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Décisions

Cass. 3e civ., 10 mai 1989, n° 87-16.761

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Paris, du 5 mai 1987

5 mai 1987

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 mai 1987), que la Société immobilière d'économie mixte de la ville de Créteil (SAIEM) a fait édifier à partir de 1970 deux bâtiments à usage locatif, sous la maîtrise d'oeuvre de l'architecte X... ; que les études techniques de chauffage et d'eau chaude sanitaire ont été confiées au cabinet Trouvin, la réalisation de l'installation à la société Hourtay-Bergeon, devenue Bergeon-Geoffroy, qui a sous-traité à la société Spade le traitement filmogène, et la maintenance après réception, à la société Montenoy ; que des fuites dues à la corrosion s'étant produites, la SAIEM a fait assigner en paiement des travaux de réfection M. X..., le cabinet Trouvin, les sociétés Bergeon-Geoffroy et Hourtay, lesquels ont exercé des recours entre eux ; que la société Bergeon-Geoffroy a demandé la garantie de la société Spade ;

Attendu que le cabinet Trouvin fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable son action en garantie contre la société Spade, alors, selon le moyen, que " le juge doit, en toute circonstance, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, et sans inviter la société cabinet Trouvin à fournir ses explications, la fin de non-recevoir tirée de l'irrégularité du véhicule (sic) de la demande que cette société entendait former contre la société Spade, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile " ;

Mais attendu que la cour d'appel, tenue, en vertu de l'article 472 du nouveau Code de procédure civile, de vérifier la régularité de sa saisine à l'égard d'une partie non comparante, n'avait pas à provoquer les explications de la demanderesse en garantie pour décider, au vu des actes qui étaient dans le débat, qu'elle n'était pas saisie de sa demande non formulée par voie d'assignation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu que le cabinet Trouvin fait aussi grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer une indemnité toutes taxes comprises, à la SAIEM, alors selon le moyen, " d'une part, qu'il appartient à la victime de prouver la matérialité du préjudice qu'elle prétend avoir subi ; qu'il lui appartient, dès lors, de prouver que la remise en état lui fera supporter la TVA sans pouvoir la répercuter ou la récupérer ; qu'en imposant à la société cabinet Trouvin la preuve que la société SAIEM avait récupéré la TVA, quand il appartenait à la société SAIEM de montrer qu'elle avait supporté cette TVA sans pouvoir la répercuter ou la récupérer, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ; et alors, d'autre part, que la société cabinet Trouvin faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la société SAIEM " est une société anonyme qui a la possibilité de récupérer, la TVA, qu'il ne saurait lui être alloué des sommes comprenant les taxes, mais seulement les évaluations hors taxes ", et que " c'est la somme de 1 979 308 francs hors taxes qui doit être retenue " ; que ces conclusions, qui sont articulées en droit (le mécanisme de récupération de la TVA) et en fait (la société SAIEM, qui est une société anonyme, est assujettie au régime de la TVA), et qui déduisent la conséquence du moyen qu'elles soutiennent (la

liquidation de l'indemnité à une somme de 1 979 308 francs), sont conformes aux dispositions de l'article 954 du Code de procédure civile ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ledit article 954 du Code de procédure civile " ;

Mais attendu que, tenue d'évaluer le préjudice à la date où elle statuait et d'allouer des indemnités permettant de faire exécuter les travaux nécessaires pour remédier aux désordres, la cour d'appel a exactement décidé, sans violer les textes visés au moyen, que les sommes allouées à la SAIEM comportaient le montant de la TVA que celle-ci devrait payer aux entreprises ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi provoqué réunis :

Attendu que le cabinet Trouvin et la société Bergeon-Geoffroy reprochent à l'arrêt de les avoir condamnés à payer à la SAIEM une indemnité augmentée des intérêts de droit et d'avoir capitalisé ces intérêts, alors, selon le moyen, " que, d'une part, le préjudice, en matière de garantie décennale, doit être apprécié au jour de la décision qui le liquide ; que la cour d'appel, dès lors, ne pouvait allouer des intérêts de droit sur l'indemnité due à la société SAIEM, qu'à titre compensatoire ; qu'en énonçant que les intérêts de droit qu'elle a alloués réparent le préjudice qui résulte " pour la victime du retard dans le recouvrement du prix de travaux dont elle a fait l'avance ", la cour d'appel a violé l'article 1153 du Code civil par fausse application et que, d'autre part, le juge ne peut allouer les intérêts des intérêts, que si les intérêts sont dus pour une année entière ; que, les intérêts alloués à la société SAIEM n'ayant pu être accordés qu'à titre compensatoire, ils n'étaient pas dus pour une année entière ; qu'en octroyant à la société SAIEM les intérêts des intérêts, la cour d'appel a violé l'article 1154 du Code civil " ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que le maître de l'ouvrage avait fait l'avance du prix des travaux, la cour d'appel a pu allouer les intérêts à compter de la date de l'avance qui en avait été faite ;

Attendu, d'autre part, que relevant que la demande de capitalisation des intérêts moratoires courus depuis le 30 septembre 1982, date de l'avance, avait été formée le 26 février 1987, la cour d'appel a ainsi constaté que les intérêts étaient dus pour plus d'une année entière et que les conditions d'application de l'article 1154 du Code civil se trouvaient remplies ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi provoqué :

Vu l'article 562 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'en mettant hors de cause la société Spade qui n'avait pas critiqué en cause d'appel la décision des premiers juges la condamnant à garantir la société Bergeon-Geoffroy, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que l'arrêt a déclaré la société Bergeon-Geoffroy mal fondée dans sa demande en garantie à l'encontre de la société Spade, l'arrêt rendu le 5 mai 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.