Cass. com., 21 juin 2023, n° 21-23.397
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
M. Ponsot
Avocats :
SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Waquet, Farge et Hazan
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 24 juin 2021), le 13 avril 2015, M. [M] a cédé un fonds de commerce à la société Eucalyptus, représentée par MM. [X] et [O], le prix étant payable selon un échéancier.
2. En garantie du paiement du prix de cession, l'acte de vente prévoyait un nantissement du fonds de commerce cédé, ainsi que la caution personnelle et solidaire de MM. [X] et [O].
3. Des échéances du paiement du prix de cession n'ayant pas été honorées, M. [M] a assigné la société Eucalyptus, ainsi que MM. [X] et [O] en leur qualité de caution, devant le tribunal mixte de commerce de Papeete, en paiement du solde du prix de cession.
4. La société Eucalyptus ayant été mise en liquidation judiciaire, M. [M] a déclaré sa créance à titre chirographaire.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. M. [X] fait grief à l'arrêt de le condamner solidairement avec M. [O], en leur qualité de caution personnelle et solidaire de la société Eucalyptus, à payer à M. [M] la somme de 50 398 706 francs CFP et de rejeter ses demandes, alors « que la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; qu'en se bornant, pour dire que M. [X] n'aurait pas été privé du bénéfice d'un privilège par le fait de M. [M], à énoncer que ce dernier a effectué les formalités d'enregistrement de son nantissement, qu'il a tenté vainement de mettre en oeuvre ce nantissement, mais que sa requête au tribunal est demeurée sans réponse et que, dès lors, l'absence d'exécution forcée de son nantissement par M. [M] ne lui serait pas imputable, pas plus qu'il ne pourrait lui être reproché une faute dans l'inscription ou la conservation de son privilège, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par M. [X], si M. [M] ne lui avait pas fait perdre le bénéfice du nantissement sur le fonds de commerce en déclarant sa créance au passif de la société Eucalyptus à titre chirographaire et non à titre privilégié, ainsi que cela résulte des mentions de l'état des créances qu'il a versé aux débats et qu'il n'a pas contesté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2314 du code civil applicable en Polynésie française :
7. Aux termes de ce texte, la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution.
8. Pour refuser de décharger la caution et la condamner à paiement, l'arrêt, après avoir constaté que le créancier avait effectué les formalités d'enregistrement du nantissement, relève qu'il a vainement tenté de mettre en oeuvre ce nantissement conformément aux dispositions des articles L. 142-1 et suivants du code de commerce applicables en Polynésie française. Il retient ensuite que l'absence d'exécution forcée de son privilège de nantissement ne lui est pas imputable et qu'il ne peut lui être reproché une quelconque faute dans l'inscription ou la conservation de son privilège, et en déduit que la caution n'a pas été privée du bénéfice de ce privilège par le fait du créancier.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en déclarant sa créance au passif de la société Eucalyptus à titre chirographaire et non à titre privilégié et en ne présentant aucune contestation à cet égard, M. [M] n'avait pas fait perdre à la caution le bénéfice du nantissement sur le fonds de commerce, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne M. [X] et M. [O] solidairement, en leur qualité de caution personnelle et solidaire de la SARL Eucalyptus, à payer à M. [M] la somme de 50 398 706 francs CFP et en ce qu'il les condamne in solidum à payer à celui-ci la somme de 400 000 francs CFP au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel, l'arrêt rendu le 24 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete autrement composée.