de la directive 2003/55 relèvent que l’entretien et la construction des infrastructures de réseau nécessaires sont des éléments importants afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement stable en électricité et en gaz.

64 Il s’ensuit que, même si les interdictions de groupe et d’activités pouvant desservir la gestion du réseau ne sont pas imposées par lesdites directives, le Royaume des Pays-Bas a poursuivi, par l’introduction de ces mesures, des objectifs visés par les directives de 2003.

65 Ce constat est corroboré par les directives 2009/72 et 2009/73 qui tendent notamment aux mêmes objectifs, ainsi qu’il ressort tant des considérants 3, 4, 9 à 12, 15, 25 et 44 de la directive 2009/72 que des considérants 3, 4, 6 à 13, 22 et 40 de la directive 2009/73. En particulier, les considérants 4, 9, 11, 15, 25, 26 et 44 de la directive 2009/72 ainsi que 4, 6, 8, 12, 22, 25 et 40 de la directive 2009/73 révèlent la volonté du législateur de l’Union d’assurer un accès non discriminatoire aux réseaux de distribution d’électricité ou de gaz ainsi que la transparence des marchés, de prévenir des subventions croisées, d’assurer des investissements suffisants dans les réseaux afin de garantir la sécurité d’approvisionnement stable en électricité et en gaz ainsi que d’empêcher les échanges d’informations confidentielles entre les gestionnaires de réseau et les entreprises de production et de fourniture.

66 Dès lors, les objectifs évoqués par la juridiction de renvoi peuvent, en principe, en tant que raisons impérieuses d’intérêt général, justifier les entraves aux libertés fondamentales constatées.

67 Toutefois, encore faut-il que les entraves en cause soient appropriées aux objectifs poursuivis et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs visés (arrêts du 11 octobre 2007, ELISA, C 451/05, Rec. p. I 8251, point 82, et Commission/Pologne, précité, point 58), ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

68 Il découle des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la troisième question de la manière suivante:

– en ce qui concerne le régime d’interdiction de privatisation en cause au principal, qui relève de l’article 345 TFUE, les objectifs qui sous-tendent le choix du législateur par rapport au régime de propriété retenu peuvent être pris en considération en tant que raisons impérieuses d’intérêt général pour justifier l’entrave à la libre circulation des capitaux;

– pour ce qui est des autres interdictions, les objectifs de lutter contre les subventions croisées au sens large, y compris l’échange d’informations stratégiques, d’assurer la transparence sur les marchés de l’électricité et du gaz ou de prévenir les distorsions de concurrence peuvent à titre de raisons impérieuses d’intérêt général, justifier les entraves à la libre circulation des capitaux occasionnées par des dispositions nationales, telles que celles en cause au principal.

 Sur les dépens

69 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1) L’article 345 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il recouvre un régime d’interdiction de privatisation, tel que celui en cause au principal, qui implique que les actions détenues au sein d’un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz actif sur le territoire néerlandais doivent être détenues, directement ou indirectement, par des autorités publiques identifiées par la législation nationale. Cependant, cette interprétation n’a pas pour conséquence de soustraire à l’application de l’article 63 TFUE des dispositions nationales, telles que celles en cause au principal, interdisant la privatisation de gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité ou de gaz, ou encore interdisant, d’une part, des liens de propriété ou de contrôle entre des sociétés faisant partie d’un groupe auquel appartient un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz actif sur le territoire néerlandais et des sociétés faisant partie d’un groupe auquel appartient une entreprise qui produit, fournit ou se livre au négoce de l’électricité ou du gaz sur ce même territoire ainsi que, d’autre part, l’accomplissement par un tel gestionnaire et par le groupe dont celui-ci fait partie d’opérations ou d’activités qui pourraient desservir l’intérêt de la gestion du réseau concerné.

2) En ce qui concerne le régime d’interdiction de privatisation en cause au principal, qui relève de l’article 345 TFUE, les objectifs qui sous-tendent le choix du législateur par rapport au régime de propriété retenu peuvent être pris en considération en tant que raisons impérieuses d’intérêt général pour justifier l’entrave à la libre circulation des capitaux. Pour ce qui est des autres interdictions, les objectifs de lutter contre les subventions croisées au sens large, y compris l’échange d’informations stratégiques, d’assurer la transparence sur les marchés de l’électricité et du gaz ou de prévenir les distorsions de concurrence peuvent à titre de raisons impérieuses d’intérêt général, justifier les entraves à la libre circulation des capitaux occasionnées par des dispositions nationales, telles que celles en cause au principal.