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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. a, 26 novembre 2009, n° 08/18453

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Barneoud Developpement (SA)

Défendeur :

2 I MA (SARL), M. Timsit

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Jacques

Conseillers :

Mme Elleouet - Giudicelli, Mme Aimar

Avoués :

SCP De Saint Ferreol - Touboul, SCP Liberas - Buvat - Michotey

Avocats :

Me Cathely, Me Gassenbach

T. com. d’Aix-En-Provence, du 1 oct. 200…

1 octobre 2008

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par exploits en date des 16 et 19 mai 2008, la S.A.R.L. 2I MA a fait assigner S.A. BARNEOUD DEVELOPPEMENT et M. Simon TIMSIT devant le président du Tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE, statuant en référé, pour obtenir l'organisation d'une expertise de gestion.

Les défendeurs se sont opposés à cette demande.

Dans une ordonnance du 1er octobre 2008, le Président du tribunal de commerce a constaté que la S.A.R.L. 2I MA, actionnaire à plus de 5 % du capital social de la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT était recevable à présenter, sur le fondement de l'article L 225-231 du Code de commerce, une telle demande,

que cette demande était également recevable dans la mesure où les questions qu'elle entendait voir examiner par l'expert, c'est à dire :

- externalisation de la gestion des actifs de la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT à une société BARNEOUD GESTION ET PATRIMOINE,

- opérations liées au compte [...] intitulé 'Publicité, publications, relations publiques' afin de rechercher notamment si les frais engagés sont en relation directe avec l'activité de la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT,

- opérations liées au compte [...] intitulé 'Déplacements, missions et réceptions', afin de rechercher les motifs des frais engagés sur ce compte au bénéfice de M. TIMSIT,

avaient été préalablement posées par lettre recommandée du 28 février 2008.

Il a ensuite constaté que l'activité de gestion du patrimoine immobilier et les contrats de travail y afférents, avaient été transférés à la société BARNEOUD GESTION ET PATRIMOINE, qu'il s'agissait bien là d'un acte de gestion dont il convenait de faire rechercher s'il présentait un intérêt social pour la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT,

qu'il convenait aussi de faire rechercher si des factures passées sur le compte [...] correspondaient à des commandes dont avait bénéficié la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT ou si elles correspondaient à des prestations qui avaient bénéficié à l'ensemble du groupe, qu'il en était de même pour des frais propres de M. Simon TIMSIT.

Il a, en conséquence, ordonné l'expertise sollicitée qu'il a confiée à M. Jean-Marc DAUPHIN, lequel a depuis été remplacé par M. Pierre-Henri COMBE.

La société BARNEOUD DEVELOPPEMENT a régulièrement relevé appel de cette décision.

Dans des écritures du 19 octobre 2009, tenues ici pour intégralement reprises, elle soutient que l'ordonnance doit être réformée dans la mesure où les questions posées sur les comptes [...] et [...] ne concernent pas des opérations de gestion au sens de l'article

L 225-231 du Code de commerce, où ces questions n'ont pas été posées préalablement à la procédure et où il y a été répondu de façon satisfaisante,

que l'ordonnance doit aussi être réformée car la demanderesse ne justifie pas d'une présomption sérieuse d'irrégularité de ces opérations et d'un risque d'atteinte à l'intérêt social de la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT.

Elle sollicite l'octroi d'une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ces mêmes écritures, M. TIMSIT expose, qu'en ce qui le concerne, il ne conclut pas à la réformation de l'ordonnance, mais s'oppose à la demande de condamnation formulée à son encontre par l'intimée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans des écritures du 20 octobre 2009, tenues également pour intégralement reprises, la S.A.R.L. 2I MA demande la confirmation de l'ordonnance et la condamnation de M. TIMSIT à lui payer une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Attendu que l'appelante expose, après avoir fait l'historique du conflit qui oppose, à l'intérieur du conseil d'administration de la S.A. BARNEOUD DEVELOPPEMENT, les différentes sociétés actionnaires ou plus exactement les personnes physiques qui détiennent la majorité des parts sociales de ces sociétés, M. TIMSIT d'un côté et M. MARCADE de l'autre, le premier reprochant essentiellement au second d'avoir acquis, sans l'en informer, la majorité du capital social d'une société COMMERCE DEVELOPPEMENT GESTION-CD, qui était alors titulaire du mandat de gestion locative des biens appartement à la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT, et d'avoir été un obstacle dans le développement des projets d'extension de la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT,

que l'attitude de M. MARCADE a conduit à l'éviction de Monsieur TIMSIT des fonctions de président de son conseil d'administration et à la décision prise par ce Conseil d'administration de révoquer, le 28 septembre 2006, le mandat de gestion des biens confié à la société CD GESTION,

que c'est à la suite de cette résiliation, et à titre intérimaire, que la gestion de ses actifs immobiliers a été confiée à la société FINANCIÈRE DU GROUPE BARNEOUD et que c'est à tort que M. MARCADE et la société 2I MA ont alors soutenu qu'un tel mandat faisait courir un risque à la société dans la mesure où la société FINANCIÈRE GROUPE BARNEOUD DEVELOPPEMENT n'avait pas de carte professionnelle de gestion immobilière, puisque la loi du 2 janvier 1970 dite loi HOGUET qu'ils invoquaient n'avait pas vocation à s'appliquer dans la mesure où les biens appartenaient à une seule et même société,

que cependant, et dans un souci d'apaisement, elle avait repris, entre le 1er avril et le 1er juillet 2007, la gestion des biens au moyen de transfert de salariés depuis la société FINANCIÈRE GROUPE BARNEOUD, puis avait ensuite confié cette gestion à la société BARNEOUD GESTION & PATRIMOINE, constituée à cet effet et dotée de l'ensemble des agréments nécessaires et qu'il s'agit là de la première des opérations critiquées par l'intimée,

que les demandes d'information reçues de M. MARCADE ont toutes été satisfaites soit par des réponses à ses courriers, soit par des réponses apportées lors des assemblées générales d'actionnaires,

que dès lors la demande d'expertise qui s'emplace d'ailleurs dans une série de procédures intentées par lui et l'intimée, notamment une demande de désignation d'administrateur judiciaire dont ils ont été déboutés, est infondée,

qu'elle l'est d'autant plus que les conditions de recevabilité d'une telle demande ne sont pas remplies,

qu'en effet, d'une part, une demande d'expertise de gestion ne peut porter sur une analyse de comptes et les factures contestées portées dans les comptes 62300 et 62500, n'ont pas fait l'objet de questions préalables et, d'autre part, il n'est pas établi par la demanderesse à l'expertise, l'existence de présomptions d'irrégularité ou d'atteintes à l'intérêt social d'autant que le coût de la gestion des biens par la société BARNEOUD GESTION & PATRIMOINE est strictement identique à celui de cette gestion quand elle était assurée par CD GESTION et que la révocation du mandat confié à cette société n'a pas été critiquée et a été faite régulièrement,

qu'enfin les affirmations des intimés selon lesquelles la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT aurait géré sans contrepartie des biens pour le compte du groupe BARNEOUD ou engagé des frais pour le compte de cette société sont également infondées, toutes les prestations effectuées pour la société holding lui ayant été facturées ;

Attendu que l'intimée réplique, après avoir repris elle aussi un historique du groupe, qu'en 2004, il avait été convenu entre les deux associés les plus importants de la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT, c'est à dire la société FINANCIÈRE GROUPE BARNEOUD et elle-même que la gestion des biens de BARNEOUD DEVELOPPEMENT et de la société ETABLISSEMENT BARNEOUD, serait confiée à la société CD GESTION, que cette société avait revalorisé le site commercial de PLAN DE CAMPAGNE où se trouvaient ces biens et augmenté le chiffre d'affaires de 30%, mais que malgré cela M. MARCADE a été révoqué de ses fonctions de président du Conseil d'administration de la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT et les deux sociétés propriétaires des biens gérés ont résilié les mandats de gestion sous le faux prétexte d'une mauvaise gestion pour les confier d'abord à la société FINANCIÈRE GROUPE BARNEOUD, qui ne disposait pas d'une carte professionnelle pour ce faire, puis pour reprendre directement cette gestion avant de la confier à la société BARNEOUD GESTION ET PATRIMOINE dont le capital est détenu à 100 % par la société FINANCIÈRE GROUPE BARNEOUD,

que si le dirigeant de la société BARNEOUD GESTION et PATRIMOINE est maintenant titulaire d'une carte professionnelle, il n'en demeure pas moins qu'il n'a pas été répondu à ses questions relatives à l'intérêt économique pour la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT de transférer l'activité de gestion de son patrimoine et de celui de la société ETABLISSEMENT BARNEOUD à la société nouvellement créée à qui elle a aussi transféré, sans contrepartie, les contrats des trois salariés, que les honoraires de gestion auxquels peuvent s'ajouter des honoraires de succès, représentent un coût annuel HT de 374 000 euros, alors que la gestion interne ne représentait qu'un coût de 110 000 euros,

qu'en fait, par le transfert des mandats, l'actionnaire majoritaire n'a nullement permis, contrairement à ce qu'il soutient, une réduction des coûts de gestion, mais s'est approprié la totalité des honoraires de gestion locative et s'est assuré la possibilité de faire gérer gratuitement par la nouvelle société créée des biens appartenant à d'autres sociétés qu'il contrôle,

qu'elle a bien interrogé M. TIMSIT, ès qualités de président du conseil d'administration sur ce transfert, son intérêt pour la société et différentes charges réglées par la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT qui profitent apparemment à plusieurs sociétés du groupe, mais n'a pu obtenir de réponses satisfaisantes,

que c'est donc à bon droit que le premier juge a ordonné l'expertise sollicitée y compris sur l'examen de certaines dépenses qui ne sont pas justifiées par des relations contractuelles entre la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT et la société FINANCIÈRE GROUPE BARNEOUD, la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT supportant aussi de nombreux frais qui ne lui sont pas imputables, tels des dépenses pour les salariés de la société FINANCIÈRE GROUPE BARNEOUD ou les frais de voyage de M. TIMSIT,

que l'objet de l'expertise de gestion est justement d'analyser sur le plan économique et financier l'intérêt ou le non intérêt pour la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT de transférer la gestion locative de ses biens, alors que, jusqu'à ce transfert, elle disposait en interne des ressources suffisantes pour assurer cette gestion,

qu'il est aussi de vérifier si la prise en charge de certains frais était justifiée, nonobstant la faiblesse de ces frais ;

Attendu que c'est à bon droit que le premier juge a considéré que tant l'opération consistant à confier à une société tiers des mandats de gestion de biens immobiliers, que l'engagement de frais de publicité, de relations publiques ou de transports précis dans le cadre d'opérations profitant manifestement à plusieurs sociétés constituaient des opérations de gestion dont l'actionnaire minoritaire était en droit de faire vérifier l'intérêt économique et social pour la société concernée,

qu'il lui appartenait dès lors de s'assurer, d'une part, que ces opérations avaient fait l'objet, comme l'exige l'article L 225-231 du Code de commerce, de questions écrites au président du conseil d'administration et, d'autre part, s'il y avait été répondu ou non à ces questions et si ces éventuelles réponses pouvaient être à juste titre considérées comme non satisfaisantes par l'actionnaire minoritaire,

qu'il a, sur ces points, constaté que les questions préalables avaient bien été posées dans un courrier du 28 février 2008, mais a jugé que ces réponses n'étaient pas de nature à être considérées comme satisfaisantes,

que cette décision est justifiée dans la mesure où, d'une part, l'externalisation de la gestion des biens immobiliers ayant manifestement un coût supérieur à celui de la gestion interne, il apparaît nécessaire de faire examiner l'ensemble de l'opération pour voir si ce coût supérieur peut être justifié, comme le soutient l'appelante, par des prestations de meilleures qualités, et, d'autre part, parce que l'intimée établit que certains frais réglés par la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT bénéficient apparemment aussi à la S.A.S. FINANCIÈRE GROUPE BARNEOUD et à la société ETABLISSEMENTS BARNEOUD, et que le non partage de ces frais au prorata de leur utilité pour chacune de ces sociétés pourrait constituer une atteinte à l'intérêt social de la société BARNEOUD DEVELOPPEMENT,

qu'il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance déférée, et ce nonobstant les conclusions provisoires de l'expertise actuellement en cours puisque le bien fondé de la décision ordonnant l'expertise ne peut reposer que sur les conditions dans lesquelles elle a été ordonnée et pas sur les résultats auxquels elle a abouti ;

Attendu que l'équité ne justifie par en la cause la condamnation du seul M. TIMSIT au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME l'ordonnance entreprise,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile à l'encontre de M. TIMSIT,

CONDAMNE solidairement la S.A. BARNEOUD DEVELOPPEMENT et M. Simon TIMSIT aux dépens et autorise la S.C.P. LIBERAS BUVAT, titulaire d'un office d'avoué à procéder à leur recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.