Livv
Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 3 mars 2022, n° 18/06246

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poirel

Conseillers :

Mme Leques, Mme Louwerse

Avocats :

Me Le Borgne, Me Puybaraud

TI Cognac, du 9 avr. 2018, n° 11-17-0001…

9 avril 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme Amélie P. a acheté, le 23 décembre 2016, un véhicule de marque Renault de type Clio immatriculé AY 485 RG, auprès de M. Amadeu F. de C., pour la somme de 4.990 euros. Une partie du prix soit 3100 euros a été réglée par la reprise du véhicule de Mme P.. Puis lors de la livraison, elle a réglé un montant de 1 690 euros (1 500 euros en espèces et 190 euros en ch èque) ainsi que la somme de 200,66 euros pour les frais d'immatriculation.

Se plaignant de ne pas avoir été destinataire du certificat d'immatriculation, par lettre recommandée du 2 janvier 2017, Mme P. a mis en demeure le vendeur de le produire dans un délai de 15 jours.

Alléguant des dysfonctionnements au niveau du volant moteur, M. F. de C. n'a pas remis le certificat.

Par acte du 4 mai 2017, Mme P. a assigné M. F. de C. devant le tribunal d'instance de Cognac aux fins de condamnation à la remise du certificat d'immatriculation sous astreinte de 100 euros par jour de retard ainsi qu'à des dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 9 avril 2018, le tribunal d'instance de Cognac a :

- rejeté l'ensemble des demandes faites par M. F. de C. lors du présent litige,

- condamné M. F. de C., après compensation entre les créances des parties, à verser à Mme Amélie P. la somme de 500 euros,

- condamné M. Amadeu F. de C. à régler à Mme Amélie P. la somme de 900 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné M. Amadeu F. de C. aux entiers dépens de la présent instance.

M. F. de C. a relevé appel du jugement par déclaration du 21 novembre 2018 en ce que le tribunal a condamné M. F. de C. , après compensation entre les créances des parties, à verser à Mme P. la somme de 500 euros; condamné M. F. de C. à régler à Mme P. la somme de 900 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ; condamné M. F. de C. aux entiers dépens de la présente instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 1er août 2019, M. F. de C. demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris dans l'intégralité de ses dispositions, sauf en ce qu'il a été jugé que Mme P. est redevable de la somme de 200 euros au titre du solde du prix de vente du véhicule litigieux restant dû.

Statuant à nouveau,

- débouter Mme P. de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner à lui verser les sommes suivantes :

- 200,00 euros à titre de solde du prix de vente du véhicule litigieux,

- 1 000,00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la procédure abusivement engagée,

- la condamner à lui verser une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 mai 2019, Mme P. demande à la cour de :

- juger recevable l'appel de M. F. de C. mais non fondé,

- le rejeter,

- confirmer le jugement entrepris sauf concernant le quantum des indemnités allouées à Mme P. au titre des dommages et intérêts par elle réclamés,

- la juger recevable et bien fondée en son appel incident,

- condamner M. F. de C. à lui verser une indemnité de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice tenant à l'immobilisation du véhicule depuis plusieurs mois, et aux frais de carte grise et de contrôle technique,

- le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- le condamner à verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 janvier 2022 .

Par application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément fait référence aux conclusions susvisées pour un exposé complet des moyens et de l'argumentation développés par chacune des parties.

MOTIFS DE LA DECISION.

Le tribunal ayant considéré que M. F. de C., en retenant de manière opaque voire déloyale la carte grise et le kit de distribution du véhicule, avait manqué à ses obligations contractuelles et notamment à son obligation de délivrance conforme ainsi qu'à ses obligations prévues à l'article L217-4 du code de la consommation, a condamné M. F. de C. au paiement d'une somme de 500 euros de dommages-intérêts à Mme P. en réparation de son préjudice de jouissance, en ayant déduit le solde du prix de vente non réglé soit la somme de 200 euros.

M. F. de C. qui sollicite l'infirmation du jugement qui l'a condamné au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice de Mme P. estime que sa rétention qu'il ne conteste pas était licite en ce que l'intégralité du prix de vente n'avait pas été versée. Il conteste l'argument de Mme P. selon lequel le prix de vente aurait été diminué de 200 euros pour compenser le défaut de remis du kit de distribution. Il conteste en toute hypothèse le préjudice d'immobilisation allégué par Mme P..

Mme P. demande la confirmation du jugement sauf à porter à 1000 euros le montant des dommages-intérêts qui lui ont été alloués.

Contrairement à ce que souligne M. F. de C., la qualité de vendeur professionnel a une incidence sur la solution du litige aux termes duquel Mme P. sollicite la remise du certificat d'immatriculation du véhicule acquis auprès de M. F. de C. et à l'indemniser du préjudice subi par l'immobilisation du véhicule en ce que Mme P. reproche à M. F. de C. des défauts de conformité et invoque l'article L217-4 du code de la consommation applicable entre professionnels et consommateurs.

L'article 1612 du code civil dispose que 'Le vendeur n'est pas tenu de délivrer la chose, si l'acheteur n'en paye pas le prix, et que le vendeur ne lui ait pas accordé un délai pour le paiement.'

Aux termes de l'article 1615 du code civil, 'L'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel'.

L'article 2286 prévoit par ailleurs que 'Peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose :

1° Celui à qui la chose a été remise jusqu'au paiement de sa créance ;

2° Celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l'oblige à la livrer ;

3° Celui dont la créance impayée est née à l'occasion de la détention de la chose ;

4° Celui qui bénéficie d'un gage sans dépossession.

Le droit de rétention se perd par le dessaisissement volontaire'.

L'article L217-4 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la présente espèce disposait que :

'Le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.

Il répond également des défauts de conformité résultant de l'emballage, des instructions de montage ou de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité.'

Il sera relevé en premier lieu que si c'est à bon droit et par des motifs que la cour fait siens que le tribunal a admis la qualité de vendeur professionnel de M. F. de C., lequel a établi une facture pour la vente litigieuse qui porte la mention de pièces offertes par le garage Atelier Brissac, confirmant ainsi que la vente a été réalisée dans le cadre de son activité professionnelle par M. F. de C., Mme P. n'en tire cependant aucune conséquence, n'invoquant aucun défaut de conformité du véhicule sur le fondement de l'article L217-4 du code de la consommation.

Il est constant que le certificat d'immatriculation a été remis par M. F. de C. à Mme P. par courrier recommandé avec AR du 5 mai 2007.

Le droit de rétention peut être exercé en application de l'article 2286 du Code civil par le vendeur qui n'a pas perçu le prix d'une chose vendue.

Il appartient donc, en application de l'article 1353 du Code civil, à M. F. de C. de prouver l'obligation dont il réclame l'exécution à savoir le montant du prix de vente du véhicule et à Mme P. de prouver l'extinction de cette obligation par le paiement complet du prix.

S'agissant du montant du prix de vente du véhicule Renault vendu par M. F. de C. à Mme P., il ressort de la facture établie par M. F. de C. dont il est justifié par la production du carnet à souches que celle-ci, en date du 17 décembre 2016, établie pour la vente du véhicule Renault Clio immatriculé AY 485 RG mentionne que le prix est de 4990 euros, payé en partie par la reprise du véhicule Opel Astra pour 3100 euros, soit 1890 euros restant à payer.

Il est précisé sur le bon de commande 'pièces offertes par le garage Atelier Brissac kit distribution + p.a.'

Celui-ci porte la mention 'lu et approuvé' suivie de la signature de Mme P..

L'exemplaire du bon de commande produit par Mme P. rédigé de façon manuscrite en caractères noirs porte la mention manifestement rajoutée, de couleur bleue sous le montant total, '-200, 1690 €'.

M. F. de C. conteste avoir rajouté lui-même cette mention, reprochant à Mme P. d'avoir établi et produit en justice un faux document. Mme P. ne conteste cependant pas avoir rajouté elle-même cette mention, en sorte qu'en tout état de cause elle ne suffit pas à rapporter la preuve d'une réfaction de 200 euros sur le prix pour défaut de remise du kit de distribution ainsi que Mme P. l'invoque.

La preuve est donc rapportée que le prix du véhicule était bien de 4990 euros, le fait que les pièces offertes n'aient pas été remises ne pouvant justifier la rétention de la somme de 200 euros que Mme P. ne conteste pas ne pas avoir payée d'autant plus qu'elle ne justifie pas avoir réclamé la remise de ces pièces, reconnaissant dans son courrier recommandé du 2 janvier 2017 adressé à l'atelier Brissac qu'elle avait payé une somme de 1690 euros au moyen de 1500 euros versés en espèces et 190 euros par chèque outre la somme de 200,66 euros par chèque en vue de l'immatriculation du véhicule, et réclamant la remise de la facture du véhicule et du certificat d'immatriculation.

Mme P. fait valoir que le courrier recommandé du 6 février 2017 aux termes duquel M. F. de C. prétend avoir fait mention du solde du prix de vente serait un faux au motif qu'un autre courrier recommandé également daté du 6 janvier 2017 lui a été adressé par M. F. de C. lequel lui a effectivement été adressé puisqu'elle le verse aux débats mais celui-ci ne fait aucune mention du solde du prix de vente. Elle en déduit que cette pièce numéro 6 produite par M. F. de C. a été créée frauduleusement pour les besoins de la cause de même que la pièce numéro 5 censée être la facture d'origine qui n'avait jamais été communiquée auparavant, M. F. de C. affirmant pour sa part que les deux courriers du 6 janvier 2017 ont été adressés en recommandé dans la même enveloppe à Mme P..

La pièce numéro 5 de M. F. de C. est un rapport d'expertise de protection juridique établi par la société Aviva Protection Juridique laquelle ne peut nullement être arguée de faux document.

La facture produite par M. F. de C. se trouve en réalité sous la pièce numéro 3 laquelle reprend les mentions figurant sur le bon de commande et le prix de vente de 4990 € réglé en partie par la reprise du véhicule Opel Astra pour un montant de 3100 €, soit un solde de 1890 €, cette facture mentionnant également le kit de distribution offert.

Rien ne permet de remettre en cause cette facture qui correspond strictement au bon de commande établi par M. F. de C. et signé par Mme P..

S'agissant du courrier du 6 janvier 2017 dans lequel M. F. de C. réclame à Mme P. le solde du prix de 200 €, il convient de relever que l'avis de réception qui y est annexé est en date du 10 janvier 2017 et que la preuve ne peut être rapportée que les deux courriers datés du 6 janvier 2017 ont été adressés dans la même enveloppe. Pour autant, ce courrier ne peut en dehors de tout autre élément être qualifié de faux document.

En tout état de cause, il est constant que le prix du véhicule était bien de 4990 € et que Mme P. n'a réglé sur celui-ci que la somme de 4790 €, la preuve n'étant pas rapportée qu'une réfaction de 200 euros a été accordée par M. F. de C. en compensation du défaut de remise du kit de distribution lequel était offert et Mme P. n'invoquant nullement ce défaut de remise pour justifier la rétention de partie du prix de vente du véhicule.

En conséquence, le prix du véhicule n'étant pas intégralement payé, M. F. de C. était en droit par application de l'article 2286 du Code civil de retenir le certificat d'immatriculation jusqu'au complet paiement du prix. C'est donc à tort que le premier juge a jugé que le comportement de M. F. de C. était à l'origine d'un trouble de jouissance pour Mme P. qui doit en conséquence être déboutée de sa demande d'indemnisation formée à ce titre.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a condamné M. F. de C. au paiement de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance subi par Mme P..

La demande formée par M. F. de C. tendant à voir condamner Mme P. au paiement de la somme de 200 euros représentant le solde du prix de vente est toutefois mal fondée en ce que M. F. de C. n'a lui-même pas exécuté les obligations à sa charge à savoir la délivrance du kit de distribution alors qu'en application de l'article L.217-4 du code de la consommation, il avait l'obligation de répondre des défauts de conformité du bien vendu, en l'espèce l'absence de fourniture du kit de distribution prévue au contrat de vente ainsi que relevé à juste titre par le premier juge.

En conséquence, la demande de condamnation formée par M. F. de C. doit également être rejetée.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

M. F. de C. sollicite la condamnation de Mme P. au paiement d'une somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. Cependant, l'exercice d'un droit ne dégénère toutefois en abus que si celui-ci est exercé dans l'intention de nuire ou avec une légèreté blâmable. Une telle intention ou légèreté ne sont pas démontrées en l'espèce en sorte que la demande dommages-intérêts doit être rejetée.

Sur les demandes accessoires.

Chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, les dépens seront partagés par moitié. L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

contradictoire

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il condamné M. Amadeu F. de C. après compensation entre les créances des parties à payer à Mme Amélie P. la somme de 500 euros,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute les parties de l'ensemble des leurs demandes,

Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

Partage les dépens par moitié entre chacune des parties.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.