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Décisions

Cass. crim., 23 septembre 2014, n° 13-85.252

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Harel-Dutirou

Avocat général :

M. Raysséguier

Avocats :

SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Metz, du 27 juin 2013

27 juin 2013

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 551, 565 et 706-43 du code de procédure pénale, des articles 121-1 et 121-2 du code pénal, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation soulevée par M. X... et confirmé dans toutes ses dispositions pénales et civiles le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Thionville, chambre correctionnelle, le 10 juillet 2012 qui l'a déclaré coupable des faits reprochés ;

"aux motifs propres que c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte expressément, que le tribunal a écarté le moyen de nullité soulevée ; que la citation devant le tribunal a été délivrée à la personne de M. X..., même s'il a été qualifié de responsable pénal de la SARL Active Home Technologies, ce qui est d'ailleurs le cas, et non pas à la société prise en la personne de son représentant légal, le ministère public ayant choisi de ne pas la poursuivre à ses côtés ;

"et aux motifs adoptés que loin de souffrir d'une quelconque ambiguïté, la citation délivrée n'apparaît au contraire nullement critiquable ; qu'en effet, quand bien même le prévenu aurait été cité en sa qualité de responsable pénal de la société Active Home Technologies SARL, cette précision ne pouvait l'autoriser à croire que la personne morale dont il est le gérant était également recherchée dès lors que la citation querellée ne concernait que lui exclusivement ;

"1°) alors que la nullité d'un exploit doit être prononcée lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne qu'elle concerne ; que la citation délivrée à la requête du ministère public doit préciser l'identité et la qualité du prévenu ; qu'aux termes de l'article 706-43, alinéa ,1er, du code de procédure pénale, l'action publique est exercée à l'encontre de la personne morale prise en la personne de son représentant légal à l'époque des poursuites, qui représente la personne morale à tous les actes de la procédure ; qu'en retenant, pour rejeter l'exception de nullité de la citation, que celle-ci avait été délivrée à la personne de M. X..., ne concernait que lui et ne souffrait aucune ambiguïté, tandis qu'il avait été cité en qualité de « responsable pénal » de la société dont il était gérant et que, du fait de sa qualité de représentant légal de la société, la citation ne pouvait qu'entraîner par sa formulation même une légitime confusion dans l'esprit de M. X... quant à sa qualité de prévenu en tant que personne physique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 565 du code de procédure pénale, ensemble les articles 551 et 706-43, alinéa ,1er, du même code ;

"2°) alors, en toute hypothèse, que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; que les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; que la citation délivrée à la requête du ministère public précise la qualité de prévenu ; qu'en retenant, pour rejeter l'exception de nullité de la citation, que M. X... avait la qualité de responsable pénal de la société Active Home Technologies SARL, tandis que la responsabilité pénale des personnes physiques représentant des personnes morales se trouve nécessairement distincte de celle encourue par ces dernières, la cour d'appel a violé les articles 121-1 et 121-2 du code pénal, ensemble les articles 551 et 565 du code de procédure pénale" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la citation tirée de l'absence de précision de l'identité de la personne citée devant la juridiction de jugement, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors qu'il ne résulte des mentions de la citation aucune ambiguïté sur l'identité de la personne physique citée devant le tribunal correctionnel, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 311-1, L.311-4 et L.335-4 du code de la propriété intellectuelle, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable des faits reprochés (non rémunération d'un auteur, artiste ou producteur de phonogramme ou vidéogramme), et est entré en voie de condamnation pénale ou civile à son égard ;

"aux motifs propres qu'en l'espèce, aux termes des articles L.311-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, une rémunération pour copie privée doit être acquittée par les importateurs de supports d'enregistrement vierges en France lorsqu'ils mettent en circulation des supports à partir du territoire français ; que sont considérés comme des supports d'enregistrement vierges notamment les CR, les DVDR, les baladeurs MP3/MP4 ; que la rémunération pour copie privée est exigée dès la date d'importation des supports ; que le non paiement de cette rémunération pour copie privée est constitutif du délit de contrefaçon prévu et puni par l'article L.335-4, al. 3, du code de la propriété intellectuelle ; qu'il résulte de l'enquête diligentée et des propres déclarations du prévenu que pour la période considérée, via un transporteur luxembourgeois puis personnellement ou via les salariés de la société, le prévenu avait sciemment choisi d'importer les supports vierges en France pour, depuis la France, les expédier aux clients via La Poste d'Audun-le-Tiche, le fait que les clients les aient télécommandés à la société basée au Luxembourg n'ayant donc pas pour effet de donner la qualification d'importateurs à ces clients ; que complétant le système mis en place, un compte bancaire à La Poste au nom de la société permettant les paiements était mis en place ; que les motivations de cet acheminement, proximité de La Poste, qualité du service, encaissements rapides via le compte en France permettant une livraison rapide importent peu, le prévenu ne pouvant à la fois prétendre bénéficier d'une législation plus favorable en matière de supports vierges applicable au Luxembourg et des facilités de livraison et d'encaissement en France, permettant certes au client d'être livré plus vite mais aussi à la société d'être payée plus vite en offrant des prix plus avantageux que ses concurrents s'acquittant de la rémunération pour copie privée ;

"et aux motifs adoptés qu'en expédiant les produits querellés à partir de la poste d'Audun-le-Tiche, M. Franck X... s'avère être bien à l'origine de l'entrée desdits produits sur le territoire national ; qu'il ne peut être sérieusement contesté qu'ils ont bel et bien été mis en circulation par lui depuis le territoire français à destination de ses clients en leur précisant d'ailleurs que les retours éventuels se feraient également en France, en l'occurrence et encore la poste d'Audun le Tiche ; que le prévenu a par ailleurs reconnu avoir affrété un transporteur afin de convoyer ses envois du Grand Duché de Luxembourg en France ; qu'il a aussi précisé, lors de son audition, que ses employés ou lui même se sont également chargés de cette tâche ; que M. Franck X... a donc bien introduit de son fait les supports en question sur le territoire national ; qu'en conséquence et dans ces conditions, M. Franck X... ne pouvait en l'espèce échapper à la réglementation française sauf à contrevenir aux dispositions du code de la propriété intellectuelle précitées ; que le prévenu doit par suite être retenu dans les liens de la prévention et condamné à une amende de 3 000 euros ;

"1°) alors que le délit réprimé par le troisième alinéa de l'article L.335-4 du code de la propriété intellectuelle est constitué par le défaut de versement de la rémunération due à l'auteur, à l'artiste-interprète ou au producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes au titre de la copie privée ou de la communication publique ainsi que de la télédiffusion de phonogrammes ; qu'en vertu des dispositions de l'article L.311-4, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle, ne sont tenus au versement de la rémunération pour copie privée due par le consommateur français que le fabricant, l'importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires au sens du 3° du I de l'article 256 du code général des impôts ; qu'une société domiciliée dans un autre Etat membre où elle exerce son activité ne revêt aucune des trois qualités visées par ce dernier texte dès lors qu'elle se limite à assurer le transport et la livraison des commandes de supports d'enregistrement réalisées depuis la France dans le cadre de son activité d'exportation ; qu'en retenant que le prévenu avait sciemment choisi d'importer des supports vierges en France pour le retenir dans les liens de la prévention, la cour d'appel a violé l'article L.335-4, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles L.311-1 et L.311-4, alinéa 1er, du même code ;

"2°) alors que le délit réprimé par le troisième alinéa de l'article L.335-4 du code de la propriété intellectuelle est constitué par le défaut de versement de la rémunération due à l'auteur, à l'artiste-interprète ou au producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes au titre de la copie privée ou de la communication publique ainsi que de la télédiffusion de phonogrammes ; qu'aux termes de l'article L.311-4 du code de la propriété intellectuelle, la rémunération pour copie privée est versée par le fabricant, l'importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires ; que le transport de supports d'enregistrement effectué vers la France en exécution de commandes adressées par des consommateurs à une société domiciliée dans un Etat tiers ne constitue pas la mise en circulation de supports à partir du territoire français, qui s'entend de leur commercialisation en France ; qu'en retenant que le prévenu avait sciemment choisi d'importer les supports vierges en France pour, depuis la France, les expédier aux clients via La Poste d'Audun-le-Tiche, le fait que les clients les aient télécommandés à la société basée au Luxembourg n'ayant donc pas pour effet de donner la qualification d'importateur à ces clients, après avoir rappelé qu'une rémunération pour copie privée doit être acquittée par les importateurs de supports d'enregistrement vierges en France lorsqu'ils mettent en circulation des supports à partir du territoire français, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L.335-4 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article L.311-4 du même code" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 311-1, L.311-4, L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, des articles 5, paragraphe 2, b) et 8, paragraphe 1 de la directive 2001/29/CE, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. Franck X... coupable des faits reprochés (non rémunération d'un auteur, artiste, ou producteur de phonogramme ou de vidéogramme), et est entré en voie de condamnation pénale ou civile à son égard ;

" aux motifs déjà cités au second moyen du pourvoi ;

" alors que l'utilisateur final qui effectue à titre privé la reproduction d'une oeuvre protégée doit être considéré comme le débiteur de la compensation équitable prévue à l'article 5, paragraphe 2, b) de la directive 2001/29/CE ; que s'il est loisible aux Etats membres d'instaurer une redevance pour copie privée à la charge des personnes qui mettent à la disposition de cet utilisateur final des supports de reproduction, la juridiction nationale, en cas d'incapacité d'assurer la perception de la compensation équitable auprès des acheteurs, doit interpréter le droit national afin de permettre la perception de cette compensation auprès de ces seuls débiteurs agissant en qualité de commerçants auprès des utilisateurs finaux ; qu'en jugeant que M. X... était coupable des faits reprochés alors qu'elle avait relevé que les supports vierges avaient été télécommandés à la société Active Home Technologies basée au Luxembourg, qui seule était partie aux contrats de vente et agissant en qualité de commerçant à l'égard des utilisateurs finaux des supports d'enregistrement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ces propres constatations et a violé les articles L. 335-4, alinéa 3, du code de propriété intellectuelle, ensemble les articles 311-1 et L. 311-4 du même code, et les articles 5, paragraphe 2, b) et 8, paragraphe 1 de la directive 2001/29/CE" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., gérant de la société Active Home Technologies située au Luxembourg, a proposé à la vente en France, sur plusieurs sites de vente entre particuliers, des supports d'enregistrement vierges sans s'être acquitté du versement de la rémunération due à l'auteur, à l'artiste interprète ou au producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes au titre de la copie privée ; que la société Copie France l'a fait citer devant le tribunal correctionnel qui l'a déclaré coupable des faits reprochés ;

Attendu que, pour confirmer ce jugement, l'arrêt attaqué retient que le prévenu a sciemment choisi d'importer des supports vierges en France pour, depuis ce pays, les expédier aux clients via la poste d'Audun le Tiche, les retours éventuels se faisant également vers cette même adresse ; que les juges ajoutent que le paiement des produits était effectué sur un compte bancaire ouvert à la banque postale de Nancy ; qu'ils en déduisent que les supports litigieux ont bien été mis en circulation depuis le territoire national par M. X... à destination de ses clients ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'elle a souverainement apprécié que M. X... était l'importateur des produits au sens de l'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs invoqués ;

D'où il suit, et sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que les moyens ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.