CA Rennes, 2e ch., 25 septembre 2015, n° 14/01539
RENNES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Christien
Conseillers :
Mme Le Potier, Mme Lefeuvre
Lors de la rupture du couple, plusieurs décision sont intervenues, et une contribution du père à l'entretien a été fixée par le juge aux affaires familiales de Nanterre, d'abord à 400 € par mois par décision du 9 août 2005 , qui n'a pas été modifié par la décision du juge aux affaires familiales du 12 septembre 2006 , confirmée sur ce point par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 16 décembre 2008 laquelle avait préalablement ordonné une enquête sociale par arrêt du 4 décembre 2007, qui ne modifiait pas le montant de la contribution du père.
Madame S. a procédé par l'intermédiaire de la SCP de F. la R. et Gaëlle C. à la mise en oeuvre d'une procédure de paiement direct entre les mains du Crédit mutuel de Ploemeur, par LRAR du 10 juin 2013.
Monsieur V. a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lorient par acte du 6 août 2013 d'une demande d'annulation de cette procédure, et en conséquence de mainlevée, et subsidiairement d'irrecevabilité et de mal fondé. Il demandait aussi la condamnation de Madame S. au remboursement d'un trop perçu de 1842,31 €, augmentée à 2917,80 € devant le juge de l'exécution, outre les frais d'huissier, des dommages et intérêts pour procédure abusive, et des frais irrépétibles.
Par jugement du 11 février 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lorient a :
- débouté Pierre V. de sa demande de mainlevée du paiement direct notifiée le 10 juin 2013,
- condamné Pierre V. à payer à Muriel S. la somme de 500 € à titre de dommages intérêts,
- rejeté comme inutile ou mal fondée toute demande plus ample ou contraire des parties,
- condamné Pierre V. à payer à Muriel S. la somme de 1000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Pierre V. aux dépens.
- rappelé que la décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.
Par déclaration du 26 février 2014, Monsieur V. a interjeté appel de cette décision.
En l'état de ses conclusions récapitulatives du 30 mars 2015, reprenant ses conclusions de première instance, il demande à la cour :
> de réformer le jugement du Juge de l'Exécution de Lorient du 11 février 2014 ;
> de condamner Madame S. à verser aux débats :
1°) La lettre recommandée adressée par la SCI D. à Monsieur V. du mois de juin 2013
2°) L'accusé de réception de cette lettre
3°) Le décompte de la somme de 2.685,24 €
> de refuser toute audience à Madame S. tant qu'elle n'aura pas communiqué ces pièces ;
Vu l'article R 213 -1 du Code des Procédures Civiles d'Exécution,
> de prononcer la nullité pure et simple de la procédure de paiement direct mise en place le l0 juin 2013 par l'intermédiaire de la SCP Yves de F. la R. et Gaëlle C., Huissiers de Justice Associés à SEVRES, entre les mains du Crédit Mutuel de Ploemeur ;
EN CONSEQUENCE,
>d'ordonner mainlevée pure et simple de la procédure de paiement direct ;
Vu le jugement du Juge aux Affaires Familiales de Nanterre du 12 septembre 2006,
Vu 1'arrêt de la Cour d'Appel de Versailles en date du 16 décembre 2008,
>de constater que la pension alimentaire due à Madame S. s°élevait à 370 € par mois ;
>de constater qu'à la suite du jugement prononcé le 9 août 2005 par le Juge aux Affaires Familiales de Nanterre Monsieur V. a continué à verser mensuellement une somme de 400 €, avec indexation ;
EN CONSEQUENCE,
>de constater au visa de l'article L 213 -1 du C-PCE que la procédure de paiement direct mise en place par Madame S. est irrecevable ;
> de constater en tout état de cause qu'el1e est mal fondée ;
>de condamner Madame S. à payer au concluant une somme de 2.917,80 € avec intérêts de droit à compter de l'assignation valant mise en demeure, outre les sommes qui seront prélevées sur le compte bancaire du concluant à compter du 1er juillet jusqu'au jour de la décision à intervenir ;
> de condamner Madame S. à payer au concluant la somme de 206,07 € au titre des frais d'Huissiers et des frais bancaires indûment payés, le tout avec intérêts de droit à compter de l' assignation ;
> de condamner Madame S. au paiement d'une somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
> de décerner acte au concluant de ce qu'il se réserve de poursuivre la SCP Yves de P. la R. et Gaëlle C., Huissiers de Justice Associés à Sèvres ;
> de décerner acte au concluant de ce qu'il se réserve de déposer plainte pour escroquerie au jugement contre Madame S. ;
> de condamner Madame S. au paiement d'une indemnité de 2.000 en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
> de condamner Madame S. aux entiers dépens.
Madame S., intimée, demande à la cour par conclusions récapitulatives du 4 mai 2015 :
Vu les articles L213 ' 1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution
Vu l'article L 111 ' 8 du code des procédures civiles d'exécution
Vu l'article L 121 ' 3 du code des procédures civiles d'exécution
Vu l'article R696 du code de procédure civile
Vu les articles 34,37 et 75 de la loi sur l'aide juridique
Vu l'article 699 du code de procédure civile
- de dire et juger irrecevable et infondé l'appel interjeté par Monsieur V.
En conséquence
- de le débouter de toutes ses demandes, fins et prétentions
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions
Y additant,
- d'allouer 2000 € à Madame S. à valoir sur ses frais d'avocat devant la cour d'appel par application des articles 34,37 et 75 de la loi sur l'aide juridique
- de condamner Monsieur V. aux dépens devant la Cour.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs écritures respectives.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité de la procédure de paiement direct
L'appelant invoque en premier lieu, au soutien de son moyen de nullité, l'absence de notification à son adresse exacte, qu'il estime connue de son adversaire, de la procédure de paiement direct mis en oeuvre, de sorte qu'il n'en a été avisé que par la lecture de son relevé de compte de juillet 2013 et a ainsi permis à Madame S. de bénéficier d'un délai supplémentaire avant qu'il ne puisse saisir le juge de l'exécution.
Il conclut en second lieu que le document adressé à la banque ne comportait pas de décompte des sommes dues en principal, intérêts et frais, en contravention avec les dispositions de l'article R 213 -1 du code des procédures civiles d'exécution, et que le rappel des dispositions de l'article R 213 -6 du même code n'était pas notifié.
Madame S. conclut au rejet du moyen de nullité, en l'absence de grief démontré qui résulterait de l'irrégularité dont se prévaut l'appelant.
Des dispositions de l'article R 213 -1 du code des procédures civiles d'exécution il ressort que, en même temps que l'huissier du créancier notifie la demande de paiement direct au tiers mentionné à l'article L 213 -1 du même code, il en avise simultanément le débiteur par lettre recommandée avec accusé de réception, laquelle doit comporter à peine de nullité de la demande de paiement direct , le décompte des sommes dues en principal, intérêts et frais et le rappel des dispositions de l'article R 213 -6 du code des procédures civiles d'exécution, celui-ci étant relatif à la possibilité pour le débiteur de contester la mesure devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de son domicile.
Il n'est effectivement pas justifié de l'accomplissement par l'huissier du créancier de ces prescriptions, faites à peine de nullité.
Cependant, l'ensemble de ces dispositions ayant pour objet de permettre au débiteur de porter, le cas échéant, sa contestation devant le juge de l'exécution, force est de constater que Monsieur V., qui indique n'avoir été averti que par la lecture de son relevé de compte bancaire de juillet 2013 de la saisie pratiquée le 10 juin 2013, a été en mesure de saisir le juge de l'exécution territorialement compétent par assignation du 6 août 2013, ne justifie donc pas d'un grief justifiant qu'il soit fait droit à cette nullité de forme.
Le moyen de nullité soulevé quant à l'irrégularité de la demande elle même telle que notifiée au tiers saisi, outre qu'il n'est pas fondé, n'ouvrirait pas plus droit à l'annulation de la demande pour le même motif tiré de l'absence de grief causé à Monsieur V..
Le jugement déféré sera donc confirmé quant au rejet de la demande de nullité.
Sur l'irrecevabilité de la demande de paiement direct et le bien fondé de celle-ci
Monsieur V. fait valoir en second lieu que la procédure de paiement direct était irrecevable dès lors qu'il n'est pas démontré qu'il avait été défaillant dans le règlement des pensions alimentaires, et de leur indexation, qu'il a au contraire toujours réglées régulièrement. Il se prévaut du jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre du 12 septembre 2006 , qui avait entériné la fixation à 370 € par mois du montant de la pension, par ordonnance du 11 juin 2003 , montant que la cour d'appel de Versailles n'a pas modifié, et que Madame S. avait elle même acceptée.
Il soutient en conséquence, en s'appuyant sur ses propres relevés de compte bancaire et sur un tableau des sommes versées, que non seulement il a réglé ce qu'il devait mais qu'il a versé en trop la somme de 2917,80 €.
L'irrecevabilité alléguée étant invoquée par l'appelant qui soutient ne pas avoir été débiteur de Madame S. d'une seule échéance de pension, et être au contraire créancier de celle-ci, ne peut être examinée qu'associée à l'examen du bien fondé de la procédure.
L'intimée fait valoir quant à elle que la contribution de référence du père à l'entretien de l'enfant a été fixée à 400 € par mois avec indexation par le jugement du 9 août 2005, et que ce montant n'a pas été modifié par le dispositif du jugement du 12 septembre 2006, qui l'a elle même déboutée de sa demande d'augmentation à 470 € par mois de cette contribution ; que la cour d'appel de Versailles n'a pas non plus modifié ce montant.
Elle conteste le décompte dont se prévaut Monsieur V., qui ne fait état que du montant de la pension selon l'analyse erronée qui en est faite par celui-ci, mais qui fait aussi cependant apparaître l'absence de versement en octobre 2011, ce qui a justifié la première procédure de paiement direct mise en place, et fait état de versements en janvier 2013 alors qu'il ne s'agit que du règlement d'arriéré.
Monsieur V. soutient donc que sa part contributive à l'entretien de l'enfant, a été fixée à 370 € par mois par ordonnance du juge aux affaires familiales de Nanterre du 11 juin 2003 , augmentée à 400 € par une décision du 9 août 2005 , et diminuée à nouveau par celle du 12 septembre 2006 à 370 € mensuels avec indexation, décision confirmée par la cour d'appel de Versailles du 16 décembre 2008.
Cependant, si le juge aux affaires familiales de Nanterre, dans les motifs de sa décision du 12 septembre 2006 , a fait par erreur référence à la décision de juin 2003 fixant la part contributive du père à 370 € comme étant la dernière modification, et débouté Madame S. de sa demande de modification de celle-ci, force est de constater que la cour d'appel de Versailles, dans la décision avant dire droit du 4 décembre 2007, a rappelé que la part contributive du père avait été fixée à 400 € par mois par la décision du 9 août 2005 et qu'il n'y avait pas lieu à modifier ces dispositions, et a confirmé, au visa de l'arrêt avant dire droit du 4 décembre 2007, la décision déférée du 12 septembre 2006.
Dans ces conditions, le montant de la part contributive tel que retenu par la cour de Versailles est bien celui qu'elle a visé de 400 € par mois avec indexation, que Monsieur V. a d'ailleurs appliqué, ainsi qu'il l'indique lui même .
C'est donc à tort que l'appelant estime que les paiements qu'il a effectués depuis septembre 2006 sur la base de 400 € mensuels indexés constituent , pour la différence avec la somme de 370 € indexés, du trop perçu par madame S..
Au 1er janvier 2013, le tableau établi par Monsieur V. lui même fait état d'une absence de versement, ce que soutient Madame S. et qui ressort de son propre tableau des sommes qu'elle a reçues.
L'absence de paiement est confirmé par les relevés réguliers du compte bancaire de Monsieur V., sur lesquels il s'appuie, qui s'arrêtent au 4 décembre 2012 et reprennent au 4 février 2013, Monsieur V. ne produisant pas celui de janvier 2013, qui seul pourrait attester du paiement effectif et du montant payé au titre de sa part contributive pour ce mois là.
Le défaut de paiement d'une seule échéance de pension alimentaire à son terme justifiant la mise en oeuvre de la procédure de paiement direct , la demande faite par Madame S. le 10 juin 2013 est donc recevable.
Du décompte fait par Madame S., qui fait apparaître un défaut de paiement pour le mois d'octobre 2010, ce qui est confirmé par l'absence significative du relevé du compte bancaire de Monsieur V. correspondant à cette période, de même que pour les mois de septembre et octobre 2011, pour lesquels Monsieur V. ne justifie pas non plus des relevés de compte ni des bulletins de salaire sur lesquels apparaîtraient des retenues à ce titre comme pour les mois précédents de juin, juillet et août 2011, il ressort que Monsieur V. était bien redevable au jour de la saisie des sommes réclamées, et qu'il n'était créancier d'aucune somme.
Dans ces conditions, Monsieur V. sera débouté de toutes ses demandes, le jugement déféré étant confirmé pour la totalité de ses dispositions.
Monsieur V., qui succombe sur le mérite de son appel, devra en supporter les entiers dépens, et verser à Madame S. la somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles, par application des dispositions des articles 34,37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Déboute Monsieur V. de toutes ses demandes ;
Condamne Monsieur V. à payer à Madame S. la somme de 1500€ au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement des dispositions des articles 34,37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;
Condamne Monsieur V. aux entiers dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.