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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 29 juin 2021, n° 19/07485

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Gueudet Sarva (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Delbano

Conseiller :

Mme Segond

Avocats :

Me Blery, Me Weimann

TGI Amiens, du 27 sept. 2009

27 septembre 2009

Exposé des faits

DECISION :

Le 23 octobre 2017, la société Gueudet Sarva a vendu à B Y un véhicule d'occasion Renault Mégane pour le prix de 19 100 € payé par la reprise de son véhicule Peugeot 308 pour une valeur de 17 000 € complétée par la remise d'un chèque de 2100 €.

Il est apparu que la Peugeot 308 avait été volée deux mois auparavant, le 23 juillet 2017. Le véhicule a été récupéré par la police entre les mains de la société Gueudet. Celle-ci a fait sommation à M. Y de résoudre la vente ou de verser la somme de 17 000 €, sans réponse de celui-ci.

Par assignation du 9 juillet 2018, la société Gueudet Sarva a attrait M. Y devant le tribunal de grande instance d'Amiens aux fins de le voir condamner à lui payer la somme de 17 000 € outre 1500 € de dommages et intérêts pour résistance abusive, au visa des articles 1101 et suivants et 1626 et suivants du code civil sur la garantie d'éviction.

M. Y a comparu. Il a notamment fait valoir qu'il était totalement de bonne foi et que le concessionnaire, professionnel, aurait dû mieux vérifier la voiture reprise.

Par jugement du 27 septembre 2019, dont M. Y a relevé appel, le tribunal l'a condamné à payer à la société Gueudet la somme de 17 000 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2018, la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, a débouté M. Y de sa demande pour procédure abusive, l'a condamné aux dépens et à la somme de 1200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions n°2 et récapitulatives notifiées par M. Y le 4 décembre 2020 visant à l' information complète de la décision de première instance.

Il souligne à nouveau sa bonne foi et la négligence du vendeur, professionnel familier du marché de l'occasion.

Vu les conclusions récapitulatives et en réponse d'intimée et d'appelante incidente de la société Gueudet Sarva sollicitant la confirmation du jugement sauf à augmenter les dommages et intérêts alloués pour résistance abusive à la somme de 2000 €.

L'instruction a été clôturée le 3 février 2021.

Motifs

MOTIFS

1. Sur la demande de restitution de la somme de 17 000 €.

Le 23 octobre 2017, la société Gueudet Sarva, concessionnaire Renault à Rivery (80), a vendu à M. Y le véhicule d'occasion Renault Mégane, pour le prix de 19 100 €, selon la facture, dont à déduire 'la reprise' de son véhicule Peugeot 308 pour une valeur de 17 000 € complétée par la remise d'un chèque de 2100 €.

Le caractère volé du véhicule et le bien-fondé de sa reprise par l'intermédiaire de la police ne sont pas contestés par les parties. M. Y expose que, 'féru de véhicules automobiles', il en avait fait l'acquisition le 10 octobre 2017, une quinzaine de jours auparavant, pour un prix de 16 500 €.

Le premier juge, dans la limite des moyens qui lui étaient proposés, a analysé l'opération en une vente dont une partie du prix était payée par une dation en paiement au sens de l'article 1342-3 nouveau du code civil, applicable en la cause.

La dation en paiement d'un meuble corporel ou d'un immeuble est 'assimilable à une aliénation à titre onéreux' et engendre l'application des règles de la vente, dont la garantie d'éviction.

L'analyse de l'opération en un échange à titre principal et en une vente à titre accessoire aboutit également à l'application des règles de la vente (excepté la rescision pour lésion, article 1706 du code civil). Selon l'article 1705 du code civil, 'Le copermutant qui est évincé de la chose qu'il a reçue en échange, a le droit de conclure à des dommages et intérêts, ou de répéter sa chose' et selon l'article 1707 'Toutes les autres règles prescrites pour le contrat de vente s'appliquent d'ailleurs à l'échange'.

C'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que la société Gueudet pouvait se prévaloir de la garantie du code civil contre l'éviction.

Selon l'article 1626 du code civil 'Quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente'. Objective, elle est due même par le vendeur ou le cédant de bonne foi.

Cette garantie peut être invoquée quand, comme en l'espèce, la chose est reprise entre les mains du cessionnaire au nom des droits d'un tiers sur la chose.

Elle cesse en présence des 'turpitudes réciproques' partagées entre le cédant et le cessionnaire et n'est nullement subordonnée à la mauvaise foi du cédant. Il n'est donc pas nécessaire de constater la mauvaise foi de M. Y pour accueillir l'action de la société Gueudet.

Toutefois, elle peut être mise en échec lorsque le cessionnaire a été gravement négligent, son comportement devant être apprécié en fonction de sa qualité éventuelle de professionnel.

En l'espèce, M. Z, chef des ventes, a déclaré à la police : 'je vous indique que lorsque j'ai fait l'état du véhicule j'ai eu un léger doute, les vitres présentaient toutes une tâche à l'endroit du gravage.

Comme si on avait effacé les numéros. Vu les vitres, j'ai ouvert le capot et j'ai contrôlé le numéro de série qui m'a semblé correct', déclarations mises en avant par M. Y pour se dispenser de la garantie.

Il serait excessif d'en tirer une faute de nature à faire échec à la garantie d'éviction, même de la part d'un professionnel, d'autant que M. Y avait fait la même observation concernant les vitres du véhicule et avait décidé de se séparer du véhicule pour la même raison, après s'être renseigné sur le coût de remplacement de celles-ci à hauteur de 4000 € (pièce Y 7).

La victime de l'éviction peut demander la restitution du prix (article 1630 du code civil), augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.

Le jugement mérite donc d'être confirmé.

2. Sur la demande de dommages et intérêts (2000 €) pour résistance abusive.

M. Y fait valoir sa bonne foi et, en tout état de cause, les circonstances partagées évoquées ci-dessus, pour justifier de ce qu'il a refusé de restituer le prix de 17 000 € ou de restituer la Renault Mégane vendue, comme le garage lui en avait donné le choix au départ, et sollicite l’infirmation du jugement qui l'a condamné de ce chef à la somme de 1000 € de dommages et intérêts.

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile 'Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 € sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés'. Selon la jurisprudence, constitue également une attitude malicieuse constitutive d'un abus de droit d'agir en défense, l'attitude d'une partie qui s'oppose de mauvaise foi à une réclamation fondée de toute évidence.

#1 La juridiction observe que la revente s'est faite rapidement, après que M. Y ait remarqué le grattage des numéros anti vols des vitres, et se soit renseigné sur le coût de leur remplacement. Il n'a pas manifesté d'étonnement lorsque la société Geudet lui a fait savoir la récupération du véhicule Peugeot, volé, mais n'a avancé que la prétendue faute du concessionnaire pour se dispenser de la restitution. Il y a bien à ce stade mauvaise foi. Par ailleurs sa situation de chef de rayon, avec un salaire supérieur à 2000 €, sans charge de famille, ne lui rendait pas financièrement impossible une restitution ou une solution négociée.

Le jugement sera donc confirmé également sur ce point. Il n' y a pas lieu de majorer la somme allouée par le premier juge, même du fait de l'appel.

3. Sur les demandes accessoires relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens.

Le jugement peut être confirmé. M. Y, qui succombe en son appel, sera condamné aux dépens d'appel et à payer une somme de 1200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, à la société Gueudet Sarva.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Amiens le 27 septembre 2019 en toutes ses dispositions,

Rejette l'appel incident formé par la société Gueudet Sarva,

Condamne M. B Y aux dépens d'appel et à payer une somme de 1200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, à la société Gueudet Sarva.