Cass. com., 24 septembre 2013, n° 12-23.699
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouin-Palat et Boucard
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y..., qui ont vécu de 1989 au 21 décembre 2002 en concubinage et ont eu deux enfants, ont fait construire une maison en 1998 sur un terrain appartenant à Mme Y... ; que cette opération a été financée par deux emprunts bancaires et des fonds appartenant à M. X... ; que par acte du 17 juin 2004, M. X... a fait assigner Mme Y... sur le fondement de l'article 1371 du code civil en remboursement des échéances de prêts immobiliers réglées par lui et des sommes investies dans l'édification et l'équipement de l'immeuble ; que par un arrêt irrévocable du 22 septembre 2007, la cour d'appel a accueilli sa demande tendant à faire reconnaître l'existence d'une société créée de fait entre les concubins pour la réalisation du projet immobilier et a ordonné une expertise pour établir les comptes entre les associés ; que par arrêt du 24 mars 2011, la cour d'appel, constatant que l'expert n'avait pas pris en compte la contribution de Mme Y... qui, par son travail domestique et l'éducation des enfants, avait permis, par de moindres dépenses, le remboursement des emprunts contractés par le couple, a révoqué l'ordonnance de clôture pour permettre aux parties de faire toutes observations sur la contribution de Mme Y... au paiement de la construction de l'immeuble ; que M. X... a demandé le paiement de la somme de 103 512,45 euros en restitution de ses différents apports et celle de 109 633 euros au titre du partage de l'actif social correspondant à la valeur nette du bien immobilier ou, subsidiairement, en cas de prise en compte d'une participation en industrie de Mme Y..., celle de 91 361 euros ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes de M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ qu'en retenant que la contribution de Mme Y... « ne peut être prise en compte qu'à partir de (1998) jusqu'en 2002 », après avoir relevé, dans son arrêt avant dire droit du 24 mars 2011 que « par son travail à la maison et l'éducation des enfants, Mme Y... a contribué à de moindres dépenses qui ont permis le paiement du remboursement des emprunts à partir du compte joint » et que « cette situation a duré de 1990 à 2002, soit pendant douze années », la cour d'appel s'est contredite, privant ainsi sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la part de chaque associé dans les bénéfices se détermine à proportion de ses apports, fussent-ils en industrie ; qu'en se bornant à retenir que le prêt n'ayant commencé qu'en 1998, la contribution au remboursement de Mme Y... ne peut être prise en compte qu'à partir de cette date jusqu'en 2002, sans rechercher , ainsi qu'elle y était invitée, si celle-ci n'avait pas par son travail et l'éducation des enfants, permis de réaliser des économies, indépendamment du remboursement des emprunts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1844-1 et 1844-9 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel ayant, dans son arrêt avant dire droit, rouvert les débats sur la contribution en industrie de Mme Y... sans préciser la période concernée, le moyen qui critique un motif surabondant de cet arrêt, est inopérant ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que Mme Y... avait contribué en industrie au remboursement des échéances du prêt immobilier et que celui-ci n'avait été souscrit qu'en 1998, la cour d'appel n'avait pas à faire une recherche que ses constatations rendaient inopérante ;
D'où il suit qu'inopérant en sa première branche, le moyen ne peut être accueilli en sa seconde branche ;
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que l'évaluation de la contribution de Mme Y... « sur la base d'un demi-salaire en fonction du SMIC tel que sollicité par M. X... eu égard aux attestations produites, sera retenue et pour la période 1998-2002 soit des remboursements à hauteur de 45 775,07 euros » ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans procéder à l'analyse, même sommaire, des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1844-9 du code civil ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que les apports de Mme Y... sont de 157 993,78 euros, comprenant la valeur du terrain, soit 100 000 euros, des remboursements de prêts réglés par elle en 2002 et 2003, soit 12 218,71 euros et sa contribution en industrie, évaluée à 45 775,07 euros ; qu'il retient encore que les apports en numéraire de M. X... s'élèvent à la somme de 103 512,45 euros, que compte tenu de la répartition des droits respectifs de Mme Y... et de M. X... dans l'actif social, fixée à 60 % et 40 %, ceux-ci sont, eu égard à la valeur nette de l'immeuble de 228 403 euros, de 137 042 euros pour l'une et de 91 361 euros pour l'autre ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'actif net social à répartir ne devait être déterminé qu'après imputation sur la valeur de l'immeuble du montant des apports en numéraire des deux associés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme Y... à payer à M. X... la somme de 103 512,45 euros au titre de ses apports et celle de 91 361 euros au titre du partage de l'actif social correspondant à la valeur nette de la maison, l'arrêt rendu le 24 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.