Cass. com., 19 avril 2023, n° 21-20.183
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
M. Riffaud
Avocat général :
Mme Guinamant
Avocats :
SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Spinosi
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 mai 2021), la société Logo et la société de droit suisse TAG Heuer ont conclu un contrat de licence portant sur la marque « TAG Heuer », qui a été renouvelé plusieurs fois. En cours d'exécution de ce contrat, TAG Heuer est devenue une succursale de la société anonyme de droit suisse LVMH Swiss Manufactures SA (la société LVMH).
2. Invoquant des défaillances de la société Logo dans l'exécution du contrat de licence, TAG Heuer lui en a notifié le non-renouvellement au 31 décembre 2017, date de son échéance contractuelle.
3. La société Logo, qui a déclaré sa cessation des paiements en mentionnant notamment une créance litigieuse de TAG Heuer d'un montant de 1 015 928 euros, a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 12 mai 2016, qui a désigné la société MJ synergie - mandataires judiciaires (la société MJ synergie) en qualité de mandataire judiciaire. Celle-ci a porté à la connaissance de TAG Heuer que la société débitrice l'avait informée de l'existence de sa créance et l'a invitée à la déclarer dans le délai légal.
4. Le 2 juin 2016, « TAG Heuer, succursale de LVMH Swiss Manufactures SA, société anonyme de droit suisse, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Neuchâtel (Suisse) » a déclaré sa créance et demandé son admission à titre chirographaire. Cette déclaration de créance a été réduite en son montant par une déclaration modificative du 9 septembre 2016.
5. Le 15 novembre 2016, la procédure collective de la société Logo a été convertie en liquidation judiciaire. La société MJ synergie, désignée en qualité de liquidateur judiciaire, a informé TAG Heuer de la contestation de sa créance.
6. Le juge-commissaire ayant été saisi de cette contestation, la société LVMH est intervenue volontairement à l'instance le 15 mai 2017 et lui a demandé d' « Admettre la créance déclarée par LVMH Swiss Manufactures SA pour un montant total de 2 402 714,91 euros à titre chirographaire. »
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La société LVMH fait grief à l'arrêt de déclarer nulles les déclarations de créances des 2 juin et 9 septembre 2016 de la société LVMH, alors « que si l'appréciation de la régularité de la déclaration de créance est déterminée par la loi de l'Etat d'ouverture de la procédure collective, conformément à la règle posée par l'article 4. 2. H) du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, il appartient à la loi de la source de la créance de déterminer la qualité de créancier ; qu'en l'espèce, en se référant au droit français pour conclure que "TAG Heuer n'a pas la qualité de créancière, LVMH étant seule créancière", après avoir rappelé que l'appréciation de la qualité de créancier devait se faire à l'aune du droit suisse, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article susvisé, par fausse application, ainsi que le principe selon lequel il appartient à la loi de la source de définir la qualité de créancier, par refus d'application. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4. 2. H) du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité :
8. Selon ce texte, si la loi de l'Etat d'ouverture de la procédure collective détermine les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances, il appartient à la loi de la source de celles-ci de définir la qualité de créancier.
9. Pour annuler les déclarations de créances, après avoir énoncé que c'est la qualité de créancier à déclarer qui doit être considérée pour apprécier la régularité de la déclaration de créance, non pas seulement celle de créancier, l'arrêt retient que les déclarations de créances litigieuses ont été faites par TAG Heuer en son nom, en sa qualité de succursale de la société LVMH, et non pas au nom et pour le compte du créancier LVMH alors que la société LVMH était seule créancière.
10. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de se référer au droit suisse, droit du contrat, pour identifier le titulaire de la créance, la cour d'appel, qui a confondu la détermination de la personne titulaire de la créance et celle de la personne ayant le pouvoir de la déclarer, a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen relevé d'office
11. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article L. 622-24, alinéa 2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 :
12. Il résulte de ce texte que le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance et aucune forme particulière n'est prévue pour cette ratification, qui peut être implicite.
13. Pour annuler les déclarations de créances, l'arrêt retient qu'elles ont été faites par TAG Heuer en son nom, en sa qualité de succursale de la société LVMH, et non au nom et pour le compte du créancier LVMH, que TAG Heuer et la société LVMH sont infondées à soutenir que la mention de succursale, attachée à la déclarante, aurait permis une déclaration pour le compte de la société LVMH et que la déclaration n'a pas été faite au nom de cette dernière, créancière.
14. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de prendre en considération la ratification des déclarations de créances qui avait été expressément effectuée par la société LVMH dès sa comparution devant le juge-commissaire, puis dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.