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Décisions

CA Paris, 14e ch. B, 23 novembre 2007, n° 07/16837

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

La Société Civile pour la Rémunération de la Copie Privée Sonore, La Société Civile pour la Rémunération de la Copie Privée Audiovisuelle

Défendeur :

TX Western Europe & Africa (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Feydeau

Conseillers :

Mme Provost-Lopin, Mme Darbois

Avoués :

Me Huyghe, SCP Grappotte-Benetreau

Avocats :

Me Boissard, Me Zerdoun

TGI Paris, du 28 sept. 2007, n° 07/57242

28 septembre 2007

Vu l'appel formé par les sociétés civiles SOCIÉTÉ POUR LA RÉMUNÉRATION DE LA COPIE PRIVÉE SONORE dite SORECOP et SOCIÉTÉ POUR LA RÉMUNÉRATION DE LA COPIE PRIVÉE AUDIOVISUELLE dite COPIE France de l'ordonnance de référé rendue le 28 septembre 2007 par le président du tribunal de grande instance de PARIS qui a :

- condamné la S.A.S. TX WESTERN EUROPE & AFRICA à payer par provision les sommes de :

° 877 229,36 € TTC à la SOCIÉTÉ POUR LA RÉMUNÉRATION DE LA COPIE PRIVÉE SONORE avec intérêts de droit à compter du 7 août 2007,

° 474 896,34 € TTC à la SOCIÉTÉ POUR LA RÉMUNÉRATION DE LA COPIE PRIVÉE AUDIOVISUELLE avec intérêts de droit à compter du 7 août 2007,

- condamné la S.A.S. TX WESTERN EUROPE & AFRICA à payer à titre d'indemnité procédurale 500 € à la société SORECOP et 500 € à la société COPIE France,

- a condamné la S.A.S. TX WESTERN EUROPE & AFRICA aux dépens,

- a accordé à la S.A.S. TX WESTERN EUROPE & AFRICA 18 mois de délai pour lui permettre de régler en 18 échéances égales, mensuelles et consécutives le montant des factures dont elle est redevable à l'égard des sociétés SORECOP et COPIE France, la première échéance devant intervenir au plus tard 15 jours après la signification de l'ordonnance,

- a renvoyé la S.A.S. TX WESTERN EUROPE & AFRICA à mieux se pourvoir devant le juge de l'exécution pour, le cas échéant, voir modifier les mesures de saisies conservatoires pratiquées le 28 août 2007 auprès de la Société Générale à son encontre ;

Vu l'autorisation donnée aux appelantes de plaider à jour fixe ;

Vu l'assignation délivrée le 9 octobre 2007 par laquelle les sociétés SORECOP et COPIE France demandent à la cour de réformer l'ordonnance en ce qu'elle accorde à la société TX WEA 18 mois de délai pour apurer ses dettes à leur égard et, au visa des articles 809 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile, L. 311-1 et suivants, L. 335-4 et L. 332-3 du code de la propriété intellectuelle, de :

- condamner la société TX WEA à payer par provision les sommes de :

° 877 229,36 € TTC à SORECOP avec intérêts de droit à compter du 7 août 2007,

° 474 896,34 € TTC à COPIE France avec intérêts de droit à compter du 7 août 2007,

- rejeter les demandes de délais formées par la société TX WEA,

- condamner la société TX WEA aux dépens et à payer à chacune d'elles la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 16 octobre 2007 par lesquelles l'intimée demande à la cour de débouter les sociétés SORECOP et COPIE France de leur appel, de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de condamner in solidum les sociétés SORECOP et COPIE France au paiement de la somme de 10 000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que la S.A.S. TX WESTERN EUROPE & AFRICA (ci-après TX WEA) a pour activité principale la commercialisation de supports d'enregistrements vierges, types CD et DVD, sur le territoire français ;

Qu'il n'est pas contesté qu'elle est, à ce titre, tenue, en application de l'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle, de verser la rémunération pour la copie privée instaurée en faveur des auteurs, artistes-interprètes et producteurs des oeuvres fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes par l'article L. 311-1 du même code, respectivement à la SOCIÉTÉ POUR LA RÉMUNÉRATION DE LA COPIE PRIVÉE SONORE dite SORECOP et à la SOCIÉTÉ POUR LA RÉMUNÉRATION DE LA COPIE PRIVÉE AUDIOVISUELLE dite COPIE France, sociétés civiles créées conformément à l'article L. 311-6 de ce code pour percevoir ladite rémunération pour le compte des ayants droit, au titre, pour la première, de la copie privée sonore et, pour la seconde, de la copie privée audiovisuelle ;

Que la société TX WEA s'est acquittée régulièrement de son obligation de déclaration mensuelle de sortie de stock mais, n'ayant pu obtenir à l'amiable les délais de paiement qu'elle sollicitait, a cessé d'effectuer les règlements correspondants à compter du mois d'avril 2007 ;

Qu'après mises en demeure des 19 juin et 7 août 2007 restées sans effet, les sociétés SORECOP et COPIE France ont, autorisées par ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de PARIS en date du 27 août 2007 , pratiqué, le 28 août, des saisies conservatoires sur le compte ouvert par la société TX WEA à la Société Générale pour les sommes respectives de 877 229,36 € et 474 896,34 € qu'elles ont dénoncées à la société TX WEA le 3 septembre avant de l'assigner, par acte d'huissier du 13 septembre 2007 , devant le juge des référés en paiement, par provision, des dites sommes correspondant aux états de sortie de stock des mois de janvier à mai 2007 ;

Que c'est dans ces conditions qu'a été rendue l'ordonnance entreprise ;

Considérant qu'au soutien de leur appel limité aux délais de paiement accordés à la société TX WEA, les sociétés SORECOP et COPIE France font valoir, pour l'essentiel, que la rémunération pour copie privée fait l'objet d'une réglementation spécifique qui prévoit un délai de paiement préfixe et exclut ainsi, sauf cas de force majeure, le recours à l'article 1244-1 du code civil pour obtenir d'autres délais et que cet article n'est pas applicable en raison du caractère alimentaire de la rémunération pour copie privée ; que les appelantes soutiennent, très subsidiairement, que la situation de la société TX WEA n'est pas de celles qui permettent l'octroi de délais de paiement ;

Considérant que les articles L. 311-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle sur lesquels est fondée la présente action, constituent le 'chapitre unique' du titre premier 'rémunération pour copie privée' du 'livre troisième dispositions générales relatives au droit d'auteur, aux droits voisins et droits des producteurs de bases de données' auquel renvoie expressément l'article L. 111-1 alinéa 2 lorsqu'il dispose que le droit de l'auteur d'une oeuvre de l'esprit 'comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres I et III du présent code' ;

Qu'ainsi, en vertu de l'article L. 122-1 de ce code, 'le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction' et il est prévu à l'article L. 311-1 alinéa 1er que 'les auteurs et les artistes-interprètes des oeuvres fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes, ainsi que les producteurs de ces phonogrammes ou vidéogrammes, ont droit à une rémunération au titre de la reproduction desdites oeuvres (...)' ;

Que cette rémunération, 'évaluée selon [un] mode forfaitaire' en application de l'article L. 311-3 du code de la propriété intellectuelle, est 'perçue pour le compte des ayants droit' et 'répartie' entre ceux-ci par les sociétés SORECOP et COPIE France conformément aux dispositions des articles L. 311-6 et L. 311-7 ;

Qu'il s'ensuit que, de la même manière que l'article L. 333-2 du code de la propriété intellectuelle reconnaît un 'caractère alimentaire' aux 'sommes dues, en raison de l'exploitation pécuniaire ou de la cession des droits de propriété littéraire ou artistique, à tous auteurs, compositeurs ou artistes', la 'rémunération pour copie privée', en ce qu'elle est destinée à compenser la perte résultant pour les titulaires du droit d'auteur de la pratique de la reproduction privée se substituant à la vente de supports enregistrés, a, à l'évidence, par nature, un caractère alimentaire, dont elle n'est pas privée par le fait que les frais de fonctionnement des sociétés civiles de perception et de répartition sont imputés sur les sommes perçues à ce titre et que 25 % de ces sommes sont, en application de l'article L. 321-9 de ce code, utilisés 'à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes' ;

Que c'est donc à tort que le premier juge a retenu que les sociétés SORECOP et COPIE France ne disposaient pas de créance de nature alimentaire ;

Et considérant qu'il résulte de l'alinéa 4 de l'article 1244-1 du code civil que 'les dispositions de [cet] article ne s'appliquent pas aux dettes d'aliments' ;

Considérant, dans ces conditions, que, sans qu'il soit nécessaire de répondre aux moyens surabondants, il y a lieu, en statuant dans les limites de l'appel, d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a accordé des délais de paiement à la société TX WEA ;

Considérant que l'équité conduit à allouer une indemnité de procédure à chacune des sociétés appelantes pour les frais qu'elles ont été contraintes d'exposer en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant dans les limites de l'appel,

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Rejette la demande de délais de paiement formée par la S.A.S. TX WESTERN EUROPE & AFRICA ;

Condamne la S.A.S. TX WESTERN EUROPE & AFRICA à payer à la SOCIÉTÉ POUR LA RÉMUNÉRATION DE LA COPIE PRIVÉE SONORE dite SORECOP et à la SOCIÉTÉ POUR LA RÉMUNÉRATION DE LA COPIE PRIVÉE AUDIOVISUELLE dite COPIE France, chacune, la somme de 750 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Condamne la S.A.S. TX WESTERN EUROPE & AFRICA aux dépens d'appel dont recouvrement dans les conditions prévues par l'article 699 du nouveau code de procédure civile.