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Décisions

CA Douai, 8e ch. sect. 3, 20 octobre 2022, n° 22/00785

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Caisse d'Allocations Familiales du Pas-de-Calais

Défendeur :

Le Billionaire (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collière

Conseillers :

Mme Convain, Mme Ménegaire

Avocats :

Me Willemetz, Me Fatoux

JEX Lille, du 10 févr. 2022, n° 21/00508

10 février 2022

Du mariage de M. [C] [I] et de Mme [M] [T] est né un enfant, [W], le [Date naissance 4] 2003.

Par jugement en date du 3 septembre 2004 confirmé par arrêt de la cour d'appel de Douai du 6 avril 2006, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a prononcé le divorce de M. [I] et de Mme [T] et a condamné M. [I] à verser à Mme [T] une contribution de 100 euros par mois pour l'entretien et l'éducation de l'enfant

Cet arrêt a été signifié à M. [I] le 6 septembre 2006.

Le 25 juin 2013, Mme [T] a saisi la caisse d'allocations familiales du Pas-de-Calais (la CAF) d'une demande d'allocation de soutien familial et lui a donné mandat pour engager ou poursuivre toute action en recouvrement de la pension alimentaire due par M. [I].

Par acte en date du 15 décembre 2021, la CAF a fait assigner la société Billionaire devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lille lui demandant, sur le fondement des articles L. 213-1 à L. 213-6 et R. 213-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de condamner cette société à lui payer les sommes de :

- 2 564,88 euros au titre des arriérés dus au créancier ;

- 2 871,84 euros au titre de la pension due au créancier sur 24 mois ;

- 543,60 euros au titre des frais de gestion ;

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

ainsi qu'aux dépens.

Elle exposait que la société Billionnaire n'avait pas réglé les sommes auxquelles elle était tenue en exécution du paiement direct dont elle avait été rendue destinataire en sa qualité d'employeur de M. [I].

Par jugement réputé contradictoire en date du 10 février 2022, le juge de l'exécution a rejeté les demandes principales et accessoires de la CAF et mis à sa charge les dépens de la procédure, aux motifs que la CAF ne versait aux débats aucun décompte pour justifier du bien fondé de ses demandes et en particulier de ses calculs, les pièces produites ne permettant pas d'appréhender l'évaluation faite de la dette et donc de la vérifier.

Par déclaration adressée par la voie électronique le 16 février 2022, la CAF a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions du 1er avril 2022, elle demande à la cour, sur le fondement des articles L. 213-1 à L. 213-6 et R. 213-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté ses demandes principales et accessoires et mis à sa charge les dépens de la procédure et en conséquence de :

- la dire recevable et bien fondée en son action ;

- condamner la SARL Billionaire à lui payer les sommes suivantes :

* 4 496,10 euros au titre des arriérés dus au créancier ;

* 2 931,84 euros au titre de la pension due au créancier sur 24 mois ;

* 742,79 euros au titre des frais de gestion ;

- condamner la SARL Billionaire au paiement d'une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi ;

en toutes hypothèses,

- condamner la SARL Billionaire à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SARL Billionaire aux entiers frais et dépens de l'instance.

Elle fait valoir que :

- le tiers auquel il est notifié une procédure de paiement direct devient, par le seul effet de la notification de cette demande, directement et personnellement obligé au règlement des sommes réclamées ;

- en l'espèce, elle a engagé une première procédure de paiement direct auprès de la société Billionaire, employeur de M. [I], en date du 17 juin 2020 qu'elle a renouvelée le 17 décembre 2020 pour tenir compte de l'évolution des sommes

dues ;

- à réception de cette procédure la société Billionaire n'a apporté aucune réponse de sorte qu'elle lui a adressé trois lettres de relance des 18 février, 28 avril et 6 août 2021 ;

- elle a également communiqué par courrier simple à la société Billionaire la notification du paiement direct envoyée en décembre 2020 et, la société Billionaire s'étant rapprochée d'elle afin d'obtenir de plus amples renseignements quant à la mise en oeuvre pratique de la saisie, elle n'a pas manqué de lui apporter une réponse ;

- depuis lors, la société Billionaire n'a donné aucune suite et n'a pas réglé les sommes auxquelles elle était tenue en exécution du paiement direct dont elle avait été rendue destinataire par lettre simple du 17 décembre 2000 ;

- elle apporte des précisions quant aux créances alimentaires détenues à l'encontre de M. [I] et ainsi à l'encontre de la société Billionaire, dont le montant ne cesse de croître, ce qui l'a conduite à actualiser le montant de la somme réclamée.

- en conséquence, au regard de la relation de travail liant cette société au débiteur de la pension, la société Billionaire doit être condamnée.

La CAF ajoute avoir subi un préjudice du fait de l'abstention volontaire de la société Billionaire de régler les sommes dues, en dépit de la procédure réglementaire engagée.

La société Billionaire à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées par actes des 9 mars 2022 et 26 avril 2022, à domicile, ne comparaît pas.

MOTIFS

L'article L. 213-5 du code des procédures civiles d'exécution dispose que :

'La demande de paiement direct est faite par l'intermédiaire d'un huissier de justice.

Lorsqu'une administration publique est subrogée dans les droits d'un créancier d'aliments, elle peut elle-même former la demande de paiement direct et se prévaloir des dispositions des articles L. 152-1 et L. 152-2.

Lorsqu'un organisme débiteur de prestations familiales agit pour le compte d'un créancier d'aliments, il peut lui-même former la demande de paiement direct.'

L'article R. 213-1 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce, précise que :

'Le créancier de la pension alimentaire peut charger tout huissier de justice du lieu de sa résidence de notifier la demande de paiement direct au tiers mentionné à l'article L. 213-1.

Celle-ci comprend, à peine de nullité, indication du nom et domicile du débiteur, l'énonciation du titre exécutoire, le décompte des sommes dues ainsi que le rappel des dispositions de l'article L. 213-2.

Dans les huit jours qui suivent, l'huissier de justice procède à cette notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

(...)

Le tiers débiteur accuse réception à l'huissier de justice de la demande de paiement direct dans les huit jours suivant la notification par un écrit qui précise s'il est ou non en mesure d'y donner suite.

Lorsqu'il notifie la demande de paiement direct au tiers débiteur, l'huissier de justice en avise simultanément le débiteur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui comporte, à peine de nullité de la demande de paiement direct, le décompte des sommes dues en principal, intérêts et frais et le rappel des dispositions de l'article R. 213-6.'

En l'espèce, la CAF verse aux débats :

- un courrier de notification de paiement direct en date du 17 juin 2020 ayant pour destinataire la société Billionaire ;

- un courrier de notification de paiement direct en date du 17 décembre 2020 ayant le même destinataire.

Or, force est constater qu'en dépit des dispositions susvisées de l'article R. 213-1 du code des procédures civiles d'exécution, la CAF ne justifie pas qu'elle a adressé ces courriers par lettre recommandée avec accusé de réception et elle reconnaît même que celui du 17 décembre 2020 a été adressé par lettre simple.

Si, par courriel du 21 septembre 2021, Mme [E] [N] se présentant comme 'gestionnaire de paie' pour la société Billionaire, indiquait à la CAF qu' 'on lui (avait) faire suivre un mail indiquant qu'une saisie sur salaire à l'encontre de M. [I] [C] avait été envoyée au 16/12/2020', elle précisait également n'en avoir 'jamais eu le retour' et demandait que 'l'avis à tiers détenteur' lui soit renvoyé (pièce nº23 page 2) et si, en réponse Mme [Z] [P], technicien référent recouvrement des pensions alimentaires à la CAF, indiquait à Mme [N] qu'elle lui faisait parvenir 'ce jour la notification de paiement direct qui a été envoyée par (ses) services en décembre 2020', il n'est pas prouvé que le document pdf non dénommé joint à ce courriel corresponde à la notification de la procédure de paiement direct du 17 décembre 2020, ni d'ailleurs que ce courriel ne portant pas de date ait été reçu ou même adressé (pièce nº16 page 3)

En outre, s'il est produit un courrier en date du 6 août 2021 intitulé 'dernière relance' adressé par la CAF le 12 août 2021 par pli recommandé avec demande d'avis de réception, non réclamé par la société Billionaire, il n'y était joint aucune notification du paiement direct précédemment adressé.

Enfin, il n'est pas davantage justifié que, simultanément à la notification du paiement direct au tiers, le débiteur de la pension alimentaire, M. [I], en ait été avisé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception conformément au dernier alinéa de l'article R. 213-1 susvisé.

En conséquence, en l'absence de respect des formalités imposées, les demandes de paiement direct n'ont pu produire aucun effet et la société Billionaire n'est pas devenue débitrice de la CAF qui ne peut donc lui réclamer paiement d'une quelconque somme au titre de la pension alimentaire due par M. [I].

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la CAF de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Partie perdante en appel, la CAF sera également condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré ;

Condamne la caisse d'allocations familiales du Pas de Calais aux dépens d'appel.