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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 23 mai 2018, n° 17/05911

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Financière de l'Echiquier (SA)

Défendeur :

Idsud (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Roy-Zenati

Conseillers :

M. Sorieul, Mme Dias Da Silva

T. com. Paris, du 7 mars 2017, n° 201700…

7 mars 2017

La société Financière de l'échiquier est une société de gestion de portefeuille. Elle gère, à ce titre, un fonds commun de placement, dénommé Echiquier patrimoine, lequel détenait 8,796 % du capital social de la société Idsud, elle-même actionnaire de la Française des jeux à hauteur de 2,626 % et exerçant une activité de gestion de participations et d'autres investissements.

La perception annuelle par la société Idsud des dividendes de la Française des jeux permet le financement de projets existants, de nouveaux investissements et le versement de dividendes aux actionnaires de Idsud.

Par acte d'huissier du 18 janvier 2017, la société Financière de l'échiquier, agissant pour le compte du fonds Echiquier patrimoine, a fait assigner la société Idsud en la forme des référés devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir la désignation d'un expert judiciaire aux fins d'établir et présenter un rapport sur la conformité de différentes opérations d'investissement à l'intérêt social du groupe Idsud.

Par ordonnance du 7 mars 2017, le président du tribunal de commerce de Paris, statuant en la forme des référés, a :

- débouté la société Financière de l'échiquier agissant pour le compte de Echiquier patrimoine, fonds commun de placement de droit français, de ses demandes.

- condamné la société Financière de l'échiquier agissant pour le compte de Echiquier patrimoine, fonds commun de placement de droit français, à payer à la société Idsud la somme de 15.000 euros, au titre de l'article 700 code de procédure civile ;

- condamné la société Financière de l'échiquier agissant pour le compte de Echiquier patrimoine, fonds commun de placement de droit français, en outre la société Financière de l'échiquier agissant pour le compte de Echiquier patrimoine, aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 46,34 euros TTC dont 7,51 euros de TVA.

Par déclaration du 20 mars 2017, la société Financière de l'échiquier a interjeté appel de cette ordonnance.

Par conclusions transmises le 8 septembre 2017, l'appelante demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance prononcée en la forme des référés par le président du tribunal de commerce de Paris le 7 mars 2017 ;

- désigner un expert judiciaire aux fins d'établir et présenter un rapport sur la conformité à l'intérêt social du groupe Idsud des opérations ' Idsud Energies', 'Yazino' et 'Idsud Voyages' ;

- donner pour mission à l'expert ainsi désigné, s'agissant de l'opération de gestion 'Idsud Energies' de :

* déterminer la réalité des marchés prétendument obtenus par Idsud Energies et de ceux 'en cours de négociation' ;

* déterminer l'étendue des obligations dont Idsud Energies se serait rendue débitrice et leurs conséquences financières prévisibles ;

* déterminer si le chiffre d'affaires effectif, d'une part, et d'autre part les perspectives raisonnables de développement d'Idsud justifient les risques et les pertes encourus, et donc si l'opération est ou non conforme à l'intérêt social d'Idsud ;

- donner pour mission à l'expert désigné, s'agissant de l'opération de gestion 'Yazino' de :

* déterminer les investissements réalisés par Idsud dans le groupe Yazino et leur conformité à l'information financière de la société ;

* déterminer s'il était conforme à l'intérêt social d'Idsud de procéder à de tels investissements en actions et obligations du groupe Yazino en connaissant la situation financière de Yazino telle qu'elle ressortait des documents comptables ;

- donner pour mission à l'expert ainsi désigné, s'agissant de l'opération de gestion 'Idsud Voyages' de :

* se faire remettre notamment le détail du poste clients des sociétés Idsud et Corpovia et son évolution au cours des trois derniers exercices ;

* déterminer les relations commerciales et financières entre Idsud Voyages et la société Corpovia ;

* expliquer la hausse du poste clients d'Idsud Voyages au cours des trois derniers exercices ;

* vérifier, au sein des comptabilités de Idsud Voyages et Corpovia, la présence éventuelle de voyages personnels ou professionnels de Monsieur Jérémie L. ;

* justifier de la conformité à l'intérêt social du groupe Idsud des opérations conduites entre Corpovia et Idsud Voyages ;

- dire que l'expert ainsi désigné pourra, à cette fin, se rendre en tous lieux, sièges sociaux ou locaux, bureaux des personnes morales ou physiques mentionnées dans l'assignation, se faire communiquer tous documents échangés entre les personnes précitées et plus particulièrement concernant les trois opérations de gestion contestées, se faire communiquer ou examiner les comptes sociaux et documents comptables permettant de déterminer les conditions des opérations de gestion contestées ;

- impartir à l'expert pour l'exécution de sa mission et le dépôt de son rapport d'expertise un délai de quatre mois, ou tout autre délai qu'il lui plaira de fixer ;

- ordonner que la société Idsud supportera la charge des honoraires de l'expert désigné ;

- fixer le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert ;

- condamner la société Idsud aux entiers dépens et au paiement de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A cette fin, elle fait valoir :

- que le juge saisi d'une demande d'expertise de gestion était tenu de rechercher si les éléments de réponse communiqués quant aux opérations litigieuses présentaient ou non un caractère satisfaisant ; que le premier juge ne pouvait légitimement se contenter de relever 'que les réponses apportées [par la société] Idsud répondent aux questions posées, (...) au vu des nombreux documents que les parties ont fournies au tribunal' ; qu'il lui revenait d'apprécier la pertinence des réponses apportées ;

- qu'en l'espèce, les investissements décrit par le rapport annuel de 2015 de l'intimée révèle un manque de cohérence ; que depuis plusieurs années, les divers investissements de la société Idsud sont systématiquement déficitaires ; que le résultat net est très inférieur aux dividendes perçus par Idsud de la Française des Jeux ; que cette perte ne s'accompagne pas d'une augmentation de l'actif net de la société, dont les fonds propres ont baissé de 28 % au cours des huit derniers exercices ;

- que les difficultés semblent se concentrer sur la gestion d'une filiale dénommée 'Idsud Energies', d'investissements dans un spécialiste des réseaux sociaux nommé 'Yazino', et d'une filiale dénommée 'Idsud Voyages' ; que la demande d'expertise est circonscrite à ces trois opérations et ne porte pas sur la gestion de la société dans son ensemble ; que le champ de l'expertise n'est donc pas 'trop large' ;

sur la filiale Idsud Energies,

- que la filiale 'Idsud Energies' était valorisée dans les comptes 2015 de la société Idsud à deux millions d'euros ; que pourtant, la perte des deux premiers exercices de la filiale s'élève à prés de deux millions d'euros et son chiffre d'affaires n'est que symbolique ; que 'la participation de la SAS Idsud Energies a été portée à 3,2 millions d'euros', selon le rapport financier pour l'année 2016 ;

- que M. Jérémie L., président de la société Idsud depuis le mois d'octobre 2015, a défendu cette activité en invoquant deux marchés obtenus par la société Idsud Energies et différents 'marchés en cours de négociations', ainsi que des perspectives de construction au Maroc ;

- qu'aucun document n'a été fournis à l'appelante venant corroborer ces éléments ; que les seuls éléments produits étaient des devis, périmés, établis dans le cadre d'appels d'offres et non de négociations ; que ces pièces ne peuvent être qualifiées de 'carnet de commande' ;

- que la veille de l'audience de première instance, la société Idsud a fourni de nouveaux documents, portant sur des projets jamais évoqués en Indonésie et faisant état de la création de filiales à Singapour et Hong-Kong ; qu'elle versait en procédure des factures libellées au profit de l'entité hong-kongaise à hauteur de 24,5 millions de dollars, pour un seul client ; que pour autant cette manne financière ne s'est traduite par aucun chiffre d'affaires significatif pour l'exercice 2016 ; qu'il ressort du rapport annuel pour l'année 2016 qu'aucun des projets en cours de négociation n'a abouti, puisque la société Idsud a réalisé son chiffre d'affaires en prélevant sur les filiales nouvellement constituées au Maroc, à Singapour et à Hong Kong, des prestations 'de services d'étude et d'ingénierie' au profit de ces filiales ;

- qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il ne peut être considéré que la société Idsud a répondu de manière satisfaisante aux questions concernant le projet 'Idsud Energies' ;

sur l'investissement 'Yazino',

- que la somme de 72 000 euros a été investie par la société Idsud dans la société Yazino de droit suisse pour l'exercice de l'année 2013, 170 000 euros pour l'exercice de l'année 2014 et 313 000 euros pour l'année 2015 ; aucune autre information n'a été fournie aux actionnaires, malgré les demandes de la société Financière de l'échiquier ;

- que les documents finalement transmis par la société intimée ne permettent pas de comprendre les investissements de Idsud ; qu'en effet, avant le premier investissement de la société Idsud, la société Yazino a enregistré en 2011 une perte de 1,5 million de francs suisses en 2011 et de 382 000 euros en 2012 ; qu'il existait une incertitude et un doute sur la capacité de la société à poursuivre son activité ; que les comptes de l'exercice ultérieur mentionnent l'aggravation des pertes, à hauteur de 565 000 francs suisses ; que les commissaires aux comptes alertaient encore sur les risques de faillite ; qu'Idsud procédait pourtant à de nouveaux apports financiers sous forme de 'prêts convertibles non sécurisés' ; qu'il existe une contradiction entre les documents fournis mentionnant trois prêts convertibles d'une valeur totale d'environ 300 000 euros en 2014, et aucun en 2015 et l'information réglementée diffusée par Idsud à ses actionnaires ; qu'au surplus, ces informations sont en contradiction avec le registre du commerce britannique qui mentionne Idsud en qualité d'actionnaire d'une société britannique à hauteur de 100 000 livres sterling dénommée 'Yazino Technologies Ltd' ; que les actionnaires ne sont donc pas en mesure de connaître le périmètre et la taille de l'investissement d'Idsud dans le projet Yazino ;

- qu'enfin, M. Jérémie L. a justifié de son investissement en invoquant les conseils de M. O. ; or, la participation initiale d'Idsud dans la société Yazino a été acquise de Mme Virgine G., qui avait acheté ses titres à M. O. lui-même ; qu'ainsi, la conformité de cette opération à l'intérêt social de la société Idsud apparaît contestable ;

- qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, une expertise de gestion est nécessaire pour vérifier la conformité de cette opération à l'intérêt social de Idsud ;

sur la filiale Idsud Voyages,

- que la société Idsud Voyages, filiale de la société Idsud exerçant une activité d'agence de voyages, a réalisé un chiffre d'affaires de l'ordre de 400 000 euros pour un résultat de 11 000 euros pour l'exercice 2015 ; qu'apparaissait au compte client une créance de plus d'un million d'euros envers ses clients ; qu'il est anormal qu'une société d'agence de voyages n'ait pas encaissé près de deux ans et demi de chiffre d'affaires ;

- que par ailleurs, M. Jérémie L. exposait le projet de reprise d'une société Corpovia, pourtant placée en redressement judiciaire ;

- qu'il a, par la suite, indiqué que l'appréciation du compte clients relevait d'une 'méprise', et que la société Corpovia représentait 80 % du poste client ; qu'il ressortait de ses affirmations que la société Corpovia, société en procédure collective, devait à la filiale près de 800 000 euros ;

- que l'évolution du besoin en fonds de roulement n'a pas trouvé d'explication, la créance client ayant augmenté de 200 000 euros en 2015 pour un poste fournisseur stable et un chiffre d'affaires en baisse ;

- qu'il ressort finalement du rapport financier de 2016, publié postérieurement à la décision de première instance que la société Idsud a décidé un abandon de cette créance au profit de Corpovia à hauteur de 785 000 euros (soit la presque totalité de ce compte-client), et un investissement complémentaire de 650 000 euros, avec une charge de 785 000 euros pour l'ouverture d'une filiale américaine d'Idsud Voyages ; que les profits générés par la société Idsud Voyages pour les derniers exercices sont de 11 000 et 19 000 euros ; que ces dépenses sont alarmantes ;

- qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'une expertise de gestion est nécessaire quant à la gestion de la filiale Idsud Voyages ; que les réponses apportées sont insuffisantes ;

sur la recevabilité de la demande d'expertise,

- que la société Finacière de l'échiquier agit pour le compte du fonds Echiquier patrimoine, FCP détenant plus de 5 % du capital social de la société Idsud ; qu'elle a tenté d'interroger la société Idusd sur les opérations de gestion litigieuses à plusieurs reprises et ce sans succès, comme en attestent les échanges versés à la procédure ; qu'elle est donc recevable à demander une expertise sur le fondement de l'article L.225-231 du code de commerce ;

- qu'il a été démontré qu'elle était également bien fondée à former une demande d'expertise, les réponses apportées à ses interrogations légitimes n'ayant jamais été satisfaisantes.

Par conclusions transmises le 25 septembre 2017, l'intimé demande à la cour de :

- constater que la présidence du directoire de la société Idsud a répondu à l'ensemble des questions préalables posées par son actionnaire minoritaire, la société Financière de l'échiquier ;

- constater que les éléments de réponses étaient satisfaisants au sens de la loi commerciale ;

- constater que la société Financière de l'échiquier disposait et dispose de toutes les informations relatives aux opérations de gestion qu'elle conteste et dont elle dénonce le risque de contrariété à l'intérêt social de la société Idsud ;

- constater que la demande d'expertise s'inscrit au demeurant dans une démarche de critique systématique et tend, en outre, à un contrôle de la gestion de la société Idsud dans son ensemble ;

- dire et juger que la demande d'expertise sollicitée par la société Financière de l'échiquier n'est pas sérieuse au sens de la loi commerciale ;

- confirmer, en conséquence, l'ordonnance de référé rendue le 7 mars 2017 par le président du tribunal de commerce de Paris, aux termes de laquelle la société Financière de l'échiquier a été déboutée de sa demande d'expertise ;

- condamner la société Financière de l'échiquier au paiement de la somme de 15 000euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

à titre subsidiaire et pour le cas où, suivant infirmation de l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau, la Cour accueillerait favorablement la demande de la société Financière de l'échiquier,

- constater que la société Financière de l'échiquier dispose de toutes les informations relatives aux opérations de gestion qu'elle conteste et dont elle dénonce le risque de contrariété à l'intérêt social de la société Idsud , et que, ce faisant, l'expertise ne permettra pas d'obtenir d'autres informations ;

- que les frais relatifs à l'expertise de gestion sollicitée demeureront à la charge de la société Financière de l'échiquier.

A cette fin, elle a fait valoir :

sur les réponses circonstanciées et la disponibilité de la société Idsud,

- que par lettre du 15 juin 2016, en application de l'article L.225-231 du code de commerce, la société Financière de l'échiquier a interrogé le président du directoire de la société Idsud sur trois opérations de gestion ; que par courriel du 23 juin 2016, M. Jérémie L., a annoncé préparer une réponse aux interrogations de l'actionnaire et proposé un rendez-vous, refusé par la société Financière de l'échiquier ;

- que par courrier du 13 juillet 2016, M. Jérémie L. a adressé à l'appelante toutes réponses circonstanciées précisant toujours être à la disposition de l'actionnaire ; qu'en réponse, la société appelante a exigé la production de documents probants et a interrogé M. Jérémie L. sur les règles de gouvernance de la société Idsud relative à l'allocation de sa trésorerie ; qu'ainsi cette dernière s'intéressait à la gestion de la société Idsud dans son ensemble ;

- qu'au vu de l'exigence de son actionnaire minoritaire et afin de protéger des informations couvertes par le secret des affaires ou privilégiées, le président de la société Idsud a entendu proposer un contrôle des pièces justificatives par l'avocat de la société Financière de l'échiquier afin d'établir la réalité des perspectives encourageantes des opérations litigieuses, et ce dans deux courriers en date des 25 et 31 juillet 2016 ; que cette proposition a été refusée par la société Financière de l'échiquier par courriel du 29 juillet 2016 ;

- que la société Financière de l'échiquier a finalement réitéré sa demande de communication des pièces et a sollicité la mise en contact des conseils des parties en présence ; que le conseil de la société Financière de l'échiquier a pu consulter nombre de documents au cabinet des conseils de la société Idsud ; que la transmission d'autres documents a été encore proposée par les conseils de la société Idsud le 2 septembre 2016 et que ces derniers ont également confirmé la possibilité de consulter à leur cabinet de nombreux éléments justificatifs ;

- que la société Financière de l'échiquier a interpellé et rencontré un autre actionnaire minoritaire de la société Idsud, M. Stanislas O., sans pour autant se satisfaire des informations transmises par ce dernier quant à l'opération 'Yazino' et démontrant sa volonté de contrôler la gestion de la société Idsud, peu important les réponses et pièces fournies en réponses à ces interrogations ;

- que par courrier du 12 octobre 2016, la société Financière de l'échiquier a interrogé à nouveau la société Idsud, cette fois-ci sur sa gestion de la société Idsud Voyages et les relations de cette dernière avec la société Corpovia ;

- par courrier du 21 octobre 2016, la société Idsud répondait à son actionnaire en précisant les règles comptables propres aux agences de voyages qui expliquaient la situation comptable de la société Idsud Voyages, et précisait de façon détaillée les rapports de la filiale avec la société Corpovia ainsi que le projet de reprise de cette dernière ; que la société Financière de l'échiquier a interrogé à nouveau la société Idsud sur le besoin de fonds de roulement et que des réponses ont été immédiatement apportées par la société intimée ;

- qu'ainsi, la société Idsud ne peut se voir reprocher de quelconques réponses lacunaires ou un refus de dialogue, comme en attestent les échanges versés au débat ; qu'elle a toujours répondu de façon circonstanciée et justifiée à l'ensemble des questions posées alors même que l'actionnaire minoritaire visait la gestion de l'entreprise dans son ensemble et adoptait une démarche de critique systématique ;

- qu'ainsi, doit être rejetée la demande d'expertise de gestion, les réponses apportées étant suffisantes et la demande non sérieuse au sens de l'article L.225-231 du code de commerce ;

concernant le caractère suffisant des réponses apportées s'agissant de la société Idsud Energies,

- que la société Idsud a fait valoir, en communiquant tous les éléments justificatifs à l'appui, l'historique de la société Idsud Energies, et notamment la reprise, autorisée par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, du fonds de commerce d'une société en difficulté incapable de financer son activité économique ; la reconstitution de la chaîne de production de cette entreprise qui fabriquait et commercialisait des solutions énergétiques renouvelables brevetées ; l'élargissement du champ de ses fournisseurs ; le contrôle et la vérification de tous sites de production eu égard à un nouveau cahier des charges strictement défini ; la définition et la mise en œuvre d'un partenariat avec une société de droit chinois cotée à la Bourse de Shenzhen (Chine) et spécialisée de la fabrication de produits de stockage et de gestion de l'énergie ; tels accords de distribution intervenus sur le sol français et passés avec tels clients institutionnels ; un accord de partenariat pour la fourniture du lot énergétique passé avec tel promoteur en charge de la construction d'un port sec sous douane à proximité de Casablanca (Maroc), étant observé que les travaux d'infrastructures au sol étaient déjà achevés ;

- que, plus précisément, la société Idsud Energies fabrique et commercialise des solutions dites « EnR » consistant en des éoliennes de proximité, des panneaux photovoltaïques, des UPS ou unité de stockage et de redistribution de l'énergie, des bornes de recharge de véhicules électriques ainsi que des unités mobiles et modulables de production, de stockage et de redistribution de l'énergie intéressant directement le génie et la sécurité civile au titre du désenclavement ;

- que ces solutions sont issues d'une chaîne de production avec des partenaires de qualité, dont les contrats fournisseur sont produits ; que nombre de marchés, français essentiellement, sont actuellement en cours de discussion ou encore régularisés mais objet, pour l'heure, de commandes enregistrées non encore réalisées (carnet de commandes) ; que les marchés 'Etat du Niger' et 'Société Zinafrik Developement / programme Logintek - Ville de Setat' sont eux définitifs et en cours d'exécution ; qu'un marché d'ampleur vient d'être régularisé avec la République d'Indoénsie et la société PNL ;

- que, concernant l'affirmation selon laquelle la société Idsud Energies aurait fourni des 'devis périmés', elle se trouvait dans le cadre d'une procédure 'actée et appréciée à date', la contraignant à produire 'toutes pièces utiles à date' ; que les devis sont par nature des documents commerciaux à durée de validité définie, socle des négociations commerciales ;

- que, concernant les chiffres déclarés, non encore réalisés, et l'insinuation sur une éventuelle utilisation abusive de sociétés offshore, ces déclarations alarmistes ne sont pas établies ; que la société Financière de l'échiquier se sait et se veut détentrice d'informations privilégiées ; que peut, en tout état de cause, être communiquée la facture pro-forma Logintek, accompagnée de photographies des réalisations en cours ; que la réalité matérielle de l'activité de la société Idsud Energies n'est pas discutable ;

- que l'ensemble de ces éléments établissent des 'perspectives encourageantes' et sont de nature à justifier la décision 'de ne pas provisionner la participation détenue' ;

concernant le caractère suffisant des réponses apportées s'agissant de la société Yazino,

- que la société Idsud a fait valoir, en communiquant tous les éléments justificatifs y afférents : l'historique de cette entreprise qui dispose d'une plate-forme de réseaux sociaux appliqués au jeu en ligne, et dont l'actif était envisagé à l'achat par tel groupe d'envergure ; l'opportunité d'entrer au capital de cette entreprise et de bénéficier, à moyen terme et après vente effective de l'actif, d'un retour sur investissement ; la présence de personnalités expérimentées en matière d'investissement au sein de l'entreprise ; tous actes justifiant de la prise de participation ; la survenance imprévue d'un litige entre actionnaires minoritaires et actionnaire majoritaire mandataire social, ayant conduit à un blocage de toutes les opérations ; la nécessité ressentie par la société Idsud de garantir son investissement et la tentative de cette dernière d'obtenir de l'associé majoritaire mandataire social l'obligation de racheter sa participation à telle date et à tel prix ; la tentative dudit associé majoritaire mandataire social de dissiper à son profit, et de manière occulte, l'actif de l'entreprise ; la décision alors prise par la société Idsud de dénoncer et de poursuivre devant les instances répressives compétentes les agissements de l'associé majoritaire, suivie en cela par les actionnaires minoritaires de la société Yazino Group faisant au demeurant de la société Idsud leur 'tête de pool' ;

- que la société de droit suisse Yazino Group est une société propriétaire d'une plate-forme de réseaux sociaux appliqués au jeu en ligne ; que les groupes Novomatic, Endemol et Prosiebensat se sont 'intéressés' à la société Yazino ; que le 15 octobre 2013, sur les conseils de M. Stanislas O., la société Idsud a ainsi pris une participation au sein de la société Yazino Group à hauteur de 0,2% de son capital social pour un montant de 71 469 euros ; que sur les exercices 2014 et 2015, la société Idsud a investi au sein du groupe Yazino, sous forme d'obligations convertibles, la somme de 482 000 euros ; que ce faisant, la société Idsud est à ce jour actionnaire de la société Yazino groupe à hauteur de 5,3 % et actionnaire de sa filiale londonienne appelée à exploiter sa plate-forme, à hauteur de 0,88 % ;

- que des opérations de restructuration étaient en cours, afin d'apurer les dettes du groupe et de rationaliser son fonctionnement en rapatriant l'actif principal sur le territoire britannique ; que les opérations de restructuration semblant perdurer et nécessiter de nouvelles dépenses, la société Idsud a envisagé obtenir, courant mai 2016, toute garantie utile de son investissement ; qu'à toutes fins utiles et à titre préventif, une plainte a été déposée sur le territoire suisse afin de garantir les droits des actionnaires ;

- qu'ainsi, l'opération avait un potentiel certain ; que les informations financières transmises étaient réelles et sincères et que des mesures aux fins de garantir la participation ont été prises

concernant le caractère suffisant des réponses apportées s'agissant de la société Idsud voyages,

- que la société Idsud a fait valoir, communiquant tous les éléments justificatifs y afférents : les règles comptables particulières utilisées par les agences de voyages ; les délais usuels en matière d'encours clients 'particuliers' ; les délais plus longs en matière d'encours clients 'professionnels' (entreprises et affaires) ; la sous-traitance concédée par la société Corpovia à la société Idsud Voyages en matière d'émission de billets ; les synergies développées entre ces deux entreprises, la société Idsud Voyages étant progressivement désireuse d'exploiter une clientèle 'entreprises et affaires' qui produit un volume de facturation deux fois supérieur au sien ; la prise de participation de la société Idsud Voyages dans le capital de la société Corpovia ; sa détention à terme de 100 % de son capital social et le bénéfice subséquent de l'exploitation de sa clientèle existante ;

- qu'ainsi, il est établi que la société Idsud voyages a vu, dans le courant des années 2012 et 2013, l'arrivée à terme de certains contrats d'importance, non renouvelables, obtenus sur appels d'offres publics à la concurrence, alors même qu'elle était juste à l'équilibre ; que les sociétés Idsud Voyages et Corpovia, cette dernière étant spécialisée dans une activité de voyages d'affaires, ont alors conclu un contrat de sous-traitance aux termes duquel, et moyennant une rétribution annuelle de 72 000 euros, la société Idsud Voyages émettait la billetterie de la société Corpovia ; que la société Corpovia présente un volume de facturation deux fois supérieur à celui de la société Idsud ; que l'intimée a donc décidé d'investir dans cette société afin de disposer et de bénéficier de ce volume, ainsi que de l'outil de gestion internet de la société Corpovia ; qu'elle détient à ce jour 52,95 % de son capital, participation acquise à l'euro symbolique ; qu'elle a obtenu la sortie anticipée de la société Coprovia de son plan de continuation ;

- que cependant, la hausse du volume d'affaires et des délais de règlement plus longs en matière de voyages 'entreprises et affaires', et d'autres retards et défauts de règlement subséquents à ces opérations, ont entraîné une hausse du poste client de la filiale Idsud Voyages ;

- que le besoin en fonds de roulement s'explique par la qualité de 'broker' de la société Corpovia et sa nécessité de rester compétitive ;

- qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il est établi que les réponses de la société Idsud sont depuis l'origine complètes et satisfaisantes pour établir que l'ensemble de ces opérations ont été menées dans l'intérêt social de la société Idsud ; que l'expertise demandée ne permettrait pas à la société Financière de l'échiquier d'obtenir d'autres informations ; que cette demande d'expertise manque de sérieux et impliquerait un coût financier et temporel important sans présenter d'utilité ;

concernant la gestion sociale de l'entreprise,

- que la société Idsud est strictement contrôlée ; que c'est une société anonyme dotée d'un directoire et d'un conseil de surveillance avec distinction des fonctions de direction et de contrôle de cette direction ; qu'elle est dotée d'un comité des investissement ;

- que les commissaires aux comptes de la société ont certifié sans réserve les comptes annuels comme étant sincères et donnant une image fidèle du résultat des opérations des exercices écoulés ainsi que de sa situation financière et de son patrimoine ; qu'ils ont certifié sans réserve les comptes consolidés ;

- que les comptes annuels et consolidés sont présentés au vote des actionnaires annuellement ; que la société Financière de l'échiquier ne s'est pas présentée aux assemblées générales et d'approbation des comptes ;

- qu'ainsi, la demande porte en réalité sur la gestion de la société Idsud dans son ensemble et sur la régularité de ses comptes sociaux ce qui est 'proscrit par la loi commerciale' ; que cette démarche relevait d'une critique systématique de la gestion, ce qui est également 'proscrit par la loi commerciale' ; que pour l'ensemble de ces éléments, la demande d'expertise n'est pas sérieuse et ne peut qu'être rejetée ;

Par arrêt avant dire droit du 15 novembre 2017, la cour a ordonné la réouverture des débats, afin que les parties concluent sur la recevabilité de l'action engagée par la société Financière de l'Echiquier sur le fondement des articles L.223-37 et L.223-9 du code de commerce.

Par conclusions transmises le 9 février 2018, la société Financière de l'Echiquier a réitéré les prétentions et moyens exprimés dans ses conclusions du 8 septembre 2017 précitées ;

Elle a fait valoir :

- qu'elle est recevable à demander en référé la désignation d'un expert judiciaire aux fins d'établir un rapport de gestion sur les trois opérations identifiées dès lors que le FCP Echiquier Patrimoine détenait à la date de l'assignation plus de 5% du capital social de la société Idsud et qu'il a bien interrogé le président de celle-ci sur certaines opérations de gestion lequel a fourni des réponses non satisfaisantes.

La société Idsud n'a pas transmis de nouvelles conclusions.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions.

SUR CE,

Considérant que la demande d'expertise est fondée sur les dispositions des articles L. 225-231 et R. 225-163 du code de commerce ;

Que l'article L. 225-231 prévoit que « Une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120 ainsi que un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, peuvent poser par écrit au président du conseil d'administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, ainsi que, le cas échéant, des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3. Dans ce dernier cas, la demande doit être appréciée au regard de l'intérêt du groupe. La réponse doit être communiquée aux commissaires aux comptes. A défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, ces actionnaires peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion

. Le ministère public, le comité d'entreprise [comité social et économique] et, dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, l'Autorité des marchés financiers peuvent également demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion. S'il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine l'étendue de la mission et des pouvoirs des experts. Elle peut mettre les honoraires à la charge de la société. Le rapport est adressé au demandeur, au ministère public, au comité d'entreprise [comité social et économique], au commissaire aux comptes et, selon le cas, au conseil d'administration ou au directoire et au conseil de surveillance ainsi que, dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé», à l'Autorité des marchés financiers. Ce rapport doit, en outre, être annexé à celui établi par les commissaires aux comptes en vue de la prochaine assemblée générale et recevoir la même publicité. » ;

Que l'article R 225-163 indique que « l'expert chargé de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion, dans les conditions prévues à l'article L. 225-231 est désigné par le président du tribunal de commerce, statuant en la forme des référés, après que le greffier a convoqué le président du conseil d'administration ou du directoire à l'audience par lettre recommandée avec demande d'avis de réception » ;

Sur le recevabilité de la demande d'expertise :

Considérant que la SA Financière de l'Echiquier expose qu'elle est actionnaire au jour de l'introduction de l'instance de 8,796% du capital de la société Idsud ; qu'il n'est pas contesté que l'interrogation préalable des dirigeants de la société, qui constitue une condition de recevabilité de la saisine du président statuant en la forme des référés, a été régulièrement menée ; que la recevabilité de l'action initiée par la SA Financière de l'Echiquier n'est pas discutée devant la cour ;

Sur le sérieux de la demande d'expertise :

Considérant que, pour contester le sérieux de la demande d'expertise, l'intimée expose que l'appelante, s'étant vu maintes fois proposer une réunion avec la présidence de l'entreprise (réunions qu'elle a refusées) a disposé et dispose de toutes les informations relatives aux trois opérations contestées dont elle dénonçait le risque de contrariété à l'intérêt social ; que, comme l'a relevé le premier juge, la SA Financière de l'Echiquier n'était pas présente à I'assemblée générale mixte du 1er juin 2016 et qu'elle a voté par correspondance et approuvé toutes les résolutions qui étaient soumises à approbation, sans même y faire poser des questions comme elle en avait le droit en application de l'article L.225-108 al. 3 du code de commerce, et que, depuis plusieurs années, elle ne jugeait pas nécessaire d'être présente aux assemblées générales annuelles des actionnaires ;

Considérant toutefois que les dispositions applicables du code de commerce, si elles conditionnent la possibilité de demander une expertise de gestion au défaut de réponse dans un délai d'un mois ou au défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, ne font pas obligation à l'actionnaire minoritaire de participer aux assemblées générales ou d'y faire poser les questions prévues par l'article L.225-108 al. 3 du code de commerce ; que la tactique conflictuelle adoptée par la SA Financière de l'Echiquier, actionnaire minoritaire, n'est donc pas, à elle seule, de nature à mettre en cause le sérieux de sa demande ;

Considérant qu'il appartient au juge saisi d'une demande d'expertise de gestion d'apprécier le caractère sérieux de la demande, qui est avéré si l'opération critiquée est susceptible de nuire à l'intérêt social ; qu'ainsi justifient la désignation d'un expert des présomptions sérieuses d'irrégularités et des décisions ayant une incidence sur le devenir de la société ; qu'en outre, il appartient au juge saisi, sur le fondement de l'art. L. 225-231 du code de commerce, d'une demande d'expertise formée par un actionnaire invoquant le défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants aux questions posées par lui, de rechercher si les éléments de réponse communiqués présentent ou non un caractère satisfaisant ; qu'un tel caractère satisfaisant ne saurait résulter du seul nombre des documents produits devant la juridiction saisie ;

Considérant que la juridiction saisie d'une demande d'expertise de gestion n'est tenue de l'ordonner que si elle relève des présomptions d'irrégularités affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées, et que la demande d'expertise de gestion ne peut être accueillie dès lors que, dans les courriers adressés préalablement à sa demande, l'actionnaire n'aurait fait que s'interroger de façon générale sur la politique de gestion de la société sans demander de façon précise des explications sur des actes de gestion clairement identifiés ;

Considérant que la demande se présente d'abord comme une critique d'ensemble de la gestion de la société Idsud, à laquelle il est reproché de ne redistribuer à ses actionnaires, depuis l'année 2008, aucun ou très peu des importants dividendes qu'elle perçoit en sa qualité d'actionnaire historique de la Française des jeux (dont elle détient 2,626 % du capital), le surplus de ses activités (le change manuel d'or et de devises, la gestion de « participations » et autres « investissements ») étant présenté comme 'résiduel' ; que la demande précise ensuite que, « depuis plusieurs années, les divers investissements de la société Idsud sont systématiquement déficitaires, puisque le résultat net est régulièrement très inférieur aux dividendes perçus par Idsud de la Française des Jeux » et que, «la gestion d'Idsud est (...) structurellement destructrice de valeur, puisque les dividendes réguliers perçus par Idsud (...) sont pour l'essentiel absorbés par des pertes sur les investissements réalisés par Idsud » ;

Considérant que la demande d'expertise de gestion serait susceptible d'être écartée si les questions posées par le demandeur s'inscrivaient dans une démarche de critique systématique de la gestion de l'entreprise par l'actionnaire minoritaire, visant en fait la gestion du nouveau dirigeant social, M. Jérémie L., nommé président d'Idsud en 2006, date depuis laquelle la société aurait perçu 31 millions d'euros de dividendes de la part de La Française des Jeux, n'aurait reversé à ses actionnaires que 4 millions d'euros de dividendes, et aurait vu ses fonds propres passer de 21,6 million d'euros à la fin de l'année 2006 à 13,6 millions d'euros à la fin de l'année 2015 ; qu'en particulier, l'expertise de minorité prévue par l'article L. 225-231 du code de commerce ne saurait concerner que les actes accomplis par les dirigeants et non les décisions prises par l'assemblée générale des actionnaires, laquelle n'est pas un organe de gestion ; qu'une telle expertise, qui ne saurait viser à remettre en cause l'ensemble des comptes de plusieurs exercices, déjà approuvés par les assemblées compétentes dont les délibérations ne peuvent être attaquées que par une action en nullité, ne peut être ordonnée que pour obtenir des éclaircissements sur une ou plusieurs opérations de gestion spécifiquement identifiées ;

Considérant toutefois qu'indépendamment de son éventuelle portée générale (laquelle est abondamment critiquée par la société Idsud dans ses écritures), la demande d'expertise présentée en l'espèce comporte plusieurs questions spécifiques, touchant à trois opérations intitulées 'Idsud-Energies', 'Yazino', et 'Idsud-Voyages' ; que la mesure d'expertise prévue par l'article L. 225-231 du code de commerce constitue une arme défensive mise par la loi à la disposition des actionnaires minoritaires lorsque les intérêts sociaux sont menacés à l'occasion d'une ou plusieurs opérations de gestion décidées ou projetées par la majorité, et a essentiellement pour but de prévenir ou de mettre fin à des abus de pouvoir de la part d'un groupe majoritaire et de nature à compromettre gravement l'intérêt social ;

Considérant qu'il y a donc lieu d'examiner les explications spécifiques demandées par l'actionnaire minoritaire et les réponses déjà apportées par la société Idsud, en vue d'apprécier le sérieux des questions, de vérifier la pertinence des réponses, leur caractère satisfaisant et, plus généralement, de statuer sur l'utilité de l'expertise et le sérieux de la demande, lesquels s'apprécient à l'aune de l'intérêt social de l'entreprise ;

Sur la demande d'expertise de gestion de l'opération Idsud-Energies :

Considérant que la société Idsud-Energies, née du rachat d'une société en procédure collective, a été présentée par la société Idsud comme pouvant 'à juste titre nourrir de grandes ambitions' et présentant des 'perspectives de développement encourageantes', alors que la perte des deux premiers exercices de cette jeune société s'élève à près de deux millions d'euros, et que son chiffre d'affaires demeure symbolique ; que la société Idsud, ayant été invitée à étayer son appréciation optimiste, a produit nombre de documents qu'elle a intitulés 'accords', 'marchés en cours de négociation', 'ventes réalisées mais non encore enregistrées' ou 'carnet de commandes', mais où la société Financière de l'Echiquier a pu ne voir que des 'devis périmés' ; que le chiffre d'affaires avec des collectivités françaises, avancé par la société Idsud pour 1,2 million d'euros, n'a été accompagné d'aucun justificatif ; que de nouveaux documents produits par la société Idsud ont fait état de la création de filiales à Singapour et Hong-Kong, et notamment de factures libellées au profit de l'entité hong-kongaise à hauteur de 24,5 millions de dollars pour un seul client, dont il n'est pas démontré qu'elles se soient traduites par un chiffre d'affaires effectif chez Idsud Energies pour l'exercice 2016, à l'exception de services d'études et d'ingénierie facturés aux filiales offshore d'Idsud elle-même ; qu' en outre, un important chiffre d'affaires réalisé en France, qui était censé intervenir au cours des troisième et quatrième trimestres 2016 n'existerait manifestement pas ;

Considérant qu'en réponse la société Idsud énumère un certain nombre de marchés qu'elle décrit comme générateurs de facturation effective, d'ores et déjà passés par l'entreprise et en cours d'exécution ; qu'elle indique qu'au vu des perspectives de résultat qu'elle estime dûment justifiées, ses organes de direction (Directoire) et de contrôle de la direction (Conseil de surveillance) ont pu décider de ne pas provisionner la prise de participation au sein de la société Idsud Energies en conformité avec l'intérêt social de la société mère ;

Considérant que les pièces produites par la société Idsud accréditent l'existence d'une activité commerciale de la société Idsud Energies mais ne démontrent que très imparfaitement en quoi les documents contractuels, factures pro forma et devis présentés sont susceptibles de se traduire en une réalité économique et comptable pour l'entreprise ; qu'il apparaît que ces documents ne répondent pas de manière satisfaisante aux questions posées et que l'expertise de gestion demandée serait notamment de nature à déterminer si le chiffre d'affaires effectif et les perspectives raisonnables de développement d'Idsud Energies justifient les risques et les pertes encourus, et donc si l'opération est ou non conforme à l'intérêt social d'Idsud ; qu'en l'espèce, l'utilité de l'expertise est avérée dans la mesure où la SA Financière de l'Echiquier n'a pas obtenu les informations suffisantes lui permettant d'apprécier l'opportunité et la régularité des opérations litigieuses ;

Sur la demande d'expertise de gestion de l'opération Yazino :

Considérant que, selon l'appelante, il est impossible pour les actionnaires d'Idsud de connaître le périmètre et la taille de « l'investissement » dans Yazino, tout comme il est impossible de déterminer la conformité à l'intérêt social d'Idsud de cette série d'investissements dont il n'est plus question dans le rapport financier 2016 ;

Considérant qu'en réponse la société Idsud produit une attestation d'un autre associé minoritaire et également ancien actionnaire de la société de droit suisse Yazino Group, indiquant qu'il ' a considéré de bonne foi que ce pouvait être un bon investissement' ; que la société Idsud évoque, concernant la société Yazino Group, des 'opérations de restructuration semblant perdurer et nécessiter de nouvelles dépenses', un engagement de reprise de sa participation qu'elle aurait négocié verbalement, puis exprimé dans une 'proposition de promesse' en date du 23 mars 2016, et finalement fait suivre d'une plainte déposée auprès des autorités de Zug (Suisse) le 10 octobre 2016 ;

Considérant qu'en l'état des nombreuses incertitudes qui résultent des pièces versées au dossier concernant la nature et la portée exactes des opérations menées en rapport avec la société Yazino Group, il apparaît à l'évidence que l'intérêt social de la société Idsud s'attache à ce que la mesure d'expertise sollicitée soit entreprise ; qu'en l'espèce, l'utilité de l'expertise est avérée dans la mesure où la SA Financière de l'Echiquier n'a pas obtenu les informations suffisantes lui permettant d'apprécier l'opportunité et la régularité des opérations litigieuses ;

Sur la demande d'expertise de gestion de l'opération Idsud-Voyages :

Considérant que l'appelante s'est inquiétée de la conformité à l'intérêt social du groupe Idsud de la gestion de sa filiale Idsud Voyages, laquelle, ayant réalisé en 2015 un chiffre d'affaires de l'ordre de 400 000 euros pour un résultat de 11 000 euros, se serait abstenue d'encaisser une créance de près de 800 000 euros sur la société Corpovia (société sous le coup d'une procédure collective), en augmentation de près de 200 000 euros au cours de l'exercice 2015, puis en 2016 aurait abandonné la quasi-intégralité de cette créance client ;

Considérant qu'en réponse, la société Idsud, a expliqué son rapprochement avec la société Corpovia, agence de voyages broker spécialisée dans le voyage dit « d'affaires », et société en plan de continuation insusceptible d'émettre elle-même sa billetterie ; qu'aux termes d'un contrat de sous-traitance, et moyennant une rétribution annuelle de 72 000 euros, la société Idsud Voyages émettait la billetterie de la société Corpovia ; que cette dernière entreprise disposait, suivant un investissement de près de 600 000 euros, d'un outil internet « Corpovia.biz » de recherches et de réservation en ligne mis à disposition de ses clients, portail internet sécurisé répondant parfaitement aux préoccupations de la clientèle « entreprises et affaires » ; que la décision de la société Idsud Voyages d'investir dans la société Corpovia viserait à bénéficier tant du volume de facturation que de l'outil internet de la société Corpovia ; que les opérations ayant conduit à ce rapprochement des deux entreprises a entraîné chez Idsud Voyages, à raison de la hausse du volume d'affaires mais encore des délais de règlement plus longs appliqués en matière de voyages « entreprises et affaires » et autres retards et défauts de règlement, une hausse de son poste client ; que le besoin de fonds de roulement s'explique, outre par ce qui précède, par la qualité d'intermédiaire (ou « broker ») de la société Corpovia et sa volonté de rester compétitive ; qu'à ce titre en effet, la société Corpovia, pour obtenir et proposer à sa clientèle des prix « cassés » et augmenter ainsi sensiblement la marge réalisable, est contrainte d'acheter à l'avance certaines quantités de voyages auprès des compagnies aériennes notamment ; que la société Idsud conclut de ce qui précède que ces pratiques expliquent le besoin de fonds de roulement critiqué par la société Financière de l'Echiquier, que l'opération contestée était et demeure conforme à l'intérêt social de la société Idsud, et qu'en l'état des réponses et pièces suffisantes fournies par la société Idsud, l'expertise demandée ne permettrait pas à la société Financière de l'Echiquier d'obtenir d'autres informations ;

Considérant que les explications apportées par la société Idsud concernant la gestion de l'opération Idsud-Voyages, si elles ne font pas toute la lumière sur les contours et les implications de l'opération, apparaissent suffisamment cohérentes et vraisemblables pour offrir à l'actionnaire minoritaire un tableau satisfaisant d'une opération commerciale dont le caractère déraisonnable n'apparaît pas à l'évidence ; qu'en l'absence de présomptions suffisamment étayées d'irrégularités affectant l'opération, la recherche de transparence ne saurait être poursuivie plus avant sans interférer avec la gestion quotidienne de l'entreprise, excédant ainsi les droits de l'actionnaire minoritaire que les dispositions susvisées du code de commerce ont pour vocation de faire respecter ; qu'il doit donc être constaté que le risque de contrariété à l'intérêt social de l'opération Idsud n'est pas suffisamment établi pour fonder une mesure d'expertise de gestion sur ce point ;

Sur la mesure d'expertise et les frais y afférents :

Considérant qu'il découle des circonstances de l'affaire que la SA Financière de l'Echiquier est légitime à suspecter les activités examinées au titre des opérations 'Idsud-Energie' et 'Yazino' comme de nature à porter atteinte à l'intérêt social et aux droits des actionnaires minoritaires ; que l'expertise de gestion sollicitée par la SA Financière de l'Echiquier concernant ces deux opérations revêt un caractère utile et sérieux ; qu'il convient de faire droit à la demande émise par cette dernière et de confier à l'expert une mission figurant au dispositif de la présente décision ;

Considérant que l'équité commande de faire bénéficier l' appelante des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, dans les conditions précisées au dispositif ci-après ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit au surplus des demandes ;

Que partie perdante, la société Idsud conservera la charge des entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance prononcée le 7 mars 2017 par le président du tribunal de commerce de Paris, statuant en la forme des référés ;

Statuant à nouveau,

désigne M. Fabrice O.-L. demeurant [...] (Tel : [...] - [...] ; mail : [...]) en qualité d'expert avec pour mission d'établir et présenter un rapport sur la conformité à l'intérêt social du groupe Idsud des opérations ' Idsud Energies' et 'Yazino' ; à cette fin :

- se rendre au siège social de la société Idsud ou dans tout autre lieu qui pourra se révéler nécessaire aux fins d'accomplissement de sa mission,

- se faire communiquer tout document et pièce relative à l'opération de gestion 'Idsud Energies'

- déterminer la réalité des marchés obtenus et de ceux en cours de négociation par Idsud Energies ;

- déterminer l'étendue des obligations dont Idsud Energies se serait rendue débitrice et leurs conséquences financières prévisibles ;

- déterminer si le chiffre d'affaires effectif, d'une part, et d'autre part les perspectives raisonnables de développement d'Idsud justifient les risques et les pertes encourus, et donner son avis technique sur le fait de savoir si l'opération est ou non conforme à l'intérêt social d'Idsud ;

- se faire communiquer tout document et pièce relative à l'opération de gestion 'Yazino'

- déterminer les investissements réalisés par Idsud dans le groupe Yazino et leur conformité à l'information financière de la société ;

- donner son avis technique sur le fait de savoir s'il est conforme à l'intérêt social d'Idsud de procéder à de tels investissements en actions et obligations du groupe Yazino en connaissant la situation financière de Yazino telle qu'elle ressort des documents comptables ;

Dit que les honoraires de l'expert seront à la charge de la société Idsud ;

Condamne la société Idsud à verser à la société Financière de l'Echiquier la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société Idsud aux dépens de première instance et d'appel.