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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 19 février 2019, n° 18/04161

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Société Française des Chaux et Ciments de Saint Astier (SAS), Société Industrielle de Moules et Moulages Plastiques (SAS), Imepsa Export (Sté), Plastiques Injectés du Marmandais (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Esarte

Conseillers :

Mme Heyte, M. Franco

T. com. Bordeaux, du 16 juin 2015, n° 20…

16 juin 2015

FAITS CONSTANTS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SAS société française des chaux et ciments de Saint-Astier (ci-après la société SAFA) est une société de participations industrielles et financières. Elle est détenue par la famille S. à hauteur de 71,2% tandis que MM. Jean-Louis et Frédéric S. et Mme G. épouse S. en détiennent 28,8%.

La société SAFA comprend plusieurs filiales, d'actifs immobiliers et de valeurs mobilières. MM. Alain et Laurent S. occupent des fonctions de direction de divers filiales de la société SAFA.

Un conflit, dont la cour n'est pas saisie, prospérait entre les actionnaires en sorte que, estimant que les consorts S. avaient rompu le pacte d'actionnaires figurant dans les statuts, les consorts S. les assignaient devant le tribunal de commerce en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi, cela par acte du 4 décembre 2014.

****

De leur côté les consorts S., estimant que la réponse écrite apportée le 4 septembre 2014 par Alain S. sur plusieurs opérations de gestion réalisées par la SAFA n'était pas satisfaisante, assignaient le 23 décembre 2014 devant le tribunal de commerce de Bordeaux la société SAFA ainsi que ses filiales :

- la SAS société industrielle de moules et moulages plastiques (IMEPSA),

- la SAS IMEPSA export (IMEPSA export),

- la SASU plastiques injectés du Marmandais (PIM)

- et MM. Alain et Laurent S., administrateurs de la société SAFA et de la société IMEPSA,

aux fins de voir désigner un expert sur le fondement de l'article L.225-231 du code de commerce, c'est à dire aux fins d'expertise dite de gestion.

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Par ordonnance de référé du 16 juin 2015, le président du tribunal de commerce a :

- rejeté les demandes en expertise de gestion,

- rejeté les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné les consorts S. à payer aux défendeurs la somme totale de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les consorts S. aux dépens.

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Les consorts S. ont relevé appel de cette ordonnance et par arrêt du 2 mars 2016, la cour de céans a :

- rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par les intimés,

- confirmé l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce, statuant en la forme des référés le 16 juin 2015 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- débouté les parties de toutes leurs demandes plus ample ou contraires,

- déboute les appelants de leur demande au titre de l'article 700 du code procédure civile,

- condamné in solidum les consorts S. à payer la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code procédure civile à chacun des intimés suivants à savoir :

* M. Alain S., M. Laurent S., la société SAFA, la société IMEPSA, la société IMEPSA Export, la société PIM.

- condamné in solidum les consorts S. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

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Les consorts S. ont formé un pourvoi en cassation.

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Par arrêt du 14 février 2018, la Cour de cassation a :

- cassé, seulement en ce qu'il rejette la demande de désignation d'un expert avec pour mission de présenter un rapport sur l'opération d'acquisition par la société SAFA d'un bien immobilier à Saint-Astier, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bordeaux le 2 mars 2016 et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée,

- condamné MM. Laurent et Alain S., la société SAFA et les sociétés IMEPSA, IMEPSA Export et PIM aux dépens,

- rejeté leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnées à payer la somme globale de 3.000 € à MM. Jean-Louis et Frédéric S. et Mme G. épouse S..

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Pour statuer ainsi qu'elle l'a fait la Cour de cassation a relevé que la cour d'appel ne l'avait pas mise en mesure d'exercer son contrôle, cela en se bornant pour rejeter la demande de désignation d'un expert ayant pour mission de présenter un rapport sur l'opération d'acquisition par la société SAFA d'un bien immobilier à Saint-Astier, à retenir par motifs adoptés que les décisions d'investissement prises étaient conformes à l'objet social et qu'il n'était pas démontré que les opérations de gestion concernées avaient porté un préjudice aux sociétés.

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Les consorts S. ont saisi la cour d'appel de Bordeaux par déclaration au greffe le 16 juillet 2018.

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Par conclusions d'appelants n°2 transmises par RPVA le 17 décembre 2018, Mme Danielle G. épouse S. (agissant en son nom personnel et ès qualités d'ayant droit de M. Jean-Louis S., décédé) et M. Frédéric S. demandent à la cour de :

Vu les articles 122 et 492-1 du Code de procédure civile,

Vu les articles L. 225-231, R. 225-163 et L. 227-10 du Code de Commerce

- juger Madame Danielle S. et Monsieur Frédéric S. recevables et bien fondés en leur demande de nomination d'un expert de gestion avec pour mission de présenter un rapport sur l'opération d'acquisition d'un bien immobilier à Saint-Astier par la société SAFA,

- réformer l'ordonnance du 16 juin 2015 du Président du Tribunal de Commerce de Bordeaux statuant en la forme des référés, en ce qu'elle a rejeté la demande de désignation d'un expert ayant pour mission de présenter un rapport sur l'opération d'acquisition d'un bien immobilier à Saint-Astier par la société SAFA,

Statuant à nouveau :

- désigner tel expert qu'il plaira, ayant pour mission de présenter un rapport sur l'acquisition par la société SAFA d'un bien immobilier à Saint-Astier au regard (i) du prix du marché, (ii) de sa destination, (iii) des charges et des revenus prévisibles et effectifs pour la société,

- dire que l'expert désigné pourra :

* se rendre en tous lieux, sièges sociaux ou locaux des personnes morales défenderesses,

* entendre tout sachant, solliciter des dirigeants des sociétés concernées, Monsieur Alain S. et Laurent S., toutes explications,

* se faire communiquer tous documents, actes et accords échangés et/ou existants entre les personnes morales et physiques précitées et plus particulièrement relatives aux opérations de gestion litigieuses nécessaires à l'exécution de la mission,

* donner son avis sur les motifs invoqués pour justifier les opérations de gestion contestées,

* se faire communiquer et examiner les comptes sociaux et tous documents comptables et juridiques permettant d'apprécier la nature et l'incidence des opérations de gestion contestées et leur conformité à l'intérêt social,

* donner tous éléments sur le montant des conséquences financières et du préjudice pour les sociétés concernées, des opérations de gestion critiquées,

- dire que l'expert désigné devra déposer son rapport au greffe de la Cour d'Appel de Bordeaux dans un délai de 3 mois à compter du versement de la consignation des frais d'expertise,

- dire qu'il en sera référé en cas de difficulté,

- dire que les frais d'expertise seront à la charge de la société SAFA,

- dire que la consignation, d'un montant de 5.000€, sera avancée par la société SAFA,

- réserver les dépens,

- condamner Monsieur Alain S. et Monsieur Laurent S. à verser aux demandeurs la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

****

Par conclusions d'intimés récapitulatives n°1 devant la cour de renvoi, transmises par RPVA le 21 décembre 2018, MM. Alain et Laurent S. et les sociétés SAFA, Imepsa, Imepsa export et Pim demandent à la cour de :

Vu l'ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Bordeaux du 16 juin 2015,

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux du 02 mars 2016,

Vu l'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 14 février 2018,

Vu les conclusions déposées par les consorts S. le 03 septembre 2018,

Vu l'article 954 al. 3 du code de procédure civile,

- constater que Monsieur Frédéric S. et Madame Danielle S., agissant tant en son nom personnel qu'ès qualité d'ayant droit de Monsieur Jean Louis S., ne sollicitent pas dans leurs conclusions d'appelants déposées le 03 septembre 2018 la réformation de l'ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Bordeaux du 16 juin 2015,

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Bordeaux rendue en la forme des référés le 16 juin 2015 en ce qu'elle a rejeté la demande de désignation d'un expert avec pour mission de présenter un rapport sur l'opération d'acquisition par la société SAFA d'un bien immobilier à Saint-Astier,

A titre subsidiaire,

Vu les articles L. 225-231 et R. 225-163 du code de commerce,

- juger que Monsieur Frédéric S. et Madame Danielle S., agissant tant en son nom personnel qu'ès qualité d'ayant droit de Monsieur Jean Louis S., sont mal fondés en leur demande d'expertise de gestion,

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Bordeaux rendue en la forme des référés le 16 juin 2015 en ce qu'elle a rejeté la demande de désignation d'un expert avec pour mission de présenter un rapport sur l'opération d'acquisition par la société SAFA d'un bien immobilier à Saint-Astier,

- débouter Monsieur Frédéric S. et Madame Danielle S., agissant tant en son nom personnel qu'ès qualité d'ayant droit de Monsieur Jean Louis S. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

- condamner in solidum Monsieur Frédéric S. et Madame Danielle S., agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités d'ayant droit de Monsieur Jean Louis S., aux entiers dépens d'appel et à payer à la société SAFA, la société IMEPSA, la société IMEPSA Export, la société PIM, à Laurent et Alain S. la somme de 10.000 €sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 8 janvier 2019, avec clôture de la procédure 15 jours avant la date de l'audience. Aucune ordonnance de clôture n'est intervenue.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux décisions et arrêts déférés et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE :

Sur les conclusions du 3 septembre 2018 des consorts S.:

Les intimés soutiennent que dans les premières écritures de leurs contradicteurs et qui sont en date du 3 septembre 2018, ne figure aucune demande de réformation de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Bordeaux du 16 juin 2015 et que par application des dispositions de l'article 910-4 alinéa premier du code de procédure civile lequel dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office les parties doivent présenter des les conclusions mentionnées aux articles 905 ' 2 et 908 à918, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, la régularisation dans les conclusions d'appelant numéro 2 en date du 17 décembre 2018 rappelées ci-dessus est inopérante.

Les intimés en tirent la conclusion que les consorts S. sont irrecevables à réclamer la réformation de l'ordonnance du président du tribunal de commerce dans les conclusions numéro 2 et que par suite la confirmation s'impose sans que la cour ait à examiner le dossier au fond.

La cour ne suivra par les intimés sur ce point dans la mesure où, s'il est exact que dans leurs premières écritures devant la cour de renvoi, les consorts S. ont effectivement réclamé la réformation de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 2 mars 2016, il s'agit d'une simple erreur de plume sans emport sur la régularité de la prétention des lors que le corps des conclusions fait effectivement référence à l'ordonnance du président du tribunal de commerce pour en critiquer la teneur et que, s'agissant d'un renvoi après cassation, il convient de rappeler que la procédure antérieure à l'arrêt cassé subsiste en sorte que, devant la juridiction de renvoi l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation ainsi que l'énonce l'article 631 du code de procédure civile.

Les consorts S. ont toujours réclamé la réformation de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Bordeaux. Il s'ensuit que cette demande des intimés sera rejetée.

Sur le périmètre de la cassation:

Il ressort de l'ordonnance dont appel, des chefs non atteints par la cassation de l'arrêt du 2 mars 2016, de l'arrêt de la Cour de Cassation et enfin des écritures des parties qu'il y a en réalité deux biens sur le territoire de la commune de Saint Astier lesquels été visés dans les demandes initiales des consorts S. à savoir une maison d'habitation et un château appelé le château Labatut.

Compte tenu des termes de la cassation, seule la question de la demande d'expertise de gestion pour l'acquisition du château Labatut situé sur le territoire de la commune de Saint Astier est encore en débat devant la cour de céans.

À cet égard, il ressort de l'examen combiné des écritures des appelants et des intimés que les parties ne discutent plus effectivement que la question de l'acquisition de ce bien.

Sur la demande d'expertise de gestion pour le château Labatut à Saint-Astier:

Le débat a d'emblée été porté par les parties sur le terrain des dispositions de l'article L225-231 du code de commerce qui organise la procédure dite d'expertise de gestion.

Dans la présente affaire, il n'est pas discuté que s'agissant de sociétés par actions simplifiées elles sont éligibles à ce type d'investigation (article L. 227-1 alinéa 3 du code de commerce) et encore que la procédure a été suivie par les consorts S. à savoir question écrite posée au dirigeant de la société par un ou plusieurs actionnaires minoritaires puis en l'absence de réponse estimée satisfaisante saisine du juge à savoir le président du tribunal de commerce statuant en la forme des référés.

Toutefois, il sera rappelé que l'expertise de gestion ne peut porter que sur une opération de gestion, opération émanant des dirigeants de la société et non pas de l'assemblée des associés (cf Com.19 novembre 1991 n° 90-11.950). Au cas particulier, les appelants eux-mêmes verse aux débats (pièce n° 12-5) le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire de la SAFA en date du 15 septembre 2014 duquel il ressort que le projet d'acquisition du château a été approuvé par cette assemblée ;

En conséquence, cette opération décidée par l'assemblée générale ne peut donner lieu à une expertise de gestion dès lors que pour ce type de mesures les associés minoritaires ont le droit de s'informer et d'émettre des critiques.

Par suite, la cour confirmera, par motif substitué, l'ordonnance du président du tribunal de commerce.

Sur les demandes accessoires :

L'équité commande l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des intimés unis d'intérêts dans les conditions fixés au dispositif et à la charge des consorts S. qui, échouant dans leur recours, supporteront les dépens devant les juridictions du fond par application des dispositions de l'article 639 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Dit que Frédéric S. et Danielle G. veuve S. agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de Jean-Louis S. sollicitent effectivement la réformation de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Bordeaux du 16 juin 2015

statuant dans les limites de la cassation,

confirme, par motif substitué, l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Bordeaux sur l'acquisition du château de Labatut à Saint-Astier.

déboute Frédéric S. et Danielle G. veuve S. agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de Jean-Louis S. de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

condamne in solidum Frédéric S. et Danielle G. veuve S. agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de Jean-Louis S. à payer à la SAS société française des chaux et ciments de Saint-Astier (SAFA), Alain S., Laurent S., la SAS société Industrielle de moules et moulages plastiques (IMEPSA), la société IMEPSA export, la SAS société Plastiques injectés du marmandais (PIM), unis d'intérêts, la somme de 5000 euros pour les frais irrépétibles d'appel devant la cour de céans

condamne in solidum Frédéric S. et Danielle G. veuve S. agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de Jean-Louis S. aux dépens devant les juridictions du fond par application des dispositions de l'article 639 du code de procédure civile.

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