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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 20 juin 2023, n° 22/01285

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Easy Cars Reims (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Maussire

Conseillers :

Mme Mathieu, Mme Pilon

Avocats :

Me Diallo, Me Chemla

TJ Reims, du 31 mai 2022

31 mai 2022

EXPOSE DU LITIGE

Le 7 mai 2015, Madame [T] [Y] épouse [K] et Monsieur [C] [K] ont acheté auprès de la société EASY CARS REIMS SARL un véhicule AUDI A6 immatriculé DR 563 NX pour un prix de 37.000 euros.

Pour acquérir ce véhicule, les époux [K] ont conclu un prêt avec la banque CREDIT AGRICOLE NORD EST d'un montant total de 16.495,93 euros au taux annuel de 2,76 %.

En mai 2018, ils ont appris que ce véhicule avait fait l'objet d'un vol et ce dernier a été placé sous scellés.

Par un courrier du 13 décembre 2018, Monsieur [C] [K], demandait l'autorisation de pouvoir utiliser le véhicule en faisant état de sa bonne foi auprès du juge d'instruction en charge de l'affaire.

En réponse, la société CALEDONIA SERVIZI SRL mandatée par la société VOLKSWAGEN BANK GMBH, a formulé une demande de restitution en date du 22 janvier 2019.

Le 5 février 1019, le magistrat instructeur rendait une décision interdisant à Madame [T] [K] et Monsieur [C] [K] d'utiliser le véhicule et ordonnait sa restitution à la société Volkswagen Bank GMBH. Cette décision a été infirmée par un arrêt du 4 décembre 2019, aux termes duquel la cour d'appel d'Aix-en-Provence, a indiqué que la juridiction d'instruction n'avait pas pour mission de trancher, durant le cours de l'information judiciaire, un litige portant sur la propriété d'un bien saisi, cette responsabilité relevant uniquement du juge du fond. La cour a toutefois ordonné que le véhicule reste placé sous-main de justice, à titre conservatoire.

Les époux [K] ont mis en demeure la SARL EASY CARS REIMS de leur rembourser le prix d'achat du véhicule.

Par acte d'huissier en date du 5 août 2020, les époux [C] [K] ont fait assigner la SARL EASY CARS REIMS devant le tribunal judiciaire de Reims aux fins d'obtenir la résolution de la vente du véhicule AUDI A6 et la condamnation de cette dernière à leur payer les sommes de':

-37.000 euros, en restitution du prix de vente des frais accessoires,

-10.000 euros au titre du préjudice de jouissance,

-2.500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Par jugement rendu le 31 mai 2022, le tribunal judiciaire de Reims a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire’ :

-prononcé la résolution de la vente du véhicule AUDI A6 immatriculé DR 563 NX sur le fondement des articles 1626 et suivants du code civil,

-condamné la SARL EASY CARS REIMS à payer à Madame [T] [Y] épouse [K] et Monsieur [C] [K] la somme de 37.000 euros au titre de la restitution du prix d'achat du véhicule AUDI A6, outre les intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure,

-condamné la SARL EASY CARS REIMS à payer à Madame [T] [Y] épouse [K] et à Monsieur [C] [K] la somme de 4.077,78 euros au titre des frais accessoires à la vente, (frais d'immatriculation : 436,30 euros, d'assurance : 2.145,55 euros, et les intérêts du crédit : 1495.93 euros).

-condamné la SARL EASY CARS REIMS à payer à Madame [T] [Y] épouse [K] et à Monsieur [C] [K] la somme de 5000 euros 'à titre de dommages et intérêts,

-condamné la SARL EASY CARS REIMS à payer à Madame [T] [Y] épouse [K] et à Monsieur [C] [K] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par un acte en date du 28 juin 2022, la SARL EASY CARS REIMS a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 27 septembre 2023, la SARL EASY CARS REIMS conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de condamner les époux [K] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Elle explique qu'elle a acquis la voiture le 27 octobre 2014 et que le vol a eu nécessairement lieu à une date antérieure.

Elle soutient qu'au moment de la vente aux époux [K], il n'existait aucun trouble de droit ou de fait.

Elle fait valoir qu'en vertu de l'article 2279 alinéa 2 du code civil, le propriétaire peut revendiquer la chose perdue ou volée pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol et que le propriétaire initial avait jusqu'au 26 octobre 2017 pour le réclamer, alors que la revendication n'a été formalisée que le 22 janvier 2019.

Elle estime que les époux [K] ne démontrent pas avoir été évincés de la chose vendue.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 22 décembre 2022, les époux [C] [K] concluent à l'infirmation partielle du jugement déféré du chef des dommages et intérêts et demandent à la cour de condamner la SARL EASY CARS REIMS à leur payer la somme de 10.000 euros au titre des dommages et intérêts outre la somme supplémentaire de 4.500 euros au titres des frais irrépétibles exposés en appel.

Ils invoquent l'application des articles 1625 et suivants du code civil et insistent sur le fait que la SARL EASY CARS REIMS leur doit la garantie puisque l'éviction a une cause antérieure au contrat de vente et résulte d'un droit prétendu exercé par un tiers sur la chose vendue.

Ils font valoir que la voiture dont s'agit, est toujours sous scellés, qu'ils ne bénéficient pas d'une jouissance paisible et qu'au surplus, le véhicule de remplacement prêté par la SARL EASY CARS REIMS jusqu'à la délivrance de l'assignation était une petite citadine (Fiat 500) ne remplissant pas la même fonction (grand trajet avec les enfants) que la berline achetée.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

*Sur la demande de résolution de la vente et la restitution du prix sur le fondement de la garantie d'éviction pesant sur le vendeur

Aux termes de l'article 1625 du code civil, la garantie que le vendeur doit à l'acquéreur a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second, les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires.

L'article 1626 du même code énonce que quoique lors de la vente, il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente.

L'article 1628 du même code énonce que quoiqu'il soit dit que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie, il demeure cependant tenu de celle qui résulte d'un fait qui lui personnel': toute convention contraire est nulle.

L'article 1630 du code civil énonce que lorsque la garantie a été promise, ou qu'il n'a rien été stipulé à ce sujet, si l'acquéreur est évincé, il a droit de demander contre le vendeur :

1° La restitution du prix ;

2° Celle des fruits, lorsqu'il est obligé de les rendre au propriétaire qui l'évince ;

3° Les frais faits sur la demande en garantie de l'acheteur, et ceux faits par le demandeur originaire ;

4° Enfin les dommages et intérêts, ainsi que les frais et loyaux coûts du contrat.

Selon l'article 1631 du code précité lorsqu'à l'époque de l'éviction, la chose vendue se trouve diminuée de valeur, ou considérablement détériorée, soit par la négligence de l'acheteur, soit par des accidents de force majeure, le vendeur n'en est pas moins tenu de restituer la totalité du prix.

En vertu de l'article 1626 combiné avec les articles 1628 et suivants du code civil, l'acquéreur dépossédé a un recours en garantie contre son vendeur lorsque l'éviction a une cause antérieure au contrat et résulte d'un droit prétendu exercé par un tiers sur la chose vendue.

Il résulte de ces dispositions que':

-la garantie d'éviction du fait d'un tiers est due si le trouble subi par l'acheteur est un trouble de droit, existant au moment de la vente, non déclaré et ignoré de l'acheteur,

-et il est constant, d'une part, que ce trouble existe avant même qu'intervienne un jugement le constatant, et d'autre part, que l'acquéreur évincé a le droit à la réparation de tout le préjudice causé par l'inexécution du contrat.

En l'espèce, les époux [K] démontrent qu'ils n'ont plus l'usage du véhicule Audi qui leur a été vendu par la Sarl Easy Cars Reims, puisque ce dernier a été placé sous scellés depuis mai 2018, dans le cadre d'une information ouverte notamment pour escroquerie et recel en bande organisée et la cour d'appel d'Aix- en- Provence, par un arrêt du 4 décembre 2019 a ordonné le maintien sous scellé dudit véhicule à titre conservatoire.

Il résulte des pièces produites que':

- la cause de l'éviction est le vol du véhicule qui est antérieur à la vente dont la résolution est demandée. Aussi, le fait que le dépôt de plainte ait été établi après la vente intervenue en mai 2015 n'a pas d'incidence sur la garantie due puisque le vol à l'origine du droit revendiqué par le tiers, la société VOLKSWAGEN BANK GMBH, est antérieur à la vente,

- l'éviction des époux [K] résulte d'un droit prétendu exercé par la société VOLKSWAGEN BANK GMBH et la demande de restitution de ce tiers perturbe incontestablement la jouissance de ces derniers.

Dans ces conditions, force est de constater que la Sarl Easy Cars Reims doit la garantie d'éviction aux époux [K] et sera dès lors tenue de restituer la totalité du prix d'achat d'un montant de 37.000 euros, avec intérêts à compter de la mise en demeure du 30 avril 2020, cette action étant totalement indépendante de la faute ou non de la Sarl Easy Cars Reims.

Par conséquent, le jugement sera confirmé de ce chef.

*Sur les demandes de dommages et intérêts

Les époux [C] [K] justifient de frais d'immatriculation pour un montant de 436,30 euros, de frais d'assurance pour une somme de 2145,55 euros, et les intérêts du crédit à hauteur de la somme de 1.495,93 euros. Dès lors, il convient de condamner la Sarl Easy Cars Reims au paiement de ces sommes.

Le couple a bénéficié de la jouissance paisible du véhicule du jour de l'achat le 7 mai 2015 jusqu'en mai 2018, date du placement sous-main de justice, puis ensuite d'un prêt de véhicule par la Sarl Easy Cars Reims jusqu'au 12 septembre 2020. Depuis cette dernière date, ils ont été privés de toute jouissance de véhicule. Dans ces conditions, la cour évalue par une appréciation souveraine le trouble de jouissance subi par les époux [K] à la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré des chefs de paiement alloués.

*Sur les autres demandes

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la Sarl Easy Cars Reims succombant, elle sera tenue aux dépens d'appel.

Les circonstances de l'espèce commandent de condamner la Sarl Easy Cars Reims à payer aux époux [K] la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et de la débouter de sa demande en paiement sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 31 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Reims, en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne la Sarl Easy Cars Reims à payer à Madame [T] [Y] épouse [K] et à Monsieur [C] [K] la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

La déboute de sa demande en paiement sur ce même fondement.

Condamne la Sarl Easy Cars Reims aux dépens d'appel.