Cass. 1re civ., 5 novembre 1991, n° 87-16.291
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Massip
Rapporteur :
M. Averseng
Avocat général :
M. Gaunet
Avocats :
Me Vuitton, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par acte authentique du 7 février 1973, Mmes A... et B..., nées C..., ont vendu à M. Y... une parcelle de terrain ; qu'un jugement du 14 juin 1978, confirmé par arrêt du 19 novembre 1980, a décidé que le terrain appartenait en réalité à Mme X..., qui l'avait acquis par usucapion trentenaire ; qu'au mois de mars 1981, M. Y... a, sur le fondement de la garantie d'éviction, assigné en résolution de la vente Mme A... et, Mme B... étant décédée, M. B..., son mari, Mme Louise B..., épouse Z..., et Mme Claude B..., épouse D..., ses filles ; qu'un jugement du 30 mars 1983 a prononcé " la mise hors de cause " de M. B... et a débouté M. Y... de son action à l'égard des défenderesses ; que, sur appel de M. Y..., aucun des intimés n'ayant constitué avoué, un arrêt infirmatif, du 15 mai 1985, " réputé contradictoire " à l'encontre de M. B... et de Mme Z... et " par défaut " à l'encontre de Mme A... et de Mme D..., a prononcé la résolution de la vente ; que, rendu sur l'opposition formée par les consorts B... contre cette décision, l'arrêt attaqué (Poitiers, 18 février 1987) a accueilli ce recours et confirmé le jugement du 30 mars 1983, en énonçant, quant à M. B..., par motif adopté, que celui-ci n'était " nullement l'héritier de sa femme décédée ", et en se fondant, quant aux défenderesses à l'action, sur l'article 1640 du Code civil, aux termes duquel la garantie pour cause d'éviction cesse lorsque l'acquéreur s'est laissé condamner par un jugement en dernier ressort, ou dont l'appel n'est plus recevable, sans appeler son vendeur, si celui-ci prouve qu'il existait des moyens suffisants pour faire rejeter la demande ;.
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt attaqué d'avoir reçu l'opposition des consorts B... à l'arrêt du 15 mai 1985, alors que l'intimé étant informé de l'existence de l'appel par lettre simple et, au cas où il s'abstient de constituer avoué, par une assignation qui constituait en réalité une réassignation puisqu'elle fait suite à l'assignation de première instance, l'arrêt qui constate que Mme A... avait été régulièrement assignée au parquet général, n'aurait pu décider qu'en l'absence d'une seconde assignation de celle-ci en cause d'appel, l'arrêt du 15 mai 1985 n'était pas un arrêt contradictoire à l'égard de tous et aurait, par suite, violé les articles 474 et 908 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la lettre simple adressée aux intimés en application de l'article 903 du nouveau Code de procédure civile ne saurait constituer la première citation prévue par ledit article 474 dudit Code ; que, dès lors, l'arrêt ayant constaté qu'en cause d'appel Mme A... n'avait été ni assignée à personne, ni réassignée, en a justement déduit que le précédent arrêt avait été rendu par défaut et que l'opposition formée par tous les intimés était recevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est subsidiairement reproché à l'arrêt d'avoir mis hors de cause M. B... et d'avoir débouté M. Y... de ses prétentions vis-à-vis de Mmes A..., D... et Z..., alors, selon le moyen, d'une part, que le conjoint survivant, bénéficiant d'un usufruit légal, a vocation en principe à succéder à l'époux prédécédé ; qu'en ne précisant pas les éléments dont il aurait résulté que M. B... avait été exclu de la succession de sa femme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 724 et 767 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en ne recherchant pas si les faits de possession qui auraient pu être invoqués contre Mme X... par les consorts B... étaient susceptibles non seulement de contredire la possession de Mme X..., mais aussi d'établir à leur profit une usucapion de la parcelle, la cour d'appel, à défaut d'exclure l'existence de moyens suffisants pour faire rejeter la demande de Mme X..., a privé sa décision de base légale au regard des articles 1640 et 2265 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que la possession trentenaire sur laquelle Mme X... avait fondé sa demande était entachée du vice d'équivoque et ne pouvait, comme telle, produire aucun effet, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'il existait des moyens suffisants pour faire rejeter cette revendication ; que par ces seuls motifs, qui rendent inopérant la première branche du moyen, l'arrêt est légalement justifié ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.