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Décisions

Cass. soc., 21 septembre 2011, n° 10-14.320

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Avocats :

SCP Bénabent, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 14 janv. 2010

14 janvier 2010


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2010), rendu sur renvoi après cassation (Soc. 2 juin 2004 pourvoi n° 02-17516) que Mme X..., engagée en 1980 par la société Les Editions du Seuil où elle exerçait en dernier lieu les fonctions de directrice littéraire, a été mise à la retraite par son employeur en juin 1999, après avoir vainement tenté d'obtenir de celui-ci paiement de droits d'auteur ; qu'estimant injustifiée cette mise à la retraite, elle a saisi le conseil de prud'hommes qui l'a déboutée, par jugement du 16 octobre 2000 devenu définitif, de sa demande qui tendait alors seulement à voir requalifier cette mesure en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'elle a ensuite saisi le tribunal de grande instance afin de se voir reconnaître la qualité d'auteur ou de co-auteur de certains ouvrages ou collections et d'obtenir le versement de droits d'auteur ; que par arrêt du 2 juin 2004, la Cour de cassation a dit que le litige sur les droits d'auteur relevait de la juridiction prud'homale ; que Mme X... a de nouveau saisi cette juridiction le 27 décembre 2004 ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables les demandes de Mme X..., alors, selon le moyen :

1°/ que la règle de l'unicité de l'instance ne s'applique pas aux demandes échappant à la compétence matérielle du conseil de prud'hommes ; que l'article L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle attribue une compétence exclusive au tribunal de grande instance pour connaître des litiges relatifs au droit d'auteur ; qu'il s'ensuit que les demandes de Mme X... tendant à la reconnaissance de ses droits d'auteur et à l'octroi d'une rémunération par Les Editions du Seuil pour leur exploitation étaient recevables, peu important l'intervention d'une décision définitive dans le litige relatif aux conditions de cessation du contrat de travail opposant les mêmes parties ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article R. 516-1 du code du travail (nouvellement article R. 1452-6 de même code) ;

2°/ que la conclusion d'un contrat de travail par l'auteur d'une oeuvre de l'esprit n'emporte aucune dérogation à la jouissance de ses droits sur sa création ; qu'il s'ensuit que les demandes d'un salarié tendant à la reconnaissance de son droit d'auteur et au paiement de la rémunération y afférente envers son employeur ne peuvent être déclarées irrecevables en tant qu'elles dériveraient nécessairement du contrat de travail et seraient soumises comme telles au principe de l'unicité de l'instance ; qu'en déclarant cependant de telles demandes irrecevables en application du principe d'unicité de l'instance, la cour d'appel a violé l'article R. 516-1 du code du travail (nouvellement article R. 1452-6 de même code) ;

3°/ que la règle de l'unicité de l'instance ne s'applique pas lorsqu'elle aboutit à priver l'une des parties au litige prud'homal de son droit d'accès au juge ; que la compétence du conseil de prud'hommes pour connaître des litiges relatifs au droit d'auteur entre un salarié et son employeur a été affirmée par la première fois par la Cour de cassation le 2 juin 2004 dans une décision rendue entre les présentes parties ; que lors du précédent litige prud'homal l'opposant à son employeur, Mme X... était donc dans l'ignorance de cette règle de compétence dont l'intervention au cours de la seconde instance conduit, par application de la règle de l'unicité de l'instance prud'homale, à l'irrecevabilité de ses demandes suscitées par le litige l'opposant à son employeur relativement à ses droits d'auteur ; qu'en refusant dans ces circonstances d'écarter l'application aux demandes de Mme X... de la règle de l'unicité de l'instance, la cour d'appel l'a privée de son droit d'accès au juge et a violé l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel de renvoi, qui ne pouvait faire application d'une loi non applicable au litige pour avoir été promulguée postérieurement à la demande, s'est bornée à se conformer à la doctrine exprimée par la Cour de cassation dans son arrêt du 2 juin 2004 ; d'où il suit que les deux premières branches du moyen sont irrecevables ;

Attendu, ensuite, que la salariée ayant eu la faculté de saisir un juge en temps utile de l'ensemble de ses demandes, le moyen n'est pas fondé en sa troisième branche ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.