CE, 10e ch., 25 septembre 2019, n° 429317
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
Annulation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
M. Ramain
Rapporteur public :
Mme Iljic
Avocat :
SCP Piwnica, Molinié
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 1er juillet 2019 et le 11 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. B... A... demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 17NT01657 de la cour administrative d'appel de Nantes du 31 janvier 2019 rejetant sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2012, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 8 du code général des impôts, tel qu'interprété par le Conseil d'Etat statuant au contentieux.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts, notamment son article 8 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Ramain, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B... A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées à l'article 206 1 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que les bénéfices réalisés par une société de personnes qui n'a pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux sont soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains des associés qui sont ainsi réputés avoir personnellement réalisé une part de ces bénéfices. La quote-part du bénéfice d'une telle société doit être regardée comme ayant été, dès la clôture de l'exercice, acquise par l'associé, sans qu'il y ait lieu de rechercher si celui-ci a ou non perçu la somme correspondante.
3. M. A... conteste la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 8 du code général des impôts en tant que, telles qu'interprétées au point 2, elles peuvent avoir pour effet d'imposer un revenu dont le contribuable n'a pas eu la disposition, en particulier lorsqu'un associé de la société qu'il détient détourne une partie des bénéfices sociaux. Il en résulte selon lui une atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques et, par voie de conséquence, au droit de propriété, garantis par les article 13 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.
4. L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". Cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
5. M. A... ne peut utilement soutenir que l'impôt mis à sa charge sur le fondement de l'article 8 du code général des impôts est sans rapport avec ses facultés contributives dans l'hypothèse d'un détournement des bénéfices sociaux de l'entreprise par un autre associé dès lors que l'impôt est assis sur les bénéfices sociaux et non sur les sommes appréhendées par les associés. L'imposition de ces bénéfices entre les mains des associés à hauteur de leurs droits dans la société repose sur un critère objectif et rationnel et n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Par conséquent, les griefs tirés de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques et, par voie de conséquence, de l'atteinte au droit de propriété ne présentent pas un caractère sérieux.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A..., qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.