CA Bordeaux, 4e ch. civ., 10 janvier 2023, n° 22/01177
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
L&L Partners (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pignon
Conseillers :
Mme Fabry, Mme Goumilloux
Avocats :
Me Amigues, Me Fonrouge, Me Poitrasson
EXPOSE DU LITIGE :
La SAS L&L Partners a été créée le 26 juin 2013 par M. [Z] [C] et M. [L] [G] qui en sont les seuls associés, détenant respectivement 251 actions (51 %) et 249 actions (49 %). M. [Z] [C] est associé majoritaire et président de la société.
Des divergences sont apparues entre les associés. M. [C] a convoqué une assemblée générale pour le 15 février 2018 pour approuver les comptes et procéder à des modifications statutaires.
Par ordonnance en date du 09 février 2018, le président du tribunal de commerce d'Angoulême, sur requête de M. [G], a prononcé l'ajournement de cette assemblée générale et de toute autre assemblée qui serait convoquée sur le même ordre du jour. Cette ordonnance a été signifiée le 15 février 2018.
L'assemblée générale ne s'est pas tenue. M. [C] a convoqué une nouvelle assemblée générale le 26 février 2018.
Par exploit d'huissier en date 03 avril 2018, M. [G] a fait assigner M. [C] et la société L&L Partners devant le tribunal de commerce d'Angoulême aux fins de prononcer l'annulation de l'assemblée générale tenue le 26 février 2018 et l'ensemble des délibérations approuvées.
Par jugement contradictoire du 21 juin 2018, le tribunal de commerce d'Angoulême a :
vu l'article 378 du code de procédure civile,
rejeté la demande de sursis à statuer de M. [C] et la société L&L Partners,
vu l'article 122 du code de procédure civile,
rejeté la demande de M. [C] et de la société L&L Partners de voir dire irrecevables les demandes de M. [G] pour défaut de droit d'agir,
vu l'article 1836 du code civil,
prononcé l'annulation de l'assemblée générale convoquée et tenue le 26 février 2018 en violation de l'ordonnance du 09 février 2018 préalablement signifiée le 15 février 2018, et par voie de conséquence,
prononcé l'annulation de l'ensemble des délibérations approuvées le 26 février 2018,
dit et jugé qu'il serait procédé, aux frais de M. [C], à l'accomplissement des formalités de publicité légale pour les résolutions annulées et cc dans les huit jours de la date å laquelle la décision à intervenir sera passée en force de chose jugée,
vu l'article 1844-7 du code civil,
prononcé la dissolution judiciaire de la société L&L Partners,
désigné la SELARL [P] [T] en la personne de Me [P] [T] en qualité de liquidateur de la société L&L Partners avec tous les pouvoirs nécessaires attachés à cette fonction,
dit que le liquidateur désigné procéderait aux publicités prévues aux articles R. 237-2 et R. 210-19 du code de commerce,
fixé la provision devant être versée au liquidateur amiable à la somme de 1 000 euros,
dit que le liquidateur amiable serait rémunéré après taxation de ses honoraires et avances, les frais étant à la charge de M. [G],
vu l'article 64 du code de procédure civile,
débouté M. [C] et la société L&L Partners de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
vu l'article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [C] à payer à M. [G] la somme de 2 500 euros
vu l'article 696 du code de procédure civile,
condamné solidairement M. [C] et la société L&L Partners à tous les dépens,
débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.
M. [C] et la société L&L Partners ont relevé appel du jugement par déclaration en date du 10 juillet 2018 énonçant les chefs de jugement expressément critiqués, intimant M. [G].
Les parties ayant régulièrement échangé leurs conclusions, la clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 14 février 2022 pour l'audience du 07 mars 2022. A cette date, les parties ont sollicité un retrait de l'affaire du rôle.
M. [C] et la société L&L Partners ont notifié le 08 mars 2022 par le RPVA des conclusions de rétablissement au rôle.
Aux termes de leurs conclusions déposées en dernier lieu le 23 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter pour le détail de leurs moyens et arguments, M. [C] et la société L&L Partners demandent à la cour de :
annuler le jugement en ce qu'il a prononcé la dissolution judiciaire de la société L&L Partners
en tout état de cause, réformer le jugement en toutes ses dispositions
vu l'ordonnance sur requête du 09 février 2018 déjà exécutée le 15 février 2018
vu les articles 22 des statuts de la société L&L Partners
vu les articles L. 227-1 et suivants, L. 227-9 et suivants du code de commerce
constater que l'ordonnance sur requête du 09 février 2018 avait déjà été exécutée le 15 février 2018
constater en conséquence que ladite ordonnance ne pouvait être exécutée une seconde fois à l'encontre d'une assemblée générale postérieure à celle du 15 février 2018,
constater que le tribunal ne pouvait annuler toutes les résolutions de l'assemblée générale du 26 février 2018 de la société L&L Partners y compris les résolutions N° 7, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17 sans caractériser pour chacune d'elles en quoi elles avaient été prises en violation de l'ordonnance sur requête du 09 février 2018
réformer en conséquence le jugement en ce qu'il a annulé les résolutions N° 7, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17 sans caractériser pour chacune d'elles en quoi elles avaient été prises en violation de l'ordonnance sur requête du 09 février 2018
constater que le tribunal ne caractérise pas l'abus de majorité qui aurait pu être commis lors de l'assemblée générale du 26 février 2018
constater que le tribunal ne caractérise pas la faute commise par M. [C] détachable de ses fonctions de président de la société L&L Partners, pour le condamner à titre personnel
vu les articles 6 de la CEDH, 15 et 16 du code de procédure civile,
- annuler le jugement en ce qu'il prononce la dissolution judiciaire de la société L&L Partners, présentée pour la première fois par M. [G] lors de l'audience des plaidoiries, et non débattue contradictoirement, en violation des articles 15 et 16 du code de procédure civile, 6 de la convention européenne des droits de l'Homme
en tout état de cause réformer le jugement
constater que M. [G] est à l'origine de la discorde entre associés
constater que la discorde entre associés n'entraîne pas la paralysie de la société qui continue de fonctionner
en conséquence,
prononcer l'irrecevabilité de la demande de dissolution judiciaire présentée par M. [G], en tous les cas, l'en débouter
en conséquence, réformer dans toutes ses dispositions le jugement du 21 juin 2018
débouter M. [G] de toutes ses demandes principales et incidentes
vu l'article 564 du code de procédure civile
constater que la demande de M. [G] tendant à voir constater la perte des capitaux propres de la société L&L Partners constitue une demande nouvelle
prononcer en conséquence l'irrecevabilité de la demande de M. [G] tendant à voir constater la perte des capitaux propres de la société L&L Partners
en tout état de cause, constater que M. [G] ne démontre pas que les capitaux propres de la société sont inférieurs aux pertes
constater que le capital social de la société L&L Partners est de 13 300 euros
débouter M. [G] de sa demande de dissolution judiciaire de la société L&L Partners sur le fondement de la perte des capitaux propres de la société
condamner M. [G] à leur verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêt pour procédure abusive
condamner M. [G] à leur verser la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens
condamner M. [G] aux entiers dépens au visa de l'article 696 du code de procédure civile.
M. [C] et la société L&L Partners font notamment valoir
que la demande de liquidation judiciaire pour perte de la moitié du capital est nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile et donc irrecevable ; qu'en tout état de cause elle est infondée ; que les capitaux propres de la société ont été reconstitués par la voie de l'augmentation de capital ;
que le tribunal ne pouvait pas statuer sur la demande de dissolution judiciaire qui a été présentée pour la première fois en cours d'audience par M. [G] et n'a pas été débattue contradictoirement et ne constitue pas un accessoire des demandes de l'intimé
que l'ordonnance sur requête du 09 février 2018 a été respectée puisque l'assemblée générale du 15 février 2018 ne s'est pas tenue ; que cette ordonnance ne pouvait s'appliquer à une autre assemblée générale puisqu'une demande de rétractation était en cours (formée le 12 mars 2018) ; que cependant le tribunal a rejeté la demande de sursis à statuer jusqu'à la décision ;
sur l'abus de majorité, que le jugement n'indique pas s'il se prononce au titre de l'ordonnance déjà exécutée du 09 février 2018 ou au titre des dispositions des articles 1836 et suivants du code civil ; que dans les deux cas l'action est irrecevable et en tout état de cause mal fondée ; que les articles 1836 et suivants ne sont pas applicables car les statuts, s'agissant d'une SAS, prévoient justement des règles de quorum et de majorité dérogatoires ; que les délibérations sont parfaitement régulières ; que les statuts de la société définissent clairement les modalités de consultation des associés par voie d'assemblée générale, ainsi que les règles de quorum et de majorité ; que ces dispositions statutaires ont été respectées et ne peuvent être écartées à défaut de preuve de l'abus de majorité invoqué ; que M. [G], qui a choisi de ne pas y assister alors qu'il avait été régulièrement convoqué, est irrecevable et à tout le moins infondé à solliciter la nullité de l'assemblée générale ; qu'il ne démontre pas que les décisions sont contraires à l'intérêt social ;
alors que l'ordonnance ne concernait que 7 résolutions sur les 17 votées lors de l'assemblée générale du 26 février 2018, le tribunal ne pouvait pas les annuler sans indiquer en quoi elles contrevenaient aux règles de majorité et de quorum, ce qui n'est d'ailleurs pas le cas ;
sur la demande de dissolution judiciaire de la société, que le jugement est nul sur ce point car elle a été prononcée en violation du principe du contradictoire puisque l'assignation ne demandait que l'annulation de l'assemblée générale et des délibérations et que la dissolution a été demandée à l'audience ; que la demande est mal fondée ; que le tribunal n'a pas tenu compte du fait que le demandeur est à l'origine de la mésentente et que même si l'intimé a oeuvré systématiquement en ce sens, il n'y a aucune paralysie ; que les assemblées générales se tiennent régulièrement et les délibérations sont votées même si M. [G] n'y assiste plus ;que l'intimé agit pour paralyser le fonctionnement de la société, en contradiction avec l'intérêt de celle-ci, ce qui justifie des dommages-intérêts.
Aux termes de ses conclusions déposées en dernier lieu le 07 mars 2022 par RPVA auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, M. [G] demande à la cour de :
vu les articles 73, 74 du code de procédure civile
vu l'ordonnance du 12 juin 2019 RG 18/03549 déclarant caduc l'appel contre l'ordonnance du 12 juin 2018 refusant de rétracter l'ordonnance du 09 février 2018
déclarer irrecevable et en tout état de cause dépourvue d'objet la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'appel dirigé contre l'ordonnance du 12 juin 2018 refusant de rétracter l'ordonnance du 09 février 2018
ce fait,
vu les dispositions de l'article 1836 du code civil,
vu l'ordonnance du 09 février 2018 non rétractée à ce jour,
vu la jurisprudence,
vu les pièces,
confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'assemblée générale du 26 février 2018 et les résolutions qui y furent votées en ce qu'il a prononcé la dissolution judiciaire de la société L&L Partners et nommé Me [P] [T] en qualité de liquidateur pour perte de l'affectio societatis entre associés de la société L&L Partners
surabondamment
prononcer la dissolution judiciaire de la société L&L Partners faute pour elle d'avoir justifié de la régularisation de ses capitaux propres à ce jour qui demeurent inférieurs à la moitié du capital social depuis le 31 décembre 2014,
infirmer le jugement en ce qu'il a mis à sa charge la rémunération du liquidateur
statuant à nouveau,
juger que la rémunération du liquidateur sera supportée par M. [C]
condamner M. [C] au versement d'une somme de 10 000 euros au visa de l'article 700 du CPC et aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
M. [G] fait notamment valoir que l'ordonnance du 09 février 2018, exécutoire sur minute, mentionne que les comptes sociaux présentent d'apparentes et graves incohérences et ne donnent pas une image sincère et fidèle de la situation patrimoniale de la société ; qu'elle n'a pas été respectée car M. [C] a approuvé les comptes sociaux insincères, s'est délivré quitus de gestion malgré de graves irrégularités signalées et a modifié les statuts de la société pour influer sur la procédure en cours ; que la décision de modifier les statuts doit être prise à l'unanimité des associés, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce et qui justifie l'annulation de l'assemblée générale du 26 février 2018 ; que M. [C] a organisé une augmentation de capital social afin de faire passer l'associé minoritaire en-deçà des 25 %, mais n'a pas reconstitué les capitaux propres de la société ; que la discorde entre les associés est le fait de M. [C] ; que devant leur mésentente, il lui a proposé de lui racheter ses parts ; qu'en réponse, M. [C] a déposé une déclaration de cessation des paiements et une demande de liquidation judiciaire qui a été rejetée par jugement du 07 février 2017 ; qu'il a ensuite engagé une action en résiliation du contrat de licence de marque conclu entre la société LLP et la société MDM en violation des règles statutaires qui exigent préalablement une autorisation des associés représentant au moins 75 % du capital ; qu'il a alors tenté de convoquer une assemblée générale pour modifier les statuts et faire approuver des comptes manifestement insincères ; que pour éviter cet abus de majorité, il a obtenu l'ajournement de l'assemblée générale convoquée pour le 15 février 2018 ; que l'ordonnance du 09 février a été signifiée le 15 février ; que M. [C] a néanmoins convoqué un nouvelle assemblée générale le 26 février 2018 , a approuvé des comptes insincères, a modifié les statuts et procédé à une augmentation du capital social qui laisse la société en état de dissolution pour cause de non reconstitution des fonds propres dans les deux années de l'assemblée autorisant la poursuite de l'activité ; qu'il a assigné à jour fixe ; que c'est parce qu'il avait reçu dans l'intervalle une nouvelle convocation datée du 28 mars postée le 29 mars à une assemblée générale devant se tenir le 30 mars 2018 qu'il a demandé la dissolution judiciaire pour perte de tout affectio societatis et non reconstitution dans les deux ans de l'assemblée générale d'août 2015 des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social ; que la demande a été formée à l'audience et débattue contradictoirement à l'oral ; que la dissolution judiciaire de la société est justifiée ; qu'il est vain de lui reprocher son absence aux assemblées générales dès lors qu'elles sont entachées de nullité, l'interdiction judiciaire de convoquer une assemblée générale ayant pour effet nécessaire de dessaisir le dirigeant du pouvoir de convoquer les associés ; que les assemblées convoquées sans pouvoirs sont nulles et de nul effet ; que la société LLP soutient sans en rapporter la preuve que l'augmentation de capital à 13 300 euros a permis de reconstituer les capitaux propres alors qu'elle ne dépose pas ses comptes sociaux au greffe depuis 2018 .
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 02 novembre 2022 et l'audience fixée au 15 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
Les appelants contestent à la fois l'annulation de l'assemblée générale du 26 février 2018 et la dissolution judiciaire de la société prononcée par le tribunal.
sur l'annulation de l'assemblée générale du 26 février 2018 :
Le tribunal a prononcé l'annulation de l'assemblée générale du 26 février 2018, et, par voie de conséquence, l'annulation de l'ensemble des délibérations approuvées le 26 février 2018, au motif qu'elle avait été convoquée et tenue en violation de l'ordonnance du 09 février 2018 préalablement signifiée le 15 février 2018.
Les appelants soutiennent que l'ordonnance sur requête du 09 février 2018 a été respectée puisque l'assemblée générale du 15 février 2018 ne s'est pas tenue ; que cette ordonnance ne pouvait s'appliquer à une autre assemblée générale puisqu'une demande de rétractation était en cours ; que c'est à tort que le tribunal a rejeté leur demande de sursis à statuer jusqu'à la décision ; que les dispositions statutaires ont été respectées ; que l'allégation d'un abus de majorité n'est pas fondée au regard des dispositions spéciales du code de commerce ; que M. [G], qui a choisi de ne pas y assister alors qu'il avait été régulièrement convoqué, est irrecevable et à tout le moins infondé à solliciter la nullité de l'assemblée générale ; qu'il ne démontre pas que les décisions sont contraires à l'intérêt social ; que par ailleurs, alors que l'ordonnance ne concernait que 7 résolutions sur les 17 votées lors de l'assemblée générale du 26 février 2018 (les résolutions 8 à 17 n'étant pas visées à l'ordre du jour de l'assemblée générale du 15 février 2018), le tribunal ne pouvait pas les annuler sans indiquer en quoi elles contrevenaient aux règles de majorité et de quorum.
L'ordonnance du 09 février 2018, exécutoire sur minute, a ordonné l'ajournement de l'assemblée générale des associés de la société LPP convoquée pour le 15 février 2018 ' ainsi que de toute autre assemblée qui viendrait à être convoquée sur le même ordre du jour jusqu'au prononcé d'une décision définitive à intervenir dans la procédure engagée par la société LLP représentée par M. [C] devant le juge des référés du tribunal de commerce d'Angoulême appelée à l'audience du 23 janvier 2018 et renvoyée à l'audience du 27 février 2018.'
Il ressort en effet des pièces et débats que M. [C] venait d'engager devant le juge des référés du tribunal de commerce d'Angoulême, en violation des statuts selon M. [G], une action en résiliation du contrat de licence de marque avec la société MDM qui, appelée à l'audience du 23 janvier 2018, avait été renvoyée à celle du 27 février 2018.
C'est précisément pour modifier les statuts que M. [C] a convoqué l'assemblée générale du 15 février, puis celle du 26 février (veille de l'audience de plaidoirie dans le litige pour la résiliation du contrat de marque) à l'occasion de laquelle les statuts (article 17) ont été modifiés par la résolution 15 qui a modifié les règles de majorité en cas de cession, de mise en gage d'une marque propriété de la société ou de la conclusion, de la résiliation ou de la modification de tout contrat de licence de marque, l'autorisation pouvant désormais être accordée par les associés présents ou représentés détenant 50 % du capital et non plus 75 %.
L'ordonnance, notamment motivée par le fait que l'ordre du jour a été établi par M. [C] 'dans un contexte de mésentente aigüe avec son co associé par ailleurs président de la société MDM associés, et qu'il tend à la modification des statuts et à acter la résiliation du contrat de marque "Cognac de Montleau"', vise explicitement à empêcher une telle modification jusqu'à ce que le juge saisi par M. [C] ait statué. Dans ces conditions, alors que l'affaire devait être plaidée devant lui le 27 février 2018, l'assemblée générale du 26 février 2018 est clairement contraire aux objectifs de l'ordonnance du 09 février 2018, et les appelants ne sauraient sérieusement le contester. Leur argumentation, selon laquelle l'ordonnance a été respectée puisque l'assemblée générale du 15 février 2018 ne s'est pas tenue et que cette ordonnance ne pouvait s'appliquer à une autre assemblée générale puisqu'une demande de rétractation était en cours, est inopérante et empreinte de mauvaise foi dans la mesure où l'ordonnance rendue sur requête est exécutoire au seul vu de la minute tant qu'elle n'a pas été rétractée, et que la demande de rétractation a été formée postérieurement, le 12 mars 2018, de sorte c'est à bon droit que le tribunal a rejeté leur demande de sursis à statuer jusqu'à la décision (qui les a d'ailleurs déboutés le 12 juin 2018).
Les appelants, qui contestent tout abus de majorité et soutiennent que les délibérations sont parfaitement régulières car conformes aux dispositions statutaires, et que M. [G], qui a choisi de ne pas y assister alors qu'il avait été régulièrement convoqué, est irrecevable et à tout le moins infondé à solliciter la nullité de l'assemblée générale, reprochent par ailleurs au tribunal d'avoir annulé certaines résolutions votées lors de l'assemblée générale du 26 février 2018 (10 sur 17) alors que l'ordonnance n'en concernait que sept, sans indiquer en quoi elles contrevenaient aux règles de majorité et de quorum.
Outre cependant que l'ordre du jour de l'assemblée générale du 26 février est sensiblement le même que celui de l'assemblée générale du 15 février (hormis en ce qui concerne l'augmentation du capital social qui a été ajoutée), il importe peu que certaines de ces résolutions aient pu respecter les statuts, et c'est à bon droit que le tribunal a prononcé l'annulation de l'assemblée générale sans autre distinction, aucune des résolutions adoptées à cette occasion ne pouvant être considérée comme régulière alors que l'assemblée générale s'est tenue en violation grossière de l'ordonnance en l'absence de M. [G] dont l'absence, dans un tel contexte, ne saurait être considérée comme relevant de son libre choix.
Le jugement qui a prononcé l'annulation de l'assemblée générale du 26 février 2018 sera donc confirmé.
sur la dissolution judiciaire de la société :
Les appelants qui contestent la dissolution invoquent d'une part, la nullité sur ce point du jugement ; d'autre part, le malfondé de la demande de dissolution.
Ils soutiennent que le jugement a été rendu en violation du principe du contradictoire dans la mesure où l'assignation ne demandait que l'annulation de l'assemblée générale et des délibérations, et que la dissolution a été demandée à l'audience par M. [G].
L'intimé, qui explique qu'il a assigné à jour fixe, et que c'est parce qu'il avait reçu dans l'intervalle une nouvelle convocation datée du 28 mars, postée le 29 mars, à une assemblée générale devant se tenir le 30 mars 2018, qu'il a demandé la dissolution judiciaire à l'audience, peut cependant opposer que la demande a été débattue contradictoirement à l'oral, de sorte que le jugement n'est pas nul.
En tout état de cause, il appartient à la cour, devant laquelle la question a été contradictoirement débattue, de statuer sur cette question.
Aux termes de l'article 1844-7 5° du code civil, la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.
Les appelants soutiennent que le tribunal n'a pas tenu compte du fait :
- que le demandeur est à l'origine de la mésentente (qui s'est emparé en mars 2017 sans agrément préalable des associés Theon Consulting (dont M. [G] était président) et M. [C] de toutes les actions de la société MDM associés pour en faire une société à associé unique) ;
- que même si l'intimé a oeuvré systématiquement en ce sens, il n'y a aucune paralysie ; que les assemblées générales se tiennent régulièrement et les délibérations sont votées même si M. [G] n'y assiste plus ;
- que la voix de M. [G] n'était pas de nature à empêcher la tenue d'une assemblée générale ; qu'il lui suffisait de venir pour s'opposer à l'augmentation de capital destinée selon lui à le diluer ;
- que M. [G] agit pour paralyser le fonctionnement de la société, en contradiction avec l'intérêt de la société, ce qui justifie des dommages-intérêts.
La circonstance que l'associé demandeur est à l'origine de la mésentente qu'il invoque est de nature à faire obstacle à ce que celle-ci soit considérée comme un juste motif. Pour autant, le juge ne peut exclure le juste motif que si le demandeur est seul responsable de la mésentente, ce qui n'est pas établi ici, le comportement de M. [C] tel que décrit plus haut ayant participé pour une part non négligeable à la mésentente, de sorte que le juste motif peut être retenu.
Sur le fonctionnement de la société, il ressort des débats que les associés multiplient les contentieux, que les assemblées générales se tiennent certes, mais en l'absence de M. [G], selon des modalités dont M. [G] conteste la régularité, et que la société LLP ne dépose pas ses comptes sociaux au greffe depuis 2018, de sorte que sa paralysie est caractérisée.
Les conditions de l'article étant remplies, il y lieu de confirmer le jugement qui a prononcé la dissolution judiciaire, sauf à mettre à la charge partagée des parties la rémunération du liquidateur amiable.
Il n'y a pas lieu de statuer sur les autres demandes.
sur les demandes accessoires :
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [G] les sommes, non comprises dans les dépens, exposées par lui en appel. M. [C] sera condamné à lui payer, outre l'indemnité allouée en première instance, la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les appelants seront condamnés aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 juin 2018 par le tribunal de commerce d'Angoulême sauf en ce qu'il a mis à la charge de M. [G] la rémunération du liquidateur
Statuant à nouveau sur ce point,
Dit que la rémunération du liquidateur sera supportée à parts égales par M. [G] et par M. [C]
Condamne M. [C] à payer à M. [G] la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel
Condamne in solidum M. [C] et la société L&L Partners à tous les dépens d'appel.