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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 1, 6 avril 2017, n° 16/06110

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SPL (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Vercruysse, Mme Aldigé

T. com. Douai, du 7 oct. 2016, n° 201600…

7 octobre 2016

FAITS ET PROCEDURE

La Communauté de Communes de Pévèle Carembault est un établissement public de coopération intercommunale regroupant 38 communes du secteur de la Pévèle et du Carembault. Elle a été créée le 1er janvier 2014, par arrêté préfectoral en date du 29 mai 2013.

Elle est propriétaire d'une salle omnisports Pévèle Arena et d'un centre culturel le PACBO, tous deux situés à Orchies, l'une des communes de la C.C.P.C. Ces deux équipements avaient été construits par la communauté de communes C'ur de Pévèle à laquelle s'est substituée la Communauté de communes Pévèle Carembault le 1er janvier 2014.

Une société publique locale (S.P.L. de la Pévèle) a été créée le 11 septembre 2012 par l'ancienne Communauté de communes C'ur de Pévèle, la ville d'Orchies et la ville de Beuvry-La-Foret pour la gestion et l'exploitation de ces deux équipements.

Les statuts de la S.P.L. de la Pévèle prévoient que la Communauté de communes, et les communes de Beuvry-La-Foret et d'Orchies sont actionnaires, chacune à hauteur d'un tiers du capital.

La Communauté de Communes de Pévèle Carembault a adressé plusieurs questions à la SPL de la Pévèle portant sur la convention conclue entre cette dernière et la société BCO, occupante de la salle omnisport, ainsi que sur l'embauche de personnels.

Estimant ne pas avoir obtenu de réponse satisfaisante, par acte d'huissier en date du 20 juin 2016, la Communauté de Communes de Pévèle Carembault a fait assigner la SPL de la Pévèle près le Président du tribunal de commerce de Douai siégeant en la forme des référés sur le fondement de l'article L125'231 du code de commerce afin d'obtenir la désignation d'un expert.

Par ordonnance en date du 7 octobre 2016, le Président près le tribunal de commerce de Douai, statuant en la forme des référés, a :

- rejeté l'exception de connexité ;

- jugé recevable et bien fondée la demande d'expertise de gestion présentée par la Communauté de Communes du Pévèle Carembault ;

En conséquence,

- désigné M. D., expert judiciaire auprès de la cour d'appel de Douai, demeurant [...] en qualité d'expert avec pour mission de :

- se rendre au siège de la SPL de la Pévèle après y avoir convoqué les parties, ainsi que tout sachant et tout intéressé ;

- se faire remettre tous documents utiles à sa mission, dont conventions, documents financiers et échanges de correspondances ;

- examiner les conditions de conclusion de la convention d'occupation entre la SPL de la Pévèle et la société BCO ;

- examiner la gestion de la masse salariale de la SA SPL de la Pévèle et notamment les conditions justifiant deux postes de directeur et le recrutement d'un directeur de développement à compter du 1er janvier 2015, ainsi que le recrutement d'agents d'entretien ;

- donner son avis sur les conditions juridiques et financières de ces actes de gestion ;

- condamner la SPL de la Pévèle à payer à la Communauté de Communes du Pévèle Carembault une indemnité d'un montant de 2 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SPL de la Pévèle à supporter les dépens de l'instance liquidés à la somme de 67,30 euros.

La SPL de la Pévèle a interjeté appel de cette ordonnance le 10 octobre 2016.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions d'appel récapitulatives signifiées par voie électronique le 15 décembre 2016, la SPL de la Pévèle demande à la cour de :

- réformer l'ordonnance de référé déférée ;

- dire qu'il ne peut y avoir désignation d'un expert de gestion pour les motifs sus énoncés ;

- condamner la Communauté de Communes du Pévèle Carembault à lui payer les sommes suivantes :

- 10 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la Communauté de Communes du Pévèle Carembault en tous les frais et dépens tant de première instance que d'appel.

La SPL de la Pévèle fait valoir que la Communauté de Communes du Pévèle Carembault dispose des qualités d'actionnaire et d'administrateur ; qu'elle a eu connaissance de tous les éléments d'information à propos desquels elle demande une expertise de gestion ; qu'il a été apporté des réponses précises aux questions posées par l'administrateur ; que la Communauté de Communes du Pévèle Carembault confond les obligations d'information qui lui sont dues selon ses différentes qualités ; qu'une expertise de gestion doit porter sur des actes de gestion déterminés ; qu'il appartenait à la Communauté de Communes du Pévèle Carembault de rapporter la preuve que les réponses n'étaient pas satisfaisantes.

Aux termes de ses conclusions d'appel récapitulatives signifiées par voie électronique le 19 janvier 2017, la Communauté de Communes du Pévèle Carembault demande à la cour, au visa des articles L. 225-31 et R. 225 163 du code de commerce, de :

- confirmer l'ordonnance de référé déférée ;

- débouter la SPL de la Pévèle de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la SPL de la Pévèle au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SPL de la Pévèle aux entiers frais et dépens.

La Communauté de Communes du Pévèle Carembault soutient :

- que sa qualité d'administrateur n'est pas un obstacle à l'exercice de l'action ; qu'elle n'a pas eu de réponses satisfaisantes quant aux conditions d'embauche de certains personnels ; que la participation aux réunions du conseil d'administration n'interdit pas de recueillir des informations spécifiques par le biais d'une communication documentaire ;

- que les demandes qu'elle a formulées sont précises et visent notamment la conclusion d'une convention d'occupation d'immeubles ainsi que la conclusion de contrats de travail ;

- que la charge de la preuve n'a pas été inversée.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'expertise de gestion

Aux termes de l'article L. 225-231 du code de commerce :

« Une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120, ainsi que un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, peuvent poser par écrit au président du conseil d'administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, ainsi que, le cas échéant, des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3. Dans ce dernier cas, la demande doit être appréciée au regard de l'intérêt du groupe. La réponse doit être communiquée aux commissaires aux comptes.

A défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, ces actionnaires peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.'

L'article R 225-163 précise les conditions dans lesquelles l'expert est désigné :

« L'expert chargé de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion, dans les conditions prévues à l'article L. 225-231, est désigné par le président du tribunal de commerce, statuant en la forme des référés, après que le greffier a convoqué le président du conseil d'administration ou du directoire à l'audience par lettre recommandée avec demande d'avis de réception...

S'il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine l'étendue de la mission et des pouvoirs des experts. Elle peut mettre les honoraires à la charge de la société.

Le rapport est adressé au demandeur, au ministère public, au comité d'entreprise, au commissaire aux comptes et, selon le cas, au conseil d'administration ou au directoire et au conseil de surveillance ainsi que, dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, à l'Autorité des marchés financiers. Ce rapport doit, en outre, être annexé à celui établi par les commissaires aux comptes en vue de la prochaine assemblée générale et recevoir la même publicité».

La demande d'expertise doit présenter un caractère utile et sérieux, le sérieux de la demande s'apprécie en fonction de l'intérêt social.

Sur la régularisation de la convention conclue avec la SAS BCO

En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que la Communauté de Communes du Pévèle Carembault a au cours des conseils d'administration en date des 9 novembre, 23 décembre 2015, 8 février 2016 et par message électronique en date du 22 décembre 1015 interrogé la SPL de la Pévèle :

-sur la régularisation de la convention conclue avec la SAS BCO, exploitant le club de basket d'Orchies et occupant la salle omnisports Pévèle Arena et notamment sur l'incompatibilité de la durée de la convention de mise à disposition conclue d'une part entre la Communauté de Communes du Pévèle Carembault et la SPL de la Pévèle, pour une durée d'une année et celle de la convention régissant les relations entre la SPL de la Pévèle et la société BCO, conclue pour une durée de dix années, d'autre part, notamment au regard de l'indemnisation de l'exploitant en cas de résiliation du bail,

-sur les modalités du loyer versé.

Cette interrogation a été portée à la connaissance de la SPL de la Pévèle et réitérée à plusieurs reprises :

- au cours des conseils d'administration, comme en attestent les procès verbaux en date des 23 décembre 2015 et 8 février 2016 aux termes desquels il a notamment été soulevé le fait que la convention était 'non valide du point de vue juridique' ;

- par l'envoi d'un courrier, en date du 8 février 2016, à Mme D., présidente de la SPL de la Pévèle ;

- par un courriel, en date du 22 décembre 2015, entre les représentants des parties,

Lors des conseils d'administration tenus les 23 décembre 2015 et 8 février 2016, la présidente de la SPL de la Pévèle a répondu de la manière suivante :

- 'une réponse écrite sera apportée point par point', que toutefois, il n'est pas justifié de l'envoi de la réponse,

- 'une telle convention entre dans le champ d'application des articles L. 225-38 et suivants du code de commerce', pour autant, aucune réponse circonstanciée n'est portée à la connaissance des membres quant à la durée de la convention.

Elle a également répondu, par courrier en date du 22 mars 2016, au courrier du 11 mars 2016, comme suit 'Le BCO a besoin de visibilité pour son développement ; cette convention le lui permet. Elle est bien sûr conditionnée par le renouvellement de la convention qui permet à la SPL de la Pévèle de gérer l'équipement'. Force est de constater qu'à nouveau, la réponse apportée ne satisfait pas aux exigences de l'interrogation, la présidente de la SPL de la Pévèle répliquant de manière imprécise.

En l'état de ces éléments, il ne peut qu'être constaté que la présidente de la SPL de la Pévèle n'a effectivement pas donné de réponse satisfaisante à une question précise relative à la durée de la convention conclue avec la société BCO et notamment sur l'incompatibilité de la durée de la convention de mise à disposition.

Sur la gestion des salariés et l'embauche de personnels

Par courrier du 8 février 2015 adressée à la présidente et aux termes du conseil d'administration du 9 novembre 2015, la Communauté de Communes du Pévèle Carembault a interrogé la SPL de la Pévèle sur la gestion des salariés et plus précisément sur le recrutement d'un directeur du développement au 1er janvier 2015 et d'agents d'entretien alors que la société connaîtrait des difficultés financières.

La SPL de la Pévèle prétend qu'il y avait une justification de la masse salariale, que les comptes ayant été examinés et ratifiés au cours des assemblées générales, qu'il avait été décidé de l'embauche de personnels supplémentaires. Elle précise qu'en sa qualité d'administrateur actionnaire, la Communauté de Communes du Pévèle Carembault avait nécessairement connaissance de tous ces éléments dès lors qu'ils avaient été discutés et qu'ils avaient fait l'objet d'une ratification au cours des assemblées générales d'approbation des comptes.

Toutefois, la participation aux assemblées générales ainsi qu'aux conseils d'administration, ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action. En outre, le seul fait que les comptes de la masse salariale aient été approuvés en assemblée générale ainsi que le fait d'avoir accès aux documents de la société, et notamment aux contrats de travail du personnel, sont des éléments insuffisants dès lors qu'aucune réponse précise n'a été fournie sur l'opportunité des recrutements.

Au surplus, la SPL de la Pévèle ne saurait se prévaloir d'avoir rempli ses obligations par la communication faite, le 29 mars 2016, des documents demandés par la Communauté de Communes du Pévèle Carembault.

Si la SPL de la Pévèle a communiqué

-les comptes annuels de l'exercice clos au 31 décembre 2015

- le rapport général et spécial du Commissaire aux comptes

-la liste du personnel de la S.P.L. de la Pévèle, du PACBO et de l'ARENA (avec l'identité, les fonctions, la date d'entrée et le coût salarial)

-le prévisionnel d'exploitation sur le 1er semestre 2016

la Communauté de Communes du Pévèle Carembault fait observer que les fiches de poste ne sont pas produites ce qui ne lui permet pas d'apprécier les quotités horaires des agents à temps partiel et l'opportunité de la présence de deux directeurs, le recrutement d'un chargé de développement et d'agents entretien.

La S.P.L. de la Pévèle a certes communiqué les documents mais en nombre insuffisant et n'a pas répondu aux questions précises que posait la Communauté de Communes du Pévèle Carembault sur des éléments de sa gestion.

La Communauté de communes versant une subvention annuelle d'un montant de 668 000,00 euros, est fondée à réclamer des éléments sur la gestion exercée par la SPL de la Pévèle.

Aux termes des questions posées, la Communauté de communes a interrogé la SPL de la Pévèle sur la régularisation de la convention et son opportunité ainsi que sur l'opportunité de recruter du personnel au regard du budget dont elle dispose ce qui constitue des opérations de gestion

Il résulte de ces éléments que la Communauté de Communes du Pévèle Carembault était fondée à s'interroger sur les opérations susvisées qui sont de nature à peser sur le budget de la SPL de la Pévèle sans que celle-ci ait répondu de manière précise à ses interrogations.

Ainsi, la demande d'expertise de gestion revêt un caractère utile et sérieux.

L'ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les demandes annexes,

L'appelante, succombante, sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Il convient d'allouer à la Communauté de Communes du Pévèle Carembault la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel. La SPL de la Pévèle sera déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Condamne la SPL de la Pévèle à payer à la Communauté de Communes du Pévèle Carembault la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la SPL de la Pévèle aux dépens d'appel.