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Décisions

CA Douai, 8e ch. sect. 3, 23 septembre 2021, n° 21/00976

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Crédit Logement (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collière

Conseillers :

Mme Convain, Mme Billières

JCP Valenciennes, du 11 janv. 2021, n° 2…

11 janvier 2021

Mme Stéphanie L., épouse R., a interjeté appel le 11 février 2021 de l'ensemble des dispositions d'un jugement rendu le 11 janvier 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Valenciennes, délégué dans les fonctions de juge de l'exécution, qui a rejeté l'exception qu'elle avait soulevée devant lui tirée de l'incompétence du tribunal judiciaire au profit du juge de l'exécution de Valenciennes, qui a autorisé la société Crédit Logement à faire procéder à la saisie de ses rémunérations pour avoir paiement d'une somme de 316 376,70 euros représentant les causes en principal, frais et intérêts d'un jugement du tribunal de grande instance du même siège du 21 mars 2019 et qui l'a condamnée aux dépens.

Par conclusions transmises au greffe de la cour le 5 avril 2021, Mme Stéphanie L. demande l'infirmation du jugement déféré et, réitérant en cause d'appel les prétentions qu'elle avait initialement soumises au premier juge, excipe de l'incompétence de la juridiction saisie au profit du juge de l'exécution de Valenciennes pour connaître de la demande de la société Crédit Logement introduite par requête le 31 décembre 2019 afin d'être autorisée à faire procéder à la saisie de ses rémunérations.

Elle soutient, sur le fond, que l'administration fiscale ayant eu recours à une procédure d'exécution forcée par le biais d'avis à tiers détenteur délivrés à son employeur, laquelle procédure aboutit déjà à l'appréhension, chaque mois, de l'essentiel de son salaire, il n'existe plus de quotité saisissable. Elle conclut, partant, au rejet de l'ensemble des demandes, fins et conclusions adverses.

Mme Stéphanie L. réclame enfin l'allocation, à la charge de la société Crédit Logement, d'une indemnité procédurale de 800 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile et demande à la cour de statuer ce que de droit quant aux dépens.

La société Crédit Logement, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 15 mars 2021 et qui a constitué avocat le 23 mars suivant, n'a pas conclu.

MOTIFS :

Sur l'exception d'incompétence :

Mme Stéphanie L. reproche au premier juge d'avoir, pour écarter l'exception d'incompétence qu'elle avait soulevée devant lui, retenu que la procédure visant à autoriser la saisie des rémunérations ayant été initiée le 31 décembre 2019, elle était en cours au 1er janvier 2020 de sorte qu'elle s'était vue transférée au juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Valenciennes exerçant les fonctions de juge de l'exécution par délégation du président du tribunal du même siège, alors que les textes précisent expressément que le transfert s'effectue au profit, non pas du juge des contentieux de la protection, mais du juge de l'exécution et que l'existence d'une délégation au sein d'une juridiction constitue une mesure d'ordre interne qui ne saurait modifier les règles de compétences qui sont d'ordre public.

Selon l'article L. 3252-6 du code du travail, dans sa version en vigueur jusqu'au 1er janvier 2020, le juge du tribunal d'instance connaît de la saisie des rémunérations dans les conditions prévues à l'article L. 221-8 du code de l'organisation judiciaire, lequel prévoit, dans sa version en vigueur jusqu'à la même date, que, par dérogation aux dispositions de l'article L. 213-6, ce juge connaît de la saisie des rémunérations, à l'exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, et exerce les pouvoirs du juge de l'exécution.

Selon l'article L. 213-6, alinéa 5, du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice entrée en vigueur le 1er janvier 2020, rendu applicable aux procédures en cours au 1er janvier 2020 par l'article 40, IV, 3° du décret n° 2019-912 du 30 août 2019, le juge de l'exécution connaît de la saisie des rémunérations, à l'exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

Il en résulte que si l'article L. 3252-6 du code du travail, dans sa version en vigueur jusqu'au 1er janvier 2020, date d'entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2019, prévoyait que la saisie des rémunérations relevait de la compétence du juge du tribunal d'instance exerçant alors les pouvoirs du juge de l'exécution, elle relève, depuis cette date, directement de la compétence du juge de l'exécution.

Si l'article L. 213-5 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction issue de la loi précitée du 23 mars 2019 prévoit par ailleurs, en son alinéa 1er, que les fonctions de juge de l'exécution sont exercées par le président du tribunal judiciaire, il résulte de son alinéa 2 et des articles R. 213-10 et R. 213-11 du même code, ces derniers dans leur rédaction issue du décret précité du 30 août 2019, dispositions toutes entrées en vigueur le 1er janvier 2020, que le président a la faculté de déléguer ses fonctions à un ou plusieurs juges du tribunal judiciaire, y compris aux magistrats du siège exerçant au sein d'une chambre de proximité, par décision fixant la durée et l'étendue territoriale.

Lorsqu'il intervient en tant que délégataire des fonctions de juge de l'exécution du président du tribunal judiciaire, le délégué n'exerce alors pas d'autres fonctions mais statue en tant que juge de l'exécution. Il en résulte que si la délégation est une mesure d'administration judiciaire, elle n'a pas pour effet de modifier les règles de compétences.

Il ressort en l'espèce du dossier de procédure comme des énonciations du jugement déféré que le premier juge a statué sur la requête en saisie des rémunérations introduite par la société Crédit Logement devant le tribunal d'instance de Valenciennes le 31 décembre 2019 en sa qualité de " juge des contentieux de la protection, délégué dans les fonctions de juge de l'exécution " et donc, conformément à l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire dans sa rédaction issue de la loi du 23 mars 2019, rendu applicable aux procédures en cours par l'article 40, IV, 3° du décret du 30 août 2019, en qualité de juge de l'exécution.

Ce faisant, le juge des contentieux de la protection de Valenciennes a exercé, non pas une compétence propre à cette juridiction, mais le pouvoir de juge de l'exécution du président du tribunal judiciaire du même siège par délégation de celui-ci.

C'est, partant, à bon droit que le premier juge a écarté l'exception d'incompétence soulevée par Mme Stéphanie L..

Sur le fond :

Pour prétendre au rejet de la demande de la société Crédit Logement en saisie de ses rémunérations, Mme Stéphanie L. fait valoir que si elle a bien fait l'objet, avec son mari, d'un jugement de condamnation par le tribunal de grande instance de Valenciennes, aujourd'hui définitif, ils se trouvent, chacun, dans l'impossibilité de l'exécuter en raison de la procédure d'exécution forcée que l'administration fiscale, à la suite des lourds redressements qu'elle leur a infligés, a engagée à leur encontre par le biais d'avis à tiers détenteurs adressés à leurs employeurs, procédure qui aboutit à d'ores et déjà appréhender mensuellement l'essentiel de leurs salaires de sorte qu'il n'existe plus de quotité saisissable à l'heure actuelle.

C'est toutefois par des motifs pertinents que la cour fait siens que le premier juge, rappelant que l'existence d'une saisie administrative à tiers détenteur relative à une créance garantie par le privilège du Trésor public avait pour seul effet de suspendre la saisie autorisée jusqu'à l'extinction de la dette envers le comptable public, en a déduit que la saisie administrative alléguée par Mme Stéphanie L. ne constituait pas un motif valable pour s'opposer à la requête de la société Crédit Logement en saisie des rémunérations, observation étant en tout état de cause faite qu'il est justifié en cause d'appel de l'existence d'une saisie administrative des seuls salaires de son époux, M. Patrick R..

Le jugement entrepris, dont les autres dispositions ne sont pas remises en cause, doit donc être confirmé en son entier.

Sur les dépens et les frais irrépétibles d'appel :

Mme Stéphanie L. succombant en son appel, elle sera, en application de l'article 696 du code de procédure civile, condamnée aux dépens d'appel et, en application de l'article 700 du même code, déboutée de sa demande relative à ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Rejette la demande formée par Mme Stéphanie L. en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme Stéphanie L. aux dépens d'appel.