CA Lyon, 6e ch., 11 mai 2017, n° 16/07040
LYON
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boisselet
Conseillers :
M. Bardoux, Mme Clerc
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement contradictoire du 21 juin 2002, signifié le 18 mars 2016, le juge aux affaires familiales de Bourgoin Jallieu a notamment condamné monsieur R. à payer à madame Di M. une pension alimentaire mensuelle indexée de 450 euros au titre de l'entretien et l'éducation de leur enfant commun , Arthur né le 5 décembre 1996, qu'ils ont tous deux reconnu.
Le 21 mars 2016 monsieur R. a reçu notification d'une procédure de paiement direct initiée par madame Di M. en recouvrement de 6 mois d'arriérés de pension alimentaire (soit la somme de 3230,85 euros pour la période d'octobre 2015 à mars 2016) et des échéances à venir à raison de 538,58 euros /mois.
Le 1er avril 2016 madame Di M. a fait pratiquer une saisie attribution entre les mains du Crédit Agricole Sud Rhône -Alpes en paiement de la somme de 3 768,59 euros au titre des pensions alimentaires dues pour la période courant de mars à septembre 2015 inclus, outre intérêts et frais, soit un total de 4 434,88 euros ;
cette saisie attribution, dénoncée à monsieur R. le 5 avril 2016, a été fructueuse à hauteur de 19 489,65 euros, SBI déduit.
Par acte d'huissier du 15 avril 2016 monsieur R. a assigné madame Di M. devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon en contestation de ces deux mesures d'exécution forcée.
Par jugement contradictoire du 6 septembre 2016 , assorti de plein droit de l'exécution provisoire, le juge de l'exécution précité a , tout à la fois:
- déclaré monsieur R. irrecevable en ses demandes tendant à voir constater que la résidence principale d'Arthur R. est fixée au domicile du père depuis le 1er septembre 2013 et constater que l'enfant revendique son autonomie fiscale depuis le 1er mars 2015
- débouté monsieur R. de ses demandes de nullité et de mainlevée totale de la procédure de paiement direct selon lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 mars 2016 qu'à fait diligenter madame Di M. par huissier de justice à l'encontre de monsieur R. entre les mains de la Caisse de retraite notaires pour une créance de 538,58 euros au titre de la pension courante, outre 3230,85 euros au titre de l'arriéré sur les 6 derniers mois ainsi que la saisie attribution qu'a fait pratiquer par acte du 1er avril 2016, dénoncé au débiteur le 5 avril 2016, madame Di M. sur les comptes bancaires détenus par monsieur R. au Crédit Agricole Sud Rhône Alpes pour une créance en principal, intérêts et frais de 4434,88 euros, étant ajouté qu'il est donné plein effet à ladite saisie dans la limite de la créance figurant à l'acte de saisie attribution et mainlevée pour le surplus
- débouté monsieur R. de sa demande indemnitaire pour abus de saisie
- débouté madame Di M. de sa demande indemnitaire pour procédure abusive
- condamné monsieur R. aux dépens de l'instance
Le juge de l'exécution a retenu que :
- il n'avait pas compétence pour modifier le dispositif d'une décision de justice exécutoire
- en l'absence de moyens touchant à la régularité des saisies fondées sur un titre exécutoire régulièrement signifié, la saisie attribution et le paiement direct ne pouvaient qu'être validés.
Par déclaration du 4 octobre 2016 enregistrée au greffe de la cour le 5 octobre suivant, monsieur R. a relevé appel général de ce jugement .
Dans ses dernières conclusions déposées électroniquement le 3 janvier 2017 monsieur R. sollicite que par réformation du jugement déféré, la cour
- constate que la résidence habituelle de l'enfant Arthur est fixée au domicile du père depuis le 1er septembre 2013
- constate que cet enfant revendique son autonomie fiscale depuis le 1er mars 2015
- en conséquence,
*prononce la nullité de la saisie attribution pratiquée le 1er avril 2016 ainsi que de la procédure de paiement direct datée du 21 mars 2016
*ordonne en conséquence la mainlevée des deux procédures d'exécution précitées , aux frais de madame Di M.
*condamne madame Di M. au remboursement des sommes effectivement saisies dans le cadre de la procédure de paiement direct
*condamne madame Di M. au paiement d'une somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive et vexatoire
- condamne madame Di M. au paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel , ces derniers étant distraits au profit de la SCP T. & Associés, sur son affirmation de droit
- subsidiairement ,ordonne le sursis à statuer dans l'attente de la décision à venir du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lyon .
Aux termes de ses dernières conclusions déposées électroniquement le 28 février 2017 au visa des articles 1134, 1135 du code civil (dans leur alors version applicable ) et L.213-6 du code de l'organisation judiciaire, madame Di M. demande à la cour de:
- confirmer l intégralité de la décision rendue le 6 septembre 2016 par le juge de l exécution de Lyon
- constater que le juge de l'exécution est incompétent à juger de la demande de fixation de la résidence du jeune adulte Arthur au domicile de monsieur R. depuis le 1er septembre 2013
- constater que le juge de l'exécution est incompétent à juger de la demande de revendication de l autonomie fiscale d Arthur depuis le 1er mars 2013
- constater que les deux procédures d'exécution ici querellées ont été prises en application du jugement du 21 juin 2002, portant formule exécutoire
- dire et juger que l'annulation de ce titre ne peut emporter de plein droit, main levée de la saisie-attribution et de la procédure de paiement direct
- dire et juger que le titre exécutoire servant de fondement aux poursuites est fondé sur une somme due, certaine et liquide
- dire et juger de la régularité desdites procédures
- dire et juger que monsieur R. reste redevable :
*des échéances à venir pour la somme mensuelle de 538, 58 euros
*de la somme de 3230 euros, soit 6 mois d arriérés d octobre 2015 à mars 2016
*de la somme de 3768, 59 euros.
- constater la particulière mauvaise foi de monsieur R.
- dire et juger que la présente procédure est particulièrement abusive et dilatoire
- dire et juger que monsieur R. sera condamné au paiement de la somme de 3000 euros au titre de dommages et intérêts au profit de madame Di M.
- condamner monsieur R. au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile
- condamner le même aux entiers dépens de l instance.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 mars 2017 et l'affaire plaidée le 28 mars 2017, a été mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS
Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L121-1,R121-1du code des procédures civiles d'exécution et L213-6 du code de l'organisation judiciaire que le juge de l'exécution n'a pas compétence pour connaître des demandes tendant à remettre en cause le dispositif de la décision servant de fondement aux poursuites ou la validité des droits et obligations qu'elle constate ;
qu'en effet, quand bien même il connaît de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, il n'a pas compétence pour se substituer à la juridiction qui a prononcé la décision servant de fondement aux poursuites, et statuant à nouveau, pour modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ;
qu'en l'espèce le titre fondant la procédure de paiement direct et la saisie attribution litigieuses est constitué par un jugement du juge aux affaires familiales du 21 juin 2002 signifié le 18 mars 2016 ;
que l'appréciation et la fixation de la pension alimentaire mise à la charge de monsieur R. pour l'entretien et l'éducation de son fils relève de la compétence d'attribution réservée du juge aux affaires familiales conformément à l'article L213-3 du code de l'organisation judiciaire ;
que seule cette juridiction peut statuer sur la demande de suppression de pension alimentaire que monsieur R. poursuit indirectement devant le juge de l'exécution lorsqu'il entend voir juger que son fils aurait fixé sa résidence chez lui et revendiquerait son autonomie fiscale afin d'obtenir la mainlevée de la procédure de paiement direct et de la saisie attribution ;
qu'il appartiendra au juge aux affaires familiales d'apprécier, au regard des règles de droit applicables en la matière, si les conditions de suppression de la pension alimentaire mise à la charge de monsieur R. sont réunies.
Que par ailleurs, il doit être constaté que monsieur R. ne soutient pas que le paiement direct et la saisie attribution diligentés à son encontre seraient affectés d'irrégularités intrinsèques ;
qu'il ne discute pas plus le montant des sommes dont madame Di M. poursuit ainsi recouvrement ;
Attendu que la cour, qui ne peut davantage modifier le dispositif du jugement servant de titre exécutoire, l'effet dévolutif de l'appel ne valant qu'à l'égard de la chose que le premier juge avait le droit de juger, doit en conséquence confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté monsieur R. de ses demandes de nullité et de mainlevée totale de la procédure de paiement direct tout en cantonnant la saisie attribution au montant de la créance figurant à l'acte de saisie attribution et ordonnant mainlevée pour le surplus, après l'avoir déclaré irrecevable en ses demandes tendant à voir constater que son fils Arthur a fixé sa résidence au domicile paternel depuis le 1er septembre 2015 et qu'il revendique son autonomie fiscale depuis le 1er mars 2015.
Attendu qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à venir du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lyon saisi par monsieur R. aux fins de suppression de la pension alimentaire litigieuse, étant rappelé tout à la fois,
- que le titre fondant les mesures d'exécution forcée est assorti de l'exécution provisoire de droit s'agissant de la contribution alimentaire mise à la charge du père,
- que la créance constatée dans ce titre est parfaitement liquide au sens de l'article L111-6 du code des procédures civiles d'exécution
- que selon les dispositions de l'article L111-10 in fine du code précité, l'exécution est poursuivie au risques du créancier, celui-ci devant rétablir le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié.
Attendu que monsieur R. n'est pas plus fondé en appel qu'en première instance à réclamer des dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire à l'encontre de madame Di M. dès lors qu'il succombe dans ses prétentions ;
que madame Di M. sera également déboutée, par confirmation du jugement déféré, de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire, la circonstance que monsieur R. a été débouté jusqu'à présent de ses demandes en suppression de pension alimentaire étant insuffisante à caractériser à son égard une volonté de nuire ou une légèreté blâmable équipollente à un dol dans l'initiation de son action aux fins de nullité et mainlevée des mesures d'exécution forcée litigieuses , madame Di M. n'établissant pas, par ailleurs, la nature et l'étendue du préjudice sur la base duquel elle fonde cette réclamation.
Attendu qu'il convient de laisser à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a engagés en appel dès lors qu'elles succombent chacune pour parties dans leurs prétentions et qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur leur recouvrement par leurs mandataires ; que les dépens de première instance seront confirmés à la charge de monsieur R..
Attendu que l'application de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée comme ne se justifiant pas à l'égard de l'une ou l'autre des parties, tant en première instance qu'en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens par elle engagés en appel et n'y avoir lieu de statuer sur leur recouvrement par leurs mandataires,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.