CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 24 janvier 2019, n° 18/12249
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Residence Baie des Anges (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
M. Fohlen, M. Prieur
EXPOSE DE L'AFFAIRE
Monsieur Julien B., Monsieur Vincent B. et Monsieur Francis B., sont actionnaires de la SAS RESIDENCE BAIE DES ANGES, dont ils détiennent à eux trois 12,6 % du capital social réparti ainsi : Monsieur Francis B. 168 actions, Monsieur Vincent B. 220 actions et Monsieur Julien B. 220 actions.
La société RESIDENCE BAIE DES ANGES exploitait depuis sa création un EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) de 48 lits.
En septembre2014, le fonds de commerce de cet EHPAD a été cédé à une société LA VILLA DE FALICON pour le prix de 2.160.000 euros.
Depuis cette date, la société RESIDENCE BAIE DES ANGES n'exploite plus d’EHPAD.
Les consorts B. indiquent avoir constaté que la SAS RESIDENCE BAIE DES ANGES détenait diverses participations dans plusieurs sociétés, a savoir la SCI ZENCOL, la SARL BIEN ETRE IMMOBILIER, la SARL EVE ANNA INVEST et la SARL 5 CASSINI.
Ils précisent qu'à travers des informations comptables, ils ont constaté :
que la société RESIDENCE BAIE DES ANGES détenait 10 % du capital d'une société BIEN ETRE IMMOBILIER ayant pour objet social l'activité de marchand de biens immobiliers, et avait consenti une avance au 31 décembre 2014 s'élevant à 1.270.157,41 €,
que le reste du capital de cette société BIEN ETRE IMMOBILIER était détenu par Monsieur Loïc T., fils de Monsieur Jean-Pierre-T., associé de la société FINANCIERE T. (associé majoritaire de la SAS RESIDENCE BAIE DES ANGES)
que la société RESIDENCE BAIE DES ANGES détenait 30 % d'une société EVE ANNA INVEST ayant pour objet social la location de terrains et d'autres biens immobiliers et avait consenti une avance au 31 décembre 2014 de 389.822,04 €,
que le reste du capital, soit 70 % était détenu par des membres de la famille T., associés de la société FINANCIERE T.,
que la société RESIDENCE BAIE DES ANGES détenait 33,33 % d'une société SARL 5 CASSINI ayant pour objet social l'activité de marchand de biens immobiliers et avait consenti une avance au 31 décembre 2014 de 112.242,08 €, le reste du capital de celle société étant détenu par d'autres personnes morales, elles-mêmes majoritairement ou essentiellement composées de la famille T., associés de la société FINANCIERE T.,
que la société LINOI INVEST ayant pour objet social l'activité de marchand de biens immobiliers, bénéficiait des largesses de la société RESIDENCE BAIE DES ANGES en ayant reçu 166.609,67 €, alors même que cette société était détenue en totalité par Monsieur Loïc T., fils de Monsieur Jean-Pierre T..
Les consorts B., associés minoritaires, estimant ne pas recevoir l'information nécessaire pour évaluer ces opérations et pour apprécier leur conformité à l'intérêt social de la SAS RESIDENCE BAIE DES ANGES, ils ont saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Nice pour obtenir la désignation d'un expert.
Par ordonnance du 10 juillet 2018 le juge des référés du tribunal précité a rejeté la demande présentée par les consorts B. qui ont relevé appel de cette décision et exposent :
- qu'en leur qualité d'actionnaires minoritaires, ils sont en droit de s'interroger sur les conséquences juridiques et fiscales de l'opération effectuée,
- que Monsieur T. entretient une confusion entre le respect de l'objet social de la société et la conformité d'opérations à intérêt social,
- qu'en application de l'article L. 225-231 du Code de commerce, ils sont recevables à agir,
- qu'aucune information ne leur a été délivrée quant a l'activité de toutes les filiales,
- que la date des assemblées générales pour chaque exercice clôturé est systématiquement reportée sans qu'aucune explication ne leur soit donnée,
- que du fait de ces reports successifs, ils ne peuvent prendre connaissance des opérations financières qu'un an voire deux ans après le clôture de l'exercice,
- que la RESIDENCE BAIE DES ANGES a pris des participations très minoritaires dans des sociétés qui n'ont strictement rien a voir avec son objet social,
- que se pose la question de la conformité de ces opérations à l'intérêt social,
- qu'aucune information n'a été délivrée quant à l'activité de ses filiales,
- que le point commun de ces sociétés »dites « filiales réside dans le fait que la famille T. y est associée ou actionnaire directement ou indirectement, majoritairement ou en totalité,
- que leurs demandes portent sur des opérations de gestion déterminées et clairement identifiées.
Ils concluent à la réformation de la décision attaquée et sollicitent la désignation d'un expert avec mission :
- d'analyser les opérations suivantes et de vérifier leur conformité à l'intérêt social de la SAS RESIDENCE BAIE DES ANGES tant d'un point de vue, financier, juridique que fiscal:
- prise de participation par la société RESIDENCE BAIE DES ANGES dans une société BIEN ETRE IMMOBILIER, SARL au capital de 7.622,45 euros, dont le siège social est a [...], immatriculée au RCS de Nice sous le n° 318843 952, a hauteur de 10%, et avance en compte courant d'associé au 31 décembre 2014 de 1.270.157,41 euros.
- Prise de participation par la société RESIDENCE BAIE DES ANGES dans une société EVE ANNA INVEST, SARL au capital de 7.000 euros, dont le siège social est a [...], immatriculée au RCS de Nice sous le n° 512 569 468, a hauteur de 30 % et avance en compte courant d'associé au 31 décembre 2014 de 389.822,04 euros.
- Prise de participation par la société SAS RESIDENCE BAIE DES ANGES dans une société SARL 5 CASSINI, SARL au capital de 3.000 euros, dont le siège social est a [...], immatriculée au RCS de Nice sous le n° 752 837 732, a hauteur de 33,33 % et avance en compte courant d'associé au 31 décembre 2014 de 112.242,08 euros.
- Avance en trésorerie effectuée au profit d'une société LINOI INVEST, SARL au capital de 1.000 euros, dont le siège social est a [...], immatriculée au RCS de Nice sous le N° 799 513 783, pour 166.609,67 euros au 31 décembre 2014, sans que la société RESIDENCE BAIE DES ANGES ne soit apparemment actionnaire ou associé.
- De décrire et d'analyser les opérations d'avances effectuées par la société RESIDENCE BAIE DES ANGES au profil des quatre sociétés susvisées, d'actualiser le montant de ces avances et de vérifier également la conformité a l'intérêt social de ces avances,
- De vérifier les modalités de garantie et de recouvrement des créances détenues par la société RESIDENCE BAIE DES ANGES a l'égard de ces quatre sociétés.
La société RESIDENCE BAIE DES ANGES rétorque :
- que les représentants de la société RESIDENCE BAIE DES ANGES n'agissent que dans l'intérêt social de celle-ci et la gèrent en «bon père de famille '', en respectant les obligations qui sont les leurs,
- que les rapports spéciaux établis par le Commissaire aux Comptes de la société RESIDENCE BAIE DES ANGES ont toujours fait état de l'ensemble des prises de participations et des conventions de trésorerie ; rapports spéciaux dont lecture était donnée lors des assemblées générales ordinaires annuelles et qui ont été approuvés, les consorts B. étant présents lors de ces assemblées,
- qu'il est démontré que les décisions prises par le représentant légal de la SAS RESIDENCE BAIE DES ANGES, et validées par l'assemblée générale, sont conformes à l'intérêt social, tant elles ont toujours été utiles et profitables pour la société,
- que la demande d'expertise présentée par les Consorts B. ne semble en toutes hypothèses pas cohérente et ce dans la mesure où l'expert ne saurait être juge de l'utilité et/ou de l'opportunité ou non des décisions prises par le Président de la SAS RESIDENCE BAIE DES ANGES au regard de l'intérêt social.
Elle conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise.
La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties à leurs écritures précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Selon l'article L225-231 du code de commerce :
« un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, peuvent poser par écrit au président du conseil d'administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, ainsi que, le cas échéant, des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3. Dans ce dernier cas, la demande doit être appréciée au regard de l'intérêt du groupe. La réponse doit être communiquée aux commissaires aux comptes.
A défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, ces actionnaires peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ».
Il appartient aux consorts B., qui ont posé par écrit des questions au président du conseil d'administration de prouver que les informations données n'étaient pas satisfaisantes.
L'échange de correspondances entre les parties fait ressortir que les demandes d'explication présentées par les consorts B. ont donné lieu à des réponses circonstanciées.
Ceux-ci visent quatre opérations déterminées à savoir : une prise de participation par la société RESIDENCE BAIE DES ANGES dans une société BIEN ETRE IMMOBILIER, dans la société EVE ANNA INVEST, dans une société SARL 5 CASSINI, et dans une société LINOI INVEST.
Ils indiquent « s'interroger sur la conformité à l'intérêt social du processus de « filialisation '' décidé par la majorité des actionnaires alors que visiblement ces sociétés-filiales étaient détenues directement ou indirectement, pour ce qui est du reste du capital, par Monsieur T. ou sa famille ».
L'expertise ne peut être ordonnée que si des présomptions d'irrégularité concernant une ou plusieurs opérations de gestion sont établies.
L'opération de gestion ne peut concerner que les actes accomplis par les dirigeants et non pas les actes et décisions prises en assemblées générales laquelle n'est pas un organe de gestion.
Il convient de constater que les opérations litigieuses n'ont pas été effectuées par les dirigeants eux mêmes, mais par la société après approbation des associés dans le cadre d'assemblées générales suite aux rapports spéciaux 2012, 2013, 2014 effectués par le commissaire aux comptes de la société RESIDENCE BAIE DES ANGES et dont les consorts B. ont eu connaissance étant relevé qu'ils ont été régulièrement convoqués aux assemblées générales.
Les appelants étaient présents à l'assemblée générales qui s'est tenue le 15 novembre 2018 statuant sur l'exercice 2017, et ont eu connaissance, notamment du rapport spécial du commissaire aux comptes sur les comptes annuels et sur les conventions réglementées au titre dudit exercice.
Les consorts B. ne peuvent donc soutenir une rétention d'informations de la part de la société RESIDENCE BAIE DES ANGES qui a régulièrement tenu des assemblées générales et communiquée les documents sociaux exigées par le code de commerce.
En conséquence, la décision déférée, à la motivation de laquelle il convient de se référer pour le surplus est confirmée.
Il convient de condamner Monsieur Julien B., Monsieur Vincent B. et Monsieur Francis B. à payer à la société RESIDENCE BAIE DES ANGES une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance attaquée,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur Julien B., Monsieur Vincent B. et Monsieur Francis B. à payer à la société RESIDENCE BAIE DES ANGES une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples,
Condamne Monsieur Julien B., Monsieur Vincent B. et Monsieur Francis B. aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.