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Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ. A, 25 mai 2020, n° 19/03583

COLMAR

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martino

Conseillers :

Mme Fabreguettes, Mme Arnold

JEX Colmar, du 19 juill. 2019

19 juillet 2019

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par arrêt du 25 mars 2013, Mme L. a été condamnée à payer à M. H. une somme mensuelle de 130 euros indexée, au titre de la contribution à l'entretien et l'éducation de chacun de leurs deux enfants communs, Romain né le 27 juin 1996 et Théo né le 14 septembre 2000.

Par acte d'huissier en date du 27 mai 2014, M. H. a mis en oeuvre une procédure de recouvrement direct de la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants entre les mains de l'employeur de Mme L., la société ADMR.

Par arrêt en date du 5 décembre 2017, la cour d'appel de Colmar a réduit la contribution à l'entretien et l'éducation des deux enfants à la somme de 100 euros par mois pour les deux enfants à compter du 28 juin 2015.

Par assignation du 7 décembre 2018, Mme L. a saisi le tribunal d'instance de Colmar d'une demande dirigée contre M. H. tendant à obtenir la mainlevée de la procédure de recouvrement direct , à le voir condamner à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La demanderesse a fait valoir que du fait des multiples procédures entreprises contre elle par M. H. depuis 2012, elle n'a jamais été en mesure de régler la pension alimentaire spontanément, qu'elle n'a jamais obtenu de décompte des arriérés ni un relevé d'identité bancaire du créancier lui permettant de mettre en place un virement automatique et qu'il avait été convenu de compenser les éventuels arriérés avec la prestation compensatoire d'un montant de 5 000 euros due par M. H..

M. H. a conclu au débouté des demandes de Mme L., a sollicité sa condamnation aux dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le défendeur a fait valoir que la procédure de recouvrement direct de la pension alimentaire a fait suite à six échéances restées impayées, qu'elle est toujours justifiée puisque la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants n'a plus été indexée par la débitrice, et que l'arriéré s'élève au 31 janvier 2018 à la somme de 9 601 euros.

Par jugement contradictoire en date du 19 juillet 2019, le juge de l'exécution près le tribunal d'instance de Colmar a débouté Mme L. de ses demandes de mainlevée de la procédure de paiement direct et de dommages et intérêts et l'a condamnée à payer à M. H. la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour se déterminer ainsi, le tribunal a retenu que Mme L. ne démontre pas avoir honoré son obligation alimentaire avant la mise en oeuvre de la procédure de paiement direct , de sorte que cette procédure ne peut être qualifiée d'abusive et que sa mainlevée ne peut être ordonnée au motif de l'absence d'un décompte s'agissant de termes à échoir fixés, en dernier lieu, par arrêt du 5 décembre 2017.

Par déclaration en date du 6 août 2019, Mme L. a interjeté appel à l'encontre de cette décision.

Par dernières écritures notifiées en date du 22 janvier 2020, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de

"A titre principal,

Dire et juger la procédure de paiement direct nulle et de nul effet,

En conséquence,

Ordonner la mainlevée immédiate de ladite procédure,

A titre subsidiaire,

Dire et juger que la procédure de paiement direct est abusive et inutile,

En conséquence

Ordonner la mainlevée de la procédure de paiement direct ,

En tout état de cause,

Débouter M. H. de l'ensemble de ses fins, moyens et prétentions,

Condamner M. H. à payer à Mme L. la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamner M. H. à payer à Mme L. la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. H. aux dépens d'instance et d'appel."

L'appelante se prévaut de la nullité de la procédure de recouvrement direct emportant sa mainlevée dès lors que le créancier ne prouve pas avoir procédé à la notification du nouveau titre exécutoire, à savoir l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 5 décembre 2017 avec décompte des sommes dues.

Subsidiairement sur le fond, elle fait valoir que M. H. avait mis en place dès le mois d'avril 2012 une saisie de ses rémunérations alors que l'ordonnance de non conciliation venait d'être signifiée de sorte qu'elle n'a jamais pu s'exécuter spontanément, d'autant qu'elle avait obtenu de la cour, la réduction de la pension alimentaire compte tenu de sa situation. Elle ajoute que la mesure d'exécution forcée est abusive car elle excède ce qui est nécessaire au recouvrement de la pension alimentaire, qu'elle est disproportionnée par rapport au montant modeste dû, qu'elle est de bonne foi et que le créancier agit contre elle avec l'intention de lui nuire. Elle estime la mesure au surplus inutile, le montant saisi correspondant en principal au montant de la pension alimentaire soit désormais de 50 euros par mois, et ajoute que l'arriéré éventuel pourrait se compenser avec la prestation compensatoire que lui doit l'intimé.

Par uniques écritures notifées en date du 6 novembe 2019, M. H. demande à la cour de :

"Débouter Mme L. de ses fins, moyens et conclusions,

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamner Mme L. à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme L. aux frais et dépens de la procédure d'appel. "

L'intimé fait valoir que la procédure de recouvrement direct n'est pas entachée de nullité puisque les montants saisis ont été adaptés aux décisions de justice modifiant le montant de la contribution mensuelle et à l'indépendance financière de Romain.

Sur le fond, il se prévaut du fait que lorsque la procédure de paiement direct a été mise en place, il existait au moins une échéance impayée, de sorte que la procédure est justifiée et s'impose jusqu'à ce que l'obligation alimentaire soit supprimée. Il ajoute qu' aucun élément ne permet de croire que Mme L. paiera spontanément la pension alimentaire pour son fils Théo, puisqu'elle n'a notamment jamais répondu à la demande de compensation avec la prestation compensatoire alors que ce courrier contenait en outre le détail des montants dus au titre des arriérés et qu'elle ne prouve toujours pas être à jour des règlements, étant ajouté qu'elle n'a jamais procédé elle -même à l'indexation des montants dus.

MOTIFS

Sur la nullité de la procédure de recouvrement direct

Selon l'article R213'1 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier de la pension alimentaire peut charger tout huissier de justice du lieu de sa résidence de notifier la demande en paiement direct au tiers mentionné à l'article L213-1.

Celle-ci comprend, à peine de nullité, indication du nom et domicile du débiteur, l'énonciation du titre exécutoire, le décompte des sommes dues ainsi que le rappel des dispositions de l'article L213-2.

L'article R213'3 du même code énonce que si une nouvelle convention ou décision change le montant de la pension alimentaire ou les modalités d'exécution de l'obligation, la demande de paiement direct se trouve de plein droit modifiée en conséquence à compter de la notification de la convention ou de la décision modificative qui est faite au tiers dans les conditions prévues au premier et deuxième alinéas de l'article R213-1.

Pour se prévaloir de la nullité de la procédure de recouvrement direct , l'appelante expose que la dernière dénonciation de paiement direct faite en 2019, tant au tiers débiteur qu'à elle-même, pour lui notifier qu'à compter du 1er octobre 2019, la contribution à l'entretien et à l'éducation n'était due que pour un seul enfant et s'élevait donc à la somme mensuelle de 52,50 euros, ne fait pas mention de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 5 décembre 2017, que l'acte ne comporte pas le décompte des sommes dues, ni les dispositions de l'article L213'2.

En l'espèce, la notification faite par la SCP Laurence R.-O. & Franck C., huissiers de justice associés, à l'association ADMR, tiers débiteur, le 19 septembre 2019 et à Mme L. le 6 septembre 2019, ne comporte pas la mention du dernier titre exécutoire à savoir l'arrêt de la cour d'appel de Colmar intervenu le 5 décembre 2017, diminuant la pension alimentaire fixée par l'arrêt de la cour d'appel de Colmar en date du 25 mars 2013, à la somme de 50 € par mois et par enfant, soit 100 € au total, se référant uniquement à l'ordonnance de non-conciliation du 20 janvier 2012 et l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 25 mars 2013 et ne comporte aucun décompte des sommes dues à la date de la notification, ni le rappel des dispositions de l'article L213'2 du code des procédures civiles d'exécution.

Il s'ensuit que les notifications relatives à la diminution de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants communs à compter du 1er octobre 2019, faites par huissier de justice au tiers débiteur et à la débitrice ne comportent pas l'ensemble des mentions prescrites par l'article R213-1 du code des procédures civiles d'exécution.

L'article 114 alinéa 2 du code de procédure civile subordonne le prononcé de la nullité d'un acte pour vice de forme à la preuve de l'existence d'un grief causé à celui qui l'invoque, même s'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

En l'espèce, Mme L. qui se prévaut de la nullité de la notification de la modification de la pension alimentaire faite par huissier de justice le 6 septembre 2019, n'évoque ni ne rapporte la preuve d'un grief engendré par ce vice de forme.

En outre, il n'est pas discuté par les parties que l'arrêt du 5 décembre 2017 a été appliqué.

Sa demande tendant à voir annuler la procédure de recouvrement direct sera par conséquent rejetée.

Sur la demande de mainlevée de la procédure de recouvrement direct

L'article 111-7 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. L'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation.

L'article L121-2 du même code dispose que le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.

L'article R213-2 énonce que la demande de paiement cesse de produire effet si l'huissier du créancier en notifie au tiers la mainlevée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Elle prend fin aussi à la demande du débiteur, sur production d'un certificat délivré par un huissier attestant qu'un nouveau jugement a supprimé la pension alimentaire ou constatant qu'en vertu des dispositions légales la pension a cessé d'être due.

Mme L. reproche à l'intimé de ne pas lui communiquer de décompte actualisé précis et assure être en mesure de s'acquitter spontanément de la pension alimentaire, estimant que la mesure de recouvrement direct en place depuis six années n'a plus lieu d'être.

Or, comme l'a relevé exactement le premier juge, Mme L., qui ne conteste pas être redevable d'une contribution à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, puis présentement à un seul de ses enfants, ne démontre pas qu'elle s'était acquittée volontairement de cette obligation le 27 mai 2014, date à laquelle la procédure de paiement direct a été mise en place alors que six échéances étaient restées impayées, étant rappelé que l'article L213-1 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que la demande est recevable dès qu'une échéance de la pension n'est pas payée à son terme.

Par ailleurs, en vertu du principe selon lequel la pension alimentaire est portable et payable d'avance, il appartient au débiteur d'aliments d'indexer spontanément à la date prévue par le titre exécutoire la pension dont il est redevable, sans attendre que le créancier procède lui-même à cette opération.

L'appelante, qui ne conteste pas n'avoir jamais pris l'initiative d'indexer cette contribution, est mal fondée à se prévaloir de l'absence de communication par le créancier d'un décompte actualisé des sommes restant dues pour voir qualifiée d'abusive et d'inutile la procédure de recouvrement qui a pour but principal le paiement des mensualités à échoir.

Enfin, les moyens tirés de la possibilité financière de Mme L. de payer la pension alimentaire de 50 euros, restant due pour un seul de ses fils, de la compensation de la créance avec le montant de la prestation compensatoire due par M. H. sont inopérants, ces éléments ne permettant pas la mainlevée de la mesure de paiement direct selon les prescriptions de l'article R213-2 du code des procédures civiles d'exécution précité.

Il s'ensuit que c'est par une juste appréciation des faits de la cause et de la règle de droit applicable et par des motifs pertinents que la cour adopte, que le premier juge a dit que la procédure de paiement direct ne peut être qualifiée d'abusive ou d'inutile, a rejeté la demande de mainlevée de la procédure de paiement direct et, en conséquence, la demande de dommages et intérêts formée par l'appelante.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme L. tant de sa demande de mainlevée de la procédure de paiement direct que de sa demande de dommages et intérêts..

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement déféré s'agissant des dépens et de l'article 700 du code de procédure seront confirmées.

Partie perdante à hauteur d'appel, Mme L. sera condamné aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du même code.

En revanche, il sera fait droit la demande de M. H. au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 1000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

REJETTE la demande de Madame Sylvie L. tendant à voir déclarer nulle et de nul effet la procédure de recouvrement direct ,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DEBOUTE Madame Sylvie L. de sa demande titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame Sylvie L. à payer à Monsieur Thiébaut H. un montant de 1 000 € (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame Sylvie L. aux dépens d'appel.