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Décisions

CA Aix-en-Provence, 15e ch. A, 27 janvier 2012, n° 10/00551

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Braizat

Conseillers :

M. Couchet, M. Brue

TI Toulon, du 30 nov. 2009, n° 2009/221

30 novembre 2009

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par jugement du 30 novembre 2009 assorti de l'exécution provisoire, le juge du tribunal d'instance de Toulon, saisi d'une requête aux fins de saisie des rémunérations présentée par M. Thierry G. à l'encontre de Mme Nathalie G. par acte d'huissier de justice du 5 mars 2009 et après procès-verbal de non-conciliation, a rejeté la contestation formée par la défenderesse et autorisé la saisie de ses rémunérations à hauteur de la somme de 4 776,88 € en principal, intérêts et frais.

Par déclaration du 11 janvier 2010 Mme G. née L. a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt avant dire droit du 20 mai 2011 la cour de céans a, en fonction de la procédure de divorce ayant opposé les parties, relevé l'existence des décisions suivantes :

- ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulon, en date du 17 décembre 2004, condamnant M. G. à payer à son épouse la somme de 400 €, avec revalorisation le 1er janvier de chaque année, à titre de pension alimentaire mensuelle, et Mme G. à lui payer la somme de 150 € par mois à titre de contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant commun, avec indexation,

- arrêt de la présente cour du 6 avril 2006, qui, statuant sur l'appel interjeté par M. G. à l'encontre de ladite ordonnance de non-conciliation, l'a infirmée du chef des droits de visite et d'hébergement de Mme L. et confirmée en toutes ses autres dispositions, outre, compte tenu de l'évolution du litige, fixation de la pension alimentaire due par le mari au titre du devoir de secours à 200 € par mois,

- jugement de divorce du même tribunal de grande instance du 16 juin 2006, condamnant l'époux à verser à Mme L. une prestation compensatoire en capital de 40 000 € ainsi qu'une somme de 3 000 € de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et fixant la contribution mensuelle de Mme L. à l'entretien et à l'éducation de l'enfant à 150 €, somme payable 12 mois par an et indexée sur l'indice publié par l'INSEE, la première revalorisation devant intervenir le 1er janvier 2007,

- le litige repose désormais sur une requête tendant à la saisie des sommes dues à titre de rémunérations de Mme Nathalie L., déposée par M. Thierry G. se prévalant d'un 'jugement de divorce du tribunal de grande instance de Toulon du 16 juin 2006', auquel chacune des parties aurait acquiescé les 4 juin et 14 août 2007, et ce pour paiement d'une créance principale de 4 601,20 €, assortie d'un montant de 102,01 € représentant un droit de recouvrement, et d'une somme de 73,67 € de frais de requête.

- et relevant que le jugement de divorce considéré a condamné Mme L. 'à payer à son époux la somme mensuelle de 150 € à titre de contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant du couple', et que la compensation amiablement convenue entre les parties restait sans incidence au regard du titre exécutoire constitué par le jugement de divorce, le juge de l'exécution ayant estimé que Mme L. était 'défaillante dans l'obligation qui lui incombe de rapporter la preuve de son paiement', et autorisé la saisie des rémunérations de l'intéressée à hauteur de la somme de 4 776,88 € en principal, intérêts et frais, avec exécution provisoire.

La cour, par cet arrêt du 20 mai 2011, a observé que Mme L. considérait que le jugement entrepris avait procédé de plusieurs erreurs, en l'état notamment d'une motivation évoquant la somme mensuelle de 150 € due à M. G. au titre de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant du couple, Marion, alors que la mesure de saisie sur ses rémunérations initiée par M. G. avait comme fondement un prétendu trop perçu par elle de la pension alimentaire qu'il lui devait en exécution de l'ordonnance de non-conciliation du 17 décembre 2004, et a jugé en conséquence :

- qu'il ressort de l'analyse de la requête en saisie des rémunérations du 12 décembre 2008, que M. G. a explicitement indiqué agir 'en vertu d'un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulon en date du 16 juin 2006', excluant ainsi, sans ambiguïté, toute erreur d'appréciation du premier juge du chef du fondement légal de la mesure d'exécution critiquée, repris exactement en ses terme initiaux ;

- qu'en réalité, M. G. a conclu en première instance et en cause d'appel que Mme L. 'en sus des sommes qui lui étaient dues et de celles qu'elle devait... a indûment perçu la somme de 4 776,88 €', réclamée 'par requête déposée par acte d'huissier en date du 5/03/2009, pour avoir été obtenue au moyen d'une procédure de paiement direct diligentée le 12 avril 2005 en exécution de l'ordonnance de non-conciliation susmentionnée du 17 décembre 2004, lui attribuant une pension alimentaire mensuelle de 400 €' ;

- qu'il en résulte ainsi que la saisie a été pratiquée en l'espèce en vertu d'un titre exécutoire différent de celui susceptible de fonder la créance dont le recouvrement est poursuivi.

La cour a donc invité les parties à conclure contradictoirement sur le moyen relevé d'office de la régularité de la procédure de saisie des rémunérations au visa des articles 58 du code de procédure civile et R. 3252-11 et suivants du code du travail, leur a enjoint d'établir et communiquer un décompte exhaustif des sommes réclamées et perçues, et de tous versements concernant les dettes de chacun en exécution des décisions précitées, assorti des justificatifs s'y rapportant, ordonné la réouverture des débats à l'audience collégiale du 7 décembre 2011, révoqué l'ordonnance de clôture et fixé la clôture de l'instruction au 7 novembre 2011.

Par lettre de son avoué du 6 octobre 2011 M. G. a communiqué un 'décompte des sommes dues'.

L'appelante n'a pas fait parvenir de décompte à la cour.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2011.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Alors que par arrêt précité du 20 mai 2011 il a été relevé que M. G. avait conclu en première instance et en cause d'appel que Mme L., 'en sus des sommes qui lui étaient dues et de celles qu'elle devait..., a indûment perçu la somme de 4 776,88 €', réclamée 'par requête déposée par acte d'huissier en date du 5/03/2009, pour avoir été obtenue au moyen d'une procédure de paiement direct diligentée le 12 avril 2005 en exécution de l'ordonnance de non-conciliation susmentionnée du 17 décembre 2004, lui attribuant une pension alimentaire mensuelle de 400 €', dont il résultait ainsi que la saisie avait été pratiquée en l'espèce en vertu d'un titre exécutoire différent de celui susceptible de fonder la créance réclamée, les parties n'ont pas conclu sur le moyen relevé d'office par la cour, tiré de la question de la régularité de la procédure de saisie des rémunérations au visa des articles 58 du code de procédure civile et R. 3252-11 et suivants du code du travail.

Dans ces conditions la requête initiale 'aux fins de saisie des rémunérations avec tentative de conciliation préalable' formalisée par M. G. suivant acte d'huissier de justice du 5 mars 2009, tendant au paiement de la somme totale de 4 776,88 € en exécution du jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulon du 16 juin 2006, s'avère avoir été formée en contravention aux dispositions combinées de l'article 58 du code de procédure civile et R. 3252-13 du code du travail disposant respectivement que :

* 'La requête ou la déclaration est l'acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé', contenant, 'à peine de nullité... 3° L'objet de la demande',

* 'La demande', en matière de saisie des sommes dues à titre de rémunération, 'est formée par requête remise ou adressée au greffe par le créancier', devant contenir, 'Outre les mentions prescrites par l'article 58 du code de procédure civile... à peine de nullité... 2° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts' et '3° Les indications relatives aux modalités de versement des sommes saisies', une 'copie du titre exécutoire [étant] jointe à la requête'.

Dès lors faute de correspondance, s'agissant du titre exécutoire argué, entre la requête susvisée et les écritures de M. G., ayant d'ailleurs, en exécution de l'arrêt avant dire droit du 20 mai 2011, communiqué un décompte qui n'énonce pas explicitement le ou les titres sur le fondement desquels sont énumérées les sommes soit réclamées soit payées, tout en arrivant à un montant de 3 132,17 € à titre de trop versé au profit de l'appelante, la mesure d'exécution considérée n'est pas valide dans la mesure où le créancier 'ne pouvait substituer' au jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulon du 16 juin 2006 'un autre titre qui n'était pas joint à la requête' (civile 2e 24 mars 2005, pourvoi n° 03-17.007), justifiant ainsi d'en ordonner la mainlevée.

Le jugement entrepris est en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de ce que chacune des parties succombe les circonstances de l'espèce justifient de partager les dépens entre elles, dans la proportion de 1/3 à la charge de l'appelante et de 2/3 à la charge de l'intimé.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Reçoit l'appel,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

Déclare non valide la mesure de saisie des rémunérations engagée par M. G. à l'égard de Mme L., et en ordonne la mainlevée,

Rejette toute autre demande,

Fait masse des dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront supportés par les parties à proportion de 1/3 pour l'appelante et de 2/3 pour l'intimé, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.