CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 6 juillet 2011, n° 10/23915
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mancoh (SAS)
Défendeur :
M. Guy
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Foulon
Conseillers :
M. Blanquart, Mme Graff-Daudret
Avoué :
SCP Duboscq et Pellerin
Avocats :
Me Testu, Me Marsaudon
FAITS CONSTANTS
M. Jacques GUY a été président du conseil d'administration du groupe MONITEUR du 11 septembre 2000 au 08 avril 2009, date de son licenciement.
Ce groupe était acheté, en 2006, par un fonds d'investissement, le groupe BRIDGEPOINT.
Pour ce faire, une société holding, la SAS GMH, était constituée, détenue :
- pour 26% par la SAS MANCOH dont l'objet exclusif est « l'achat, la souscription, la détention, la cession ou l'apport d'actions ou autres valeurs mobilières émises » (article 5 des statuts) par GMH et dont la vocation était de regrouper les participations des managers du groupe MONITEUR
- pour 68% par 3 fonds (FCPR) de BRIDGEPOINT
- 6% par une société de droit anglais ICIL
M.GUY détient 25% de MANCOH, qui comptait 55 actionnaires.
BRIDGEPOINT détient aujourd'hui toutes les actions de MANCOH sauf celles de M.GUY.
Le président de MANCOH, M. ROBERT est également associé de BRIDGEPOINT et membre du conseil d'administration de GMH.
Le 14 décembre 2009, BRIDGEPOINT consentait à GMH une avance en compte courant de 12 M. d'€ rémunéré à 15% (la convention).
Par lettre du 11 juin 2010 M.GUY demandait à M.ROBERT quelle position adopterait MANCOH lors de l'assemblée générale au cours de laquelle serait débattue l'approbation de la convention.
M.ROBERT répondait le 12 juillet 20010.
A deux sommations interpellatives du 30 juillet 2010 aux mêmes fins M.ROBERT répondait qu'il « apporterait une réponse circonstanciée dans la mesure où ces réponses ne porteraient pas atteinte aux droits des tiers ou au secret des affaires'.
M.ROBERT répondait le 06 septembre 2010.
Par ordonnance en la forme des référés du 03 décembre 2010 le président du tribunal de commerce de Paris, sur le fondement de l'article L225-231 du code de commerce :
- ordonnait une expertise dite de gestion de MANCOH ;
- disait sa décision exécutoire de plein droit ;
- laissait les dépens à la charge de M. Guy.
MANCOH interjetait appel le 10 décembre 2010.
L'ordonnance de clôture était rendue le 08 juin 2011.
Par ordonnance du 09 février 2011 le premier président de cette cour rejetait la demande de MANCOH tendant à la suspension de l'exécution provisoire.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DE MANCOH
Par dernières conclusions en date du 01 juin 2011, auxquelles il convient de se reporter du MANCOH soutient :
- que M.GUY n'a pas qualité à agir puisqu'il n'est pas associé des sociétés ayant accompli l'acte de gestion (GMH ou BRIDGEPOINT) ;
- que la convention est un acte de gestion de GMH et non pas de MANCOH ;
- qu'une décision d'assemblée générale n'est pas un acte de gestion au sens de l'a L.225-231 ;
- que MANCOH n'a pas été engagée par le vote ;
- que MANCOH n'est pas une filiale de GMH ;
- que M. ROBERT, en sa seule qualité de président de MANCOH, a répondu à toutes les questions de M.GUY ;
- que la mesure sollicitée n'a aucune utilité, alors qu'elle est contraire à la loi.
Elle ajoute que l'exécution provisoire n'était pas de droit, pour conclure :
- à la « réformation en toutes ses dispositions » de l'ordonnance ;
- de déclarer la demande d'expertise irrecevable ;
- subsidiairement de la dire mal fondée ;
- très subsidiairement, de l'infirmer en ce qu'elle a ordonné l'exécution provisoire.
Elle demande 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Cette partie entend bénéficier des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DE M. GUY
Par dernières conclusions en date du 08 juin 2011 , auxquelles il convient de se reporter, M.GUY expose :
- qu'une opération de gestion est celle arrêtée par un organe de gestion, à l'exclusion des décisions prises par l'assemblée générale ;
- que les relations de MANCOH avec les tiers relèvent du seul président (article L227-6 du Code de Commerce et articles 9 et 12 des statuts ;
- que le vote du président (ROBERT) est bien un acte de gestion ayant engagé MANCOH
- que peu important que MANCOH soit minoritaire au sein de GMH, les associés de celle-ci pouvaient interroger son président pour défendre leurs intérêts ;
- que les réponses apportées étaient manifestement insuffisantes (voir contradictoires, cf page 17 des conclusions) et pouvaient lui faire penser que le président ROBERT ne cherchait pas à défendre les intérêts de MANCOH ;
- que la mesure ordonnée a notamment pour but de protéger les actionnaires minoritaires.
Il demande :
- la confirmation de l'ordonnance ;
- 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- la condamnation aux dépens de première instance et d'appel de MANCOH.
Cette partie entend bénéficier des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
SUR QUOI, LA COUR
Considérant que selon l'article L.225-231 du Code du Commerce :
« '.un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social' peuvent poser par écrit au président du conseil d'administration '.des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, ainsi que, le cas échéant, des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L 233-3. Dans ce dernier cas, la demande doit être appréciée au regard de l'intérêt du groupe. La réponse doit être communiquée aux commissaires aux comptes.
A défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, ces actionnaires peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion. '.
S'il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine l'étendue de la mission et des pouvoirs des experts. Elle peut mettre les honoraires à la charge de la société.»
Que dans un tel cas l'article R225-163 prévoit que le président du tribunal de commerce « statue en la forme des référés » ;
Considérant que l'opération de gestion est celle prévue par l'organe de gestion de la société et non pas par l'assemblée générale, lorsque, de par la loi ou les statuts, celle-ci est compétente pour prendre la décision litigieuse ; qu'il est établi, et non contesté (cf. article 12 des statuts de MANCOH) que le Président de MANCOH disposait seul des pouvoirs nécessaires pour prendre position sur la convention envisagée par GMH et BRIDGPOINT ; qu'il s'agissait donc d'une opération de gestion, qui ne peut être confondue avec la convention, elle-même décidée par deux sociétés tierces ;
Considérant que la recevabilité de cette action n'est pas non plus subordonnée à la preuve que l'organe de gestion a méconnu l'intérêt de la société qu'il dirige puisque la mesure de l'article L. 225-231 tend justement à l'établissement de cette preuve ; qu'il importe peu de savoir si la décision de l'organe de gestion aurait ou non changé la décision de l'assemblée générale de GMH ;
Considérant que le Président de MANCOH n'a pas répondu de façon satisfaisante aux questions d'un actionnaire minoritaire s'inquiétant du caractère dangereux pour la société de la prise de position de son dirigeant, laissant 'le soin (à celui-ci) de s'adresser formellement à GMH (voire BRIDGPOINT, si vous le préférez) sur le fondement qu'il vous appartient de définir, pour obtenir la documentation adéquate' ;
Considérant qu'il résulte de l'article 514 alinéa 2 du Code de procédure civile que sont sont notamment exécutoires de droit à titre provisoire, les décisions qui ordonnnent des mesures conservatoires ; que tel est le cas de la décision 'en la forme des référés' entreprise ;
Qu'il y a donc lieu de confirmer celle-ci ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Jacques GUY les frais non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de lui accorder à ce titre la somme visée dans le dispositif ;
PAR CES MOTIFS
- Confirme l'ordonnance entreprise,
Y ajoutant :
- Condamne la SAS MANCOH à payer à M. Jacques GUY 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamne la SAS MANCOH aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.