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Décisions

Cass. com., 10 décembre 1991, n° 90-14.108

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Clavery

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, Me Gauzes

Paris, du 19 janv. 1990

19 janvier 1990

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 1990), que la société Valcke frères, devenue depuis société KHD Deutz MWM et par abréviation KDM (la société) a conclu avec deux intermédiaires MM. X... et Y..., une convention de commission, représentant 6 % d'un marché déterminé ; qu'après obtention dudit marché la commission a été versée, d'avril 1976 à juillet 1977, en sa totalité par la société à M. X... ; que M. Y... estimant le paiement non libératoire a assigné la société en paiement de sa part de commission ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté M. Y... de sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans ses conclusions complétives devant la cour d'appel, M. Y... avait expressément fait valoir, en réponse aux prétentions de la société débitrice de la commission qui invoquait l'existence d'une société de fait entre M. X... et lui-même, qu'une telle société, stricto sensu, étant celle qui a fait l'objet d'une décision d'annulation, tel n'était pas le cas en l'espèce où aucune société du nom de " X... et Y... " n'avait jamais été immatriculée ; que la cour d'appel ne répond nullement à ce moyen de nature à démontrer l'irrégularité du paiement et son caractère non libératoire, entachant sa décision d'un défaut de motifs au regard de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile par la même violé ; et alors, d'autre part, qu'à l'appui de ses écritures tant d'appel que complétives, M. Y... avait encore appelé l'attention de la cour d'appel sur le fait qu'à supposer même que l'intitulé " Société X... et Y... " ait laissé présumer l'existence d'une société de fait, le seul gérant habilité à la représenter ne pouvait être alors que lui-même, signataire de la convention, et ce en application de l'article 1872-1 du Code civil ; que de nouveau la cour d'appel laisse ce moyen sans réponse violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, alors, en outre, que l'obligation au paiement d'une somme d'argent n'est pas par elle-même indivisible et que l'indivisibilité ne s'attache pas de plein droit à la circonstance que cette obligation aurait été fixée globalement sans que soit stipulé un taux de répartition entre les créanciers ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1218 du Code civil, alors, encore, que selon l'article 1239 du Code civil " le paiement doit être fait au créancier, ou à quelqu'un ayant pouvoir de lui, ou qui soit autorisé par justice, ou par la loi à recevoir pour lui " qu'il est constant que les versements ont été effectués sur un compte ouvert au nom de " Bramley Engineering and Trading ", c'est-à-dire à une personne autre que celles expressément désignées par la convention ; que dès lors lesdits versements étaient dépourvus d'effet libératoire à l'égard de M. Y... ; qu'en rejetant néanmoins la demande en paiement de celui-ci, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1239 du Code civil, et alors, enfin, qu'aux termes de l'article 1197 du Code civil " l'obligation est solidaire entre plusieurs créanciers lorsque le titre donne expressément à chacun d'eux le droit de demander le paiement du total de la créance, et que le paiement fait à l'un d'eux libère le débiteur, encore que

le bénéfice de l'obligation soit partageable et divisible entre les divers créanciers " ; qu'en l'espèce, il ne résulte d'aucun des termes de la convention du 20 décembre 1974 pas plus que du mode de paiement stipulé une affirmation quelconque de la solidarité entre les créanciers X... et Y... ; qu'en se bornant à tirer la preuve de ladite solidarité d'une présomption, par ailleurs affirmée, tant de l'existence d'une société de fait entre MM. X... et Y..., que de l'indivisibilité de leur créance, la cour d'appel a violé le texte susvisé par manque de base légale ;

Mais attendu que la cour d'appel relève que la convention du 20 décembre 1974 mentionne dans son en-tête "société Bramley Mlaouah", qu'elle ne fixe pas le taux de répartition de la commission entre les deux créanciers ; que l'acte est signé par M. Y... au nom des deux intermédiaires, qu'ayant, en l'état de ces constatations retenu que les tiers étaient fondés à croire à l'apparence d'une société créée de fait, la cour d'appel a pu décider, répondant en les écartant aux conclusions invoquées, que le débiteur pouvait valablement se libérer de sa dette entre les mains d'un seul associé ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.