Cass. com., 4 janvier 1994, n° 91-12.279
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 8 janvier 1991), que la société Techni import professionnel (société Tip) qui commercialise en France des supports magnétiques d'enregistrement vierges, a refusé de payer à la Société pour la rémunération de la copie privée sonore (société Sorecop) et à la Société pour la rémunération privée audiovisuelle (société Copie privée) les sommes que ces dernières lui réclamaient en application de l'article 28 de la loi du 3 juillet 1985 au titre de la redevance pour copie privée ;
Attendu que la société Tip fait grief à l'arrêt d'avoir fait droit à la demande des sociétés Sorecop et Copie privée alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'une mesure indistinctement applicable aux produits français et étrangers peut néanmoins constituer une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation dès lors qu'elle a pour effet de profiter à une production nationale ; qu'en se fondant sur le caractère indistinctement applicable de la redevance pour copie privée, sans rechercher, comme l'y invitaient ses conclusions ainsi que la production d'indications statistiques, si cette mesure avait en fait pour conséquence de freiner l'importation de cassettes vierges, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 30 du traité de Rome ; alors, d'autre part, que l'article 36 du traité de Rome n'autorise des dérogations à l'article 30 pour la protection conférée par le droit d'auteur que pour autant que celui-ci fait l'objet d'une exploitation commerciale ; qu'en ne recherchant pas, comme l'y invitaient ses conclusions, si la rémunération pour copie privée est étrangère à toute exploitation commerciale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; alors, en outre, que constitue une aide incompatible avec le marché commun toute subvention octroyée, même indirectement, par l'Etat et qui fausse le jeu de la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions nationales ; qu'en décidant que la redevance pour copie privée n'avait pas un tel effet en raison de ce qu'elle est " répartie entre les auteurs, interprètes et producteur ", sans rechercher, comme l'y invitaient ses conclusions, si cette répartition constituait un avantage sans contrepartie bénéficiant essentiellement aux producteurs de phonogrammes et vidéogrammes établis en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 92 du traité de Rome ; alors, enfin, qu'en ne recherchant pas, comme l'y invitaient ses conclusions, si la redevance litigieuse avait réellement pour objet d'assurer aux auteurs et producteurs une compensation des atteintes que la reproduction à usage privé porterait à l'exploitation normale de l'oeuvre et si, en l'état des techniques actuelles de reproduction privée, de telles atteintes étaient effectivement constituées et pouvaient donc justifier l'institution de la redevance prétendument destinée à les compenser, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 92 du traité de Rome ;
Mais attendu, en premier lieu, que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a retenu que la redevance concernait les supports vierges utilisables pour la reproduction d'oeuvres sonores et audiovisuelles, qu'elle s'appliquait, indistinctement, aux produits importés et à ceux fabriqués en France et qu'il n'était pas établi qu'elle affectait les échanges communautaires ; que la cour d'appel a, ainsi, répondu, en les rejetant, aux conclusions qui soutenaient que la redevance entraînait une diminution des importations de supports magnétiques ;
Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt retient que la Commission des Communautés européennes a admis que la pratique de la reproduction privée pouvait occasionner des pertes pour les titulaires du droit d'auteur en se substituant à la vente des supports préenregistrés et la faculté pour les Etats de percevoir la redevance dans ce cas ; qu'ayant répondu, en les rejetant, aux conclusions de la société TIP sur le point de savoir si la redevance avait réellement pour objet de compenser l'effet de la reproduction privée, la cour d'appel n'avait pas à rechercher si la redevance était étrangère à toute exploitation commerciale ;
Attendu, en troisième lieu, que la cour d'appel a retenu que la redevance pour copie privée relevait de l'objet spécifique du droit d'auteur et bénéficiait, de ce fait, de l'exception prévue par l'article 36 du Traité instituant la Communauté européenne, procédant ainsi à la recherche visée dans les conclusions de la société Tip qui soutenait que la redevance constituait un avantage sans contrepartie aux producteurs français ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.