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Décisions

CA Lyon, 6e ch., 24 septembre 2020, n° 20/01455

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fema Flex Electroportatif Machines et Accessoires (SAS)

Défendeur :

MBH Developpement (SAS), AJ Up (Selarl) (ès qual.), Kiloutou (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mme Clerc, Mme Stella

Juge de l'exécution de Roanne, du 13 fév…

13 février 2020

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

La SAS MBH Développement (MBH) et la société de droit allemand Flex Elektrowerkzeuge Gmbh (FLEX) étaient associées dans la SAS Flex Electroportatif Machines & Accessoires (FEMA), ayant une activité de distribution d'outillage électroportatif fabriqué par FLEX ainsi que d'accessoires vendus par la SAS ACCESSA, société ayant le même dirigeant que MBH.

FLEX détenait 49,8 % et MBH 48,5 % des parts de FEMA, le surplus étant détenu par Mme H. et M. B., associés de MBH.

Le 5 août 2014, sous la signature de M. B. pour les 2 sociétés, MBH a consenti à FEMA un contrat de prêt de 923.958,28 euros correspondant au montant du compte-courant qu'elle détenait dans les livres de FEMA, remboursable par échéances trimestrielles sur 4 ans au taux de 5 % l'an.

Par contrat du 17 décembre 2014, MBH, Mme H. et M. B. ont cédé à FLEX au prix de 1.800.000 euros la totalité de leurs participations dans FEMA. Le contrat prévoyait notamment le remboursement du prêt avec un délai de blocage accordé à FEMA de 12 mois à compter de la 'date de réalisation de la cession, laquelle est intervenue par protocole de clôture du 9 janvier 2015.

FLEX, estimant avoir été abusée sur la valeur des parts de FEMA, notamment à raison d'un surstock de produits ACCESSA, a rompu les relations commerciales avec celle-ci, à la suite de quoi la société ACCESSA l'a attraite devant le tribunal de commerce de Lyon.

De son côté, FLEX et FEMA ont engagé des actions contre MBH et les cédants devant le tribunal de commerce de Paris et le tribunal de grande instance de Paris, pour obtention de divers indemnisations et revendication de brevets et de garanties de passif.

Par courrier du 1er février 2016, MBH, par la voie de conseil, a mis en demeure FEMA de lui reverser le montant du prêt, exigible depuis le 9 janvier 2016.

I - Les saisies conservatoires pratiquées par FLEX

Par ordonnance du 17 août 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Roanne a autorisé FLEX à pratiquer une mesure conservatoire à l'encontre de MBH Développement, entre les mains de FEMA, sur la créance de 853.808 euros.

La saisie conservatoire a été pratiquée par procès-verbal du 7 septembre 2016.

Par arrêt du 10 novembre 2016, la cour de céans, infirmant une ordonnance du 1er mars 2016 du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Roanne, a autorisé FLEX à pratiquer une mesure conservatoire à l'encontre de MBH Développement, entre les mains de FEMA, sur la créance de 853.808 euros dont est titulaire MBH à l'encontre de FEMA, pour sûreté de la somme de 1.150.791,50 euros.

La saisie conservatoire a été pratiquée par procès-verbal du 2 février 2017, dénoncé à MBH le 6 février 2017.

II - La procédure collective de MBH

Par jugement du 28 mars 2018, le tribunal de commerce de Roanne a placé MHB en redressement judiciaire, désigné la SELARL AJ UP en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL B. en qualité de mandataire, représentant des créanciers.

Par jugement du 27 septembre 2019, le tribunal de commerce de Roanne a arrêté le plan de redressement par voie de continuation de MBH, désigné la SELARL AJ UP en qualité de commissaire à l'exécution du plan et maintenu la SELARL B. dans ses fonctions de mandataire.

III - La caducité des saisies conservatoires et la créance de MBH à l'encontre de FEMA

Se prévalant de la caducité des saisies conservatoires à raison de l'ouverture de la procédure collective, l'administrateur judiciaire de MBH a vainement mis en demeure FEMA de lui régler le solde du prêt pour un montant de 758.752,50 euros par courrier du 24 avril 2018.

Par arrêt du 5 septembre 2019, la chambre commerciale de la cour d'appel de Lyon, confirmant un jugement du 21 novembre 2018 du tribunal de commerce de Roanne, a condamné FEMA à rembourser à MBH la somme de 758.752,50 euros, outre le paiement d'une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour d'appel a toutefois infirmé le jugement du tribunal de commerce de Roanne en rejetant la demande de la société MBH de caducité des saisies conservatoires, relevant qu'indépendamment de la compétence du juge de l'exécution pour statuer sur le contentieux de la saisie conservatoire, le tribunal de commerce et la cour d'appel ne pouvaient pas statuer en l'absence du créancier saisissant.

Le 20 septembre 2019, FEMA saisissait la chambre commerciale de la cour d'appel de Lyon d'une requête en interprétation de son arrêt du 5 septembre 2019, soutenant que ses dispositions étaient contradictoires en ce qu'elle était condamnée à payer à MBH une créance faisant l'objet des saisies conservatoires de FLEX.

Par arrêt du 5 décembre 2019, la cour rejetait cette requête en considération que les dispositions de l'arrêt étaient claires et ne nécessitaient pas d'interprétation.

Entretemps, FEMA a formé le 5 novembre 2019 un pourvoi en cassation contre l'arrêt du 5 septembre 2019.

IV - Les saisies attribution pratiquées par MBH

Par actes d'huissier de justice du 10 septembre 2019, MBH, représentée par son administrateur judiciaire, a fait signifier à FEMA l'arrêt précité et pratiquer des saisies-attributions de créances détenues par FEMA qui ont permis d'appréhender une somme totale de 368.742,24 euros ventilée comme suit :

- CIC - Lyonnaise de Banque : 158.210,62 euros

- Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire : 125.874,31 euros

- Loxam : 23.588,95 euros

- Kiloutou : 79.068,36 euros.

Les saisies bancaires ont été dénoncées à FEMA le 16 septembre 2019 et les saisies auprès de Loxam et Kiloutou les 19 et 20 septembre 2019.

Par actes d'huissiers de justice du 3 octobre 2019, FLEX a fait assigner MBH et les organes de la procédure collective à comparaître devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Roanne pour voir ordonner la mainlevée de ces saisies-attributions.

La SAS Kiloutou est intervenue volontairement à la procédure.

Par jugement du 13 février 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Roanne a :

  • jugé régulières les saisies-attribution pratiquées les 10 et 16 septembre 2019 par MBH, la SELARL AJ UP et la SELARL B.,
  • en conséquence,
  • débouté FEMA de l'intégralité de ses demandes,
  • reçu l'intervention volontaire de la SAS Kiloutou,
  • autorisé la SAS Kiloutou à verser la somme de 87.562,68 euros, représentant la créance non contestée de cette dernière envers FEMA, entre les mains de l'huissier saisissant, qui sera désigné en qualité de séquestre, à défaut d'accord amiable des parties sur la personne à désigner en qualité de séquestre,
  • condamné FEMA aux entiers dépens de l'instance,
  • condamné FEMA à payer à MBH la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
  • débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

FEMA a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 21 février 2020.

Par ordonnance du 26 février 2020, le président de la chambre, faisant application des dispositions des articles 905 du code de procédure civile et R.121-20 al.2 du code des procédures civiles d'exécution a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 30 juin 2020 à 13h30. Cette audience n'ayant pu se tenir dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, les conseils des parties ont été avisés que l'affaire sera examinée par la Cour sans audience, conformément aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020.

V - La saisie conservatoire pratiquée par FEMA

Par jugement du 21 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a fait droit partiellement à des revendications de FEMA à l'encontre de MBH et renvoyé à la fixation judiciaire au passif du redressement judiciaire de MBH.

Par ordonnance du 17 décembre 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Roanne a autorisé FEMA à pratiquer une saisie conservatoire sur la totalité de la créance d'emprunt, soit 758.752,50 euros.

La saisie conservatoire a été pratiquée par procès-verbal d'huissier de justice du 19 décembre 2019 et dénoncée à MBH le 20 décembre 2019.

Le 2 janvier 2020, MBH a relevé appel du jugement précité rendu par le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Paris.

Par acte d'huissier de justice du 6 février 2020, MBH a fait assigner FEMA à comparaître devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Roanne pour obtenir mainlevée de la saisie conservatoire du 19 décembre 2019.

Par jugement en date du 9 juin 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Roanne a :

  • rejeté la demande de sursis à statuer soutenue par FEMA (en attente de la décision de la cour d'appel de Paris sur le jugement rendu le 21 novembre 2019 professeur le tribunal de grande instance de Paris),
  • ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 19 décembre 2019 et dénoncée le 20 décembre 2019,
  • condamné FEMA à payer à MBH la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
  • condamné FEMA aux entiers dépens de l'instance,
  • condamné FEMA à payer à MBH la somme de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
  • débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,
  • rappelé que la décision est exécutoire par provision.

FEMA a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 2020. L'affaire a été enrôlée sous le n° RG 20/2898 et fixée à l'audience du 15 octobre 2020 par application des articles 905 et suivants du code de procédure civile et R.121-20 al.2 du code des procédures civiles d'exécution.

***

Sur l'appel du jugement du 13 février 2020 :

En ses conclusions du 20 mai 2020, la SAS Flex Electroportatif Machines et Accessoires (FEMA) demande à la Cour ce qui suit :

vu l'arrêté du 29 juin 2010 fixant les normes de présentation des actes d'huissier de justice,

vu les articles 648 et 510 du code de procédure civile,

vu les articles L. 141-2 et L. 523-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- réformer le jugement rendu le 13 février 2020 par le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Roanne en ce qu'il a :

- jugé régulières les saisies-attributions pratiquées les 10 et 16 septembre 2019 par la société MBH et les SELARL AJ UP et B. ès qualités,

- débouté la société FEMA de l'intégralité de ses demandes,

- autorisé la société Kiloutou à verser la somme de 87.562,68 euros ['] entre les mains de l'huissier saisissant, désigné en qualité de séquestre,

- condamné la société FEMA à payer à la société MBH la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au dépens,

statuant à nouveau,

à titre principal,

- juger nulle la signification à la société FEMA intervenue le 10 septembre 2019 de l'arrêt rendu le 5 septembre 2019 par la cour d'appel de Lyon,

- juger irrégulières les dénonciations des actes de saisies-attributions intervenues les 16, 19 et 20 septembre 2019,

en conséquence,

- juger nulles et de nul effet ou à tout le moins caduques les deux saisies-attributions pratiquées par la société MBH, la SELARL AJ UP et la SELARL B. ès qualités le 10 septembre 2019 sur les comptes de la société FEMA ouverts dans les livres des banques CIC Lyonnaise de Banque et Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute Loire,

- juger nulles et de nul effet ou à tout le moins caduques les deux saisies-attributions pratiquées par la société MBH, la SELARL AJ UP et la SELARL B. ès-qualités le 16 septembre 2019 auprès de la société Kiloutou et de la société Loxam,

à titre subsidiaire,

- constater que la créance objet des saisies-attributions pratiquées les 10 et 16 septembre 2019 était indisponible,

ce faisant,

- juger nulles et de nul effet les deux saisies-attributions pratiquées par la société MBH, la SELARL AJ UP et la SELARL B. ès-qualités le 10 septembre 2019 sur les comptes de la société FEMA ouverts dans les livres des banques CIC Lyonnaise de Banque et Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute Loire,

- juger nulles et de nul effet les deux saisies-attributions pratiquées par la société MBH, la SELARL AJ UP et la SELARL B. ès-qualités le 16 septembre 2019 auprès de la société Kiloutou et de la société Loxam,

en tout état de cause,

- condamner la société MBH et la SELARL AJ'UP ès-qualités d'administrateur judiciaire de MBH, à payer à la société FEMA la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société MBH et la SELARL AJ UP es-qualités d'administrateur judiciaire de la société MBH au paiement des dépens à recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 18 juin 2020, la SAS MBH Développement, la SELARL AJ UP, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SAS MBH Développement et la SELARL B.; en qualité de mandataire au redressement judiciaire de cette société, demandent à la Cour de statuer comme suit, au visa des articles 114, 648 et 649 du code de procédure civile, L.622-21 du code de commerce et R. 211-16 du code des procédures civiles d'exécution et de l'arrêté du 20 juin 2010,

à titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugernent rendu entre les parties par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Roanne le 13 février 2020, et ce faisant :

sur les demandes formulées à titre principal par FEMA :

- juger qu'aucune irrégularité de forme n'affecte, ni la signification de l'arrêt d'appel, ni les dénonciations de procès-verbaux de saisies-attributions délivrées par arcte extra-judiciaires des 10, 16, 19 et 20 septembre 2019 à la société FEMA,

- juger que la société FEMA ne justifie en tout état de cause d'aucun grief résultant directement des prétendues irrégularités de forme qu'elle invoque,

en conséquence,

- rejeter les demandes de caducité et de nullité pour irrégularité de forme présentées par la société FEMA,

sur les demandes formulées à titre subsidiaire par FEMA :

- juger que la créance détenue par la société MBH sur la société FEMA, et dont le bien-fondé a été reconnu et confirmé par arrêt de cour d'appel de céans en date du 5 septembre 2019, était disponible au moment où elle a été saisie,

en conséquence,

- rejeter les demandes de nullité formulées par la société FEMA à l'encontre des saisies-attributions réalisées par la société MBH, du chef de cette créance, en dates des 10 et 16 septembre 2019 entre les mains des banques et clients de la société FEMA,

à titre incident,

- juger qu'aucune contestation ne subsiste entre les parties au sens de l'article R. 211-16 du code des procédures civiles d'exécution, les sommes saisies auprès de la société Kiloutou par la société MBH devant conséquence être libérées au profit de cette dernière société,

en tout état de cause,

- rejeter tout autre chef de demande el prétentions formulés par la société FEMA,

- condamner la société FEMA au versement d'une somme de 10.000 euros au profit de la société MBH sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.

Par conclusions du 11 juin 2020, la SAS Kiloutou sollicite la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle l'a autorisée à verser la somme de 87.562,68 euros entre les mains de l'huissier saisissant, désigné en qualité de séquestre.

Pour le surplus, elle entend s'en rapporter à justice s'agissant du bien-fondé des demandes présentées par l'une ou l'autre des parties.

Elle conclut au débouté de l'ensemble des parties de toutes demandes plus amples ou contraires à l'égard de la société Kiloutou et à la condamnation de tout succombant à lui régler la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre préliminaire, la Cour considère qu'elle peut statuer sur l'appel du jugement du 13 février 2020 sans attendre l'examen de l'appel sur le jugement du 9 juin 2020, l'issue de la première procédure n'étant pas subordonnée à celle de la seconde.

Sur la régularité des actes d'huissier de justice

FEMA soutient que les actes de signification le 10 septembre 2019 de l'arrêt du 5 septembre 2019 et de dénonciations des procès-verbaux de saisies-attributions intervenues les 16, 19 et 20 septembre 2019 sont irréguliers, au regard des dispositions de l'arrêté du 29 juin 2010 fixant les normes de présentation des actes d'huissiers de justice, en ce que :

- le nom du requérant n'est pas mentionnés sur la dernière page de l'acte,

- la dernière page de l'acte n'est pas toujours intitulée 'modalités de remise de l'acte',

- la date d'accomplissement de l'acte n'est pas reproduite sur la dernière page de l'acte,

- la référence de dossier mentionnée en dernière page diffère totalement de la référence mentionnée en première page.

MBH répond avec justesse que FEMA procède à une confusion entre les mentions exigées sur l'original de l'acte d'huissier de justice et celles qui doivent être portées sur la copie remises au destinaire, les 'modalités de remise de l'acte' devant figurer obligatoirement sur l'original, la fiche de signification remise au destinataire n'étant que facultative. Elle ajoute que les références différent en ce que l'une concerne l'étude de l'huissier de justice en charge du recouvrement (A3 Juris) et l'autre l'huissier de justice territorialement compétent (Me R.).

Sans débattre plus longuement de la consistance des prétendues anomalies dénoncées par FEMA, il doit être rappelé qu'au regard des dispositions combinées des articles 648, 649 et 114 al.2 du code de procédure civile, la nullité de forme d'un acte d'huissier de justice ne peut être prononcée que sur justification d'un grief par la partie qui l'invoque.

En l'espèce, FEMA évoque deux points qui pourraient constituer des griefs :

- D'une part, les prétendues 'incohérences' seraient nécessairement de nature à créer une confusion pour le destinataire de l'acte qui n'est pas mis en mesure d'apprécier la validité de celui-ci.

S'en tenant à cette considération générale, l'appelante n'explicite pas en quoi les irrégularités alléguées auraient pu entacher sa compréhension des actes.

- D'autre part, l'absence de mention de la date de l'acte sur la dernière page ne lui aurait pas permis de vérifier que la 'dénonciation avait bien été effectuée dans les huit jours de la dénonciation de l'acte' [sic] alors que ce délai est prévu à peine de caducité de la saisie par le code des procédures civiles d'exécution.

Il doit être compris que FEMA soutient qu'elle n'a pas été en mise en mesure de vérifier que les actes de dénonciation des saisies-attributions étaient bien délivrés dans le délai de 8 jours prévu par l'article R. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution. Ce moyen est manifestement inopérant dans la mesure où chaque procès-verbal de dénonciation rappelle en 1ère page la date de la saisie-attribution et est assorti de la remise d'une copie du procès-verbal de la saisie-attribution.

En conséquence, FEMA ne justifie d'aucun grief à l'appui de ses demandes de nullité et/ou de caducité des saisies-attributions.

Sur la prétendue indisponibilité des créances saisies

FEMA soutient que les saisies-attributions sont nécessairement nulles et de nul effet en ce qu'elles portent sur des créances qui étaient indisponibles en l'état des saisies conservatoires pratiquées les 7 septembre 2016 et 2 février 2017 à la requête de FLEX.

MBH, se prévalant des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce qui prévoient notamment que le jugement d'ouverture de la procédure collective interdit toute procédure d'exécution de la part des créanciers, répond que les saisies conservatoires sont devenues automatiquement caduques par l'effet du jugement du 28 mars 2018 la plaçant en redressement judiciaire.

FEMA, rappelant la motivation de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 5 décembre 2019 rejetant sa demande d'interprétation, croit pouvoir en tirer un rejet de cet automatisme, la Cour ayant indiqué, à propos du dispositif de son arrêt du 5 septembre 2019 : 'Ces dispositions, qui permettent aux parties de mettre fin, amiablement ou judiciairement, au différend qui les oppose sur la caducité ou la mainlevée des saisies conservatoires sur lesquelles la cour n'a pu statuer, sont claires et ne nécessitent pas d'interprétation.'

Dans la mesure où le débat soumis alors à la Cour portait déjà sur les argumentations respectives des parties, MBH soutenant la caducité automatique des saisies conservatoires et FEMA répondant qu'elles étaient maintenues en l'absence de mainlevée judiciaire, l'appelante se livre à une interprétation fallacieuse de l'arrêt du 5 décembre 2019 qui ne fait que les renvoyer, à défaut d'accord, à faire trancher le différend en présence du créancier FLEX par le juge de l'exécution, sans nullement subordonner l'effectivité de la caducité des saisies à une décision de ce juge. La Cour, dans son arrêt du 5 septembre 2019, a effectivement clairement écarté la demande de constat de la caducité des saisies conservatoires présentée par MBH du fait de l'absence du créancier FLEX, bénéficiaire desdites saisies.

Sur ce, il est de jurisprudence constante que la saisie conservatoire qui n'a pas été convertie en saisie-attribution au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective ne peut plus produire ses effets et doit être levée. L'inefficience de la mesure conservatoire étant acquise au prononcé dudit jugement, l'indisponibilité du bien saisi cesse en même temps, quand bien même la saisie n'a pas fait l'objet d'une mainlevée volontaire ou imposée par voie judiciaire. A tout le moins, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose que la caducité de la mesure conservatoire soit constatée par le juge pour la priver de ses effets.

C'est donc à tort que l'appelante prétend à l'indisponibilité des sommes appréhendées dans le cadre des saisies-attributions litigieuses ; le jugement mérite confirmation en ce qu'il a jugé celles-ci régulières et débouté FEMA de ses demandes.

Sur les délais de paiement

Dans le corps de ses écritures, FEMA sollicite les plus larges délais de paiement pour solder sa dette, ce à quoi s'oppose MBH qui fait valoir qu'elle est exigible depuis plusieurs années.

La Cour constate qu'elle n'est pas valablement saisie de la demande de délais de paiement non reprise dans le dispositif des conclusions de l'appelante, bien que tranchée par le premier juge. Eu égard à l'effet attributif des saisies-attributions, cette demande ne pourrait porter que sur le surplus de la créance de MBH et, à défaut de justificatifs de la situation de la société débitrice, la Cour ne peut que confirmer le rejet de la demande de délais par le tribunal.

Sur la demande de la société Kiloutou

La société Kiloutou demande la confirmation de la disposition du jugement la concernant, tout en précisant qu'à défaut d'accord amiable pour la désignation d'un autre séquestre, elle a versé le 10 mars 2020 la somme de 87.562,68 euros entre les mains de l'huissier de justice saisissant. Elle justifie en réalité d'un virement du 6 mars 2020 entre les mains de la SCP Darras D. M., huissiers de justice à Villeneuve d'Ascq (Nord).

L'article R. 211-16 du code des procédures civiles d'exécution prévoit la désignation d'un séquestre en cas de contestation. Dès lors que celle-ci est tranchée par le présent arrêt, il n'y a plus lieu à séquestre, l'huissier de justice saisissant pouvant libérer les fonds au profit du créancier. Il convient, sur ce point, de faire droit à la demande incidente de MBH.

Sur les demandes accessoires

FEMA, partie perdante, supporte les dépens de première instance et d'appel, avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit du conseil de MBH en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés et doit indemniser MBH de ses frais à concurrence de 3.000 euros en appel, en sus de l'indemnité de 3.000 euros allouée par le premier juge.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Kiloutou.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement prononcé le 13 février 2020 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Roanne,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à séquestre de la somme de 87.562,68 euros saisie auprès de la SAS Kiloutou et qu'en conséquence, les fonds peuvent être remis par l'huissier de justice saisissant au créancier SAS MBH Développement,

Condamne la SAS Flex Electroportatif Machines et Accessoires (FEMA) aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP A.-N., avocats,

Condamne la SAS Flex Electroportatif Machines et Accessoires (FEMA) à payer à la SAS MBH Développement la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette le surplus des demandes des parties.