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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 19 novembre 2020, n° 19/15409

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thomassin

Conseillers :

Mme Pochic, Mme Tarin Testot

Avocats :

Me Magnan, Me Ballandier, Me Veleva Reinaud, Me Houam, Me Nicol

CA Aix-en-Provence n° 19/15409

19 novembre 2020

Faits, procédure et prétentions des parties :

La SAS Batisseurs du Moulin de Saint Paul dont l'activité est la maçonnerie générale, rénovation, réhabilitation et restauration, est détenue par monsieur F G, Président, madame Maryse Mialoux et monsieur D Y, directeur général.

Par arrêt du 8 mars 2018, la cour d'appel de ce siège a condamné in solidum, monsieur G, es qualité de gérant de la société Batisseurs du Moulin Saint Paul, et la SAS Batisseurs du Moulin Saint Paul à transmettre immédiatement à monsieur D Y l'intégralité des documents comptables, des inventaires et des documents sociaux de la société pour les exercices 2015, 2016 et 2017, ainsi que les pièces justificatives ayant permis de procéder aux écritures comptables, le tout sous astreinte provisoire de 200 € par jour de retard à compter du lendemain de la signification de la décision.

L'arrêt a été signifié le 21 mars 2018.

Le juge de l'exécution de J, le 20 septembre 2019 a :

- déclaré irrecevable monsieur D Y en sa demande de liquidation d'astreinte et de condamnation financière, à l'encontre de la société BATISSEURS DU MOULIN SAINT PAUL,

- liquidé l'astreinte à l'encontre de monsieur F G à la somme de 15 000 € qu'il a été condamné à payer,

- ordonné une nouvelle astreinte de 200 € par jour pendant 6 mois, commençant à courir le 3ème mois suivant la signification de la décision,

- dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts,

- mis à la charge de monsieur G la somme de 700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens.

Il retenait que la procédure collective touchant la SAS Batisseurs du Moulin Saint Paul, rendait la demande de condamnation à paiement de l'astreinte, irrecevable à l'égard de cette société. Et, concernant l'exécution de l'obligation, par monsieur G, admettait que si partie en avait été assurée, elle n'était pas complète sans qu'il ne soit justifié d'une cause étrangère.

La décision a été notifiée le 21 septembre 2019 à monsieur G qui en a accusé réception et a fait appel par déclaration au greffe le 4 octobre 2019.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 29 janvier 2020, au détail desquelles il est renvoyé, monsieur G demande à la cour de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter monsieur Y de l'ensemble de ses demandes,

- le condamner au paiement de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens avec distraction au profit de Me Magnan.

Il affirme que par deux fois, le 19 juillet 2017 et le 13 mars 2018, il a satisfait à la communication des pièces, établies d'ailleurs par l'expert-comptable de la société Batisseurs du Moulin Saint Paul, monsieur C K. Il considère que monsieur Y ajoute à l'arrêt des exigences de communication de pièces qui ne sont pas fondées, seuls les termes de la décision prononcée devant être retenus. De plus, monsieur Y avait accès librement aux comptes bancaires de la société via l'internet mais il en admet également par écrit la communication, le 27 juin 2017, dans un mail. Reprenant en détail les communications de documents et pièces qu'il a assurées, il soutient qu'il a exécuté complètement ses obligations, et n'a pas à répondre aux exigences incessantes et nouvelles de son associé.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 30 janvier 2020, au détail desquelles il est renvoyé, monsieur Y demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les conclusions de monsieur G,

Sur l'appel de monsieur G :

- Le débouter de toutes ses demandes,

Et,

- Confirmer le jugement du 20 septembre 2019 rendu par madame le juge de l'exécution près du tribunal judiciaire de J en ce qu'il a :

' liquidé l'astreinte fixée le 8 mars 2018 par la cour d'appel d'aix en provence ;

' ordonné la fixation d'une nouvelle astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard pendant une durée maximale de 6 mois, à compter du 3ème mois suivant la signification du jugement afin de garantir l'exécution des obligations mises à la charge de monsieur G pour l'exécution de la décision rendue le 8 mars 2018 par la cour d'appel d'aix en provence ;

Sur l'appel incident de monsieur Y :

- Infirmer le jugement du 20 septembre 2019 rendu par madame le juge de l'exécution près du tribunal judiciaire de J en ce qu'il a :

' liquidé l'astreinte à la charge de monsieur G à la somme de 15.000 euros ;

' condamné monsieur G à lui payer la somme de 15.000 euros (quinze mille euros) ;

' débouté monsieur Y de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuer à nouveau,

- liquider l'astreinte fixée le 8 mars 2018 par la cour d'appel d'aix en provence à la somme de 51 800 € ;

- condamner monsieur G à lui payer la somme de 51.800 euros (cinquante un mille huit cent euros) ;

- condamner monsieur G à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamner monsieur G au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en cause d'appel.

Les conclusions seraient irrecevables par application de l'article 954 du code de procédure civile, car monsieur G ne présente pas de moyens de droit et de fait dans ses écritures, il se borne à affirmer la communication des pièces, ce qui est inexact. Reprenant les communications successives qui ont été faites par monsieur G, il explique qu'elles sont incomplètes en souligne différents aspects et indique même que le liquidateur n'a pas lui-même eu communication des pièces comptables. Monsieur Y n'a eu accès au compte bancaire en ligne qu'au mois de mars 2017 et pas auparavant. Il maintient l'attitude mensongère de son adversaire procédural qui se soustrait aux décisions de justice prononcées à son endroit.

Me JULIEN, mandataire liquidateur de la SAS Batisseurs du Moulin Saint Paul, assigné à sa personne, le 31 janvier 2020, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le jour de l'audience.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

L'article L131-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie, s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

Comme rappelé ci-dessus, par un arrêt du 8 mars 2018, la cour d'appel de ce siège a condamné in solidum, monsieur G, es qualité de gérant de la société Batisseurs du Moulin Saint Paul, et la SAS Batisseurs du Moulin Saint Paul à transmettre immédiatement à monsieur D Y l'intégralité des documents comptables, des inventaires et des documents sociaux de la société pour les exercices 2015, 2016 et 2017, ainsi que les pièces justificatives ayant permis de procéder aux écritures comptables, le tout sous astreinte provisoire de 200 € par jour de retard à compter du lendemain de la signification de la décision.

L'arrêt a été signifié le 21 mars 2018.

* sur la recevabilité des conclusions de l'appelant :

L'article 954 du code de procédure civile, dispose : 'Les conclusions d'appel contiennent, en en tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.'

Contrairement à ce que soutient l'intimé, Monsieur G a formulé des prétentions, celles qui consistent au rejet de toutes les demandes présentées par monsieur D Y après avoir tenté de démontrer dans ses écritures, une remise complète de sa part de tous les documents dont il disposait, exigés par la cour dans l'arrêt du 8 mars 2018, ce entre les mains de monsieur Y, de sorte qu'il n'y aurait pas lieu de sanctionner une quelconque inexécution.

L'appelant sera donc déclaré recevable en ses conclusions.

* sur la liquidation de l'astreinte :

La cour d'appel dans l'arrêt du 8 mars 2018, rappelle dans l'exposé des faits, que monsieur Y avait tenté, le 19 juin 2017, d'obtenir auprès de l'expert-comptable de la société, les pièces comptables, les grands livres de comptes, les inventaires pour les années 2015, 206 et 2017 mais que cela lui a été refusé tandis qu'il déclarait être véritablement écarté de la gestion de l'entreprise. Elle vise dans sa motivation, les dispositions de l'article L. 238-1 du code de commerce, lesquelles sont :

' Lorsque les personnes intéressées ne peuvent obtenir la production, la communication ou la transmission des documents visés aux articles L. 221-7, L. 223-26, L. 225-115, L. 225-116, L. 225-117, L. 225-118, L. 225-129, L. 225-129-5, L. 225-129-6, L. 225-135, L. 225-136, L. 225-138, L. 225-177, L. 225-184, L. 228-69, L. 237-3 et L. 237-26, elles peuvent demander au président du tribunal statuant en référé soit d'enjoindre sous astreinte au liquidateur ou aux administrateurs, gérants, et dirigeants de les communiquer, soit de désigner un mandataire chargé de procéder à cette communication. La même action est ouverte à toute personne intéressée ne pouvant obtenir du liquidateur, des administrateurs, gérants ou dirigeants communication d'une formule de procuration conforme aux prescriptions fixées par décret en Conseil d'Etat ou des renseignements exigés par ce décret en vue de la tenue des assemblées.

Lorsqu'il est fait droit à la demande, l'astreinte et les frais de procédure sont à la charge des administrateurs, des gérants, des dirigeants ou du liquidateur mis en cause.'

La référence à ce texte permet de mieux cerner la condamnation prononcée par la cour d'appel lorsqu'elle a ordonné communication de l'intégralité des documents comptables, des inventaires, des documents sociaux ainsi que les pièces justificatives ayant permis de procéder aux écritures comptables, ce sous astreinte.

Mais l'aspect technique et l'importance des vérifications à faire sur plusieurs exercices comptables, qui ne peuvent être détachées de la réalité matérielle de l'entreprise concernée, mérite l'intervention d'un expert, afin que soient vérifiée la pertinence des communications réalisées, par rapport aux éléments comptables établis, sans nécessairement intégrer la suspicion entretenue par monsieur Z X titre d'exemple, le fait qu'un véhicule Kangoo, porte le logo de l'entreprise (Pièce 17 de monsieur Y) ne signifie pas nécessairement comme il le considère, qu'elle en soit propriétaire, ce qui doit alors apparaitre dans les documents comptables au titre d'apport ou d'actif.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par décision réputée contradictoire,

DECLARE monsieur G recevable en ses conclusions et prétentions,

ORDONNE une expertise comptable confiée à :

Monsieur A H

La Robole Bâtiment A, ...

...

Tél : 04.42.20.52.05 Fax : 04.42.69.24.32

Ou à défaut :

Monsieur B C

Arteparc de Bachasson ...

...

Tél : 04.42.95.86.80 Fax : 09.74.53.38.66

Avec mission, les parties préalablement convoquées,

- En prenant en considération la forme et le mode de fonctionnement de l'entreprise, SAS Batisseurs du Moulin Saint Paul et par référence à la condamnation prononcée par la cour d'appel dans son arrêt du 8 mars 2018,

Après,

- s'être rapproché, s'il l'estime nécessaire, de l'expert-comptable ayant établi les comptes, monsieur C K, sur les exercices concernés à savoir 2015, 2016 et 2017,

- pris connaissance des différents éléments communiqués par monsieur G à monsieur Y, et notamment sur support de Clé USB communiquée le 13 mars 2018, par acte de Me DUPLAA, huissier de justice, laquelle sera conservée dans l'attente entre les mains de Me VELEVA REINAUD, avocat, qui la remettra directement à l'expert, ce afin d'éviter toute alteration du support, de vérifier si les documents visés par la cour d'appel dans l'arrêt précité ont été communiqués et à quelle date, de spécifier éventuellement les documents manquants, leur importance par rapport à l'établissement des écritures comptables,

- de donner son avis sur l'étendue des manquements éventuellement constatés par lui, quant à la communication des documents utiles, et de donner à la cour tout élément d'appréciation opportun afin qu'elle dispose des éclaircissements nécessaires à sa décision concernant l'astreinte,

- accorde à l'expert un délai de 6 mois à compter de sa saisine pour déposer son rapport,

- dit qu'en cas d'empêchement, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance sur requête de la partie la plus diligente, adressée au Président de cette chambre, qui assurera le suivi de la mesure,

FIXE à la somme de 4 000 € la consignation à valoir sur les frais d'expertise, qui devra être versée avant le 31 décembre 2020 par monsieur G, délai de rigueur,

RESERVE les demandes et les dépens.