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Décisions

Cass. com., 9 novembre 1987, n° 85-11.433

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Baudoin

Rapporteur :

M. Bézard

Avocat général :

M. Cochard

Avocats :

Me Choucroy, SCP Desaché et Gatineau

Paris, du 4 déc. 1984

4 décembre 1984

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 4 décembre 1984) que des commerçants ont constitué un groupement d'intérêt économique (le GIE) dont l'objet était l'implantation à Romans d'un centre commercial ; que pour financer ses équipements le GIE a conclu un contrat de crédit-bail avec la société Prétabail-Equipement ; qu'à la suite de l'échec commercial de l'entreprise, la société Prétabail a réclamé les sommes qui lui étaient dues en vertu des conventions de financement ; que la cour d'appel a mis hors de cause MM. Z..., Bernard en sa qualité de syndic de la société Vacher, la société Rideau Montmartre, la société Robert et la société Romanaise et Presse Net, et a condamné solidairement MM. X..., A..., C..., Y..., Robert, Mmes B..., Didier, Thuillier et les sociétés Junillon Loire, Rositi à payer à la société Prétabail Equipement une certaine somme ;

Attendu que la société Junillon fait grief à l'arrêt de l'avoir comprise au nombre des membres du GIE qui ont été condamnés, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'inopposabilité résultant du défaut de publicité d'une modification du contrat initial ne peut être invoquée par les tiers, qu'à l'égard de l'assujetti à l'immatriculation et aux publicités modificatives ; qu'en faisant jouer cette inopposabilité à l'égard d'un adhérent du GIE auquel ne pouvait être imputable le défaut de publicité, l'arrêt a violé l'article 43 du décret du 23 mars 1967 et l'article 6 de l'ordonnance du 23 septembre 1967, et alors, d'autre part, que l'inopposabilité des modifications apportées au registre du commerce et des sociétés ne peut être invoquée par les tiers lorsqu'il est établi que ceux-ci avaient, au moment où ils ont traité avec la société ou le GIE connaissance des faits ou actes non publiés ; qu'en se refusant à prendre en considération les preuves de cette connaissance, invoquées par la société Junillon, l'arrêt a encore violé l'article 43 du décret du 23 mars 1967 et l'article 7 de l'ordonnance du 23 septembre 1967 ;

Mais attendu que l'arrêt a relevé que l'extrait du registre du commerce produit aux débats ne comportait aucune modification de la liste des membres du GIE ; que la cour d'appel en a déduit à bon droit que, par application de l'article 6, dernier alinéa, de l'ordonnance du 23 septembre 1967, le retrait de la société Junillon n'ayant pas été publié, cette circonstance n'était pas opposable à la société Prétabail sans qu'il y ait lieu de rechercher si cette société avait pu avoir connaissance des changements intervenus avant la signature du contrat de crédit-bail ; d'où il résulte que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Junillon fait également grief à l'arrêt de l'avoir condamnée solidairement, alors, selon le pourvoi, que le désistement d'action vaut renonciation à l'action ; que les membres du GIE ne sont tenus des dettes du groupement qu'à titre subsidiaire ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué, qui s'abstient de vérifier la portée du désistement de la société Prétabail à l'égard du GIE, a violé l'article 4 de l'ordonnance du 23 septembre 1967 ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la société Prétabail a mis en demeure par sommation d'huissier de justice le GIE de régler les échéances impayées et que celui-ci n'ayant pas satisfait à sa demande, elle a assigné les membres du groupement ; que la cour d'appel a fait une exacte application de l'article 4 de l'ordonnance du 23 septembre 1967 qui exige seulement que les créanciers aient mis vainement en demeure le GIE par acte extra-judiciaire avant de poursuivre un de ses membres ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Junillon fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée solidairement alors, selon le pourvoi, que le créancier qui décharge certains de ses débiteurs solidaires de sa dette ne peut exercer son action solidaire contre les autres que sous déduction de la part des débiteurs qu'il a déchargés ; qu'ayant, dans ses conclusions devant la cour d'appel, invoqué cette règle en faisant valoir que la société Prétabail, qui s'était désistée de son action contre cinq membres du GIE, ne pouvait exercer celle-ci contre les autres adhérents que sous déduction de la part des premiers, la cour d'appel ne pouvait prononcer une condamnation solidaire à la totalité de la dette sans se prononcer sur ce moyen déterminant pour la solution du litige ; qu'elle a ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que dans ses conclusions la société Junillon s'est bornée à affirmer que la société Prétabail s'était désistée de son action contre certains membres du GIE ; que la cour d'appel n'était pas tenue de s'expliquer sur une simple allégation qui n'était accompagnée d'aucun élément de preuve ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Junillon fait au surplus grief à l'arrêt d'avoir mis hors de cause M. Z..., la société Romanaise Presse Net, la société Robert et la société Vacher, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la responsabilité solidaire des membres d'un GIE est fondée sur leur appartenance au groupement sans qu'ils puissent invoquer le défaut de publicité de leur nom au registre du commerce et des sociétés pour échapper à leur responsabilité ; qu'en dispensant de la dette certains adhérents au motif que leurs noms n'étaient pas publiés au registre du commerce, l'arrêt a violé l'article 4 de l'ordonnance du 23 septembre 1967 et l'article 43 du décret du 23 mars 1967, et alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de vérifier si les défendeurs qu'elle a mis hors de cause, n'avaient pas eu, aux yeux des tiers, un comportement de membre du GIE, justifiant leur mise en cause ; qu'elle a ainsi entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 4 de l'ordonnance du 23 septembre 1967 ;

Mais attendu que loin de violer le texte visé au moyen, la cour d'appel en a fait l'exacte application en décidant que les personnes qui ne figuraient pas sur la liste des membres du GIE publiée au registre du commerce devaient être mises hors de cause ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur les cinquième et sixième moyens réunis :

Attendu que la société Junillon fait enfin grief à l'arrêt de l'avoir condamnée solidairement alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'elle avait fait valoir dans ses conclusions devant la cour d'appel, que c'était de la faute de la société Prétabail si les tentatives faites pour transférer sur d'autres sociétés le bénéfice du contrat de crédit-bail n'avaient pu être exécutées ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel ne pouvait se retrancher derrière la non-survenance des conditions sans se prononcer sur le moyen déterminant pour la solution, alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait omettre d'examiner comme l'avait fait valoir la société Junillon que la non-réalisation de la convention de 1976 n'était pas imputable à la faute de la société Prétabail ; qu'elle a ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, que la cour d'appel ne pouvait réformer le jugement entrepris en ce qui concerne la date de résiliation du contrat, sans vérifier si, comme les premiers juges l'avaient constaté et comme la société Junillon l'avait fait valoir dans ses conclusions d'appel la société Prétabail n'avait pas repris la disposition du matériel loué dès le 28 juin 1976, ce qui manifestait son intention de mettre fin au contrat et ne lui permettait plus de demander paiement des loyers ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur la reprise du matériel, l'arrêt a violé encore l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que sous couvert de griefs non fondés de défaut de réponse à conclusions, le pourvoi tend à remettre en cause les appréciations des juges du fond qui ont relevé souverainement que les tentatives faites pour transférer sur d'autres sociétés le bénéfice du contrat de crédit-bail n'ont pas été suivies d'effet, et qui ont jugé que la date de résiliation devait être fixée, non au 28 juin 1976, mais au 18 mai 1977 ; que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.