CA Bastia, ch. civ. A, 13 novembre 2013, n° 11/00407
BASTIA
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Commune de Bastia, Bastia Aménagement (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gay
Conseillers :
Mme Benjamin, Mme Bart
Avocats :
Me Battaglini, Me Tomasi, Me Canarelli, Me Leoni, Me Rinieri, Me Jobin, Me Meridjen, Me Muscatelli
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte authentique reçu, les 22 juillet et 30 septembre 1996, par Me Auguste Poggi, notaire associé à Bastia, M. François E... et son épouse née Marie Françoise X... et Mme Anne Marie E... veuve F... , ont vendu à la commune de Bastia une parcelle de terre située à Bastia cadastrée section BM numéro 196 pour une superficie de 73 ares 50 centiares, à prendre sur une contenance de 1 hectare 47 ares 00 centiare.
Revendiquant la propriété de la parcelle objet de cette vente, M. François Piérallini et Mme Anna I... épouse J... , ont, par acte d'huissier du 02 février 2007, assigné la commune de Bastia et les consorts E... sus-nommés, devant le tribunal de grande instance de
Bastia, en vue, essentiellement, de se voir reconnaître propriétaires de ladite parcelle, de voir juger que la vente ci-dessus relatée leur était inopposable et d'obtenir l'expulsion de tous occupants, outre le paiement de frais irrépétibles à la charge des défendeurs.
Par acte d'huissier du 06 septembre 2007, les consorts Piérallini ont appelé en la cause Mme Caroline E... épouse H... .
Puis, M. François E... étant décédé en cours de procédure, par acte d'huissier du 11 septembre 2007, les consorts Piérallini ont appelé en la cause les ayants droit de ce dernier, à savoir M. Joseph E... , M. Antoine E... et Mme Marie Françoise E... épouse G... .
Suivant acte authentique reçu, le 23 décembre 2008, par Me Jacques Poggi, notaire associé, la commune de Bastia a vendu à la Communauté d'Agglomération de Bastia, une parcelle de terre située à Bastia cadastrée section BM numéro 196 pour une contenance de 1 hectare 47 ares 00 centiare, comprenant la parcelle de 73 ares 50 centiares acquise des consorts E... .
Par jugement contradictoire du 05 avril 2011, le tribunal de grande instance de Bastia a :
- déclaré l'assignation recevable,
- dit n'y avoir lieu à faire appeler en cause les héritiers de M. Raffali époux décédé de Mme Anne-Marie E... ,
- déclaré M. François Philippe I... , Mme Anna Catherine I... épouse J... et Mme Marie Angèle I... Lota, propriétaires de la parcelle anciennement cadastrée E390 portant le numéro BM 196 du cadastre rénové de la commune de Bastia (contenance de 73 ares 50 centiares),
- dit que la cession de cette parcelle intervenue entre les consorts E... et la commune de Bastia leur est inopposable,
- ordonné l'expulsion de tous occupants de ladite parcelle,
- prononcé la nullité de la vente de la parcelle ci-dessus désignée, par les consorts E... ,
- ordonné avant-dire droit, une expertise aux fins d'évaluation de la parcelle ci-dessus désignée et a commis pour y procéder, M. Jean-Luc Medori,
- réservé les demandes dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
- dit que les parties seront invitées à conclure après le dépôt du rapport d'expertise.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 19 mai 2011, Mme Anne-Marie E... veuve Raffali, M. Joseph E... , Mme Marie-Françoise Liberati veuve E... , M. Antoine E... , Mme Marie-Françoise G... née E... et Mme Caroline H... née E... , ont interjeté appel ce jugement.
Suivant acte authentique reçu, le 20 juin 2011, par Me Poggi, notaire associé sus-nommé, la Communauté d'Agglomération de Bastia a vendu à la Société d'Economie Mixte pour l'Aménagement de Bastia et sa Région 'SEMAB' dite 'Bastia Aménagement', la parcelle de terre ci-dessus désignée (section BM numéro 196 pour une contenance de
1 hectare 47 ares 00 centiare), comprenant la parcelle de 73 ares 50 centiares vendue par les consorts E... à la commune de Bastia, puis par celle-ci à la Communauté d'Agglomération de Bastia.
Par acte d'huissier du 23 janvier 2012, la commune de Bastia a assigné la Communauté d'Agglomération de Bastia (C.A.B), en intervention forcée et en déclaration d'arrêt commun.
Par ordonnance du 07 mars 2012, la présidente de chambre chargée de la mise en état, a prononcé la jonction de ces deux procédures.
A la suite de la notification du décès de M. François I... , survenu le 04 mars 2012, partie à l'instance, par ordonnance du 30 novembre 2012, la présidente de chambre chargée
de la Mise en Etat, a ordonné l'interruption de l'instance.
Par acte d'huissier du 06 septembre 2012, la Communauté d'Agglomération de Bastia (C.A.B) a assigné la Société d'Economie Mixte Bastia Aménagement et sa région, en intervention forcée et en déclaration d'arrêt commun.
Cette procédure a été jointe à celles sus-visées, le 20 septembre 2012.
Par leurs dernières conclusions déposées le 26 juin 2012, les appelants demandent à la cour :
- de dire et juger, au visa de l'article 2272 du code civil, que l'action introduite par les consorts I... est prescrite pour avoir été engagée plus de 10 ans après la publication de l'acte de vente aux hypothèques, par une assignation (et non une assemblée comme indiquée dans leurs écritures) en date des 02 février et 11 septembre 2007, alors que la publication est du 4 novembre 1996, la ville de Bastia bénéficiant d'un juste titre et étant acquéreur de bonne foi,
- de dire et juger, en toute hypothèse, au visa de l'article 1589 du code civil, que la promesse de vente du 23 juillet 1991 étant synallagmatique, vaut vente, a été autorisée et acceptée par une délibération du conseil municipal de Bastia le 19 juillet 1991, et que par la signature de cet acte M. I... Lota Edouard a reconnu la qualité de propriétaire de M. E... de la moitié de la parcelle,
- en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter de toutes les demandes, fins et conclusions des consorts I... Lota, ceux-ci ne pouvant pas être déclarés propriétaires d'une parcelle vendue par leur auteur, de dire que cette vente leur est opposable et de les condamner au paiement de la somme de 2.500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- très subsidiairement et non autrement, en application de l'article 5 du code de procédure civile, de constater que le tribunal a statué ultra petita en prononçant la nullité de la vente, aucune demande de nullité n'ayant été formée par la ville de Bastia et de dire n'y avoir lieu à prononcer la nullité de la vente,
- au visa des articles 1628 et 1629 du code civil, de dire et juger que les consorts E... ne peuvent être tenus à garantir de son éviction la ville de Bastia, leur auteur n'ayant commis aucune faute ou fait personnel à l'origine de celle-ci, que la ville de Bastia devra exercer son action en garantie contre le notaire rédacteur,
- par application de l'article 1629 du code civil, de dire que le préjudice de la ville de Bastia ne peut consister qu'en la restitution du prix de vente payé par elle en 1996,
- en ce cas, de statuer ce que de droit sur les dépens.
Par leurs dernières conclusions reçues par voie électronique le 22 mars 2013, Mme Anna J... née Pierrallini, intimée et les ayants droit de M. François I... , savoir : M. Frédéric I... , M. Philippe I... et Mme Sophie I... épouse K... , intervenants volontaires, demandent à la cour de :
- constater l'intervention volontaire des héritiers de M. I...,
- confirmer le jugement querellé,
- rejeter toutes les demandes des consorts E... ,
- condamner les appelants et la commune de Bastia au paiement de la somme de 3.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions déposées le 23 mai 2013, la Communauté d'Agglomération de Bastia (C.A.B) demande à la cour de la mettre hors de cause et la décharger de tous dépens.
Par ses dernières conclusions déposées le 28 mai 2013, la commune de Bastia demande :
Au principal, au visa de l'article 2272 du code civil,
- de déclarer recevable et bien fondé son appel incident,
- de dire et juger que l'action des consorts I... se heurte au droit de propriété des consorts E... et à tout le moins, au juste titre dont elle dispose depuis plus de 10 ans,
- d'infirmer le jugement rendu,
- statuant à nouveau, de dire l'action engagée par les consorts I... , prescrite,
- de les condamner au paiement de la somme de 2.500 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Subsidiairement, au visa des articles 1637 et 1630 du code civil,
- de faire droit à sa demande de garantie d'éviction de la SEM Bastia Aménagement,
- de condamner qui il appartiendra aux dépens d'appel.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions sus-visées et au jugement déféré.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 juin 2013.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action intentée par les consorts I...
Les appelants ainsi que la commune de Bastia invoquent les dispositions de l'article 2272 alinéa 2 du code civil, qui prévoit la prescription acquisitive par dix ans et soulèvent la prescription de l'action intentée par M. François I... et Mme Anna J... née I... , suivant leur assignation du 02 février 2007.
Ils font valoir que la commune de Bastia bénéficie d'un juste titre de nature translative, à savoir, l'acte authentique de vente à cette dernière par les consorts E... des 22 et 30 septembre 1996, publié aux hypothèques le 04 novembre 1996, et est un possesseur de bonne foi de sorte que, dès lors, le délai de dix ans du texte précité avait donc expiré le 05 novembre 2006.
Les consorts I... répliquent que la prescription n'était pas acquise au moment de l'introduction de l'instance, soutenant que l'article 2272 alinéa 2 du code civil, dont se prévaut la partie adverse, est entré en vigueur le 19 juin 2008 et, qu'il n'est donc pas applicable au cas d'espèce.
Ils précisent qu'en vertu des dispositions transitoires de la loi nº 2008-561 du 17 juin 2008, le délai de dix ans prévu par l'article sus-visé, commence à courir à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle dans la limite de durée posée par la loi ancienne, qu'ainsi le délai de 10 ans a commencé à courir du 19 juin 2008 et expire le 19 juin 2018.
Aux termes de l'article 26-III de la loi nº 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, lorsqu'une instance a été introduite avant son entrée en vigueur, soit le 19 juin 2008, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne, qui s'applique également en appel et en cassation.
En l'espèce, la cour constate que l'action des consorts I... a été engagée par assignation en date du 02 février 2007 et qu'en conséquence, les appelants et la commune de Bastia ne peuvent valablement se prévaloir des nouvelles dispositions de l'article 2272 alinéa 2 du code civil.
En outre, en application des dispositions transitoires prévues par l'article 26-II de la loi de 2008 en vertu desquelles les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de ladite loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, le point de départ de la prescription acquisitive de dix ans, est le 19 juin 2008.
Dès lors, en l'espèce, la prescription invoquée par les consorts E... et la commune de Bastia n'est pas acquise.
En conséquence, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action soulevée par ces derniers et de dire recevable ladite action intentée par les consorts I... à l'encontre de la commune de Bastia et des consorts E... .
Sur l'intervention volontaire des héritiers de M. François I...
En application des dispositions de l'article 554 du code de procédure civile, l'intervention volontaire, par ailleurs non contestée, de M. Frédéric I... , M. Philippe I... et Mme Sophie I... épouse, en qualité d'héritiers de M. François I... , initialement l'un des défendeurs à l'instance, est recevable.
Sur la propriété de la parcelle litigieuse
En première instance, les consorts I... , héritiers de M. Edouard Napoléon I... -Lota soutenaient, essentiellement, être propriétaires de la moitié indivise de la parcelle anciennement cadastrée E 390 devenue BM 196, en vertu d'un titre de propriété, à savoir l'acte notarié du 1er juin 1961, aux termes duquel, leur père sus-nommé a acquis les droits de M. Jean-Baptiste Lota, l'autre moitié restant dans le patrimoine de M. Noël Lota.
De leur côté, les consorts E... concluaient à la prescription acquisitive de la parcelle litigieuse à leur profit.
Ils se présentaient comme des acquéreurs et des occupants de bonne foi, précisant avoir acquis ladite parcelle en octobre 1960 de M. de Jean-Baptiste Lota, en se prévalant d'un reçu de 200.000 francs de ce dernier ainsi que d'une promesse de vente, faite en juillet 1996, conjointement par Antoine E... , leur auteur, et M. Edouard Napoléon I... -Lota au profit de la commune de Bastia, sans toutefois produire cette promesse.
Le tribunal a retenu qu'en cas de conflit entre des personnes revendiquant la propriété d'une parcelle, la première se fondant sur un titre et la seconde sur une usucapion, il y avait lieu de préférer la seconde, dès lors que les conditions de la prescription trentenaire acquisitive sont bien remplies au visa des articles 2229 et 2262 anciens du code civil, applicables au présent litige.
Il a relevé qu'en vertu de ces textes la possession légale utile pour prescrire la propriété d'un bien ne pouvait s'établir à l'origine que par des actes matériels d'occupation réelle caractérisant cette possession, se conservait tant que le cours n'en était pas interrompu ou suspendu et qu'outre l'accomplissement d'actes matériels effectifs caractérisant une possession utile, la possession acquisitive résultait d'actes de détention accomplis animo domini.
Le tribunal a considéré qu'en l'espèce aucune des parties n'était en possession de la parcelle litigieuse et que c'était donc aux consorts I... qu'il incombait de prouver par tous moyens leur droit de propriété sur la parcelle qu'ils revendiquaient.
Eu égard à l'ensemble des éléments et pièces soumis à son appréciation, il a, d'une part, estimé que les consorts E... ne pouvaient pas avoir possédé la parcelle litigieuse depuis 1956, comme le mentionne l'acte notarié rectificatif de l'acte de vente à la commune de Bastia et, d'autre part, qu'il convenait de déclarer les consorts I... propriétaires de ladite parcelle.
En cause d'appel, les consorts E... ne reprennent pas leurs moyens de première instance fondés sur l'acquisition et la prescription acquisitive de la parcelle litigieuse par ces derniers mais se prévalent de la promesse de vente par MM. I...-Lota et E... à la ville de Bastia du 23 juillet 1991, qu'ils versent aux débats ainsi que l'extrait de matrice cadastral délivré le 11 août 2011 portant le nom de M. Joseph E... , inscrit pour 73 ares 50 ca et sur la parcelle BM 196 P, et invoquent la qualité de propriétaire de leur auteur, M. Antoine E... .
Ils affirment que la promesse de vente sus-visée est synallagmatique et vaut vente et, font valoir que par sa signature avec M. E..., M. I..., a vendu la parcelle dont il s'agit à la ville de Bastia et a expressément reconnu les droits de M. Antoine E... en qualité de vendeur, donc propriétaire avec celui-ci, pour la totalité de la parcelle, soit 14.700 m2.
Les appelants en déduisent que les consorts I... n'ont donc plus aucun droit sur cette parcelle.
De leur côté, les consorts I... reprennent également leurs moyens et arguments de première instance et produisent les mêmes pièces.
En ce qui concerne la promesse de vente dont se prévalent les consorts E... , ils font valoir, notamment, qu'il est difficile de déterminer si l'auteur est bien Edouard I... -Lota, que M. Antoine E... n'a jamais été propriétaire et que, dès lors, cette promesse est nulle.
Ils précisent que la vente définitive à la ville de Bastia, est faite sans M. Edouard I... et que le prix de vente n'a d'ailleurs jamais été versé à ce dernier, ce qui enlève toute valeur à l'engagement initial prétendu.
Les consorts I... soutiennent que seule une possession, continue et non interrompue, paisible, publique et non équivoque et à titre de propriétaire durant 30 ans, permettrait de combattre le titre de propriété de leur auteur résultant de l'acte notarié de vente de 1961.
La cour relève qu'une promesse de vente ne constitue pas un titre de propriété pour le promettant, ce dernier devant justifier du droit de disposer du bien objet de la promesse.
Les appelants se prévalent d'une promesse de vente sous seing privé du 23 juillet 1991 établi au nom de MM. I...-Lota et E... , mais ne produisent pas un titre de propriété au nom de leur auteur.
Par ailleurs, cette promesse de vente du 23 juillet 1991, au vu de sa rédaction, d'une part, ne prévoit pas un engagement réciproque des parties, le maire de la ville de Bastia ayant simplement indiqué 'Lu et accepté', avant sa signature comme les promettants, mais n'ayant pas exprimé un engament d'acquérir, alors que les seuls soussignés sont MM. I...-Lota et E... ont promis de vendre et, d'autre part, comporte la mention 'cette vente sera réalisée sous les charges et conditions ....'.
Au vu de ces éléments, la cour considère que ce document intitulé, au demeurant, PROMESSE DE VENTE, sans autre précision, n'est pas synallagmatique, et ne vaut pas vente.
Les relevés cadastraux sont des documents fiscaux qui ne confèrent et ne constituent aucun droit de propriété mais peuvent avoir une valeur de présomption.
En l'espèce, tant les consorts E... que les consorts I... produisent des relevés cadastraux au nom de leurs auteurs respectifs.
Les pièces versées aux débats par les appelants n'apportent pas la preuve par ces derniers, que leur auteur, M. Antoine E... était propriétaire de la parcelle qu'ils ont vendue à la commune de BASTIA.
En outre, la cour relève les contradictions des appelants entre leurs moyens et arguments présentés devant la juridiction et les pièces qu'ils produisent faisant état d'une origine de propriété différente, de la parcelle vendue par eux à la commune de Bastia, l'acte notarié de vente des 22 juillet et 30 septembre 1996, indiquant initialement, que les vendeurs avaient acquis la parcelle vendue en 1961 par acte sous seing privé, de M. Jean-Baptiste Lota puis l'avaient acquise par prescription trentenaire depuis 1961, et l'attestation rectificative notariée du 06 février 1997, précisant qu'ils en avaient fait l'acquisition avant 1956, sans, au demeurant, préciser de qui, puis à partir de cette date, en avaient eu la possession à titre de propriétaire.
Au surplus, la prescription acquisitive au profit des vendeurs, visée dans ces acte et attestation notariés, n'est établie par l'existence d'aucun acte matériel de possession accompli par les consorts E... .
De leur côté, les consorts I... reprennent également leurs moyens et arguments de première instance et produisent les mêmes pièces, notamment, l'acte authentique de vente du 1er juin 1961, acte translatif de propriété au profit M. Edouard Napoléon I... -Lota, ayant valeur probante jusqu'à inscription de faux, laquelle procédure n'a pas été engagée par les appelants qui disent 'suspecter' cet acte, ainsi que l'acte de notarié de notoriété après décès du 16 juillet 2001, justifiant de leur qualité d'héritiers de leur auteur.
Les documents versés aux débats permettent d'établir que la parcelle initialement cadastrée E 390 ayant appartenu à M. Vincent Lota, ce qui n'est pas contesté, avait une contenance de 1 hectare 47 ares 00 centiares, revenant à ses deux enfants, MM. Jean-Baptiste et Noël Lota, pour moitié chacun, laquelle parcelle est actuellement cadastrée BM 196, toujours pour la même superficie totale de 1 hectare 47 ares 00 centiares, ainsi qu'il résulte notamment des actes notariés de vente établis par Me Poggi au profit de la Commune d'Agglomération de
Bastia, puis de la Société d'Economie Mixte pour l'Aménagement de Bastia et sa région (SEMAB). La vente du 1er juin 1961 porte donc bien sur la moitié de la parcelle E 390, correspondant aux droits cédés par M. Jean-Baptiste Lota à M. Edouard I... , son fils adoptif.
Après analyse de l'ensemble des éléments et pièces soumises à son appréciation, la cour estime, comme les premiers, juges, que les consorts I... doivent être déclarés propriétaires de la parcelle litigieuse.
Sur la nullité de la vente à la commune de Bastia
Les consorts E... demandent l'infirmation du jugement querellé, en ce qu'il a prononçé la nullité de la vente à la commune de Bastia, laquelle, selon eux, n'avait pas été sollicitée, le tribunal ayant ainsi, statué ultra petita, en violation de l'article 5 du code de procédure civile.
Ils soulèvent l'irrecevabilité de cette demande formalisée par les consorts Piérallini devant la cour, comme étant une demande nouvelle, en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.
Les consorts Piérallini font valoir que le tribunal n'a fait que donner une autre traduction à leurs prétentions et qu'en tout état de cause, la cour peut, sur le fondement de l'article 565 du code de procédure civile, modifier la formulation de leurs prétentions dès lors qu'elles tiennent aux mêmes fins que la formulation initiale.
Ils soutiennent que la jurisprudence considère recevable en appel, la demande en nullité substituée à une demande en déclaration d'inopposabilité et que la décision du tribunal ne comporte aucun grief.
La nullité édictée par l'article 1599 précitée est une nullité relative en faveur de l'acheteur qui a seul qualité pour l'invoquer, de sorte que les consorts Piérallini, ne peuvent donc valablement demander la nullité de la vente dont il s'agit, en substitution de leur demande initiale de déclaration d'inopposabilité de celle-ci.
En cause d'appel, la commune de Bastia déclare ne plus subir d'éviction du fait de la vente par celle-ci à la Communauté d'Agglomération de Bastia, de la parcelle litigieuse.
L'application des dispositions de l'article 5 du code de procédure civile, connaît des atténuations au regard de demandes implicites et virtuelles.
Au vu des prétentions de la commune de Bastia première instance, celle-ci concluait subsidiairement au remboursement de toutes les sommes payées par elle à l'occasion de la conclusion de la vente et à se voir garantir contre l'éviction par les consorts E... , laquelle éviction résulte, en l'espèce, de la nullité de la vente de la chose d'autrui.
Par ailleurs, la parcelle de terre objet de la vente à la commune de Bastia a fait l'objet de deux mutations successives sus-visées, la dernière au profit de la SEM Bastia Aménagement qui sollicite, notamment, la nullité de cette vente.
Au vu de ces éléments, il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente de la parcelle litigieuse à la commune de Bastia.
Sur la demande de mise hors de cause par la Commune d'Agglomération de Bastia
La Commune d'Agglomération de Bastia sollicite sa mise hors de cause, faisant valoir qu'elle a acquis la parcelle litigieuse, de bonne foi, puis l'a revendue à la SEM Bastia Aménagement, et qu'il donc établi qu'elle n'en est plus propriétaire.
Elle précise, par ailleurs, qu'aucune partie ne formule des prétentions à son encontre.
La Commune d'Agglomération de Bastia justifie, par la production de l'acte notarié de vente du 21 juin 2011, avoir vendu à la SEM Bastia Aménagement, entre autres biens, la parcelle litigieuse.
Au vu de cet acte et en l'absence de demandes par les autres parties à l'encontre de la CAB, il convient de mettre cette dernière hors de cause.
Sur les demandes de la SEM Bastia Aménagement
La SEM Bastia Aménagement fait valoir que si la cour décide que les consorts Piérallini Lota sont propriétaires de la parcelle litigieuse, elle serait alors évincée de son droit de propriété sur ladite parcelle.
Dès lors, elle sollicite la nullité de la vente conclue entre elle et la Commune d'Agglomération de Bastia, sur le fondement de l'article 1599 du code civil, et exerce envers les consorts E... , la garantie d'éviction, sur les fondements combinés des articles, 1599, 1626 et 1166 du code civil.
Elle soutient, que lorsqu'il y a plusieurs cessions successives, l'acheteur qui est conduit à invoquer la garantie d'éviction, a la possibilité, notamment, de l'exercer par le moyen de l'action oblique, en remontant, au besoin, de contrat en contrat, jusqu'à ce qu'il trouve un répondant solvable.
La SEM Bastia Aménagement demande, sur le fondement de l'article 1630 du code civil, la condamnation des consorts E... à lui payer la valeur au jour de l'éviction prononcée par la cour, de la parcelle BM 196 pour une superficie de 73 ares 50 centiares et la désignation d'un expert immobilier avec pour mission d'évaluer la valeur vénale de la parcelle ci-dessus désignée.
Les consorts E... ne concluent pas sur la demande de la SEM Bastia Aménagement à être garantie de son éviction à leur encontre, mais contestent le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que ceux-ci étaient responsables de l'éviction de la commune de Bastia, faisant valoir qu'ils n'avaient commis aucune faute ou fait personnel à l'origine de cette éviction.
Ils soutiennent que la commune doit exercer une action en garantie contre le notaire rédacteur de la vente en question et que par application de l'article 1629 du code civil, le préjudice de la ville de Bastia ne peut consister qu'en la restitution du prix de vente payé par elle en 1996.
La commune de Bastia fait valoir que du fait des ventes successives, elle ne subit plus d'éviction et que la demande de garantie d'éviction de la SEM Bastia Aménagement est fondée en droit et en fait.
Il est établi que les propriétaires de la parcelle de terre litigieuse sont les consorts Piérallini et non les consorts E... .
En conséquence, la vente successive de ladite parcelle par la Commune d'Agglomération de Bastia à la SEM Bastia Aménagement, constitue une vente de la chose d'autrui, et est donc nulle, conformément aux dispositions de l'article 1599 du code civil.
En ce qui concerne la garantie d'éviction, la SEM Bastia Aménagement se prévaut, à juste titre, des dispositions légales ci-dessus précisées, celle-ci subissant un trouble de droit du fait de son éviction et pouvant, par le moyen de l'action oblique, exercer cette action directement à l'encontre des consorts E... .
En application des dispositions de l'article 1633 du code civil, les consorts E... sont tenus de payer à l'acquéreur évincé ce que la parcelle litigieuse vaut au-dessus du prix de vente à la date de la décision constatant l'éviction.
En conséquence, au vu de l'expertise déjà ordonnée par le tribunal et de la lettre de Jean-Luc Medori, expert désigné par le jugement entrepris, refusant cette mission, il convient, avant dire droit, de remplacer ce dernier par un nouvel expert pour procéder aux missions précisées dans la décision querellée, sauf à déterminer à la date actuelle, la valeur vénale de parcelle de terre située à Bastia cadastrée section BM nº196 pour la contenance de 73 ares 50 centiares, appartenant aux consorts Piérallini, objet de la vente par la Communauté d'Agglomération de Bastia à la Société d'Economie Mixte Bastia Aménagement.
En outre, il y a lieu d'augmenter le montant de la consignation fixée par le jugement déféré pour le porter à la somme de 1 500 euros et de mettre celle-ci à la charge de la Société d'Economie Mixte Bastia Aménagement.
Par ailleurs, en application des dispositions de l'article 568 du code de procédure civile et de l'évolution du litige dans lequel intervient en cause d'appel, notamment la Société d'Economie Mixte Bastia Aménagement, la cour restera saisie des points non jugés pour lesquels la mesure d'instruction a été ordonnée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
L'équité commande de condamner les consorts E... , au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard des consorts Piérallini.
En conséquence, la cour confirmera les dispositions du jugement entrepris sur ce chef et condamnera les appelants à payer aux consorts Piérallini, la somme de 1.500 euros, en application de l'article 700 précité.
En revanche, il n'est pas inéquitable de débouter la commune de Bastia de sa demande à ce titre à l'encontre des consorts Piérallini, ainsi que la SEM Bastia Aménagement de sa demande formulée, à ce titre, à l'encontre de qui il appartiendra.
Les appelants, succombant en leur recours, supporteront les dépens d'appel exposés à ce jour, les dépens ultérieurs étant réservés.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette la fin de non-recevoir, soulevée par les consorts E... et la commune de Bastia, tirée de la prescription de l'action intentée par les consorts I... à leur encontre ;
Déclare recevable l'intervention volontaire de M. Frédéric I... , M. Philippe I... et Mme Sophie I... épouse, en qualité d'héritiers de M. François I... ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Prononce la nullité de la vente par la Communauté d'Agglomération de Bastia à la Société d'Economie Mixte Bastia Aménagement, de la parcelle de terre située à Bastia cadastrée section BM nº196 pour la contenance de 73 ares 50 centiares, appartenant aux consorts Piérallini ;
Ordonne la mise hors de cause de la Communauté d'Agglomération de Bastia,
Constatant le refus par l'expert désigné par le jugement entrepris, de la mission qui lui a été confiée,
En conséquence,
Ordonne le changement d'expert et désigne M. Stéphane DOLESI demeurant Forum du Fango, 20200 BASTIA à la place de M. Jean-Luc Medori, pour procéder aux missions précisées dans le jugement querellé, sauf à déterminer à la date actuelle, la valeur vénale de la parcelle de terre située à Bastia cadastrée section BM nº196 pour la contenance de 73 ares 50 centiares, appartenant aux consorts Piérallini, objet de la vente par la Communauté d'Agglomération de Bastia à la Société d'Economie Mixte Bastia Aménagement,
Dit que la Société d'Economie Mixte Bastia Aménagement devra verser une provision de mille cinq cents euros (1 500 euros) à valoir sur les honoraires de l'expert à la régie de la cour d'appel de Bastia dans un délai de deux mois,
Dit que faute pour elle de consigner dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet,
Dit que qu'il estime insuffisante la provision initiale ainsi fixée, l'expert devra lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, dresser un programme de ses investigations et évaluer d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,
Dit qu'en cours d'expertise, l'expert pourra conformément aux dispositions de l'article 280 du code de procédure civile, solliciter du magistrat chargé du contrôle des expertises la consignation d'une provision complémentaire dès lors qu'il établira que la provision allouée s'avère insuffisante,
Dit que l'expert pourra recueillir l'avis de tout technicien dans une spécialité distincte de la sienne en sollicitant, au besoin, un complément de provision,
Dit que l'expert devra déposer au greffe de la cour d'appel un rapport définitif écrit de ses opérations dans le délai de six mois suivant l'acceptation de sa mission, après avoir soumis un pré-rapport de ses opérations aux observations des parties auxquelles il répondra,
Dit que conformément à l'article 173 du code de procédure civile, l'expert devra remettre copie de son rapport à chacune des parties (ou à leur représentant) en mentionnant cette remise sur l'original,
Dit qu'il devra solliciter du magistrat chargé du contrôle des expertise, une prorogation de ce délai si celui-ci s'avère insuffisant,
Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert commis, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête de la partie la plus diligente,
Dit que les parties seront invitées à conclure après dépôt du rapport d'expertise,
Condamne Mme Anne-Marie E... veuve Raffali, M. Joseph E... , Mme Marie Françoise X... veuve E... , M. Antoine E... , Mme Marie-Françoise G... née E... et Mme Caroline H... née E... à payer à Mme Anna J... née Pierrallini, M. Frédéric I... , M. Philippe I... et Mme Sophie I... épouse K... , la somme de mille cinq cents euros (1.500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les consorts E... , la commune de Bastia et la Société d'Economie Mixte Bastia Aménagement de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme Anne-Marie E... veuve Raffali, M. Joseph E... , Mme Marie Françoise X... veuve E... , M. Antoine E... , Mme Marie-Françoise G... née E... et Mme Caroline H... née E... aux dépens d'appel exposés à ce jour,
Renvoie les parties à la mise en état du 20 juin 2014,
Réserve les dépens ultérieurs.