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Décisions

Cass. 2e civ., 22 septembre 2022, n° 20-21.686

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Vigneras

Avocat général :

M. Halem

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Foussard et Froger

Amiens, du 8 sept. 2020

8 septembre 2020

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application du texte susvisé.

2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur en cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

3. Le mémoire en demande de la société [10] ne contenant aucun moyen de droit dirigé contre l'arrêt du 23 mai 2019, il y a lieu de constater la déchéance de son pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision.

Irrecevabilité du pourvoi incident, examinée d'office

Vu les articles 550 et 614 du code de procédure civile :

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des textes susvisés.

5. Il résulte de ces textes que la déchéance frappant le pourvoi principal entraîne l'irrecevabilité du pourvoi incident, sauf lorsque ce dernier a été formé dans le délai donné pour agir à titre principal.

6. La caisse a formé un pourvoi incident le 7 mai 2021, alors que la déchéance du pourvoi principal était déjà acquise.

7. Le pourvoi incident est donc irrecevable.

Faits et procédure

8. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 23 mai 2019, rectifié par un arrêt du 8 septembre 2020) et les productions, [I] [J] (la victime), salarié de la société [10] (l'employeur), est décédé le 31 décembre 2002.

9. Le 25 septembre 2007, ses ayants droit ont sollicité de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 6] (la caisse) la prise en charge de la maladie à l'origine de son décès. Le caractère professionnel de la pathologie a été reconnu par jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes du 29 novembre 2013.

10. Les ayants droit de la victime ont saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de la maladie et du décès.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

11. L'employeur fait grief à l'arrêt du 8 septembre 2020 de faire droit à la requête en rectification d'erreur matérielle de l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel d'Amiens le 23 mai 2019 et de dire que la motivation reprise à compter de la page 3 et le dispositif seront remplacés par un autre texte, alors :

« 1°/ que le juge ne peut, sous couvert d'erreur matérielle, modifier les droits et obligations tels qu'ils résultent de la décision prétendument entachée d'erreur et se livrer à une nouvelle appréciation des éléments de la cause ; qu'il ne peut donc, sous couvert de rectification, prononcer une condamnation que ne comporte pas la décision prétendument entachée d'erreur ; qu'au cas présent, l'arrêt n°18/4675 rendu le 23 mai 2019 avait notamment « confirmé le jugement pour le surplus » et avait donc confirmé le jugement entrepris notamment en ce qu'il avait dit que la CPAM du [Localité 6] ne pourra pas poursuivre le recouvrement des réparations avancées à l'encontre de la société [10] ; que, prétendant procéder à une rectification d'erreur matérielle, la cour d'appel a substitué intégralement à l'arrêt du 23 mai 2019 une nouvelle décision au terme de laquelle elle a infirmé le jugement « en ce qu'il a jugé que la CPAM du [Localité 6] ne pourra poursuivre le recouvrement des indemnisations allouées au profit de M. [I] [J] à l'encontre de la société [9] » et, « statuant à nouveau, dit que la société [9] sera tenu de lui rembourser à la CPAM du [Localité 6] le montant des réparations accordées à Monsieur [I] [J], sur le fondement des articles L. 452-2, L. 452-3 et L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a, sous couvert de rectification d'erreur matérielle, modifié les droits et obligations des parties, procédé à une nouvelle appréciation des éléments de la cause et, par conséquent, violé les articles 462 et 481 du code de procédure civile ;

2°/ que l'erreur matérielle ne peut être réparée qu'au regard de ce que le dossier révèle ou que la raison commande ; que la juridiction ne peut se fonder sur les souvenirs des juges, du ministère public ou du greffier, fussent-ils concordants, pour modifier les énonciations d'un jugement ; qu'à supposer que l'on puisse admettre qu'un juge puisse sous couvert d'erreur matérielle substituer intégralement une nouvelle décision à une décision qu'il a antérieurement rendue, c'est à la condition qu'il soit matériellement établi, par les éléments du dossier, le contenu véritable de la décision établie par la juridiction à la date où elle a été rendue ; qu'en substituant intégralement à l'arrêt du 23 mai 2019 une nouvelle décision dont il n'est pas établi par le dossier de la procédure qu'elle correspondait effectivement à celle que la cour d'appel avait arrêtée à cette date, la cour d'appel a violé les articles 462 et 481 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

12. La caisse conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau et mélangé de droit et de fait.

13. Cependant, le moyen, qui soutient que l'arrêt rectificatif a modifié les droits et obligations des parties en méconnaissance de l'article 462 du code de procédure civile, est de pur droit.
14. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 462 du code de procédure civile :

15. Selon ce texte, si les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu, celle-ci ne peut modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision.

16. Pour ordonner la rectification de l'arrêt du 23 mai 2019 et lui substituer un nouvel arrêt, l'arrêt du 8 septembre 2020 retient que l'arrêt initial, enregistré sous le numéro 18/4675, concerne à tort d'autres parties que celles concernées par ce numéro de rôle.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel qui, sous le couvert d'une rectification d'erreur matérielle, a modifié les droits et obligations des parties, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

18. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

19. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi principal en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel d'Amiens ;

DÉCLARE irrecevable le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu, le 8 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.