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Décisions

Cass. com., 8 janvier 2008, n° 05-17.936

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me Blondel, Me Foussard

Caen, du 23 juin 2005

23 juin 2005

Reçoit M. X... en son intervention ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 23 juin 2005) et les productions, que la caisse régionale de crédit agricole de l'Ille-et-Vilaine (la caisse) a consenti à M. Y..., notaire, divers crédits pour assurer le financement de la construction et de l'exploitation d'un hôtel de tourisme, exploité par la société Hostellerie du Moulin de la Roche (la société Hostellerie) dans un immeuble appartenant à la société civile immobilière rue Pierre Curie (la SCI) ; que la société Hostellerie n'a réglé aucune échéance des prêts ni payé de loyers à la SCI, les remboursements effectués ayant été financés non par l'activité de l'entreprise mais par la vente de biens appartenant à M. Y... ; que la société Hostellerie a été mise en redressement judiciaire par jugement du 21 août 2000 ; que cette procédure a été étendue, par jugements des 27 septembre 2000 et 9 novembre 2000, sur le fondement de la confusion des patrimoines, à la SCI et à M. Y..., Mme Z... étant désignée représentant des créanciers; que cette dernière a recherché la responsabilité de la caisse pour octroi et maintien abusifs de crédit, M. A... nommé commissaire à l'exécution du plan par jugement du 4 avril 2002 arrêtant un plan de continuation des débiteurs ayant poursuivi l'action ; que, par jugement du 18 octobre 2002, le tribunal a rejeté cette demande ; que, par jugement du 19 juin 2003, le tribunal a prononcé la caducité du plan et ouvert une nouvelle procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Hostellerie, la SCI et M. Y..., après constatation de leur état de cessation de paiement ; que, sur appel du ministère public, la cour d'appel, par arrêt du 5 février 2004, a annulé ce jugement, prononcé la résolution du plan de redressement et ouvert une procédure de liquidation judiciaire, Mme Z... étant désignée liquidateur, tandis que M. A..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan, avait formé appel, le 1er octobre 2003, du jugement du 18 octobre 2002, Mme Z..., en sa qualité de liquidateur, intervenant le 14 avril 2004 pour reprendre l'instance ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la caisse reproche à l'arrêt d'avoir déclaré l'appel régularisé par M. A... en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan recevable, d'avoir mis hors de cause ce dernier et d'avoir par voie de conséquence reçu l'intervention volontaire de Mme Poincheval en sa qualité de mandataire-liquidateur, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en matière de procédure collective, les décisions rendues dès la première instance sont exécutoires de plein droit, sauf exception ; qu'il ressort du II de l'article L. 623-1 du code de commerce que l'appel du ministère public est suspensif, mais dans deux hypothèses seulement, l'hypothèse d'arrêt ou de rejet d'un plan de continuation ; le cas de la caducité et de la révocation du plan de continuation n'est pas prévu par le 2° de l'article L. 623-1 du code de commerce, étant souligné qu'il y a une différence de nature entre l'appel tel que prévu par le législateur qui peut dans certains cas exceptionnels être régularisé et est suspensif en matière de procédure collective et l'appel-nullité de source purement prétorienne ; qu'en jugeant que l'appel exercé par le ministère public était suspensif cependant qu'il s'agissait d'un appel-nullité dont l'objet était de contester un jugement ayant prononcé la caducité ou la résolution d'un plan de continuation, la cour d'appel viole par fausse application l'article L. 623-1 du code de commerce ;

2°/ qu'à partir du moment où l'appel-nullité émanant du ministère public qui, en l'espèce, n'était pas suspensif puisqu'on n'était pas dans un cas de figures limitativement énumérées par l'article L. 623-1 du code de commerce, 2° tel que mis en oeuvre par la cour, ne pouvait avoir le moindre effet rétroactif ou en tous cas ne pouvait avoir pour effet de régulariser un acte nul, l'acte d'appel, étant d'ailleurs observé que la régularisation ne pouvait se faire que dans le délai d'appel ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel qui ne dit rien sur le délai d'appel viole par fausse application l'article L. 623-1 du code de commerce, en ne justifiant pas légalement son arrêt ;

3°/ que la cour d'appel affirme que l'intervention de Mme Z... par conclusions du 14 avril 2004 était de nature à régulariser la procédure ; que la cassation qui ne manquera pas d'être prononcée sur le fondement du premier ou du deuxième élément du premier moyen entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef du dispositif qui déclare valable l'intervention de Mme Z... agissant ès qualités et ce en application de l'article 624 du nouveau code procédure civile ;

4°/ que le juge doit au besoin d'office vérifier ce qu'il en est de la régularité d'un appel ; que la cour d'appel se devait alors à tout le moins de vérifier si Mme Z... est intervenue régulièrement dans la procédure dans le délai d'appel ; qu'en ne procédant pas à une telle recherche et en statuant à partir de motivations inopérantes et erronées, la cour d'appel viole par fausse application l'article L. 623-1 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté que le ministère public avait interjeté appel du jugement du 19 juin 2003 ouvrant une nouvelle procédure judiciaire à l'encontre des débiteurs sur constatation de leur état de cessation des paiements et retenu qu'en application des articles L. 623-1 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et 155 du décret du 27 décembre 1985, cet appel avait un effet suspensif jusqu'à l'arrêt du 5 février 2004, peu important qu'il ait tendu à l'annulation du jugement, la cour d'appel en a déduit exactement qu'au 1er octobre 2003, M. A... était encore en fonctions comme commissaire à l'exécution du plan et avait qualité pour interjeter appel du jugement du 18 octobre 2002 ;

Attendu, en second lieu, que l'appel interjeté par M. A..., ès qualités, étant régulier, les griefs articulés aux trois dernières branches sont inopérants ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la caisse reproche à l'arrêt d'avoir constaté qu'elle a commis des fautes ayant entraîné, pour l'ensemble des créanciers de la liquidation judiciaire de la société Hostellerie, de la SCI et de M. Y..., un préjudice égal à l'accroissement de l'insuffisance d'actif à compter du 1er janvier 1993 jusqu'à la date du redressement judiciaire, augmenté des intérêts des créances de la caisse ayant continué à courir postérieurement à cette date, alors, selon le moyen, que le banquier, qui n'a pas à se substituer à son client dans la conduite de ses affaires et qui jouit de la liberté d'accorder ou de refuser le crédit sollicité ne peut être tenu pour responsable des préjudices subis du fait des concours consentis, qu'en cas de fraudes, d'immixtions caractérisées dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ; qu'en accueillant l'action en responsabilité dirigée contre la caisse aux motifs centraux que celle-ci aurait accordé des concours à une entreprise dont la situation était, selon elle, manifestement compromise et qui se serait, par la suite, abstenue de mettre en oeuvre des moyens d'exécution à sa disposition, sans caractériser, ni la fraude du créancier, ni son immixtion fautive dans la gestion des affaires de M. Y... ou des sociétés qu'il animait, ni davantage le caractère disproportionné des garanties prises par la caisse en l'état du patrimoine de M. Y... qui était plus que substantiel, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision en retenant des considérations inopérantes au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que, sous couvert d'un manque de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, le moyen ne tend qu'à soumettre le litige en cours à l'article L. 650-1 du code de commerce, issu de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, lequel, conformément à l'article 190 de cette loi, n'est applicable qu'aux seules procédures ouvertes après le 1er janvier 2006, date de son entrée en vigueur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la caisse formule le même grief, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il était soutenu que les juges du fond ne pouvaient se fonder sur le rapport B..., d'une part, parce que ce rapport a été établi dix ans après les faits, d'autre part, parce que ce rapport a été fait à la demande expresse, non pas des organes de la procédure collective, mais du conseil de M. Y..., en sorte que la prétendue étude de M. B... ne peut qu'être orientée ; qu'en ne s'exprimant pas sur ce moyen et en se contentant d'affirmer que le rapport B... a été régulièrement versé aux débats, la cour d'appel méconnaît les exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

2°/ qu'en toute hypothèse, eu égard à la situation décrite, un rapport établi dix ans après les faits, à la demande expresse de M. Y..., rival désigné de la caisse, et de façon totalement unilatérale, la cour d'appel, qui retient ce rapport sans s'exprimer nullement sur les objections décisives émanant de la caisse qui contestait les affirmations qu'il contenait, ne justifie pas légalement son arrêt au regard des exigences de la défense, ensemble au regard des exigences d'un procès équitable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que le banquier, dispensateur de crédits, ne commet pas de faute en prenant en considération, pour apprécier l'opportunité d'un concours, non seulement les capacités actuelles de remboursement de l'emprunteur et la rentabilité prévisible de l'investissement, mais également les capacités de financement qu'il pouvait obtenir auprès de tiers, qu'en reprochant à la caisse d'avoir accordé son soutien à M. Y... et aux sociétés qu'il animait en considération de l'importance de son patrimoine immobilier et de ses revenus, la cour d'appel viole l'article 1382 du code civil ;

4°/ qu'en toute hypothèse, en appréciant la situation du débiteur au jour de l'octroi des concours litigieux, soit à la fin de l'année 1992, au regard des seuls résultats d'exploitation et des perspectives de rentabilité immédiate, sans prendre en considération l'engagement ferme pris par M. Y... et non tenu de réaliser certains de ses actifs immobiliers pour accroître les capacités de financement et de remboursement de l'entreprise qu'il dirigeait et sans se prononcer sur la circonstance que certains des concours accordés à la fin de l'année 1992 n'avaient été accordés que dans l'attente de la réalisation des actifs, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 1382 du code civil ;

5°/ que c'est au jour de l'octroi du crédit litigieux que le juge doit se placer pour apprécier si la banque a engagé sa responsabilité ; qu'il appert de l'arrêt que ce n'est qu'en 1992 que l'affaire a pu être exploitée normalement ; que dans ces conditions, le résultat du seul exercice 1992 faisant ressortir un chiffre d'affaires de 847 000 francs et une perte d'exploitation de 1 158 000 francs, ne pouvait être jugé suffisant pour faire état à l'avenir d'une situation irrémédiablement compromise qui aurait dû faire que la banque refuse tout nouveau concours et tout nouveau prêt ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article 1382 du code civil, de plus fort violé ;

6°/ que l'étendue du devoir de diligence du banquier et, partant, sa responsabilité éventuelle, doivent s'apprécier en tenant compte de la personnalité de l'emprunteur investisseur ; qu'en ne se prononçant pas sur le point pertinent de savoir si la caisse n'était pas fondée à placer sa confiance dans une entreprise qu'elle savait animée par un notaire particulièrement averti de la question de la gestion du patrimoine, notaire de plus assisté d'un expert-comptable, la société Secob, qui loin de se montrer alarmante, s'est montée optimiste en 1992 et 1993, la cour d'appel, qui ne tient pas compte de ces données pertinentes de nature à avoir une incidence sur la solution du litige, prive son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, de plus fort violé ;

7°/ qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'appréciation suivant laquelle, dès 1992, la situation était déjà irrémédiablement compromise ne se trouvait pas contredite par le jugement rendu le 4 avril 2002 par le tribunal de commerce de Cherbourg ayant arrêté le plan de redressement par voie de continuation de la société Hostellerie, de la SCI et de M. Y..., la cour d'appel ne justifie pas davantage son arrêt au regard de l'article 1382 du code civil ;

8°/ que le juge doit s'expliquer sur tous les éléments de preuve invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions avant de pouvoir utilement infirmer le jugement entrepris ; que pour justifier l'octroi des concours sollicités à la fin du mois de décembre 1992, la caisse avait mis en avant, allégué et prouvé, non point seulement l'étude prévisionnelle réalisée deux ans plus tôt, le 30 novembre 1990, mais également l'étude réalisée par le cabinet Secob, expert-comptable de M. Y..., le 13 mai 1992, faisant apparaître un excédent d'exploitation de 1 206 000 francs qui suffit à rembourser l'emprunt déjà accordé ainsi que celui à venir de 2 900 000 francs, ainsi que la situation dressée quelques mois plus tard par le même cabinet Secob, le 30 septembre 1993 et faisant ressortir à cette date une perte de 10 622 francs seulement alors que l'exercice précédent, clos le 31 décembre 1992, s'était achevé avec une perte de 1 601 766 francs ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces éléments objectifs de nature à avoir une incidence sur la solution du litige, spécialement au regard de la responsabilité recherchée de la caisse et si celle-ci était à même de savoir qu'au jour de l'octroi des crédits en cause, à la fin du mois de décembre 1992 l'affaire lato censu était irrémédiablement compromise, la cour d'appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble au regard de ce que postule l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que le rapport établi par l'expert-comptable avait été régulièrement versé aux débats et soumis à l'appréciation critique des parties, faisant ressortir que ce rapport avait été contradictoirement débattu, peu important qu'il ait été établi dix ans après les faits, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre le détail de l'argumentation de la caisse, a exactement retenu, sans encourir les griefs des deux premières branches, que ce rapport pouvait être utilisé comme un élément d'appréciation parmi d'autres, notamment en ce qu'il rapportait des faits et chiffres résultant des pièces comptables, non sérieusement contestables ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'après avoir indiqué que la faculté de remboursement de la société Hostellerie et donc sa rentabilité était le facteur essentiel à prendre en considération pour l'octroi et le maintien des crédits à celle-ci et que le comportement de la caisse devait être apprécié en fonction des besoins et des résultats de l'entreprise qu'elle finançait, l'arrêt relève que la caisse a accordé les crédits dans la seule considération des garanties personnelles offertes par M. Y..., sans égard à l'absence de rentabilité de l'entreprise et à sa situation irrémédiablement compromise et donc au préjudice de l'entreprise et de ses créanciers et que les remboursements ont été financés, non par l'activité de l'entreprise mais par la vente de biens appartenant à M. Y... ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre la caisse dans le détail de son argumentation, a pu décider, sans encourir les griefs des troisième, quatrième et huitième branches, que la caisse a été négligente et son comportement économiquement irrationnel, quand bien même certains de ces crédits auraient été consentis dans l'attente de la réalisation par M. Y... de certains de ses actifs immobiliers ;

Attendu, en troisième lieu, que tout en relevant que l'exploitation n'avait débuté dans des conditions normales qu'en 1992, l'arrêt retient que les résultats de l'exercice 1992, avec un chiffre d'affaires de 847 000 francs hors taxes seulement et une perte d'exploitation de 1 158 000 francs se cumulaient avec celles des années précédentes pour dépasser 2 000 000 de francs ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a fait ressortir que ces éléments étaient particulièrement alarmants et caractérisaient la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise ;

Attendu, en quatrième lieu, qu'après avoir relevé que Mme Z..., qui représente l'ensemble des créanciers, a agi dans leur intérêt, l'arrêt retient que ni les fautes de M. Y..., tant à titre personnel qu'en qualité de dirigeant des sociétés en liquidation judiciaire, ni le fait que celui-ci ait connu la situation aussi bien que la caisse ne sont de nature à exonérer cette dernière des conséquences de ses fautes à l'égard de l'ensemble des créanciers, dès lors qu'il n'est pas soutenu que ces créanciers aient été fautifs, ni demandeurs de crédit, ni qu'ils aient parfaitement connu la situation des personnes physiques et morales en liquidation judiciaire lors de l'octroi ou du maintien des crédits ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire qu'il était sans importance de savoir si la caisse avait été fondée à placer sa confiance dans une entreprise animée par un notaire averti et assisté d'un expert-comptable qui s'était montré optimiste ;

Attendu, enfin, que l'adoption d'un plan de continuation étant impropre à exclure que l'entreprise ait été en situation irrémédiablement compromise, la cour d'appel ne s'est pas contredite ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le cinquième moyen :

Attendu que la caisse fait encore le même reproche, alors, selon le moyen :

1°/ que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance et il a le choix de sa mise en oeuvre puisqu'il s'agit là d'une faculté abandonnée à son pouvoir discrétionnaire ; que dès lors, à défaut de circonstances particulières non mises en relief, il ne peut lui être reproché de n'avoir pas mis en oeuvre les voies d'exécution à sa disposition, ni prononcer la déchéance du terme, ni encore assigner son débiteur en redressement judiciaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel viole l'article 1382 du code civil et l'article 22 de la loi du 9 juillet 1991 ;

2°/ que pour retenir que la caisse avait continué de financer l'exploitation déficitaire, postérieurement à 1992, en accordant des découverts, la cour d'appel se fonde exclusivement sur la comptabilisation des sommes au titre des "comptes courants et intérêts" et "découverts et agios" au titre de l'exercice 2000 ; que, toutefois, cette seule constatation est impropre à faire ressortir que les sommes en cause provenaient nécessairement de concours consentis postérieurement au 1er janvier 1993 et non pour la période antérieure, d'où il suit que la décision n'est pas légalement justifiée au regard de l'article 1382 du code civil, de plus fort violé ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la caisse, cependant que la société Hostellerie n'avait aucune perspective de redressement et que les emprunts n'avaient jamais été payés à leur échéance, s'était abstenue, pendant une durée de huit années, de prononcer la déchéance du terme, d'assigner en redressement judiciaire, de prendre toute mesure à l'égard de la société Hostellerie, se bornant à négocier avec M. Y... des remboursements par la vente de ses biens, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, pu retenir que la caisse avait laissé s'accroître le passif au préjudice de l'ensemble des créanciers ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le sixième moyen :

Attendu que la caisse reproche à l'arrêt, après avoir retenu la responsabilité pour faute de la banque d'avoir estimé que le préjudice était égal à l'accroissement de l'insuffisance d'actif à compter du 1er juillet 1993 jusqu'à la date du redressement judiciaire, augmenté des intérêts des créances de la banque ayant continué à courir postérieurement à cette date et d'avoir, par voie de conséquence, désigné un expert devant notamment procéder à l'évaluation de l'accroissement d'insuffisance d'actif de la société Hostellerie, de la SCI et de M. Y... depuis le 1er janvier 1993, à défaut d'insuffisance d'actif à cette date depuis l'apparition de celui-ci jusqu'à la date du présent arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d'appel n'a pu, sans se contredire, ou mieux s'en expliquer, retenir qu'à la date du 1er janvier 1993, la situation était irrémédiablement compromise pour mettre à la charge de la banque un manquement pour avoir consenti des crédits et relever d'autre part que l'expert devra se prononcer sur l'accroissement d'insuffisance d'actif depuis le 1er janvier 1993, à défaut d'insuffisance d'actif à cette date depuis l'apparition de celui-ci ; qu'ainsi, n'existe aucune certitude mais en revanche de simples conjectures par rapport au point de savoir si à la date du 1er janvier 1993 la situation des personnes juridique et physique était ou non irrémédiablement compromise ; qu'ainsi la cour d'appel viole l'article 455 du nouveau code de procédure civile au regard des principes de cohérence de la motivation ;

2°/ qu'excède ses pouvoirs et les délègue à un expert la cour d'appel qui demande à celui-ci de procéder à l'évaluation de l'accroissement de l'insuffisance d'actif depuis le 1er janvier 1993 alors que l'expert ne pouvait tout au plus que retenir des chiffres pour que la cour d'appel puisse évaluer l'accroissement d'insuffisance d'actif, évaluation qui lui incombe et qui lui incombe exclusivement ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et, partant, a délégué son pouvoir de juger, violant ce faisant l'article 12 du nouveau code de procédure civile ;

3°/ qu'il était avancé dans les écritures d'appel récapitulatives ou de reprise que le juge ne peut en aucun cas désigner un expert pour suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ; qu'en ne répondant pas à ce moyen autonome fondé sur le principe dit dispositif et sur la nécessité pour toute partie d'alléguer, et en cas de contestation, de prouver les faits de nature à justifier de demandes exorbitantes, la cour d'appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard des articles 145 et 146 du nouveau code de procédure civile, violés ;

4°/ que le créancier reconnu coupable de soutien abusif ne peut être condamné à réparation que dans la mesure du préjudice qui ne se serait pas réalisé si le fait générateur de responsabilités ne s'était pas produit ; qu'ayant elle-même relevé, d'une part, que les crédits consentis initialement au cours de l'année 1990 ne pouvaient être imputés à faute à la caisse, d'autre part, que les concours consentis au mois de décembre 1992 et déclarés abusifs avaient en partie été affectés à la consolidation des crédits antérieurs, la cour d'appel ne pouvait sans mieux s'en expliquer mettre à la charge de l'établissement de crédit l'intégralité de l'accroissement de l'insuffisance d'actif à compter du 1er janvier 1993 sans s'assurer que, même en faisant abstraction des concours jugés abusifs, l'insuffisance d'actif ne se serait de toute façon pas accru du fait des charges induites par les concours accordés avant la fin de l'année 1992, sauf à priver sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, de plus fort violé ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que les résultats de l'exercice 1992 caractérisaient une situation irrémédiablement compromise lui permettant de rembourser les crédits consentis, l'arrêt retient que le préjudice résultant directement de ces fautes est l'accroissement de l'insuffisance d'actif depuis l'octroi des crédits à la fin de décembre 1992 jusqu'à la date du redressement judiciaire ; qu'ayant ainsi fait ressortir le lien entre le passif propre né à compter de cette date et l'octroi des crédits contestés, la cour d'appel a pu retenir, sans encourir le grief de contradiction allégué par la première branche, envisager qu'au 1er janvier 1993, il pouvait ne pas exister d'insuffisance d'actif ;

Attendu, en deuxième lieu, que le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, est dirigé contre la partie du dispositif qui ordonne avant dire droit une expertise ;

Attendu, enfin, qu'un établissement de crédit qui a fautivement retardé l'ouverture de la procédure collective de son client étant tenu de réparer l'aggravation de l'insuffisance d'actif qu'il a ainsi contribué à créer, la cour d'appel a pu retenir que le préjudice résultant directement des fautes commises par la caisse consistait en l'accroissement de l'insuffisance d'actif depuis l'octroi des crédits jusqu'à la date du redressement judiciaire ;

D'où il suit que, mal fondé en ses première et deuxième branches, le moyen est irrecevable pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les deuxième et septième moyens, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.