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Décisions

CE, 7 et 10e sous-sect. réunies, 19 mars 1997, n° 81627

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Groux

Rapporteur :

M. de Lesquen

Commissaire du gouvernement :

M. Chantepy

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Me Thomas-Raquin, Me Choucroy

CE n° 81627

19 mars 1997

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août 1986 et 29 décembre 1986 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques, dont le siège est ..., le Syndicat des entreprises de commerce international de matériel audio, vidéo et informatique grand public, dont le siège est ... et le Groupement professionnel des supports magnétiques vierges audio et vidéo, dont le siège est ... ; ils demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 30 juin 1986 de la commission prévue par l'article 34 de la loi du 3 juillet 1985, relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et vidéogrammes et les entreprises de communication audiovisuelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 ;

Vu le décret n° 86-28 du 3 janvier 1986 ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. de Lesquen, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, avocat du Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques, du Syndicat des entreprises de commerce international de matériel audio vidéo et informatique grand public et du Groupement professionnel des supports magnétiques vierges audio et vidéo, de Me Thomas-Raquin, avocat du ministre de la culture et de Me Choucroy, avocat de la Société Victor Import, de la Société Somabel et de la Société Europe Import,

- les conclusions de M. Chantepy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des articles 31, 32, 33 et 35 de la loi n° 85-860 du 3 juillet 1985, ultérieurement repris aux articles L. 311-1, L. 311-3, L. 311-4 et L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle, les auteurs, artistes-interprètes et producteurs des oeuvres fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes ont droit, au titre de la reproduction à usage privé de ces oeuvres, à une rémunération dont le montant, fixé forfaitement en fonction du type de support utilisé et de la durée d'enregistrement qu'il permet, est versé par le fabricant ou l'importateur de ces supports, lors de leur mise en circulation en France, aux sociétés de perception et de répartition de droits agissant pour le compte des ayants droit ; que l'article 37 de la loi du 3 juillet 1985, ultérieurement repris à l'article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle, dispose toutefois que "la rémunération pour copie privée donne lieu à remboursement lorsque le support d'enregistrement est acquis pour leur propre usage par : 1° les entreprises de communication audiovisuelle ; 2° Les producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes et les personnes qui, assurent, pour le compte des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes, la reproduction de ceux-ci ; 3° Les personnes morales ou organismes, dont la liste est arrêtée par le ministre chargé de la culture, qui utilisent les supports d'enregistrement à des fins d'aide aux handicapés visuels ou auditifs" ; que l'article 34 de la loi du 3 juillet 1985, ultérieurement repris à l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle, a confié le soin de déterminer les types de support, les taux et les modalités de versement de la rémunération pour copie privée à une commission présidée par un représentant de l'Etat et composée, en outre, de personnes désignées par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération, les fabricants et importateurs de supports d'enregistrement et les consommateurs ; que les conditions de nomination des membres et les modalités de fonctionnement de cette commission ont été précisées par le décret n° 86-28 du 3 janvier 1986 ;

Considérant que la requête du Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques, du Syndicat des entreprises de commerce international de matériel audio vidéo et informatique grand public, du Groupement professionnel des supports magnétiquesvierges audio et vidéo, et de la société Victor Import est dirigée contre la décision du 30 juin 1986, publiée au Journal officiel le 23 août suivant, de la commission instituée par l'article 34 de la loi du 3 juillet 1985 ;

Sur les désistements du Syndicat des entreprises de commerce international de matériel audio, vidéo et informatique grand public, du Groupement professionnel des supports magnétiques vierges audio et video et de la société Victor Import :

Considérant que ces désistements sont purs et simples ; que rien ne s'oppose à ce qu'il leur en soit donné acte ;

Sur les interventions du Syndicat national des auteurs et des compositeurs et de la société Somabel :

Considérant que le Syndicat national des auteurs et compositeurs a un intérêt au maintien de la décision attaquée ; que son intervention en défense est, par suite, recevable ;

Considérant que, malgré l'invitation qui lui a été adressée, la société Somabel n'a produit, ni ses statuts, ni la décision habilitant ses représentants légaux à agir dans la présente instance ; que, dès lors, son intervention au soutien de la requête est irrecevable ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, qu'il n'est, ni établi, ni même allégué que la décision contestée aurait été prise par la commission en méconnaissance des règles prévues, notamment, par les articles 4 et 5 du décret du 3 janvier 1986, précité, qui ont trait à la convocation et la fixation de l'ordre du jour de ses réunions, ainsi qu'à l'exigence d'un quorum ; que le fait que cette décision ait été adoptée avant que la commission n'ait arrêté son règlement intérieur, ainsi qu'il lui appartient de le faire selon l'article 9 du même décret, n'est pas de nature à affecter sa légalité ; que, si le Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques invoque d'autres vices de forme, il n'apporte à l'appui de ses prétentions sur ce point aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si le même syndicat soutient que la rémunération pour copie privée constituerait une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation prohibée par l'article 30 du traité instituant la Communauté européenne, il ne fait état d'aucun élément de nature à démontrer qu'elle pourrait constituer, même potentiellement? une entrave au commerce intracommunautaire ; qu'il ne justifie pas davantage en quoi cette rémunération devrait être regardée comme une aide d'Etat interdite par les articles 92 et suivants du même traité ; que la commission instituée par l'article 34 de la loi du 3 juillet 1985, dont la composition et les attributions ont été indiquées plus haut, n'a pas le caractère d'une "association d'entreprises" dont les décisions auraient pour objet ou pour effet de fausser la concurrence sur le marché des supports d'enregistrement ; que le syndicat n'est, par suite, pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision attaquée, de ce qu'elle aurait été prise sur le fondement d'une disposition législative incompatible avec les stipulations de l'article 85 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, en troisième lieu, que l'article 3 de la décision du 30 juin 1986 dispose que la rémunération pour copie privée s'applique à tous les supports vierges utilisables pour la reproduction à usage privé des oeuvres fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes, à l'exception, en matière sonore, des "cassettes dites C.10 et C.15 utilisées en informatique", des "microcassettes exclusivement destinées aux machines à dicter", des "bandes d'une largeur de 6,25 millimètres, sur bobines" et des "cassettes à boucle sans fin destinées aux répondeurs téléphoniques", et, en matière audiovisuelle, des "supports dont les bandes sont d'une largeur supérieure à 12,7 millimètres" ; que ces exceptions ne visent que des supports non utilisés pour la reproduction à usage privé ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'article 3 de la décision aurait défini des exceptions non prévues par la loi doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'article 5 de la décision prévoit que "dans le cadre des dispositions de l'article 37 de la loi du 3 juillet 1985, ... il ne sera pas procédé au paiement des rémunérations dues "pour les supports livrés à des entreprises de communication audiovisuelle, à des producteurs de phonogrammes ou vidéogrammes ou à des personnes qui assurent, pour le compte de producteurs de phonogrammes ou vidéogrammes, la reproduction de ceux-ci", à la condition que ces entreprises, producteurs et "duplicateurs" aient conclu, à cet effet, des conventions avec les sociétés de perception et de répartition de droits ; que ces conventions ne pouvant avoir légalement d'autre objet que d'informer les sociétés de perception et de répartition de droits du montant des rémunérations prévus par les 1° et 2° de l'article 37 de la loi du 3 juillet 1985 qui ne leur sera pas versé, la commission, en se bornant à substituer, pour ces rémunérations, un système de non-paiement à un mécanisme de remboursement après paiement, ne peut être regardée comme ayant, par l'article 5 de sa décision, excédé les limites du pouvoir de déterminer les modalités de versement de la rémunération pour copie privée qui lui ont été attribués par l'article 34 de la loi du 3 juillet 1985, ni comme ayant introduit dans ces modalités des distorsions ou discriminations contraires à cette loi ;

Considérant, en cinquième lieu, que l'article 5 de la décision de la commission prévoit aussi que la rémunération pour copie privée ne sera pas perçue lorsque les supports sont livrés à des "personnes morales ou organismes figurant sur la liste arrêtée par le ministre de la culture dans le cadre de l'article 37,3° de la loi du 3 juillet 1985" ; que, ce faisant, la commission n'a pas davantage excédé ses pouvoirs ;

Considérant, en sixième lieu, que le fait allégué par le Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques que la commission n'aurait pas, par sa décision du 30 juin 1986, déterminé l'ensemble des modalités d'application des dispositions du titre III de la loi du 3 juillet 1985, relatives à la rémunération pour copie privée, est, à le supposer établi, sans influence sur la légalité de cette décision ;

Considérant, enfin, que les mesures prises par la commission dans sa décision du 30 juin 1986 n'introduisent de discrimination illégale, ni entre les fabricants ou importateurs de supports d'enregistrement, ni entre les sociétés de perception et de répartition de droits, ni entre les bénéficiaires de la rémunération pour copie privée ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision portrait atteinte au principe d'égalité doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Article 1er : Il est donné acte des désistements du Syndicat des entreprises de commerce international de matériel audio, vidéo et informatique grand public, du Groupement professionnel des supports magnétiques vierges audio et vidéo et de la société Victor Import.
Article 2 : L'intervention du Syndicat national des auteurs et des compositeurs est admise.
Article 3 : L'intervention de la société Somabel n'est pas admise.
Article 4 : La requête est rejetée, en tant qu'elle émane du Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au Syndicat des INDUSTRIES de matériels audiovisuels électroniques, au Syndicat des ENTREPRISES de commerce international de matériel audio, vidéo et INFORMATIQUE grand public, au Groupement professionnel des SUPPORTS MAGNetIQUES vierges audio et vidéo, au Syndicat national des auteurs et compositeurs, à la société Victor Import, à la société Somabel et au ministre de la culture.