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Décisions

Cass. crim., 21 septembre 2004, n° 04-81.204

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Cass. crim. n° 04-81.204

21 septembre 2004

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 122-4, L. 335-2, L. 335-3, L. 521-4 du Code de la propriété intellectuelle, 30 et 36 du Traité CE devenu 28 et 30 de ce traité, 53 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Boni X... et Martinus Y... du chef de contrefaçon et débouté la société Renault de sa demande indemnitaire formée contre eux et contre les sociétés Embo SPA et Lexmond Trading BV, civilement responsables ;

"aux motifs que dans son arrêt du 26 septembre 2000 la Cour de justice des communautés européennes a constaté qu'en mettant en oeuvre, sur le fondement du Code de la propriété intellectuelle, des procédures de retenue par les autorités douanières dirigées contre des marchandises légalement fabriquées dans un Etat membre de la communauté européenne et destinées, après avoir transité par le territoire français, à être mises sur le marché d'un autre Etat membre, où elles peuvent être légalement commercialisées, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité sur la libre circulation des marchandises ;

qu'en l'espèce, le 6 juin 1997, conformément à une ordonnance rendue sur requête par Monsieur le président du tribunal de grande instance de Metz le 29 mai 1997, une saisie contrefaçon dans l'entrepôt des douanes et des droits indirects de Metz était réalisée à l'initiative de la société Renault, 93 pièces de carrosserie supposées contrefaire les modèles de véhicules Clio et Twingo de la société Renault étaient saisies, ces pièces étant fabriquées par la société de droit italien Embo et destinées à être vendues à la société Lexmond, située aux Pays-Bas ; que ces marchandises n'ont fait que transiter par la France ;

que le fait que les marchandises soient vendues légalement en Italie n'est pas contesté par la société Renault ; que la partie civile estime que, selon consultation d'un spécialiste hollandais de la propriété industrielle, les pièces de carrosserie automobile font l'objet en Hollande d'une protection par le droit d'auteur, l'article 10, alinéa 1er, sub II, de la loi hollandaise sur le droit d'auteur disposant que des produits matériels de l'industrie peuvent être protégés sur la base du droit d'auteur ;

que l'auteur de la consultation conclut : "des pièces de rechange peuvent donc à l'inverse de ses critères constituer des oeuvres soumises au droit d'auteur", ajoutant : "je n'ai pas connaissance de décisions sur la protection par le droit d'auteur de pièces de rechange ; une recherche dans la jurisprudence n'a pas fourni de résultat" ; qu'aucune procédure n'a été initiée par un constructeur et notamment par la société Renault aux Pays-Bas pour accuser de contrefaçon les pièces adaptables en provenance de l'étranger ; qu'en l'espèce la société Renault n'a pas poursuivi la société Lexmonden Hollande pour lui reprocher la vente des produits en cause ; qu'en tout état de cause la société Renault ne démontre pas que les dépôts dont elle est titulaire sont susceptibles de protection au regard du droit néerlandais ; qu'en conséquence, la partie civile ne rapporte pas la preuve que les marchandises arguées de contrefaçon n'ont pas été légalement fabriquées dans un pays de l'Union Européenne ni que les marchandises retenues ne pouvaient être légalement commercialisées dans leur lieu de destination ; qu'en référence à l'arrêt rendu le 26 septembre 2000 par la Cour de justice des communautés européennes, il convient de considérer que le transit des marchandises retenues ne relève pas de l'objet spécifique du droit sur les dessins et modèles en France dès lors que les marchandises, légalement fabriquées en Italie, sont destinées, après avoir transité sur le territoire français, à être mises sur le marché des Pays-Bas où il n'est pas démontré qu'elles ne puissent être légalement commercialisées ;

qu'il y a lieu par suite de renvoyer les prévenus des fins de la poursuite et de débouter la partie civile de ses demandes" (arrêt attaqué, p. 5, 4 à 6, 7) ;

"alors qu'il incombe au juge français qui déclare une loi étrangère applicable de rechercher par tout moyen, au besoin par lui-même, la solution donnée à la question litigieuse par le droit de l'Etat concerné ; que le transit relève de l'objet spécifique du droit sur les dessins et modèles de l'Etat membre de la communauté européenne dès lors qu'après avoir transité sur le territoire français, les marchandises sont destinées à être mises sur le marché d'un autre Etat Membre où elles ne peuvent être légalement commercialisées ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, au motif inopérant que la société Renault n'avait pas poursuivi la société Lexmond en Hollande, sans rechercher au regard du droit hollandais si les marchandises en cause pouvaient légalement y être commercialisées et sans établir l'impossibilité d'obtenir les éléments dont elle avait besoin, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, d'autre part, qu'en toute hypothèse, le transit relève de l'objet spécifique du droit sur les dessins et modèles dans l'Etat membre où il s'effectue dès lors qu'après avoir transité sur le territoire de cet Etat membre, les marchandises sont destinées à être mises sur le marché d'un autre Etat membre où elles ne peuvent être légalement commercialisées ; que, dans sa consultation, le spécialiste du droit hollandais de la propriété industrielle avait expressément constaté que "les objets utilitaires (et les pièces qui les composent) peuvent être protégés par le droit d'auteur aux Pays-Bas dans la mesure où il s'agit d'oeuvres qui ont un caractère propre, original et qu'elles portent le cachet personnel de l'auteur", ajoutant, d'une part que "si la forme donnée à la pièce de rechange à examiner dépasse la simple exécution de prescription de forme qui découle des contraintes techniques, il y a matière à protection par le droit d'auteur" (consultation p. 2, 3) et, d'autre part, qu'il existait une jurisprudence hollandaise relative à la protection par le droit d'auteur de "spoiler de voitures" (consultation p. 4 in fine) ; qu'ainsi, en affirmant que la société Renault ne rapportait pas la preuve que les marchandises arrivées de contrefaçon ne pouvaient être légalement commercialisées en Hollande, lieu de destination, sans se prononcer très précisément sur les conclusions du spécialiste du droit hollandais de la propriété industrielle qui avait été constaté que les pièces de rechange automobile étaient protégées par le droit d'auteur positif hollandais, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que des éléments de rechange de carrosserie d'automobiles Renault Clio et Twingo, fabriqués en Italie par la société Embo, dirigée par Boni X..., et destinés à être commercialisés aux Pays-Bas par la société Lexmond, dirigée par Martinus Y..., ont été retenus en douane à Metz, lors de leur transit en France ; qu'après saisie-contrefaçon, la société Renault, invoquant des droits d'auteur et de modèles sur ses véhicules, a fait citer directement devant le tribunal correctionnel Boni X... et Martinus Y... du chef de contrefaçon par importation et détention non autorisées, sur le territoire français, de pièces de carrosserie reproduisant les caractéristiques de ses véhicules ;

Attendu que, pour relaxer les prévenus et débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt énonce qu'il résulte de l'arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 26 septembre 2000 que le transit des marchandises retenues ne relève pas de l'objet spécifique du droit sur les dessins et modèles lorsque les marchandises, légalement fabriquées dans un Etat membre, en l'espèce l'Italie, sont destinées, après avoir transité sur le territoire français, à être mises sur le marché d'un autre Etat membre, en l'espèce les Pays-Bas, où la partie civile ne démontre pas que leur commercialisation serait illicite ;

Attendu qu'en cet état, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors qu'au regard des considérants des arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes des 26 septembre 2000 et 23 octobre 2003, l'article 28 du Traité CE s'oppose à la mise en oeuvre, en application d'une législation d'un Etat membre en matière de propriété intellectuelle, de procédures de retenue par les autorités douanières, dirigées contre des marchandises en transit sur le territoire de cet Etat, après avoir été légalement fabriquées dans un autre Etat membre ; qu'en outre l'opération de transit n'impliquant aucune utilisation de l'apparence du modèle protégé et ne constituant pas une mise sur le marché, la mesure de retenue en douane ne saurait être justifiée par des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale au sens de l'article 30 du Traité ;

D'où il suit que le moyen est inopérant ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus.