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Décisions

CA Pau, 1re ch., 25 janvier 2022, n° 20/00644

PAU

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duchac

Conseillers :

Mme Rosa - Schall, Mme De Framond

TGI Mont de Marsan, du 18 déc. 2019, n° …

18 décembre 2019

EXPOSE DU LITIGE

L'EARL LE ROUX, la SARL ERILAND, la SARL JP LAND, la SARL GERLAND, la SCEA SERSUD ainsi que Monsieur Rodolphe C. sont membres du Groupement d'intérêt économique ( GIE ) LANDES DE HAUT immatriculé le 27 décembre 2016 dans lequel Monsieur André J., par ailleurs dirigeant de la SCEA SERSUD, occupe les fonctions d'Administrateur.

La SARL D. PIERRE a effectué, fin 2016, à MORCENX (40), des travaux de nivelage du sol en vue de l'installation du matériel de chauffage et des chariots destinés à l'exploitation de serres agricoles par les membres du GIE.

Un devis, établi par la SARL D. PIERRE à l'attention de M. André J. a été validé et retourné par ce dernier le 26 novembre 2016, pour un montant total de 66.989,28 € TTC. Les travaux ont été réalisés et la SARL D. PIERRE a émis ses factures le 30 décembre 2016.

Les factures ayant été payées partiellement, la SARL D. PIERRE a adressé le 19 mai 2017 à M. André J. une mise en demeure de payer le solde soit la somme de 16.747,68 € restée infructueuse.

Une ordonnance d'injonction de payer a été délivrée par le tribunal de grande instance de MONT-DE-MARSAN le 31 août 2017 à l'encontre de Monsieur André J. et lui a été signifiée le 25 octobre 2017.

Monsieur J. formait opposition le 21 novembre 2017.

Par un jugement en date du 18 décembre 2019, le tribunal de grande instance de MONT-DE-MARSAN a :

- Condamné André J. à payer à la SARL D. PIERRE la somme de 16 747,68 € au titre des factures émises en considération du devis du 26 novembre 2016,

- Débouté la SARL D. PIERRE de sa demande visant à condamner André J. à lui verser la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Débouté André J. de ses demandes,

- Condamné André J. à payer à la SARL D. PIERRE la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamné André J. aux entiers dépens,

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Monsieur J. a relevé appel de ce jugement par déclaration du 27 février 2020.

Dans ses dernières conclusions du 23 novembre 2020, M. J. appelant, demande à la cour de réformer le jugement en date du 18 décembre 2019 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

- Débouter la SARL D. PIERRE de toutes ses demandes,

- Condamner la SARL D. PIERRE à payer à Monsieur André J. la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- La condamner aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions et sur le fondement des articles 1199 du Code civil, L. 251-1 et 251-11 du Code de Commerce relatifs au groupement d'intérêt économique, M. J. fait valoir que c'est en sa qualité d'intermédiaire pour le compte du GIE qu'il a conclu plusieurs contrats d'entreprise avec la SARL D. PIERRE dans le cadre de sa mission de représentation de l'EARL LE ROUX, la SARL ERILAND, la SARL JP LAND, la SARL GERLAND, la SCEA SERSUD et Monsieur C. Rodolphe, constitués en GIE qui dispose de la personnalité morale et doit seul être tenu au paiement des travaux.

En outre, il soutient que la SARL D. PIERRE a mal exécuté ses travaux de nivellement de finition, manquant à son obligation de résultat justifiant le non-paiement du solde des factures, et se devait d'y remédier dès les constatations des désordres en mars 2017 par l'employé de la SARL D. PIERRE. M. J. fait valoir que les malfaçons affectent la solidité de l'ouvrage, entendu au sens large en ce qu'il est impropre à son usage puisque le terrain n'est pas de niveau et la pente ne va cesser de s'accentuer en raison du poids des chariots qui circulent, ce qui met en péril la stabilité du sol et la sécurité des salariés qui y circulent sur des chariots. Il s'oppose donc au règlement du solde des factures sur le fondement des articles 1792 et 1792-6 du code civil relatif à la garantie de parfait achèvement.

Dans ses dernières conclusions du 2 décembre 2020, la SARL D. PIERRE intimée, demande à la cour de :

- Débouter Monsieur André J. de toutes ses demandes,

- En conséquence, confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de MONT DE MARSAN le 18 décembre 2019 en ce qu'il a condamné Monsieur André J. à payer à la SARL D. Pierre la somme de 16.747,68 € au titre du solde des factures émises en considération du devis retourné le 26 novembre 2016,

- Réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de MONT DE MARSAN le 18 décembre 2019 en ce qu'il a débouté la SARL D. PIERRE de sa demande au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- En conséquence, condamner Monsieur André J. à payer à la SARL D. PIERRE la somme de 3.000,00 € pour résistance abusive.

- Condamner Monsieur André J. à payer à la SARL D. PIERRE la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner Monsieur André J. aux entiers dépens

La SARL D. PIERRE fait valoir principalement au visa des articles 1103 et 1104 du code civil que M. J. a signé le devis des travaux sans indiquer intervenir pour le GIE, et qu'il est donc engagé contractuellement, indépendamment des modalités de paiement postérieures aux travaux.

Sur les désordres allégués et contestés, la SARL D. PIERRE soutient qu'elle n'en a été avisée qu'alors que les serres étaient déjà mises en culture et plantées, ne lui permettant plus techniquement d'intervenir en temps utile, et alors que d'autres entreprises étaient intervenues sur le sol particulièrement sablonneux.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 octobre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le contrat de travaux effectués par la SARL D. PIERRE :

En vertu des articles 1103,1104 et 1199 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Ils ne créent d'obligations qu'entre les parties.

Pour justifier du contrat passé avec M. André J., la SARL D. PIERRE produit le devis n°16-063 daté du 6 juin 2016 établi à l'attention de M. André J. pour des travaux de nivelage de finition au laser chiffrés à 66.989,28 € TTC.

Ce devis a été accepté et signé par M. André J. personnellement et renvoyé par mail du 26 novembre 2016 à la SARL D. PIERRE, à partir de la boîte mail de la SCEA J., ce mail donnant ainsi date certaine au contrat.

Or, en vertu de l'article L 251-4 du code de commerce, les personnes qui ont agi au nom d'un groupement d'intérêt économique en formation avant qu'il ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues, solidairement et indéfiniment, des actes ainsi accomplis, à moins que le groupement, après avoir été régulièrement constitué et immatriculé, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par le groupement et dans ce cas les créanciers du groupement ne peuvent poursuivre le paiement des dettes contre un membre qu'après avoir vainement mis en demeure le groupement par acte extrajudiciaire.

Au regard de la date de création du GIE le 3 décembre 2016 et de son immatriculation le 27 décembre 2016, ainsi qu'il ressort de l'extrait d'immatriculation au registre du Commerce et des Sociétés versé au débat par M. J., celui-ci reste tenu personnellement de l'engagement signé par lui le 26 novembre 2016 sans mention du GIE, faute de rapporter la preuve de la reprise de ce contrat de travaux par le groupement d'intérêt économique constitué postérieurement lors de sa création.

Il s'en suit que, même si les factures ont ensuite été émises et adressées aux différents membres du GIE, comme convenu entre M. J. et la SARL D., cette modalité ne remet pas en question l'obligation à la dette de M.J. à l'égard de celle-ci.

Sur la garantie d'achèvement des travaux par la SARL D. :

Il est établi que les travaux de nivellement, commandés le 26 novembre 2016, confiés à la SARL D. ont été achevés le 30 décembre 2016 et le terrain nivelé a été mis en culture au printemps 2017.

Pour s'opposer au paiement du solde des factures réclamé par la SARL D. par relances des 6 mars, 4 avril et 18 mai 2017, M. J. indique pour la 1ère fois dans un courrier du 1er juin 2017, que la SARL D. n'a pas effectué correctement ses travaux, raison pour laquelle les 2/3 seulement du montant du devis initial seraient payés.

En refusant de payer le solde des travaux, M. J. manifestait ainsi son refus de procéder à une réception des travaux, or, les garanties prévues aux articles 1792 et 1792-6 du code civil ne peuvent être mises en œuvre qu'après réception des travaux, avec ou sans réserve. Ces fondements ne peuvent donc prospérer.

Pour s'opposer au paiement du solde des travaux en se fondant sur la responsabilité contractuelle de la SARL D. prévue à l'article 1217 du code civil , M. J. doit rapporter la preuve que les désordres ou malfaçons constatés sont imputables à l'entreprise. Il s'appuie sur deux constats d'huissier des 9 mai 2018 et 19 décembre 2018 constatant des dénivellations de plus de 4 % sous les rails soutenant les chariots, des tumulus importants entre les poteaux avec des différences de niveaux de 5 à 7 cm par endroits.

Mais ces constats ont été dressés près de deux ans après les travaux réalisés par la SARL D., alors qu'il n'est pas contesté que d'autres entreprises sont intervenues sur les lieux, que des cultures ont été effectuées et récoltées avec maniement d'engins sur les sols sablonneux, objets du nivellement.

M. J. ne démontre donc pas que les différences de niveau et l'irrégularité du sol, effectivement constatées en 2018 deux ans après l'intervention de la SARL D. soient imputables à une mauvaise exécution des travaux de nivellement effectués par celle-ci en décembre 2016.

Il convient donc de confirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné M. J. au paiement du solde des factures.

Sur la demande de la SARL D. en dommages- intérêts pour résistance abusive :

En application de l'article 1231-6 du code civil, les dommages- intérêts dus à l'occasion du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Le créancier auquel son débiteur a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

Faute pour la SARL D. de démontrer un préjudice distinct non suffisamment réparé par les intérêts de retard, cette demande sera rejetée.

De même, le jugement sera confirmé sur les dépens, mais réformé sur l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile portée à 2500 € à la charge de M. J., outre les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

•            Confirme le jugement rendu le 18 décembre 2019 en toutes ses dispositions sauf celle relative à l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

•            Statuant à nouveau et y ajoutant ;

•            Condamne M. André J. à payer à la SARL D. la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

•            Rejette la demande de M. J. au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

•            Condamne M. André J. aux entiers dépens de première instance et d'appel.