Cass. 3e civ., 13 juillet 1994, n° 92-14.089
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. BEAUVOIS
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 février 1992), que, par acte du 26 juin 1985, la société civile immobilière (SCI) Colisée Ponthieu, aux droits de laquelle se trouve la société SOGEC, a délivré congé pour le 31 décembre 1985, avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction à la société Primistères, locataire de locaux à usage commercial ; que la société Primistères a assigné la SCI Colisée Ponthieu et la société Cidotel, acquéreur des biens loués, en paiement d'une indemnité d'éviction ; que, par jugement du 5 janvier 1987, le tribunal de grande instance de Paris a mis hors de cause la SCI Colisée Ponthieu, constaté la régularité du congé et désigné un expert pour évaluer l'indemnité d'éviction ;
qu'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juin 1989, infirmant ce jugement dans la limite de l'appel, a condamné la SCI Colisée Ponthieu solidairement avec la société Cidotel au paiement de l'indemnité d'éviction qui sera due à la société Primistères ;
Attendu que la société Primistères fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction, alors, selon le moyen "1 ) que lorsque le bailleur ayant refusé le renouvellement d'un bail commercial a fait offre d'une indemnité d'éviction et que son offre a été acceptée par le preneur qui l'a assigné en paiement de cette indemnité, un contrat est intervenu entre les parties sur le principe de l'indemnité et le propriétaire ne peut rétracter son offre quels qu'en soient les motifs, que la cour d'appel ayant constaté que les sociétés propriétaires avaient donné congé à la société Primistères avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction et que la société locataire, ayant accepté cette offre, avait assigné les sociétés propriétaires en paiement de cette indemnité, elle ne pouvait dénier le droit de la société locataire à ce paiement qu'en violation du contrat liant les parties ; 2 ) que la société bailleresse qui avait fait délivrer à la société Primistères un congé avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction, avait nécessairement renoncé de façon non équivoque à se prévaloir de la cause d'exclusion du statut tirée du défaut d'inscription au registre du commerce, en sorte que la cour d'appel ne pouvait décider que la société Primistères ne pouvait prétendre à une indemnité d'éviction en raison du défaut de preuve de l'inscription de sa succursale au registre du commerce ; 3 ) que le droit de la société Primistères à une indemnité d'éviction lui avait été reconnue par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juin 1989, devenu irrévocable et que la cour d'appel ne pouvait, par l'arrêt subséquent du 18 février 1992 lui dénier ce droit qu'en violation de la chose jugée ; 4 ) qu'il résultait des constatations de la cour d'appel que la société Primistères produisait une "inscription modificative" de l'inscription au registre du commerce de sa succursale, ..., pour "cessation d'activité de l'établissement secondaire ci-dessus par suite de résiliation amiable du bail" et que la cour d'appel ne pouvait, sans dénaturer cet extrait du registre du commerce, estimer qu'il n'en résultait pas la preuve d'une inscription antérieure de la succursale de la société Primistères, ..., dont le dit extrait visait la modification" ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel ayant retenu exactement que l'offre d'une indemnité d'éviction n'interdisait pas au bailleur de refuser, par la suite, le renouvellement du bail sans indemnité s'il établissait que les conditions du droit au renouvellement n'étaient pas remplies, et le jugement du 5 janvier 1987, ordonnant une expertise en vue de la fixation de l'indemnité d'éviction et l'arrêt du 2 juin 1989, statuant sur l'appel de ce jugement limité à la question de la solidarité existant entre les propriétaires successifs n'ayant pas autorité de chose jugée quant au droit de la société Primistères à obtenir l'attribution d'une telle indemnité, le moyen n'est pas fondé de ce chef ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que les sociétés propriétaires versaient aux débats non seulement des extraits K BIS sur lesquels ne figuraient pas l'établissement du ..., mais également une lettre du greffe du tribunal de commerce précisant qu'il n'avait trouvé, à la date de délivrance du congé, aucune trace d'inscription pour l'adresse indiquée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, de ce chef, sans dénaturation, en retenant souverainement que l'inscription au registre du commerce de la société Primistères ne saurait résulter d'une simple "inscription modificative" de cessation d'activités ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Dit n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la société Primistères aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du treize juillet mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.