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Décisions

CA Rouen, 2e ch., 17 septembre 2009, n° 08/03235

ROUEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Fortis Banque France (SA)

Défendeur :

Me Hess, Wag Concept (SARL), Banque Commerciale du Marche Nord Europe, Copie France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bartholin

Conseillers :

M. Lottin, Mme Vinot

Avoués :

SCP Colin-Voinchet Radiguet-Thomas Enault, Me Couppey, SCP Duval Bart, SCP Lejeune Marchand Gray Scolan, SCP Greff Peugniez

Avocats :

Me Cormorant, Me Arvieu, Me Halfon, Me Merlot, Me Bleuzat

T. com. d'Évreux, du 22 févr. 2007

22 février 2007

Exposé du litige

La Sarl Digital Valley a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Evreux rendu le 1er septembre 2005 qui a désigné M. Emmanuel Hess en qualité d'administrateur judiciaire et M. Marc Berel en qualité de représentant des créanciers.

La société Digital Valley avait consenti par acte du 7 juillet 2005 aux sociétés Fortis Banque et Banque Commerciale du Marché Nord Europe (BCMNE) un gage de marchandises pour garantir l'ensemble de ses engagements auprès de ces deux banques, gage portant sur 6 000 000 de DVD-R (enregistrables-vierges) fabriqués sur son site de Caen.

Les deux banques ont déclaré leurs créances respectives, soit 713 298,68 € pour la Fortis Banque et 400 000 € pour la BCMNE.

Par jugement en date du 1er décembre 2005, le tribunal de commerce d'Evreux a arrêté un plan de cession au profit de la Sas Digital Valley Industries en cours de constitution et a désigné M. Emmanuel Hess en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par ordonnance rendue le 12 décembre 2005, le juge-commissaire désigné pour la procédure collective de la société Digital Valley a autorisé M. Emmanuel Hess es-qualités de commissaire à l'exécution du plan à céder le stock d'environ 6 000 000 de DVD-R à la Sarl Wag Concept, exerçant son activité sous l'enseigne Work'n games, pour la somme globale de 609 840 € Tva incluse payable en deux fois, à charge pour la société Fortis banque, créancier gagiste, de reverser au Trésor Public la TVA perçue.

Le 22 décembre 2005, la marchandise a été remise et le prix convenu a été réglé entre les mains des créanciers gagistes qui ont reversé la TVA au Trésor public.

M. Emmanuel Hess es-qualités a effectué des démarches amiables auprès de la société Wag Concept aux fins qu'elle s'acquitte des droits dus au titre de la rémunération pour copie privée (ci-après dénommée rémunération CP) sur les DVD vendus, qui ont abouti à une vaine mise en demeure du 23 décembre 2005. Il a ensuite fait procéder à la saisie conservatoire des DVD litigieux pour conservation de la somme de 9 111 520 € TTC correspondant aux droits dus au titre de la rémunération CP. Cependant il a été donné mainlevée de cette saisie par ordonnance de référé en date du 23 mars 2006 et, avant même que la cour ait infirmé cette décision selon arrêt du 28 novembre 2006, la société Wag Concept a vendu à des tiers une partie des DVD-R litigieux.

Par actes en date des 24 et 27 mars 2006, M. Emmanuel Hess es-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Digital Valley a assigné la société Wag Concept ainsi que les sociétés Fortis Banque et Caisse Solidaire du Crédit Mutuel Nord Europe aux fins de voir condamner la société Wag Concept à lui payer la somme de 9 111 520 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2005 et capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil ainsi qu'une somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 22 février 2007, le tribunal de commerce d'Evreux a :

- reçu la Banque Commerciale du Marché Nord Europe en son intervention volontaire,

- mis hors de cause et sans dépens la Caisse Solidaire du Crédit Mutuel Nord Europe,

- déclaré nulle pour vileté de prix la vente intervenue le 22 décembre 2005 entre Maître Hess es-qualité de commissaire à l'exécution du plan de la Sarl Digital Valley et la société Wag Concept,

- condamné la société Wag Concept à restituer à Maître Hess es-qualité les 6 millions de DVD R objet de cette vente,

- condamné la société Fortis Banque et la Banque Commerciale du Marché Nord Europe à restituer à Maître Hess es-qualité de commissaire à l'exécution du plan la somme de 609 840,40 €,

- condamné la société Wag Concept , la Fortis Banque et la Banque Commerciale du Marché Nord Europe aux dépens.

Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal, après avoir constaté que la Caisse Solidaire du Crédit Mutuel Nord Europe avait été assignée par erreur en lieu et place de la Banque Commerciale du Marché Nord Europe, créancier gagiste, a constaté, pour rejeter la demande en paiement de M. Emmanuel Hess es-qualités, que la rémunération prévue par l'article L 311-3 du code de la propriété intellectuelle était à la charge du fabricant, en l'espèce Digital Valley, et jugé que cette charge ne pouvait être transférée à la société Wag Concept sans son accord.

Pour faire droit à la demande subsidiaire de M. Emmanuel Hess es-qualités, le tribunal a retenu que la société Wag Concept en qualité de professionnelle avait connaissance de l'existence de la rémunération pour CP et du non paiement de cette rémunération par Digital Valley et avait en connaissance de cause proposé un prix négatif compte tenu de la taxe de 9 113 520 € à la charge du vendeur fabricant.

La société Fortis Banque France, la société Wag Concept et la société BCMNE ont respectivement interjeté appel de cette décision les 6, 14 et 16 mars 2007.

Ces trois instances ont été jointes.

La 'société pour la rémunération de la copie privée audiovisuelle', dite Copie France, est intervenue volontairement en cause d'appel.

A l'audience, avant le déroulement des débats et à la demande des parties, par mention au dossier, l'ordonnance de clôture rendue le 15 mai 2009 a été révoquée et la procédure a été de nouveau clôturée.

Prétentions et moyens des parties

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 4 juin 2008 par la société Fortis Banque France (ci-après dénommée Fortis), le 23 juillet 2007 par la société Wag Concept, le 6 mai 2008 par la société Banque Commerciale du Marché Nord Europe (ci-après dénommée BCMNE), le 11 juin 2008 par M. Emmanuel Hess es-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Digital Valley et le 5 juin 2009 par la société pour la rémunération de la copie privée audiovisuelle (ci-après dénommée Copie France).

Leurs moyens seront examinés dans les motifs de l'arrêt.

La société Fortis demande à la cour de débouter M. Emmanuel Hess es-qualités de toutes ses demandes et de dire n'y avoir lieu à condamnation à son encontre à quelque titre que ce soit. Elle sollicite la condamnation de M. Emmanuel Hess es-qualités ou de tout succombant à lui verser une somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles.

La société Wag sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à titre principal à la cour de rejeter l'ensemble des demandes de M. Emmanuel Hess es-qualités.

A titre subsidiaire, elle demande la condamnation des sociétés Fortis et BCMNE et à tout le moins de M. Emmanuel Hess es-qualités à lui restituer la somme de 609 840,40 € correspondant au prix de vente TTC.

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de M. Emmanuel Hess es-qualités à lui payer une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Ncpc.

La société BCMNE demande à la cour de débouter M. Emmanuel Hess es-qualités de toutes ses demandes faites à son encontre et de juger qu'elle est étrangère à la demande de complément de prix formulée par ce dernier en la mettant hors de cause.

Elle s'en rapporte à justice sur la recevabilité de l'intervention de la société Copie France mais demande que cette dernière soit déboutée de sa demande de confirmation du jugement entrepris.

Elle conclut au débouté de la demande subsidiaire de la société Wag Concept visant à la voir condamner à restituer le prix entre ses mains et sollicite la condamnation de M. Emmanuel Hess es-qualités à lui payer une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une somme de 5 000 € en application de l'article 700 du Ncpc.

La société Copie France, dont les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture et de voir écarter certaines pièces adverses sont devenues sans objet par suite de la révocation de l'ordonnance de clôture selon accord des parties, demande à la cour de la déclarer recevable en son intervention volontaire.

Sur le fond, elle sollicite à titre principal la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et demande en outre à la cour de condamner M. Emmanuel Hess es-qualités à lui payer à titre provisionnel la somme de 191 258,13 € TTC correspondant à la rémunération CP due au titre des 157 800 DVD-R revendus par la société Wag Concept et que cette dernière ne sera pas en mesure de restituer.

A titre subsidiaire et au cas où le jugement serait infirmé, la société Copie France sollicite la condamnation de M. Emmanuel Hess es-qualités à lui payer à titre provisionnel la somme de 8 381 687,81 € TTC correspondant à la rémunération CP due au titre des 6 millions de DVD-R vendus à la société Wag Concept.

En tout état de cause, elle demande à la cour de condamner M. Emmanuel Hess es-qualités à lui payer une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Ncpc.

A titre principal et sur son appel incident, M. Emmanuel Hess es-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Digital Valley, qui soulève l'irrecevabilité de l'intervention principale de la société Copie France, conclut à défaut au débouté des demandes de cette dernière et demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande en complément de prix. Il sollicite la condamnation de la société Wag Concept à lui payer la somme de 9 113 520 € Tva incluse augmentée des intérêts au taux légal courus à compter du 23 décembre 2005 et capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.

A titre subsidiaire, il conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de déclarer nulle la vente pour vileté du prix, d'ordonner la restitution des 6 millions de DVD-R et de condamner la société Wag Concept à lui payer les sommes de 2,07 € par DVD-R vendu dans la limité de 500 000 pièces (0,80 €/DVD-R + 1,27 € de taxe) et de 1,29 € par DVD vendu au delà (0,02 €/DVD-R + 1,27 € de taxe) pour ceux qu'elle serait dans l'impossibilité de restituer. Il sollicite en outre que lui soit restituée la somme de 609 840,40 € par les sociétés Fortis et BCMNE.

En tout état de cause, il sollicite la condamnation de la société Wag Concept et des banques à lui payer une somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Ncpc.

Sur ce, la Cour,

Sur la recevabilité de l'intervention et des demandes de la société Copie France

M. Emmanuel Hess es-qualités , s'il admet l'intervention volontaire de la société Copie France à titre accessoire, soutient que cette dernière ne peut, sans violer la règle du double degré de juridiction, solliciter sa condamnation à régler par provision la rémunération CP alors qu'aucune demande de ce type n'avait été faite en première instance.

Toutefois il résulte de l'article 554 du code de procédure civile que 'peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité'.

En l'espèce, la société Copie France, qui n'était pas partie ni représentée devant le tribunal de commerce, a un intérêt à agir dès lors que le litige porte sur la question de la rémunération CP qu'elle est chargée de percevoir et notamment sur l'identité du débiteur de cette rémunération.

Sa demande de provision n'institue pas un litige nouveau mais procède directement de la demande originaire par laquelle M. Emmanuel Hess es-qualités sollicitait la condamnation de la société Wag Concept à s'acquitter de cette rémunération.

Enfin l'article 564 du code de procédure civile qui pose le principe du nécessaire double degré de juridiction ne s'applique pas à l'intervention volontaire d'une partie en cause d'appel.

Il s'ensuit que toutes les demandes de la société Copie France, dont le mérite sera examiné plus loin, sont recevables.

Sur la demande principale de M. Emmanuel Hess es-qualités

A l'appui de sa demande principale tenant à la condamnation de la société Wag Concept à lui payer la somme de 9 113 520 € Tva incluse outre les intérêts à titre de complément de prix , M. Emmanuel Hess es-qualités fait valoir qu'il avait été convenu lors de la vente des 6 000 000 de DVD-R que la société Wag Concept se substituerait à la société Digital Valley pour le paiement de la rémunération CP.

Il rappelle que selon l'usage les prix s'entendent hors taxes entre commerçants et en déduit que le prix fixé entre les parties ne comprend que les sommes qui sont laissées effectivement à la disposition du vendeur, c'est à dire libre de toutes taxes, qu'il s'agisse de TVA ou d'une autre taxe telle que la 'taxe pour copie privée'.

M. Emmanuel Hess es-qualités souligne que l'intention des parties quant à l'obligation par l'acheteur de payer la rémunération CP résulte du quantum du prix offert puisque le prix unitaire par DVD-R était de 0,08 € HT alors que la 'taxe pour copie privée' est de 1,27 € par unité.

Il soutient que la société Wag Concept, dans son courrier du 19 janvier 2006 adressé à la société Digital Valley, a expressément reconnu l'existence de son obligation personnelle au paiement en invoquant que la facture visait d'une part des DVD-R au prix unitaire de 1,28 €, soit supérieur au montant de la taxe, et d'autre part des DVD-R au prix de 0,004 € pour lesquels la taxe ne serait supportée par l'acheteur que s'ils étaient mis en circulation. Il ajoute que la société Wag Concept reconnaît dans ce courrier avoir eu des contacts avec l'organisme collecteur de la taxe le 21 décembre 2005, soit la veille de la vente.

Enfin M. Emmanuel Hess es-qualités constate que, compte tenu des prix convenus, la vente n'aurait eu aucun intérêt pour la société Digital Valley si la société Wag Concept n'avait pas accepté de prendre en charge le paiement de la rémunération CP et que la facture faisant apparaître à la demande de l'acheteur une prix de 1,28 € pour certains DVD-R et un prix de 0,004 € pour les autres n'avait pour objet que de permettre précisément à la société Wag Concept de scinder le paiement des droits.

Toutefois, il résulte des articles L 311-1 et L311-4 du code de la propriété intellectuelle qu'une rémunération CP est due, selon un mode forfaitaire déterminé par une commission prévue à l'article L 311-5, sur tout support d'enregistrement utilisable pour la reproduction à usage privée d'oeuvres, aux auteurs, interprètes et éditeurs représentés par des organismes habilités, lors de la mise en circulation en France de ces supports, qui est versée par le fabricant, l'importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intra-communautaires.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Digital Valley en sa qualité de fabricant des DVD-R litigieux, était tenue au paiement de cette rémunération.

M. Emmanuel Hess es-qualités ne rapporte nullement la preuve de ce qu'il aurait été convenu que la société Wag Concept se substitue à la société Digital Valley pour le paiement de la rémunération CP au titre des DVD-R cédés.

Ni l'offre de la société Wag Concept, ni l'ordonnance du juge-commissaire ne mettaient cette rémunération CP à la charge de l'acquéreur.

Si le prix de la vente s'entend hors taxes à défaut d'autre précision, il ne peut y avoir assimilation entre la TVA ou toute autre taxe et la rémunération CP, qui n'est pas un impôt puisqu'elle est collectée par des organismes privés, dont la société Copie France, pour être redistribuée à des personnes privées et n'a donc aucun caractère fiscal.

Il ne peut être déduit de la seule modicité du prix et plus précisément de ce qu'il était inférieur globalement au montant de la rémunération CP sur les 6 millions de DVD-R que la société Wag Concept avait accepté de prendre cette dernière à sa charge.

De même il ne peut sérieusement être prétendu que par son courrier du 19 janvier 2006 dont l'objet était justement de contester son obligation à payer la rémunération CP, la société Wag Concept aurait reconnu l'existence de son obligation au paiement de cette rémunération.

Surabondamment la vente ne s'est pas réalisée le 21 décembre 2005, jour de la livraison, mais par l'accord sur la vente et le prix, lequel s'est concrétisé par la signature de l'ordonnance du juge-commissaire en date du 12 décembre 2005, de telle sorte que les échanges postérieurs de la société Wag Concept n'établissent nullement qu'elle avait accepté de prendre en charge la rémunération CP.

L'analyse économique de la transaction et du prix de vente par rapport au coût de la rémunération CP, si elle révèle une anomalie quant à l'absence de prise en compte de l'incidence de la rémunération CP pour la fixation du prix et quant à l'intérêt économique de l'opération pour la société Digital Valley, n'établit pas pour autant que la société Wag Concept ait accepté de payer la rémunération aux lieu et place de la venderesse.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. Emmanuel Hess es-qualités de sa demande de paiement par la société Wag Concept de la rémunération CP au titre d'un complément de prix.

Sur la demande de nullité de la vente pour vil prix

Pour conclure à l'infirmation du jugement en ce qu'il a annulé la vente pour vil prix, les sociétés Fortis, BCMNE et Wag Concept font valoir qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte la rémunération CP pour déterminer le caractère réel et sérieux du prix dès lors que cette rémunération ne constitue pas une taxe mais un régime particulier de compensation financière et indemnitaire et donc un accessoire à la vente.

Selon elles, ni l'erreur sur la valeur des biens cédés commise par M. Emmanuel Hess es-qualités ni l'erreur de droit par ignorance d'une disposition impérative de la loi ne peuvent être cause de nullité, dès lors qu'il n'y a pas eu méprise sur les qualités substantielles de la chose vendue.

L'accord sur la chose et le prix feraient en conséquence obstacle à la demande de nullité.

Pour expliquer la modicité du prix, elles font valoir que la plus grande partie des DVD-R cédés (+ de 90 % selon la société BCMNE, 70 à 80 % selon la société Wag Concept) provenaient d'une test de lancement de fabrication , ne bénéficiaient pas d'une qualité garantie et n'étaient donc pas commercialisables en l'état, de telle sorte que certains pourraient être détruits et donner lieu à exonération, outre le fait que d'autres pourraient être exportés et également exonérés.

Elle invoquent en outre l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente, contre laquelle aucun recours n'a été interjeté.

Toutefois les parties au contrat de vente doivent déterminer et désigner un prix réel et sérieux.

Si en l'espèce, un prix a été clairement déterminé, il résulte des circonstances et en particulier de l'existence de l'obligation légale par le fabricant de DVD-R de payer une rémunération CP, que ce prix n'est ni réel ni sérieux.

Ni la présence parmi les DVD-R cédés de marchandises défectueuses ni a fortiori la quantité concernée par cette moindre qualité ne sont établies, étant observé que ces circonstances ne sont évoquées que dans l'offre d'achat de la société Wag Concept, qui déclare ne pas avoir pu examiner les marchandises et par la facture, postérieure à la conclusion de la vente.

En toute hypothèse les seuls cas dans lesquels la rémunération CP, si elle reste due, peut donner lieu à restitution sont énumérés par l'article L 311-8 du code de la propriété intellectuelle et ne concernent ni la défectuosité des supports ni leur exportation.

Il s'ensuit que la rémunération CP est due pour l'ensemble des 6 000 000 de DVD cédés.

La cour constate que même si seulement 20 % maximum des DVD-R avaient été soumis à la rémunération CP comme le prétend la société Wag Concept, le montant de cette rémunération aurait été environ trois fois supérieur au prix de vente de l'ensemble des DVD-R.

En l'espèce, dès lors que la société Digital Valley était redevable du fait de la commercialisation des 6 millions de DVD-R litigieux, d'une somme supérieure à 8 000 000 € HT alors que ces marchandises avaient été cédées à la société Wag Concept pour un prix de 509 900 € HT et 609 840 € TTC, il apparaît que cette opération, loin de permettre la réalisation d'un quelconque bénéfice, a généré une perte programmée de plus de 7 000 000 €.

La cour ne peut que constater qu'il s'agit manifestement d'un vil prix, sans qu'il importe de savoir si les parties avaient ou non connaissance de l'existence de la rémunération CP.

Le caractère concurrentiel du marché des DVD-R en raison de leur déclin et de la possibilité d'en acquérir sur internet sans paiement de la taxe sont sans incidence sur le caractère sérieux et réel du prix.

Les difficultés d'exécution d'une éventuelle décision de nullité invoquées par la société Wag Concept ne sont pas non plus de nature à faire obstacle à la constatation du caractère vil du prix, sans qu'il importe de déterminer si cette société était fondée ou non à céder une partie des DVD acquis de la société Digital Valley.

L'autorité de chose jugée de l'ordonnance du 12 décembre 2005 ne fait pas obstacle à la constatation du vil prix dès lors que l'existence de ce vil prix résulte d'éléments nouveaux qui n'avaient pas été portés à la connaissance du juge-commissaire et n'avaient pu faire l'objet d'une discussion entre les parties, en l'espèce l'obligation légale pour la société Digital Valley de payer la rémunération CP.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré nulle pour vileté du prix la vente des DVD-R à la société Wag Concept.

Il y a lieu en conséquence de remettre les parties dans l'état où elles ses trouvaient avant la conclusion du contrat, sous réserve en l'espèce des adaptations rendues nécessaires par la vente d'une partie des DVD-R cédés à des tiers.

Les créanciers gagistes ne sont plus fondés à conserver le prix dès lors que la vente est nulle et que celui-ci doit être restitué à l'acheteur.

La société Wag Concept sera condamnée à restituer les DVD-R non vendus à des tiers à M. Emmanuel Hess es-qualités, étant observé que l'annulation de la vente redonne son efficacité au contrat de gage dont bénéficient les sociétés Fortis et BCMNE.

Elle ne sera dispensée de cette obligation de restitution que pour les DVD-R qu'elle justifiera avoir vendus par production des factures, sans pouvoir prétendre ignorer le nombre de DVD-R ainsi vendus à des tiers.

En raison de l'existence de ce droit de gage, M. Emmanuel Hess es-qualités sera débouté de sa demande subsidiaire de paiement de diverses sommes au titre des DVD-R non restitués car vendus à des tiers.

Il sera également débouté de sa demande de restitution du prix par les créanciers gagistes, cette restitution bénéficiant l'acheteur et non au vendeur à la suite de la nullité de la vente.

S'agissant des DVD-R vendus à des tiers, la société Wag Concept sera condamnée à restituer la moitié du prix perçu à chacune des sociétés Fortis et BCMNE, en application du contrat de gage, après avoir déduit les frais dûment justifiés par factures qu'elle a engagés exclusivement en vue de ces ventes, notamment les frais de conditionnement.

Les sociétés Fortis et Wag Concept, qui retrouvent leur droit de gage sur les DVD-R restitués et exercent leur droit de rétention sur le prix des DVD-R vendus à des tiers, seront condamnées chacune, suite à l'annulation de la vente, à restituer à la société Wag Concept la somme de 254 950 € correspondant à la partie du prix de vente hors taxes qu'elles avaient perçu en leur qualité de créanciers gagistes de la société Digital Valley, étant précisé que la somme correspondant à la TVA sur la vente annulée ne pourra être réclamée par la société Wag Concept, suite à l'annulation de la vente, qu'au Trésor public.

Sur les demandes de la société Copie France

Pour s'opposer à la demande de provision, M. Emmanuel Hess es-qualités soutient encore que la société Wag Concept s'était engagée conventionnellement à verser la rémunération CP.

Toutefois, il a été démontré plus haut que cette preuve n'était pas rapportée et il n'est pas sérieusement contestable que M. Emmanuel Hess es-qualités soit redevable de cette rémunération sur les DVD-R définitivement mis en circulation.

La société Copie France justifie de la vente d'un certain nombre de DVD-R à des tiers par la production de factures émanant de la société Wag Concept à destination des sociétés Royal DVD et Planete Computers.

Compte tenu du nombre de DVD-R dont la commercialisation est d'ores et déjà établie et des taux successifs de la rémunération pour les différentes périodes dont il est justifié par la production des décisions de la commission prévue par l'article L 311-5 du code de la propriété intellectuelle, la demande de provision à hauteur de la somme de 191 258,13 € est fondée et il y sera fait droit.

Sur les autres demandes

Dès lors qu'il est fait droit à la demande subsidiaire de M. Emmanuel Hess es-qualités en nullité de la vente, la société BCMNE sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts faite à son encontre pour procédure abusive.

Compte tenu de ce que la survenance du litige est la conséquence des comportements de M. Emmanuel Hess es-qualités et de la société Wag Concept qui ont, consciemment ou non, ignoré l'existence de la rémunération CP, chaque partie supportera les dépens qu'elle a exposés.

Toutes les parties seront déboutées de leurs demandes faites sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Constate que les demandes de la société Copie France relatives tant à la révocation de l'ordonnance de clôture qu'au rejet de certaines pièces adverses sont devenues sans objet,

Déclare recevables les demandes de la société Copie France,

Confirme le jugement entrepris en celles de ses dispositions qui ont reçu la Banque Commerciale du Marché Nord Europe en son intervention volontaire, mis hors de cause la Caisse Solidaire de Crédit Mutuel Nord Europe et déclaré nulle pour vileté du prix la vente autorisée par ordonnance du juge-commissaire rendue le 12 décembre 2005 et intervenue entre M. Emmanuel Hess es-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Digital Valley et la société Wag Concept,

L'infirmant sur le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la société Wag Concept à restituer à M. Emmanuel Hess es-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Digital Valley les DVD-R objet de la vente annulée, à l'exception de ceux qu'elle justifiera, par production des factures, avoir vendu à des tiers avant le prononcé du présent arrêt, sur lesquels les sociétés Fortis Banque et Banque Commerciale du Marché Nord Europe bénéficient toujours d'un droit de gage,

Condamne la société Wag Concept à restituer à chacune des sociétés Fortis et BCMNE, en application du contrat de gage, la moitié du prix perçu lors de la cession à des tiers des DVD-R acquis auprès de la société Digital Valley lors de la convention annulée, ce après en avoir déduit aux dépens de chacune des banques la moitié des frais dûment justifiés par factures qu'elle a engagés exclusivement en vue de ces ventes, notamment les frais de conditionnement,

Condamne les sociétés Fortis Banque et Banque Commerciale du Marché Nord Europe à restituer chacune à la société Wag Concept une somme de 254 950 €,

Déboute M. Emmanuel Hess es-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Digital Valley de sa demande principale en paiement d'une somme de 9 113 520 € TTC à l'encontre de la société Wag Concept, de sa demande subsidiaire en paiement à l'encontre de la société Wag Concept au titre des DVD-R vendus par cette dernière et de sa demande de restitution à son profit de la somme de 609 840,40 € à l'encontre des sociétés Fortis Banque et Banque Commerciale du Marché Nord Europe,

Condamne M. Emmanuel Hess es-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Digital Valley à payer à la société Copie France à titre de provision une somme de 191 258,13 €,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie supportera les entiers dépens qu'elle a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.