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Décisions

Cass. 3e civ., 6 juillet 2023, n° 22-13.179

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

Mme Farrenq-Nési

Avocat général :

Mme Vassallo

Avocats :

SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés

Chambéry, du 13 janv. 2022

13 janvier 2022


Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 13 janvier 2022), M. [I] et Mme [O] (les acquéreurs) ont acquis de Mme [V], ainsi que de MM. [E] et [J] [V] (les vendeurs), la propriété d'une maison édifiée sur une parcelle dans le sous-sol de laquelle ils ont découvert, à l'occasion de la réalisation d'un projet d'extension, l'existence d'une canalisation enterrée faisant partie du réseau public des eaux usées empêchant la réalisation des travaux tels qu'envisagés.

2. Ils ont assigné les vendeurs en indemnisation de leur préjudice sur le fondement de la garantie de l'article 1638 du code civil au titre des servitudes non apparentes non déclarées et pour manquement du vendeur à son devoir d'information.

Examen des moyens

Sur le premier moyen , pris en sa seconde branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que l'acquéreur d'un immeuble grevé d'une charge occulte a droit à une indemnité équivalente à la diminution de la valeur du terrain qui en résulte, quand bien même il n'établit pas qu'il n'aurait pas acquis s'il en avait eu connaissance ; qu'en déboutant les demandeurs de leur demande d'indemnisation en raison de l'existence d'un réseau public d'eaux usées traversant leur terrain, au motif qu'il était nécessaire que la servitude occulte soit d'une importance telle que le bien n'aurait pas été acquis si l'acheteur en avait eu connaissance et partant que la servitude occulte ne revêt pas le critère d'importance exigé par l'article 1638 du code civil pour l'obtention de la résiliation du contrat ou d'une indemnité, sans établir que cette charge ne diminuait en rien la valeur du bien acquis, la cour d'appel a violé l'article 1638 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1638 du code civil :

5. Aux termes de ce texte, si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité.

6. Cette disposition, qui figure au nombre des articles régissant la garantie en cas d'éviction, est une application du principe général posé par l'article 1626 du même code selon lequel le vendeur, dont l'obligation légale est d'assurer à l'acquéreur la possession paisible de la chose vendue, est obligé de droit à le garantir de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu ou des charges prétendues sur cet objet et non déclarées lors de la vente.

7. Il s'ensuit que l'importance de la servitude occulte exigée par l'article 1638 précité ne conditionne que la résiliation de la vente, et non l'indemnisation du préjudice pouvant résulter pour l'acquéreur de toute servitude non apparente non déclarée lors de la vente.

8. L'indemnisation est alors appréciée par le juge en fonction de l'existence et de l'importance du préjudice en résultant pour l'acquéreur.

9. Pour rejeter la demande d'indemnisation des acquéreurs, l'arrêt retient que l'acquisition du tènement immobilier n'était pas conditionnée à la possibilité de réalisation d'une extension du bâtiment et que la présence de la servitude occulte ne revêtait pas le critère d'importance exigé par l'article 1638 du code civil pour l'obtention de la résiliation du contrat ou d'une indemnité.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle n'était saisie que d'une demande de dommages-intérêts, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Riom.