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Décisions

Cass. soc., 30 mai 2000, n° 98-40.697

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gélineau-Larrivet

Rapporteur :

M. Le Roux-Cocheril

Avocat général :

M. de Caigny

Avocat :

SCP Gatineau

Grenoble, du 5 janv. 1998

5 janvier 1998

Attendu que M. C... et cinquante salariés de la société Elf Atochem, soutenant que les salariés d'une équipe de jour appelés en fin de semaine à effectuer un remplacement de nuit bénéficiaient le lendemain d'une autorisation rémunérée d'absence (ARA) de 8 heures, ont saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappels de salaires après que l'employeur n'ait plus consenti, à partir de 1996, qu'au versement d'une indemnité correspondant à 2 heures de travail ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief au jugement attaqué (Conseil de prud'hommes de Grenoble, 5 janvier 1998) d'avoir fait droit à ces demandes, alors, selon moyen, d'une part, qu'il appartient au salarié qui se prévaut de l'existence d'un usage d'en rapporter la preuve ; que, pour décider que la pratique, selon laquelle il avait été accordé une autorisation d'absence rémunérée aux salariés qui effectuaient un remplacement de nuit en fin de semaine, revêtait la valeur d'un usage, la cour d'appel a estimé que les salariés "contestent que les arrangements à l'amiable aient permis un fonctionnement différent avant 1992. La société Elf Atochem de son côté n'apporte aucun document à l'appui de l'existence de tels arrangements. Il résulte de ces observations que la société Elf Atochem ne justifie pas que la pratique observée ait été la conséquence d'une erreur d'interprétation même si la possibilité de mettre en place un fonctionnement plus rationnel ou moins onéreux est apparue postérieurement" ; qu'en statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a renversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil ; alors, d'autre part, que ne donne pas à sa décision une véritable motivation le juge qui procède par voie de simple affirmation sans donner à ses constatations de fait une précision suffisante ; que, bien que la société Elf Atochem ait expressément contesté la constance, la généralité et la fixité de la pratique des ARA, les juges du fond ont cru pouvoir affirmer qu'"il apparaît que depuis 1989, (en tout cas depuis 1992) jusqu'en 1995, les salariés de l'atelier PDP appelés à effectuer un remplacement en travail de nuit et qui auraient dû normalement travailler le jour suivant se voyaient accorder une ARA de 8 heures comme solution au problème posé" et que "les ARA accordées au personnel de façon systématique pendant plusieurs années par l'employeur relève d'un usage établi" sans indiquer les documents qui leur permettaient de justifier une telle affirmation ; qu'en statuant ainsi, le conseil des prud'hommes a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que l'usage n'est opposable à l'employeur que si ce dernier ne l'a pas régulièrement dénoncé en respectant un délai de préavis suffisant et en informant individuellement les salariés et les institutions représentatives du personnel ; que, pour décider que la société Elf Atochem n'avait pas régulièrement dénoncé l'usage, le conseil de prud'hommes s'est borné à constater que d'autres solutions avaient été mises en place par l'employeur telles que des ARA de 2 heures au lieu de 8 heures à partir de 1996 ; qu'en statuant ainsi par un motif inopérant, sans constater que la société Elf Atochem n'avait pas observé un délai de préavis suffisant ou informé individuellement chacun des salariés de la remise en cause de l'usage des ARA de 8 heures, la cour d'appel a

privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-8 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'en relevant que l'indemnité d'un montant uniformément fixé à un salaire correspondant à huit heures de travail avait été régulièrement versée pendant trois années à tous les salariés affectés à une équipe de jour appelés à effectuer un remplacement de nuit en fin de semaine, les juges du fond, sans renverser la charge de la preuve, ont ainsi caractérisé l'existence d'un usage dans l'entreprise ;

Et attendu, ensuite, qu'il appartenait à la société de rapporter la preuve de ce qu'elle avait respecté un délai de prévenance suffisant pour qu'il soit mis fin à cet usage ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il est encore fait grief au jugement d'avoir condamné la société à verser à chacun des salariés la somme de 500 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

alors que la condamnation d'une partie sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile est subordonnée à sa demande par l'autre partie ; qu'en condamnant d'office la société Elf Atochem à verser à chacun des salariés la somme de 500 francs au titre des frais irrépétibles sans que ces derniers en aient formulé expressément la demande, le conseil des prud'hommes a violé l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que si le juge ne peut allouer sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile une indemnité à une partie que si celle-ci en fait la demande, le prononcé sur des choses non demandées ne constitue pas un cas d'ouverture à cassation mais une irrégularité qui ne peut être réparée que selon la procédure prévue aux articles 463 et 464 du nouveau Code de procédure civile ; que le moyen est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.